On voit ce qui se dessine, et qui est redoutable. Donc, nous travaillons. Ce dimanche, je recevrai les dix autres principaux pays qui soutiennent la coalition. Nous continuons à travailler avec les Russes, nous avons des discussions avec eux. Ils disent, à raison, qu’il ne faut surtout pas le chaos. Je réponds à mon collègue Sergueï Lavrov que le chaos, ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui et que, pour éviter que ce mouvement terroriste ne se propage et ne vienne alimenter le Caucase et autre, il faut trouver une solution raisonnable, qui ne sera pas merveilleuse mais permettra tout de même de maintenir l’unité de la Syrie. Sinon, c’est l’explosion, peut-être la partition et en tout cas la poursuite du terrorisme.
Dans l’opinion française, on entend dire : « Qu’est-ce que vous nous ennuyez, l’Afrique, c’est loin ! La Syrie, c’est loin. » Mais non, c’est tout près.
D’abord, quand on est une puissance globale comme la France, on ne peut se détourner. Ce n’est pas un cadeau d’être membre permanent du Conseil de sécurité. Il faut prendre ses responsabilités. De plus, ne serait-ce que du point de vue du terrorisme, qui est quand même un phénomène et un fléau très préoccupants, c’est à côté. Interrogez notre ami M. Valls sur ce que cela représente. La Syrie n’est pas loin. L’Afghanistan était loin, et pourtant… La Syrie, ce n’est vraiment pas loin, et l’Afrique non plus : vous passez la Libye et vous êtes en Méditerranée, puis, de l’autre côté de la Méditerranée, c’est nous ! Il faut donc avoir une vision globale, qui ne veut pas dire interventionniste, mais voilà quelle est la démarche.
L’Iran, j’en ai dit quelques mots. Nous avons été très actifs dans la négociation, qui s’est bien terminée, avec ce pays : d’un côté, les six – les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus les Allemands – et, de l’autre, l’Iran. Ce fut difficile, très difficile même. Sans entrer dans les détails, nous sommes arrivés à un accord qui, pour le moment, est un accord intérimaire.
Il faut déjà commencer par appliquer cet accord intérimaire. Les réunions techniques ont eu lieu et à la fin du mois de janvier, je pense – je l’espère, en tout cas – que nous serons en situation de pouvoir appliquer ce qui a été décidé. Des décisions sont à mettre en œuvre des deux côtés : côté iranien, il y a toute une série de choses à ne pas faire, à supprimer, si je puis dire ; de l’autre côté, de notre côté, il y a notamment quelques sanctions à lever.
Nous sommes donc dans une période intérimaire. C’est déjà très bien, car cela crée un climat différent. Le climat, ça compte. Cependant, je veux être lucide : le problème le plus difficile concerne la phase d’après. Une question n’a pas encore été tranchée : nos partenaires iraniens veulent-ils seulement suspendre la production qui leur permettrait de posséder l’arme nucléaire, ou acceptent-ils d’y renoncer ? Ce n’est pas la même chose, et les conséquences ne sont pas les mêmes. Bien entendu, nous souhaitons que nos partenaires iraniens adoptent la seconde position. S’ils adoptaient la première position, de nombreux États, en tout cas les membres du groupe « 5+1 », ne l’accepteraient pas. Cette discussion est devant nous. Néanmoins, il est déjà important d’avoir atteint la première phase, parce que cela crée un climat bien différent de celui qui prévalait depuis plusieurs années.
L’Iran est un grand pays, que nous respectons. J’ai fait ajouter dans le prologue de l’accord, que vous avez sans doute lu, puisqu’il a été publié, des phrases prononcées par le président Rohani ; n’y voyez aucune malice de ma part. Le prologue comporte ainsi la déclaration suivante : en aucune circonstance l’Iran ne se dotera de l’arme nucléaire ni ne la possédera. Nos partenaires iraniens ont signé ce texte ; c’est formidable. Cet ajout a été proposé par la France, puis accepté par les uns et par les autres. Nous devons maintenant nous donner les moyens de vérifier que l’accord est respecté.
L’un ou l’une d’entre vous a demandé si cela avait des incidences sur la situation en Israël et en Palestine. Oui, bien sûr. Il y a des éléments différents, mais aussi un contexte général. On comprend bien, même si les calculs sont si innombrables que l’on ne peut pas avoir de certitude absolue, que, selon qu’on accédera ou non à une solution en Syrie, selon qu’on accédera ou non à une solution en Irak, selon que l’Iran et la Russie feront ceci ou cela, les Palestiniens, les Israéliens et les Américains agiront d’une manière ou d’une autre. Tout cela est à la fois séparé et lié.
