Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite de la tenue de ce débat consacré aux conclusions de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, à laquelle j’ai participé autant qu’il m’a été possible.
Je remercie le président Jean-Pierre Raffarin et le rapporteur Yves Krattinger de l’excellent document qui fixe des perspectives à long terme, et dont je partage l’essentiel des conclusions.
J’interviens aujourd’hui au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation dont la présidente, Jacqueline Gourault, dont chacun connaît la remarquable compétence, est provisoirement empêchée. La délégation, sous sa bienveillante mais efficace présidence, a bien travaillé. Elle a produit quelque vingt-cinq rapports d’information souvent innovants depuis sa création.
Je constate que les conclusions de la mission commune d’information Krattinger-Raffarin, ou Raffarin-Krattinger, prolongent sur beaucoup de points celles du rapport Krattinger-Gourault de 2009 – ce n’est pas trop étonnant eu égard à la communauté des rédacteurs ; il vaut mieux se répéter que se contredire, mon cher Yves Krattinger – intitulé « Faire confiance à l’intelligence territoriale ». Pour autant, ce n’est pas le seul et, au fil des vingt-cinq rapports, on peut facilement repérer certaines lignes de force qui font l’objet d’un large consensus parmi nous.
Les premières concernent les collectivités territoriales entre elles.
Depuis que le transfert de compétences est à peu près achevé, c’est la question de la clarification de ces compétences qui prévaut. Beaucoup reste à faire dans ce domaine, même si je ne suis pas un adversaire farouche des financements croisés, au demeurant reconnus de fait par le rétablissement de la clause de compétence générale.
Bien d’autres propositions ont été faites par les différents rapporteurs de la délégation que je ne pourrai toutes citer ici.
Parmi les plus pertinentes : l’adoption d’un dispositif de compétences obligatoires – pas exclusives – partageables par accord entre les collectivités territoriales ; le rappel du respect du principe fondamental de non-tutelle d’une collectivité sur une autre et la mise en œuvre dynamique de la notion de chef de file ; la réactualisation d’une procédure de constat de carence en cas d’inertie de la collectivité habilitée à exercer une compétence à titre obligatoire ; la gestion coordonnée des compétences partagées ou concurrentes au sein de conférences territoriales, aspect qui a été largement développé ; l’octroi aux conférences territoriales de la mission d’élaborer des schémas de mise en œuvre des compétences, sous la présidence de la collectivité chef de file concernée.
Le rapport de la mission commune d’information propose d’ailleurs d’étendre cette innovation aux intercommunalités, rappelant qu’une conférence des exécutifs chargée d’organiser la coordination locale et de favoriser le dialogue entre les représentants de l’État et les élus locaux faciliterait la nécessaire coordination au niveau départemental des intercommunalités.
Ces pistes n’ont pour le moment pas toutes été retenues. La décentralisation avance pas à pas, en se cherchant et en expérimentant, et c’est ainsi qu’elle se consolide.
Aussi la délégation propose-t-elle le choix du pragmatisme plutôt que celui du prophétisme. C’est notre position concernant les structures territoriales. La délégation n’a, je vous le rappelle, jamais cherché à redessiner la carte, défendant plutôt l’armature traditionnelle de la décentralisation ainsi que la continuité et le respect des collectivités existantes, sauf à ce que le besoin d’innover se manifeste et suscite le consensus local.
Le chemin de la rationalisation des découpages territoriaux doit passer essentiellement par l’intercommunalité. Elle doit, pour reprendre les termes du rapport de la mission, « être généralisée pour optimiser l’action publique, en étant maintenue dans une organisation collégiale et une logique de subsidiarité. » Nous sommes largement d’accord avec cette vision.
Face à la diversité qu’on pourrait dire « provinciale », la délégation a régulièrement préconisé le pragmatisme et la souplesse.
En d’autres termes, la délégation a très tôt préconisé de mettre des outils à la disposition des collectivités, et de laisser à celles-ci le soin de se saisir de ceux qui correspondent à leurs besoins et à leur ressenti.
C’est également ce que recommande le chapitre III de la première partie du rapport de la mission. Sans entrer dans le détail, il convient de ne pas aller trop loin afin d’éviter ce que la mission a élégamment qualifié « une France en dentelle ».
C’est en quelque sorte le principe d’égalité des usagers devant le service public qu’il nous faut appliquer aux territoires : être égaux oui, mais prendre en compte nos spécificités locales et ajuster l’application territoriale de l’action publique en conséquence.
La deuxième série de questions concerne les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Je serai d’autant plus bref que vous avez largement développé cet aspect et que je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit.
Toutefois, à ce stade, l’État régulateur est un programme dont le contenu concret, pour l’essentiel, reste à déterminer. Ce contenu relationnel de la décentralisation est de plus en plus sensible et central