mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui a été déposé sur le bureau du Sénat le 10 avril dernier.
Ce texte, il faut le rappeler, est le premier volet d’une réforme de l’organisation territoriale de la République décentralisée qui trouvera sa cohérence pleine et entière avec les deux autres projets de loi déposés par le Gouvernement de manière concomitante.
Au fil de la navette parlementaire, il s’est enrichi de nombreuses dispositions nouvelles : le texte initial du Gouvernement comportait 55 articles. Finalement, lors des quatre lectures, pas moins de 116 articles auront été soumis à l’examen des deux assemblées.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions – fort nombreuses – du présent projet de loi. Si vous le permettez, je vais concentrer mon propos sur les principales conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 17 décembre dernier, tout en revenant sur les apports des deux assemblées au cours de la navette.
Lors de la commission mixte paritaire, nouspoints qui restaient en discussion.
Je rappelle que le projet de loi comporte deux volets
Sans originalité, je commencerai par le premier volet, objet du titre Ier.
La commission mixte paritaire a permis de dégager des consensus sur les deux principaux sujets sur lesquels des divergences perduraient, à savoir les chefs de filat pour le bloc communal et la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP.
Pour ce qui concerne les chefs de file, je rappelle que le rétablissement de la clause de compétence générale des départements et des régions prévu à l’article 2 du présent projet de loi s’accompagne de la reconnaissance, pour certaines compétences, d’un chef de file, conformément au cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution qui dispose que « lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »
Quant aux chefs de file prévus à l’article 3, notre principale divergence avec l’Assemblée nationale portait sur le bloc communal. Rappelons que le projet de loi initial prévoyait que le bloc communal était chef de file en matière de qualité de l’air et de mobilité durable, ce qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, pouvait sembler très limitatif.
En première comme en deuxième lecture, nous avions souhaité que le bloc communal soit compétent pour définir les orientations en matière d’aménagement de l’espace, d’accès aux services publics de proximité et de développement local, tout en conservant la mobilité durable, maintenue par l’Assemblée nationale. En deuxième lecture, l’Assemblée nationale avait seulement conservé le chef de filat en matière de mobilité durable et dans le domaine des services publics de proximité en donnant à ce dernier la dénomination « rationalisation des points d’accès aux services publics de proximité ».
En commission mixte paritaire, nous avons défendu la position constante du Sénat sur le chef de filat du bloc communal. Ces propositions sénatoriales sont totalement en phase avec la position adoptée par le Sénat dans le cadre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « projet de loi ALUR », concernant le plan local d’urbanisme intercommunal et la minorité de blocage possible.
La commission mixte paritaire a finalement retenu la proposition du Sénat, tout en précisant, sur l’initiative du député Olivier Dussopt, la notion d’organisation des services publics de proximité.
J’en viens à la question de la CTAP prévue à l’article 4. Il convient de souligner qu’en deuxième lecture l’Assemblée nationale avait déjà largement pris en compte les préoccupations du Sénat qui l’avaient conduit à préférer un dispositif allégé. En effet, la Haute Assemblée s’était opposée, de manière constante, à tout dispositif de curatelle.
In fine, l’Assemblée nationale a simplifié la CTAP et supprimé tout dispositif de sanction à l’encontre des collectivités territoriales récalcitrantes, d'ailleurs contraire au principe constitutionnel de libre administration.
Prenant acte de cette écoute bienveillante, la commission mixte paritaire a adopté la rédaction de l’Assemblée nationale, qui prévoit une présidence de la CTAP revenant de droit au président du conseil régional, une composition allégée par rapport à la version du Sénat et un mécanisme d’incitation pour que les collectivités s’inscrivent dans le système des conventions territoriales d’exercice concerté des compétences.
De manière que l’incitation gomme tout effet de sanction, nous avons obtenu, en commission mixte paritaire, que la participation minimale du maître d’ouvrage soit portée à 30 %, au lieu de 40% dans la version de l’Assemblée nationale.
J’en viens au titre II du projet de loi concernant l’affirmation des métropoles.
