Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 7 janvier 2014 à 14h30
Débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la république

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet, vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation :

Qui fait quoi ? Qui paie quoi ? Telles sont les questions qu’il faut sans cesse poser à frais nouveaux et sur lesquelles la délégation a mis l’accent dans ses travaux récents, car elles touchent à l’avenir de la décentralisation.

Le rapport de la mission d’information les évoque aussi de façon pertinente. Il contient un développement très intéressant sur la reconnaissance d’une liberté d’adaptation aux collectivités territoriales dans l’application de normes nationales.

La question du pouvoir normatif des collectivités comme contrepoids à l’inflation des normes étatiques va en effet se poser de façon aiguë dans les prochaines années. Peut-être faut-il défricher préalablement ce terrain en mobilisant mieux que nous ne l’avons fait jusqu’à présent l’outil des expérimentations, prévu à l’article 72 de la Constitution.

J’évoquerai un dernier point. La question de l’organisation des relations, au plan national, entre l’État et les collectivités se pose de façon urgente. Le Sénat a récemment rejeté l’idée de la création d’un Haut Conseil des territoires. À cet égard, rappelons que la délégation avait, dans un rapport de février 2011, mis en évidence la nécessité de construire le cadre d’un dialogue efficace entre l’État stratège et les collectivités territoriales. Quelle traduction institutionnelle forte donner à cette mission ? Telle est la question.

Cela est d’autant plus prégnant que les assemblées parlementaires seront bientôt privées de l’intime connaissance des problématiques territoriales que leur assure la détention de fonctions exécutives locales d’un grand nombre de leurs membres.

À l’occasion des réunions de travail de la mission, nous avons abordé cette question – reprise par M. le rapporteur et par M. le président – de la place des parlementaires dans la décentralisation. Le constat est partagé par tous : la question du non-cumul du mandat de parlementaire avec celui d’un exécutif local nous oblige à repenser la place et le rôle des parlementaires.

Le rapport de la mission conclut qu’il est indispensable – monsieur le rapporteur Krattinger, vous y avez fait allusion – de doter le Parlement de moyens d’expertise propres en matière de collectivités territoriales. Je crois cependant qu’il faut aller plus loin.

C’est pourquoi j’ai proposé à la délégation de réfléchir au rôle local des parlementaires, après le vote et la mise en œuvre de la loi sur le non-cumul. Le rapport issu de cette réflexion a été adopté à l’unanimité par la délégation et pourrait donner lieu au dépôt d’une proposition de loi.

Permettez-moi d’insister sur ce point qui me semble important et me tient à cœur. Quelle est la situation actuelle ? Les parlementaires qui disposent d’un mandat local électif – c’est-à-dire 80 % d’entre eux – sont membres, à ce titre, soit après avoir été désignés par leur assemblée, soit de droit en tant que président d’exécutif, d’un grand nombre de commissions et organismes compétents dans les domaines les plus variés, touchant tous à la vie quotidienne de leur circonscription et de leurs électeurs : éducation, santé, sécurité, action sociale, transports, logement, loisirs, urbanisme, droit des sols, et j’en oublie beaucoup…

C’est cette participation à la gouvernance locale et non le mandat national qui, seule, établit le lien entre les élus nationaux et leur territoire d’élection. Ce lien n’est en effet constitué que de façon très fugace par le mode d’élection, même s’il est actuellement principalement majoritaire.

J’ai voté le texte que vous avez présenté, madame la ministre, et je suis pourtant sensible aux arguments qui ont été ou sont encore avancés par un certain nombre d’opposants. Les nouvelles règles de non-cumul, qui englobent la totalité des exécutifs locaux, vont littéralement couper les parlementaires de toute la vie locale. Certes, en tant que simples conseillers – municipaux, départementaux ou régionaux –, ils pourront être délégués par leur assemblée auprès de tout syndicat, conseil d’administration ou organisme.

Toutefois, il est évident – étant vous-même président d’exécutif local, vous ne l’ignorez pas – que les exécutifs locaux se réserveront toujours l’essentiel des représentations. Il s’agit d’un mouvement naturel qui se justifiera d’autant plus que les parlementaires, n’exerçant plus de fonction exécutive, auront perdu la technicité qu’ils pouvaient posséder auparavant. §

Les parlementaires vont donc se retrouver en quelque sorte « hors-sol », …

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