Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 19 décembre 2013 à 9h30
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

C’est parce que la Constitution fait du Sénat de la République le représentant des collectivités territoriales que notre voix, nourrie de la diversité de nos opinions, doit prendre une portée particulière quand il est question des collectivités. C’est d’ailleurs ce qui justifie que l’article 39 de la Constitution confère au Sénat la priorité pour l'examen des projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales.

C’est aussi parce que la Constitution fait du Sénat de la République une chambre législative à part entière que ce que nous décidons collectivement fait partie intégrante du processus législatif et ne saurait être passé par pertes et profits.

Mesdames les ministres, le Sénat n’a pas à se justifier de jouer sa propre partition et de faire entendre une voix différente parmi les institutions, sous réserve, bien sûr, du respect de l’attribution des compétences qu’opère la Constitution.

Dans ces conditions, vous avez compris le sens du combat d’une grande partie de nos collègues, et en particulier des membres de mon groupe, lorsqu’il s’est agi de s’opposer à la création du Haut Conseil des territoires. Je le répète, nous n'aurions pas voté ce texte s'il avait inclus ce projet. Mesdames les ministres, je le dis très clairement : si cette instance venait à réapparaître sournoisement, sous une autre forme, nous saurions voter contre tout texte l'incluant.

Que n’avons-nous pas entendu à ce propos ! Il s'agissait du combat d’arrière-garde d’un Sénat conservateur qui refusait toute modernisation des institutions – comme si la plupart des pays européens changeaient constamment leurs institutions et leur Parlement...

Avouez que nous avions des raisons de nous inquiéter de l’avenir de notre institution, alors que certains la qualifiaient, au début de ce siècle, d’« anomalie », ou que d’autres en proposaient la fusion pure et simple avec le Conseil économique, social et environnemental !

Pour notre part, notre position était connue, n’en déplaise à ceux, parmi les députés, pour qui l'avis du Sénat ne compte guère : nous avons refusé et refuserons encore et toujours la création de ce Haut Conseil des territoires, organisme destiné à être présidé par le Premier ministre et appelé à être consulté sur la politique du Gouvernement à l’égard des collectivités territoriales, sur la programmation pluriannuelle des finances publiques, sur les projets de réforme concernant l’exercice des politiques conduites par les collectivités territoriales ou sur tout projet de loi relatif à l’organisation et aux compétences des collectivités.

Et ce même conseil aurait été compétent pour faire des propositions de réforme concernant l'exercice des politiques publiques conduites pas les collectivités territoriales.

Mesdames les ministres, heureusement que nous étions là, car, sinon, je vous aurais souhaité bon courage pour supporter, au fil de chaque projet, les avis contradictoires des différentes associations d'élus !

En d’autres termes, sous couvert de créer une instance consultative, le « cœur nucléaire » du Sénat aurait été vidé de sa substance, car nous sommes encore – et, nous le souhaitons, pour longtemps ! – l’émanation directe des collectivités.

Nous acceptons les propositions de réforme, mais à la condition expresse et loyale que cette volonté soit clairement exprimée et qu’elle respecte les procédures tracées par la Constitution, notamment en son article 89. Le Sénat ne saurait être enfermé dans une spécialisation confinée aux collectivités, mais il ne saurait davantage en être subrepticement dépossédé par une novation inacceptable.

Pourtant, telle aurait été la situation. Quelle aurait été alors notre latitude d’action, à nous, Haute Assemblée, devant un projet de loi sur lequel le Haut Conseil des territoires, censé prétendument représenté les élus, aurait rendu un avis positif ? Nous voyons bien ce qu’auraient été les conséquences…

Cela n’aurait pas été raisonnable et aurait contribué à affaiblir le Sénat, ce dont rêvent toujours certains contempteurs de la liberté de ton et de vote qui ne jurent que par le scrutin proportionnel.

C’est la raison pour laquelle les membres de mon groupe se sont battus contre ce « Haut Conseil », qui n’avait de haut que le nom ! Nous sommes fiers d’avoir été à l’initiative de sa suppression lors de la deuxième lecture devant notre Haute Assemblée. Nous sommes fiers de continuer à défendre la spécificité sénatoriale dans le bicamérisme que prévoit la Constitution de la Cinquième République.

Nous tenons au demeurant à remercier le Premier ministre de la position qu’il a adoptée in fine en tenant l’engagement qu’il avait pris de ne pas entamer un nouveau bras de fer avec le Sénat en respectant son choix, cela en dépit des velléités omnipotentes de certains de nos collègues députés.

Je l'ai dit : soyez assurés que nous veillerons à ce que ne revienne pas par le soupirail ce que nous avons fait sortir par la porte !

Cela étant dit, la CMP a été amenée à opérer un subtil travail d’équilibre entre les positions parfois divergentes de nos deux assemblées. Elle y a globalement parvenue ce qui, reconnaissons-le, est devenu assez exceptionnel ces derniers temps.

Les sujets d’opposition n’étaient pourtant pas des moindres, à commencer par les fameuses conférences territoriales de l’action publique.

Nous avions apporté notre soutien à la commission des lois, dont la position consistait à laisser un maximum de souplesse aux collectivités pour organiser ces conférences. En effet, plus la procédure se compliquera avec des cadres stricts, moins cela fonctionnera. Il faut laisser aux représentants des collectivités le soin de se concerter sans tutelle d’une collectivité sur une autre.

Nous regrettons que la commission mixte paritaire ait arrêté une position à mi-chemin, en donnant aux présidents de région la présidence de ces instances. Toutefois, nous sommes plutôt satisfaits que ces conférences n’aient pas été transformées en instances décisionnelles, comme pouvait le souhaiter initialement le Gouvernement.

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