La reconnaissance du fait métropolitain constitue une avancée majeure de ce texte avec, d’une part, la création de trois métropoles à statut particulier – Paris, Lyon et Marseille – et, d’autre part, la rénovation du régime des métropoles de droit commun.
L’Assemblée nationale ayant adopté conforme, dès la première lecture, le volet relatif à la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, la commission mixte paritaire s’est attachée à examiner principalement les dispositions relatives à la métropole du Grand Paris et aux métropoles de droit commun.
Après avoir laissé une page blanche sur Paris à l’issue de la première lecture, le Sénat est parvenu, en deuxième lecture, à un texte reprenant le principe adopté par l’Assemblée nationale de création d’un établissement public de coopération intercommunale – EPCI – à fiscalité propre pour la métropole du Grand Paris, dispositif propice à créer une métropole intégrée.
Néanmoins, lors de ses débats en deuxième lecture, le Sénat s’était attaché à clarifier le dispositif et à renforcer le principe de subsidiarité des compétences entre la métropole du Grand Paris et les territoires qui la composent.
L’Assemblée nationale a cependant souhaité, en deuxième lecture, revenir à un texte proche de sa première version.
La principale divergence portait ainsi sur la répartition des compétences non métropolitaines entre la métropole et ses communes membres.
Le Sénat avait prévu la dissolution des EPCI existants, afin d’inciter à un examen de leurs compétences de manière à déterminer, d’une part, les compétences qui pourraient être transférées à la métropole en plus de celles qui l’étaient de par la loi, et, d’autre part, celles pour lesquelles devrait être privilégié un exercice au plus proche des citoyens.
Il a ainsi instauré la possibilité pour les communes de s’associer pour continuer d’exercer en commun ces dernières compétences, à l’échelon des territoires. L’idée, comme cela a été souligné en séance publique, était de privilégier une répartition des compétences du bas vers le haut afin d’éviter un effet de « yoyo ».
L’Assemblée nationale a préféré revenir à un système de fusion-absorption des EPCI existants au sein de la métropole. Les compétences non métropolitaines de ceux-ci sont transférées à la métropole et exercées par les conseils de territoire durant un délai de deux ans. À l’expiration de ce délai, si elles n’ont pas été restituées aux communes, elles le seront de droit, sauf délibération contraire du conseil de la métropole.
Il convient de souligner que l’Assemblée nationale a poursuivi la réflexion engagée par le Sénat sur l’autonomie de gestion des conseils de territoire. D’une part, les députés ont permis aux communes d’un même territoire d’exercer en commun les compétences restituées selon différentes modalités que nous avions nous-mêmes envisagées : la convention, l’entente, le syndicat. D’autre part, ils ont permis que puissent être étudiées la répartition et la prise en charge des financements correspondant à ces compétences au travers d’un pacte fiscal et financier entre la métropole et les territoires.
Après de longs et riches débats, la commission mixte paritaire a adopté le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale à quelques précisions près.
Notons que, sur l’initiative du Sénat, le texte intègre désormais – ce qui n’est pas neutre – des dispositions relatives aux personnels, l’article 12 bis précisant même les conditions de transfert des personnels de la ville de Paris à la métropole du Grand Paris.
De plus, nous avons supprimé l’article 14 du projet de loi qui prévoyait le principe d’un fonds de solidarité pour les départements d’Île-de-France, par cohérence avec l’article 73 bis du projet de loi de finances pour 2014, qui crée ce fonds.
Enfin, l’article 10 permettra de concrétiser en grande couronne l’avènement d’EPCI de taille suffisamment importante – 200 000 habitants –, à même de dialoguer avec la métropole de Paris, tout en reconnaissant – c’était un point fort de la position du Sénat – un pouvoir de dérogation afin de permettre une adaptation des périmètres au contexte local.
Pour ce qui concerne les métropoles de droit commun, les deux assemblées s’opposaient sur deux points importants : d’une part, les modalités de création des métropoles ; d’autre part, l’évolution des modalités d’élection des conseillers métropolitains. Il est important de souligner que, sur ces deux points, un compromis rapprochant les positions des deux assemblées a pu être trouvé en commission mixte paritaire.
