Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 7 janvier 2014 à 9h30
Questions orales — Départements et réglementation des boisements

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acte II de la décentralisation a transféré aux conseils généraux la compétence de mise en œuvre d’une réglementation de boisements, « afin de favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural et d’assurer la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables ». Cette compétence est inscrite à l’article L. 126-1 du code rural et de la pêche maritime et évoquée à l’article L. 342-1 du code forestier.

Le conseil général de l’Allier, à la demande des communes de la montagne bourbonnaise, souhaite user de la possibilité de relever le seuil – actuellement de quatre hectares – à partir duquel il y a obligation de renouvellement de peuplements forestiers.

En effet, la situation de la montagne bourbonnaise est bien particulière : au milieu du siècle dernier, les quinze communes qui composent ce territoire de moyenne altitude ont perdu une part importante de leur population agricole. À la déprise agricole s’est substituée, sur de nombreuses parcelles, une plantation irraisonnée d’espèces allochtones, principalement d’épicéas et de douglas, en vue de l’exploitation rapide du bois. Ces plantations ont été réalisées au mépris des distances de recul par rapport à la voirie, aux fonds pastoraux voisins et aux habitations. Aujourd’hui, les 35 000 hectares de la montagne bourbonnaise sont boisés à plus de 50 %, dont un gros tiers en résineux.

Ce boisement intensif de résineux, dont certains atteignent maintenant 50 mètres de hauteur, pour une moyenne de 35 mètres à 45 ans, âge moyen des coupes, pose de nombreux problèmes : consommation importante d’eau, hyper acidification des sols qui entraîne un appauvrissement de la biodiversité, ombre et refroidissement préjudiciable aux habitations voisines, aux berges, à la ripisylve, aux cours d’eau, aux routes, qui verglacent plus fréquemment, et surtout aux fonds pastoraux voisins. Les chutes d’arbres, l’abandon de bois de résineux morts, qui favorisent le développement des atteintes parasitaires, les dégradations des routes, sentiers, ruisseaux causées par des engins d’exploitation surdimensionnés par rapport à la configuration de la moyenne montagne, la fermeture de paysages et la disparition des forêts autochtones de feuillus sont autant de nuisances aujourd’hui avérées. Bref, les élus locaux, les habitants, les agriculteurs, les chasseurs, les pêcheurs, tous ces experts du quotidien nous disent que le renouvellement des peuplements forestiers résineux ne se justifie pas sur ce territoire.

Le souhait du conseil général de relever le seuil à compter duquel il faut replanter à l’identique est donc tout à fait pertinent. De plus, le relèvement de ce seuil permettrait aux agriculteurs qui en ont déjà manifesté l’intérêt d’étendre leur exploitation, dans le cadre instauré par le conseil général de l’Allier de reconquête paysagère des terres mécanisables, ce qui correspond pour beaucoup à une condition de survie économique.

Or la compétence du conseil général est rapidement limitée par le code forestier, lequel, dans ses articles L. 124-6 et L. 342-1, charge le représentant de l’État dans le département d’arrêter un seuil à compter duquel il y a obligation de renouvellement de peuplements forestiers.

Dans la mesure où la proposition du conseil général est compatible avec les orientations régionales forestières, je souhaite savoir comment le seuil peut être concrètement relevé, voire aboli, quand il s’agit de respecter les distances de recul par rapport aux habitations, aux voies de circulation et aux cours d’eau. Je souhaite également savoir s’il est prévu de rendre compatibles ces dispositions du code forestier avec la compétence transférée, accordant ainsi toute confiance aux collectivités locales pour gérer leur environnement et veiller à une exploitation raisonnée, écologique, et surtout régulatrice des massifs, ce qu’elles savent très bien faire, dans le respect des principes généraux définis à l’article L.112-1 du même code. Peut-être cette question pourrait-elle trouver rapidement une réponse, monsieur le ministre, dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui sera présenté à l’automne.

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