Le centre socio-médico-judiciaire de sûreté de Fresnes a vu le jour en 2008, sur décision du garde des sceaux de l’époque, Mme Rachida Dati.
Ainsi, la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental dispose : « À titre exceptionnel, les personnes dont il est établi […] à la fin de l’exécution de leur peine, qu’elles présentent une particulière dangerosité […] parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité, peuvent faire l’objet à l’issue de cette peine d’une rétention de sûreté ».
C’était l’époque de la surenchère en matière de politique pénale, en réponse hâtive à un fait divers. Un montant de 850 000 euros a été investi pour mettre en place cet hôpital-prison, le seul en France.
Ce dispositif a été pensé comme le moyen de lutte contre la récidive des personnes ayant commis certains des crimes les plus graves et qu’il faudrait tenir éloignées de la société, même une fois leur peine purgée.
Il est à souligner que, depuis son ouverture, seuls quatre hommes y ont été placés et qu’il est vide à présent. Certes, les personnes condamnées avant le vote de la loi ne sont pas concernées, ce qui, de fait, repousse à 2023 la pleine application du texte qui vise les personnes condamnées à quinze ans de prison.
Nombreux sont néanmoins les parlementaires à considérer que ces dispositions sont attentatoires aux libertés fondamentales dans la mesure où les personnes sont placées dans cet établissement non pas pour des faits commis, mais en raison de risques supposés. Cette privation de liberté pose donc un problème d’éthique et de déontologie dans un État de droit.
Par ailleurs, de nombreux dysfonctionnements ont été identifiés, notamment par l’Observatoire international des prisons. Voilà quelques semaines, lorsque je me suis rendue sur place accompagnée de mon collègue Christian Favier, j’ai moi-même pu constater que les hommes visés n’ont accès à aucune activité et ne bénéficient pas d’aide ou de suivi social. Le programme de soins n’est pas mis en place, notamment lorsqu’ils doivent être hospitalisés à l’extérieur. Leur statut particulier, pour ne pas dire ambigu, rend leur prise en charge complexe : en effet, ce ne sont ni des prisonniers à proprement parler ni des patients.
Les personnels pénitentiaires et sanitaires, qui ne sont pas assez nombreux, semblent par ailleurs assez démunis face à ce flou juridique qui pose notamment la question de la responsabilité en cas de problème.
Comme vous le savez, les membres du groupe CRC, auquel j’appartiens, ont déposé au mois de mai 2012 une proposition de loi visant à supprimer la rétention de sûreté. Je sais que le groupe RDSE a déposé un texte quasiment identique au mois de juillet suivant. De surcroît, Mme la garde des sceaux elle-même s’est prononcée pour cette suppression au mois de décembre 2012.
Il s’agit non pas de balayer d’un revers de main les problèmes posés par la récidive ou la dangerosité de certains détenus à la fin de leur peine, mais bien de les traiter en amont, c’est-à-dire durant l’emprisonnement.
Pour mon groupe, il est impératif de réfléchir, parallèlement à la fermeture du centre de Fresnes, à la mise en place d’alternatives, en nous appuyant sur la réflexion des personnels pénitentiaires de santé comme de surveillance auxquels une longue expérience permet de présenter une expertise de qualité.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, comment Mme la garde des sceaux, laquelle n’a pu être présente aujourd'hui, envisage ces problématiques dans le cadre de la future réforme pénale qu’elle va prochainement proposer.