L’article 25 est loin d'être anodin : il mobilise plus de 1 milliard d’euros, à raison de 110 millions d'euros par an pendant dix ans, visant à financer un centre de stockage de déchets nucléaires dans la Meuse.
Vous comprendrez, mes chers collègues, qu'il y a de quoi être sceptique face à un système incapable de trouver la moindre solution pour gérer les conséquences d'une technologie quatre décennies après sa mise au point, en l'espèce les rebuts que sont les déchets nucléaires. Cette filière ne sait que faire des déchets qu'elle produit. Il faudrait donc trouver un endroit où les stocker, le plus profondément possible afin que tout le monde les oublie et qu'on cesse d'en parler…
Aujourd'hui, que constate-t-on ? Nous sommes à moins d'un an du vote d'une loi sur la transition énergétique, qui, comme chacun peut facilement le comprendre, aura des conséquences sur la production nucléaire. Nous sommes en train de mener un débat public. Il n'est pas terminé, nous n’en avons donc pas encore les résultats.
L'Autorité de sûreté nucléaire, quant à elle, dit ne pas savoir quelle quantité de déchets sera stockée dans le futur site d'enfouissement, ses estimations variant du simple au double. La Cour des comptes considère que le coût officiel de l'enfouissement, estimé à 15 milliards d'euros, est probablement sous-évalué de 20 milliards d’euros, soit plus de la moitié.
Enfin, l'Assemblée nationale sera prochainement appelée à se prononcer sur la création d’une commission d'enquête sur les coûts de la filière nucléaire.
Ainsi, de nombreuses incertitudes demeurent. L'Autorité de sûreté nucléaire n'a toujours pas donné son avis, pour des raisons évidentes, sur la sûreté du site, et le Parlement ne s'est toujours pas prononcé sur la réversibilité du choix, car la loi ne sera pas votée avant 2015. Dépenser d'ores et déjà 110 millions d'euros uniquement pour des travaux préparatoires nous paraît donc singulier. Quelle précipitation, alors que le projet a le siècle pour horizon ! Quelle précipitation à prendre des décisions avant même les échéances censées les éclairer !
Nous en concluons qu’il est trop tôt pour prendre des décisions. Certes, le Parlement et le Gouvernement pourraient décider de ne rien changer à la politique énergétique de la France, continuer à produire la même quantité de déchets nucléaires, maintenir le retraitement des déchets et poursuivre la production de MOX, toutes options qui pour l'heure ne sont pas sur la table, ou encore renier la promesse présidentielle de réduire la part du nucléaire à 50 %. Mais, je n'en doute pas, tel ne sera pas le cas : les engagements présidentiels seront tenus, ce qui modifiera significativement l'ampleur du projet Cigéo.
Nous devons donc attendre la fin du débat public et la formulation de ses conclusions. Nous devons aussi attendre que le Gouvernement prenne position sur le projet, que l'Autorité de sûreté nucléaire se prononce sur sa sécurité, que l'inventaire des déchets et donc les coûts soient à peu près stabilisés avant d'en arrêter les modalités de financement. Il nous semble plus logique de choisir un projet avant d'en décider le financement plutôt que le financer sans l'avoir arrêté. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons d'adopter un amendement de suppression de l'article 25, quitte à y revenir dans le cadre de la loi de finances l'année prochaine, lorsque nous en saurons plus sur le projet.