Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 17 décembre 2013 à 9h45
Questions orales — Adoption d'enfants originaires d'haïti

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Le dossier est extrêmement sensible et à forte charge émotionnelle, comme le sont tous les contentieux impliquant des enfants.

Concernant votre observation relative à une différence de traitement selon les juridictions, la direction des affaires civiles et du sceau, interrogée par mes soins, n’a pas eu connaissance de remontées du terrain faisant état d’une diversité des jugements, et je ne dispose donc pas d’éléments précis sur ce point. Si vous en avez, je vous remercie par avance de bien vouloir me les communiquer, car nous sommes nous aussi très soucieux de l’unité des jugements, comme en témoigne le travail que nous avons engagé pour rapprocher les jurisprudences à tous les niveaux.

En ce qui concerne l’adoption d’enfants haïtiens par des familles françaises, un accord avait été conclu, après le séisme, entre l’ambassade de France et le Premier ministre de la République d’Haïti afin de faciliter la procédure pour 300 enfants en cours d’adoption. Une circulaire avait été prise sur cette base, mais, en 2009, le commissaire au Gouvernement d’Haïti a considéré que les conditions de transformation d’une adoption simple en adoption plénière n’étaient pas conformes au décret de 1974. Il a alors été précisé, dans la circulaire, que les adoptions devraient être légalisées. Il n’existe pas de convention bilatérale entre Haïti et la France qui aurait permis de se dispenser de cette formalité. La République d’Haïti n’avait pas, alors, ratifié la convention de La Haye. Elle l’a fait récemment, et une loi adoptée en août 2013, dont nous attendons la promulgation, en tire les conséquences. Cela facilitera les choses.

Pour l’heure, l’adoption simple permet déjà la prise en charge des enfants et l’autorité parentale exclusive, ainsi que l’attribution du nom et l’engagement des démarches en matière de déclaration de nationalité française. À leur majorité, les enfants adoptés pourront faire le choix d’une adoption plénière. Néanmoins, il est exact que, dans l’attente que la promulgation de la loi produise ses effets, la situation actuelle pose question. Je la sais douloureuse pour les familles françaises : elles n’ont pas compris la position de la République d’Haïti, que nous sommes cependant tenus de respecter, comme l’ont confirmé la Cour de cassation et le Conseil d’État, saisi pour abus de pouvoir. Nous sommes également obligés de respecter les effets qui découleront de la ratification par Haïti de la convention de La Haye.

Nous allons étudier avec la République d’Haïti la possibilité de trouver une solution sécurisante pour les familles et les enfants, concernant toutes les adoptions antérieures à l’entrée en vigueur de la loi d’août 2013.

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