En outre, il existe un contexte politique, que l’on ne peut pas celer. Dans certains pays, la dimension électorale est, si j’ose dire, moins déterminante que dans d’autres, où la démocratie passe par les élections ; c’est évidemment ce dernier modèle que nous essayons de promouvoir. Il y a des décisions à prendre. Elles ne sont pas faciles, car elles demandent une grande élévation de pensée. Il ne suffit pas d’aller dans le sens du vent ; paraphrasant Jean Guitton, je dirai que ceux qui s’exposent au vent s’exposent aussi à un destin de feuille morte.
J’en viens à l’Europe. Nous sommes européens. Cette année sera très importante et difficile. Des élections européennes seront organisées ; nous verrons quels en seront les résultats. Le Parlement européen a de plus en plus de poids. La Commission européenne sera renouvelée. De ce fait, sa situation sera ambivalente entre mars-avril et novembre, puisque certains de ses membres seront sur le départ tandis que d’autres n’auront pas encore pris leurs fonctions. Il faudra néanmoins travailler avec cette Commission.
Plusieurs d’entre vous – Gilbert Roger, en particulier – ont abordé la question de la défense européenne. Le sommet qui s’est déroulé au mois de décembre n’a pas apporté de grande surprise ; il a acté un certain nombre de choses intéressantes en matière d’équipements, de matériels. Ce n’est certes pas le grand élan que nous souhaiterions, mais il faudra revenir sur cette question sans naïveté, notamment avec nos partenaires allemands.
Il y a une concordance des calendriers. François Hollande et Angela Merkel sont au pouvoir pour une durée identique : ils ont environ trois ans et demi devant eux. Une rencontre a déjà eu lieu. Des travaux communs sont en cours. J’accueillerai dans quelques jours mon homologue Frank-Walter Steinmeier pour un séminaire de travail. Un premier conseil des ministres franco-allemand se tiendra le 19 février. Nous sommes donc en train de réfléchir à ce que pourraient être nos grands projets communs.
On pense tout de suite à trois séries de sujets. Tout d'abord, les questions économiques et sociales sont déterminantes. Il existe des contradictions, mais peut-être la participation du SPD au Gouvernement favorisera-t-elle une convergence sur les thèmes du sérieux budgétaire et de la croissance économique. Sans croissance, il n’y a pas de sérieux budgétaire, et réciproquement. Il y a également beaucoup de choses à faire dans le champ de l’énergie et de l’environnement ; ces enjeux sont d'ailleurs liés à la problématique de la croissance. Enfin, nous devons avancer dans le domaine de la défense.
Au-delà de ces trois séries de sujets, il faut que nous nous concertions pour déterminer nos positions sur les négociations avec les États-Unis, le Japon ou d’autres partenaires. L’alliance franco-allemande n’est certes pas exclusive, mais, même si elle est ouverte, elle reste déterminante. Nous allons donc continuer à travailler ensemble sur toutes les questions que j’ai évoquées.
Je veux maintenant revenir sur quelques points qui ont été soulevés par différents intervenants. Nathalie Goulet m’a posé des questions pertinentes, et en même temps facétieuses, sur les ambassadeurs. Oui, il existe plusieurs types d’ambassadeurs. Comme vous l’avez souligné, j’en ai trouvé quelques-uns en arrivant. Tout en tenant compte des réalités humaines, j’essaie de procéder aux nominations en fonction des résultats obtenus. Le nombre de ces ambassadeurs a été réduit, dans un souci de performance, mais je ne veux pas être injuste : plusieurs d’entre eux effectuent un réel travail, le plus souvent de manière bénévole.
Des questions m’ont également été posées au sujet de l’Agence française de développement, ou AFD. Un contrat d’objectifs et de moyens sera signé dans quelques jours. Il permettra de mieux connaître les objectifs, les résultats et les indicateurs ; ce sera intéressant pour vous. Je suis ce dossier en lien avec Pascal Canfin. L’AFD évolue dans le sens que vous souhaitez, même si cela prend un peu de temps. En ce qui concerne l’Azerbaïdjan, aucune somme n’a été affectée.