Intervention de Philippe Madrelle

Réunion du 7 janvier 2014 à 9h30
Questions orales — Lutte contre les pesticides

Photo de Philippe MadrellePhilippe Madrelle :

Monsieur le ministre, en ce tout début d’année, il me paraît très important d’appeler votre attention sur les effets toxiques et les conséquences dramatiques de l’exposition des viticulteurs à des mélanges complexes de produits chimiques et de pesticides et de la manipulation de ceux-ci par ces professionnels.

Alors que nous assistons, certes, à une évolution vers une agriculture raisonnée, soucieuse d’une moindre dépendance à l’utilisation des produits chimiques, alors qu’a été adoptée à l’unanimité, le 19 novembre dernier, dans cet hémicycle, la proposition de loi de notre collègue Joël Labbé visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, traduisant les propositions contenues dans le rapport de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, nous déplorons que le recours aux pesticides se soit beaucoup accru ces dernières années, contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit.

La France reste l’un des plus gros consommateurs au monde de ce type de produits et occupe la première place au niveau européen. C’est là un triste constat.

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, vient de publier une expertise collective concluant à la réalité des risques sanitaires pour les populations vivant près des zones d’application et pour le personnel agricole.

En Gironde, des familles de viticulteurs endeuillées tentent de faire reconnaître les cancers comme maladies professionnelles : deux cas, l’un dans le Médoc, à Listrac, l’autre dans le Libournais, à Pujols-sur-Dordogne, viennent d’être révélés par la presse nationale et la presse régionale. Les familles de ces viticulteurs décédés en 2009 et en 2012 des suites d’un cancer du poumon ont décidé d’engager des actions en justice pour faire reconnaître la responsabilité de l’utilisation de produits phytosanitaires contenant de l’arsénite de soude, communément appelé arsenic, et de l’exposition à ces produits. L’arsénite de soude est un fongicide utilisé pour prévenir la contamination de la vigne par l’esca, maladie du bois de la vigne. Classé toxique et dangereux pour l’environnement, l’arsénite est reconnu comme cancérigène. Interdit en 2001 par le ministère de l’agriculture, il continue de tuer en silence et dans l’indifférence tous ceux qui y ont été exposés.

Ce drame sanitaire n’est pas sans rappeler celui de l’amiante, qui, interdite depuis 1997, continue de tuer.

Ainsi, pour traiter leurs vignes, depuis les années soixante jusqu’aux années deux mille, des milliers de viticulteurs ont manipulé des produits phytosanitaires sans gants ni masque et sans qu’aucune information sur la toxicité de ceux-ci leur ait été communiquée.

La difficulté pour les familles des malades et des victimes réside dans l’obligation imposée de rapporter la preuve du lien entre la maladie et l’exposition aux pesticides. C’est ainsi qu’entre 2000 et 2010, la Mutualité sociale agricole, la MSA, n’a reconnu que cinquante cas de maladies professionnelles dues à l’usage de produits phytosanitaires. L’association des victimes des pesticides Phyto-Victimes estime à plus de cent les dossiers classés sans suite par la MSA.

Monsieur le ministre, je vous laisse imaginer le désarroi de ces nombreuses familles partagées entre le souci et les exigences d’une belle récolte, de rendements satisfaisants et les dangers du piège de l’empoisonnement chimique à petit feu.

Vous comprendrez que l’on ne peut laisser toute une profession face à un tel dilemme. Je sais que vous en êtes parfaitement conscient. Un devoir d’information s’impose. Que comptez-vous faire pour donner une formidable impulsion en ce sens ? Les viticulteurs doivent avoir la possibilité d’utiliser d’autres produits classés non toxiques et les autorisations de mise sur le marché doivent être plus et mieux contrôlées.

En outre, il est urgent de faciliter la reconnaissance du caractère professionnel de ces maladies induites par l’utilisation de ces pesticides.

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