Imaginons que nous sommes en 2015, que la révolution vient de se produire et qu’il nous appartient de construire les communes, les départements et les régions du XIXe siècle. Bien évidemment, rien ne serait découpé comme aujourd'hui, ou si peu ! Les approches ne seraient pas celles de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle.
En effet, la ruralité a changé, les villes ont extrêmement changé, la relation ville-campagne a changé, les déplacements sont facilités – ils n’ont rien à voir avec ceux d’autrefois –, les échanges sont infiniment plus nombreux et énormément de nouveaux services se sont développés. Les territoires ont changé : certains se sont densifiés, d’autres se sont dépeuplés. Les modes de vie ne sont plus du tout les mêmes.
Si l’on décidait aujourd’hui d’une organisation politique et administrative pour la France, on le ferait bien évidemment en tenant compte des modes de vie d’aujourd'hui, des besoins d’aujourd'hui, des déplacements d’aujourd'hui, de la répartition de la population d’aujourd'hui ainsi que des avancées technologiques d’aujourd’hui.
Mais, demain, après-demain, cette organisation vieillirait elle aussi §et deviendrait progressivement obsolète par rapport à de nouvelles réalités qui, à leur tour, verraient le jour.
Parmi les universitaires, les spécialistes de comptabilité publique ou de droit public que nous avons rencontrés, pas un seul de nos interlocuteurs ne nous a recommandé de procéder par un redécoupage et une réorganisation générale. Tous nous en ont même dissuadés, en soulignant que le temps que nous consacrerions à cet effort serait perdu et que l’on ne pourrait aboutir qu’à un échec parce que vouloir tout bousculer, c’est engager des conflits avec tout le monde et, finalement, ne rien faire.
En revanche, chacun d’eux nous a recommandé de « faire mieux fonctionner le système existant », de le rendre plus performant, de chercher à définir clairement les responsabilités et de trouver les moyens de l’efficacité et de la réactivité.
Je citerai deux universitaires, Laurent Davezies et Hervé Le Bras, que nous avons auditionnés – la phrase est courte, mais elle est importante – : « Nous avons besoin d’une représentation dynamique des territoires : ce ne sont plus des territoires où les gens habitent, mais où ils circulent. » Tout est là !
J’imagine d'ailleurs, personnellement, que l’ouragan des évolutions technologiques actuelles, avec l'envahissement du numérique, est susceptible de submerger rapidement notre organisation actuelle.