Tout d’abord, sur les modalités de création des métropoles, par deux fois, en première et en deuxième lecture, le Sénat avait rejeté le principe de l’automaticité de l’accès au statut de métropole, comme l’avait proposé initialement le Gouvernement. La Haute Assemblée avait préféré s’en tenir – puisqu’il s’agissait de métropoles de droit commun – à une démarche volontaire des communes, comme le prévoit d'ailleurs le droit commun de l’intercommunalité.
Au cours de la commission mixte paritaire, les discussions ont permis d’adopter une solution de compromis.
Seront transformés automatiquement en métropoles au 1er janvier 2015 les EPCI à fiscalité propre de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de 650 000 habitants. Mes chers collègues, ce double seuil est celui qui avait été retenu par le Sénat dès la première lecture. En dehors de Paris, Lyon et Aix-Marseille-Provence, ce sont neuf métropoles qui devraient être créées automatiquement sur l’ensemble du territoire, dont les communautés urbaines « historiques ».
En revanche, les EPCI à fiscalité propre de plus de 400 000 habitants dans le périmètre desquels se trouvent le chef-lieu de région, d’une part, et les EPCI centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants exerçant déjà les compétences d’une métropole, d’autre part, devront entreprendre une démarche volontaire pour accéder au statut métropolitain.
Quant à l’évolution des modalités d’élection des conseillers métropolitains, l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture le principe de l’élection d’une partie des membres du conseil de la métropole dans le cadre d’un scrutin autonome.
Le Sénat avait supprimé cette disposition, partant d’un raisonnement simple, bien résumé par Alain Richard : le Sénat est favorable au suffrage universel direct communal. C’est la raison pour laquelle la Haute Assemblée a été à l’initiative d’une novation majeure : le dispositif de fléchage des délégués communautaires qui figure dans la loi du 17 mai 2013.
Par conséquent, avant d’anticiper toute évolution nouvelle des modes de scrutins des conseillers intercommunaux, il est nécessaire de tirer les enseignements de ce nouveau dispositif de fléchage. Ainsi, notre collègue Michel Delebarre a fait adopter en première lecture un amendement tendant à obtenir la présentation par le Gouvernement d’un bilan du déroulement de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires dans les six mois qui suivent les élections du mois de mars 2014. C’est l’objet de l’article 32 bis du présent projet de loi.
Le texte élaboré par la commission mixte paritaire tient compte des préoccupations exprimées par les sénateurs. J’en remercie tout spécialement le rapporteur de l’Assemblée nationale, Olivier Dussopt. Un nouveau projet de loi électorale sera examiné avant le 1er janvier 2017, dans la perspective des élections de 2020.
Dans l’intervalle, et au vu du rapport sur le déroulement de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires du mois de mars 2014, le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 30 juin 2015, un rapport détaillant les solutions envisageables et présentant leurs avantages et inconvénients, ainsi que les conséquences de l’élection des conseillers métropolitains dans le cadre de circonscriptions métropolitaines.
Sur la métropole de Lyon, le débat a été toujours consensuel entre les deux assemblées. La commission mixte paritaire a reporté à 2020 l’application de la parité pour l’élection des vice-présidents de la métropole. Pour le reste, elle a procédé à quelques ajustements sur les compétences de la métropole qui ne méritent pas de retenir particulièrement notre attention.
Notons simplement que les modalités d’approbation du plan local d’urbanisme par la métropole de Lyon ont été harmonisées avec celles des autres métropoles, la commission mixte paritaire ayant retenu à cette fin la majorité simple des suffrages exprimés.
Le Sénat est à l’origine de trois avancées majeures relatives au stationnement, à la prévention des inondations – il s’agit dans ce cas non pas d’un transfert de charges ou de compétences, mais de la création d’une compétence nouvelle, qui articule les compétences existantes, et de l’institution d’une taxe facultative – et, surtout, au pôle d’équilibre territorial et rural.
Je tiens à le souligner, ces apports du Sénat ont non seulement été acceptés par nos collègues de l’Assemblée nationale, mais également enrichis au cours de la navette parlementaire.