Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 8 janvier 2014 à 14h30
Débat sur la politique du gouvernement en matière d'égalité du territoire

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Sans prétendre à l’exhaustivité, je souhaite tout d’abord, à l’aide de quelques exemples, vous faire la démonstration de cet engagement du Gouvernement pour l’égalité des territoires.

Vous avez été plusieurs à le souligner, l’égalité passe d’abord par une répartition plus juste et plus solidaire des dotations aux collectivités. C’est pourquoi, depuis 2012, a été engagé un accroissement progressif de la péréquation. Dans cette période contrainte pour les finances publiques de l’État et des collectivités, il ne faut pas que la péréquation soit la variable d’ajustement. Le Gouvernement a bien compris que l’exigence de solidarité nous oblige encore plus en ce moment.

Aussi le projet de loi de finances pour 2014 prévoit-il de sécuriser le financement des trois allocations de solidarité en rétrocédant aux départements des frais de gestion de la fiscalité locale.

Par ailleurs, un fonds de solidarité doté de 570 millions d’euros sera créé pour alimenter les départements qui ont le plus fort reste-à-charge et dont le potentiel fiscal est le plus faible, tandis que la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale augmenteront de 4 % en 2014.

Ainsi que l’ont annoncé Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier, un travail est envisagé pour faire évoluer la dotation globale de fonctionnement afin de mieux l’adapter à la réalité des territoires et de leurs besoins. C’est un travail lourd, mais essentiel et, à mon sens, il répond pour partie à la demande de M. Le Cam de voir approfondir cette question.

Cela étant, lorsqu’on s’attelle au sujet de la solidarité ou à la réparation des inégalités territoriales, on ne peut se dispenser d’évoquer la présence médicale et l’accès aux soins. §À cet égard, le Gouvernement est tout à fait déterminé. Madame Bataille, vous aviez longuement abordé cette question lors du débat du 18 novembre dernier. Je vous l’avais alors rappelé, et je le répète aujourd’hui, mon ministère a contribué au renforcement de la présence médicale dans les territoires en déficit en subventionnant des maisons de santé pluridisciplinaires.

Constatant le nombre important de projets en germe, j’ai d’ailleurs souhaité, en 2013, que 50 maisons supplémentaires soient accompagnées financièrement en mobilisant le fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Le nombre total de ces équipements financés par l’État sera ainsi porté à 300 sur trois ans, de manière que le maillage de notre territoire en maisons de santé soit particulièrement dense. Cette action est évidemment menée en parfaite complémentarité avec le pacte territoire-santé soutenu par Marisol Touraine.

Au-delà de la solidarité et de la réparation, la mise en capacité des territoires passe par leur connexion les uns aux autres. En d’autres termes, il faut traiter les liens autant que les lieux : j’emprunte ces mots très justes à la résolution pour la promotion d’une politique d’égalité des territoires, adoptée par l’Assemblée nationale le 17 décembre dernier. À mon sens, cet impératif est l’une des clefs du développement.

À cet égard, au-delà des infrastructures de transports, qui sont très importantes en la matière, j’insisterai sur un chantier majeur : celui du très haut débit.

Pour ne pas éluder la question des transports, et pour ne pas paraître ignorer les remarques de M. Mézard, je rappelle que, le 4 décembre dernier, le Premier ministre a fait cette mise au point : la taxe poids lourds est nécessaire, notamment, comme chacun sait, pour alimenter l’agence de financement des infrastructures de transport, l’AFIT. Le système adopté par l’ensemble des parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, était fondé sur une contribution du transport routier destinée à financer l’ensemble des infrastructures de transports, et en particulier les réseaux secondaires. J’ai entendu les inquiétudes de la fédération nationale des associations d’usagers des transports, la FNAUT, quant aux risques pesant sur un certain nombre de petites lignes fragiles et souffrant de sous-investissement.

Monsieur Mézard, vous l’avez constaté, lors de la présentation du programme d’investissements d’avenir, Jean-Marc Ayrault a insisté sur la nécessaire rénovation du réseau ferré secondaire de notre pays. Au-delà des investissements dans le transport à grande vitesse, ces chantiers sont indispensables pour maintenir la desserte d’un certain nombre de territoires.

En outre, le Premier ministre l’a clairement dit : sur un tel sujet d’intérêt national, il souhaite que les parties ayant voté cette disposition puissent aboutir à un consensus. Mon collègue Pierre Moscovici l’a rappelé au nom du Gouvernement, et je l’affirme à mon tour : la taxation des poids lourds est suspendue, afin de permettre d’analyser les termes du contrat actuel et d’améliorer son fonctionnement. L’objectif du Gouvernement est bien de retrouver un équilibre, en prévenant tout risque d’amputation des financements des infrastructures de transports, notamment de l’affectation du produit de la taxe à l’AFIT. Nous sommes tous, j’en suis certaine, convaincus de cette nécessité.

J’en viens au plan « France très haut débit », annoncé par le Premier ministre au premier trimestre de 2013.

Madame Bataille, en dix ans, ce sont 20 milliards d’euros de financements publics et privés qui seront mobilisés pour atteindre l’objectif de couverture de l’ensemble le territoire. Pour commencer, 4, 7 milliards d’euros de crédits publics seront investis d’ici à 2017.

