Intervention de Yves Krattinger

Réunion du 7 janvier 2014 à 14h30
Débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la république

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger, rapporteur :

La première concerne les collectivités territoriales, qui perdent progressivement des capacités de décision dans le domaine des finances locales. Or, comment insuffler du dynamisme à un territoire sans cet outil ? Comment lancer des projets d’avenir si les collectivités ne sont pas dotées d’une certaine autonomie fiscale ? Plus de lisibilité et de simplicité permettront aux élus locaux de prendre des décisions pour leur territoire et de justifier leur action auprès de leurs concitoyens.

Néanmoins, votre mission reconnaît qu’une autonomie fiscale plus large ne constitue pas forcément une voie d’avenir pour les territoires les plus pauvres. Ainsi, il convient de prélever une part suffisante de recettes fiscales dans les territoires où est créée la plus grande richesse et d’accompagner cette démarche d’une véritable solidarité financière entre collectivités, grâce à des dispositifs de péréquation justes, fondés sur la richesse relative.

Un système modernisé des finances locales reposerait sur ce principe simple de prélèvement de la richesse là où elle est créée et d’un partage des recettes ainsi procurées grâce à une péréquation horizontale renforcée progressivement. C’est nécessaire pour permettre à toutes les collectivités d’assurer leur mission.

Le huitième axe s’attache à la nécessaire simplification du système juridico-financier de l’intercommunalité. Lors des auditions menées par la mission, la généralisation des statuts particuliers des structures territoriales a été mise en évidence. Aujourd’hui, il existe dix formules juridico-financières différentes d’EPCI à fiscalité propre, dix ! Comment voulez-vous que l’action publique soit comprise et acceptée par nos concitoyens avec une telle complexité ? Dans cette période de crise de confiance, c’est grave.

Il faut y remédier en procédant à une harmonisation progressive des structures tout en prenant en compte la très grande diversité des intercommunalités en France. Il est souhaitable d’aller vers l’unification des régimes juridico-financiers des EPCI.

L’exercice est difficile, mais il est nécessaire. La mission propose de ramener de dix à une les formules fiscales de l’intercommunalité avant 2020. Il faut commencer par unifier le régime des communautés de communes, qui ont le choix entre quatre régimes fiscaux différents. C’est un préalable à l’harmonisation de l’ensemble des régimes des EPCI.

Une vision moderne de la décentralisation passera par une unification du système actuel tout en cherchant à concilier unité et diversité.

Le neuvième axe affiche l’ambition d’instaurer un pouvoir réglementaire local. Il a été fort bien décrit par le président de la mission, Jean-Pierre Raffarin, je n’y reviens pas.

Enfin, le dixième et dernier axe du rapport de la mission porte sur l’instruction unique et la recherche d’une action publique locale efficace et moderne. Tous les interlocuteurs de la mission l’ont dit, il faut en finir avec la multiplication des instructions parallèles justifiées par les financements croisés et les services doublonnés qui alourdissent, complexifient, ralentissent et parfois même empêchent l’action publique locale. C’est un cancer pour la maison France, et un cancer qui prolifère !

Pour en revenir au premier axe, la clarification des compétences est l’outil qui permettra d’aboutir à une action publique locale efficace et pertinente. À cet égard, il est apparu à la mission que l’instruction unique est le moyen incontournable pour parvenir à une décentralisation responsable, efficace et réactive.

Votre mission estime que, pour chacune des principales politiques publiques décentralisées, il est nécessaire et urgent d’instituer un dispositif d’instruction unique au niveau de l’une des collectivités territoriales, celle qui est principalement en charge de la compétence concernée. Celle-ci serait alors chef de file et recevrait la mission d’agence de financement, au nom des autres et sous convention.

Elle serait l’interlocuteur unique du porteur de projet tout au long du processus, ce qui favorisera la coopération et la coproduction. L’instruction unique peut aussi se décliner en guichet interrégional ou interdépartemental dans des domaines plus importants. Nous en arrivons à cette nécessité si nous voulons clarifier la situation aux yeux de tous nos interlocuteurs.

Dix axes de réforme, dix axes de réflexion sur l’avenir de la décentralisation en France. Avec ce rapport, nous avons cherché avant tout à éclairer le débat, avec une vision et des considérations détachées de l’agenda politique.

Ce que nous pouvons retirer de ces travaux et des auditions menées sur plusieurs mois est le constat d’une France en pleine mutation économique, sociale et culturelle, qui cherche à entrer de plain-pied dans la modernité et dans la mondialisation tout en conservant ses traditions et ses acquis.

L’organisation administrative de notre pays est le résultat de plusieurs siècles d’histoire. Aujourd’hui et dans les années qui viennent, nous devons en écrire une autre page pour adapter notre système à une société davantage connectée et plus mobile, dont les besoins ont considérablement évolué. Il s’agit ni plus ni moins de garantir à nos concitoyens l’accessibilité aux services publics et aux services au public au XXIe siècle.

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