Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 8 janvier 2014 à 14h30
Débat sur la politique étrangère de la france

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, comme nombre d’orateurs ici, je souhaiterais vous entretenir de l’Afrique, plus précisément de ses pays pauvres, plus précisément encore de l’aide au développement, ce que ni mon collègue Christian Cambon ni moi-même n’avons pu faire en raison de l’interruption prématurée de la discussion budgétaire.

Plutôt que de regarder l’évolution de telle ou telle mission d’une année sur l’autre, je me pose la question suivante : tout cet argent, pour quoi faire ? Tel est le fond du problème.

Ma première remarque sera pour dire que, malgré tous les satisfecit que nous avons pu donner aux évolutions positives depuis deux ans – nous ne les renions pas –, je regrette, comme d’autres ici, que la nouvelle politique définie en 2013 ne tienne en quelque sorte aucun compte de ce qui s’est passé au Mali et continue la mise en œuvre routinière – je parle de l’aide publique au développement et non des interventions militaires qui appellent d’autres financements –, comme si de rien n’était.

La France ne peut se contenter d’être l’intervenant militaire, le gendarme, sans être aussi l’un des acteurs de ce qui peut lui éviter d’être obligée de relancer une opération militaire de grande ampleur. C’est notre intérêt, comme celui de l’Afrique, et nous sommes ceux qui ont l’expertise la plus complète sur le Sahel. Le Sénat, en particulier, a beaucoup travaillé sur cette question.

Je pense aux deux rapports de Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher qui contiennent de nombreuses propositions très positives. Je fais également référence aux experts. Vos services et vous-même, monsieur le ministre, avez sûrement lu les ouvrages de Serge Michailof, dont l’audition et les travaux m’ont convaincu. Que dit-il ?

Selon lui, et nous le savons en partie, la situation du Sahel présente, malgré d’évidentes différences culturelles et géographiques, des analogies inquiétantes avec celle de l’Afghanistan voilà une dizaine d’années, à savoir, d’une part, une crise environnementale liée à la pression démographique dans un contexte de stagnation de l’investissement public, notamment dans l’agriculture, et, d’autre part, un grave sous-équipement sur le plan économique – les routes, la santé, l’éduction, etc. – conduisant certaines populations au dénuement le plus complet, auquel s’ajoutent de fortes tensions interethniques, voire religieuses, aiguisées par cette crise environnementale.

Le Mali mais aussi nombre de pays du Sahel sont également affectés d’une sous-administration des zones rurales périphériques et d’un effritement, voire d’une absence totale des appareils d’État au niveau local : gendarmerie, justice, administration territoriale.

Ajoutons qu’une population très jeune frappée par un chômage de masse provoque d’importantes migrations régionales, d’autant que la présence de groupes armés très mobiles – tout cela est parfaitement connu – financés par des trafics divers dont la drogue s’appuie sur un fondamentalisme religieux et offre une idéologie séduisante, des perspectives de revenus et d’ascension sociale exceptionnelles pour de jeunes désœuvrés.

Enfin, il existe des zones de repli – nous les connaissons – pour ces groupes armés comme pour les Talibans en 2002.

Au total, nous découvrons à travers la crise malienne l’ampleur gigantesque de la crise qui couve et se développe au Sahel, voire au-delà – la Centrafrique est là pour nous le rappeler –, crise multiforme, économique, humanitaire, politique, et sécuritaire. En effet, ce que nous disons de cette crise exacerbée au Mali est en germe dans bien d’autres régions du Sahel et en particulier au nord du Burkina Faso, dans le centre du Tchad et peut-être surtout au Niger.

Dans ces conditions, il est regrettable que ce problème, qui a récemment mobilisé notre armée au Mali, ne se soit traduit par aucune inflexion significative dans notre loi de finances pour 2014.

Cette situation est imputable au fait que notre outil de coopération ne dispose plus des ressources d’aide bilatérale nécessaires. Son aide bilatérale est, pour l’essentiel, consentie sous forme de prêts de l’Agence française de développement qui sont mal adaptés aux besoins de reconstruction du Mali, ou à des actions liées à des annulations de dettes selon le mécanisme dit du « C2D » – contrat de désendettement et développement –, dont les pays sahéliens ne bénéficient que très marginalement. On sait bien que, pour ces pays-là, c’est l’aide directe qui est nécessaire. Or les montants destinés à financer sous forme de subvention des actions bilatérales dans les pays pauvres sont dérisoires, et répartis entre une vingtaine de pays ; nous le disons depuis des années, notamment mon collègue Cambon. Les montants du fonds de solidarité prioritaire permettant de travailler sur les questions institutionnelles sont dérisoires. §

À partir de là, on peut souhaiter deux inflexions significatives. La première se décompose en trois parties.

Premièrement, il conviendrait de doubler l’aide bilatérale projet en subvention gérée par l’AFD et de la porter à 400 millions d’euros, ou au minimum à 300 millions

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