Les projets se multiplient aux guichets de financement : depuis l’annonce de ce plan, deux à trois projets, représentant plusieurs dizaines de millions d’euros chacun, sont déposés et examinés chaque mois !

Contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là, ce plan ne néglige pas les territoires ruraux et montagnards. Je ne fais pas abstraction des difficultés relatives aux zones blanches, et, j’en conviens tout à fait, traiter la question de l’accès au très haut débit ne dispense en rien de résoudre des difficultés qui persistent concernant la couverture en téléphonie mobile. Les opérateurs sont conscients de ces problèmes, et tous les acteurs sont mobilisés pour les résoudre. Ils ne concernent plus de vastes zones blanches, mais se cantonnent dans des sites particuliers, qui restent mal couverts par la téléphonie mobile.

Je tiens à rappeler à cette tribune les modalités de soutien de l’État en la matière, qui sont largement réorientées pour accentuer l’effort de péréquation vers les territoires ruraux. De fait, les taux de subvention sont fortement majorés dans ces espaces, afin de tenir compte des spécificités géographiques et des contraintes naturelles.

Pour ma part, j’ai tenu à engager des travaux relatifs au développement des usages et des services numériques. L’État doit être en mesure de présenter une vision stratégique sur ce sujet. C’est là que se situe la valeur ajoutée pour les territoires. Les initiatives, d’ailleurs, existent déjà. Il faut savoir les encourager, les valoriser et les accompagner. En 2014, je souhaite pouvoir concrétiser l’action de l’État en la matière.

« Traiter les liens », c’est aussi encourager la coopération au sein des territoires. Il s’agit là d’un axe central du changement de paradigme de l’aménagement du territoire que j’ai évoqué en préambule. Dans cette perspective, j’ai décidé de soutenir les pôles territoriaux de coopération économique. Quelque 2 millions d’euros du budget de la DATAR y seront consacrés dès 2014. Ces pôles, mis en œuvre avec Benoît Hamon, ministre de l’économie sociale et solidaire, et François Lamy – dans la mesure où ils concernent également les territoires spécifiques de la politique de la ville – constituent de réels projets de coopération entre les entreprises de l’économie sociale et solidaire, d’une part, et les entreprises au sens classique, les structures de formation et les associations, d'autre part.

Cette coopération permet de proposer de nouveaux services et de répondre à des besoins sociaux, en partant du principe que la concurrence n’est pas le seul levier pour créer des dynamiques de développement. Des initiatives existent déjà, et il est de la responsabilité de l’État de les soutenir !

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces exemples pourront, je l’espère, vous convaincre de mon engagement et de celui du Gouvernement tout entier en matière territoriale.

Cette implication trouvera une traduction administrative et opérationnelle. Je remercie M. Camani d’avoir cité la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, prévue pour le début de cette année. Conçue pour être le fer de lance de cette ambition, cette instance est essentielle.

Je le souligne, il ne s’agit pas de la simple transformation du nom d’une organisation, mais bien d’une création : celle de la charnière indispensable de la relation renouvelée entre l’État et les collectivités. Il ne s’agira pas d’un outil de planification centralisée. Ce temps est bel et bien révolu. Le CGET sera le garant de la continuité territoriale. Il sera le catalyseur des initiatives locales. Je veux qu’il soit l’instrument d’une relation essentiellement ascendante, des territoires vers l’État, car c’est ainsi que nous pourrons répondre aux attentes et aux besoins spécifiques de chacun, toujours animés par ce souci d’égalité qui est le socle du modèle républicain.

Monsieur Lenoir, vous avez raison de souligner l’importance de la contractualisation : sur ce point, je tiens à évoquer les nouveaux contrats de projets État-région, les CPER, qui sont en cours d’élaboration et qui comptent au nombre des échéances importantes de l’année 2014. Dans ce domaine également, nous faisons bien sûr confiance aux régions comme à l’ensemble des collectivités pour proposer des projets stratégiques majeurs en cohérence avec les grands axes de la politique nationale.

Ces contrats contiennent des novations dont, personnellement, je me réjouis. Ils font la part belle à la transition énergétique et écologique, qui fait désormais l’objet d’un chapitre spécifique dans ces contrats. C’est, je le répète, l’un des axes stratégiques en la matière.

Par ailleurs, les CPER comportent désormais un volet territorial obligatoire. C’est à mon sens une mesure essentielle, qui traduit la volonté forte du Gouvernement d’apporter une réponse aux inégalités infrarégionales, dont on sait qu’elles se sont renforcées au cours des dernières années.

Enfin, ces nouveaux contrats devront tenir compte d’une demande qui se fait de plus en plus prégnante : il s’agit de la volonté de nos concitoyens de prendre part plus directement et plus fortement à l’élaboration des politiques publiques et des projets. Mme Benbassa l’a rappelé, et je l’affirme à mon tour : cette volonté est légitime. Nous aurions bien tort de nous en effrayer. C’est au contraire un moyen formidable de renouer une relation de confiance entre les citoyens et la politique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion