Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 7 janvier 2014 à 14h30
Débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la république

Marylise Lebranchu, ministre :

Peut-on encore, au XXIe siècle, voir coexister les comités départementaux du tourisme, les comités régionaux du tourisme, Atout France, les services économiques des départements, les services économiques des régions, et les compétences exercées à l’échelle nationale ? Le tourisme offre pourtant de grandes potentialités économiques pour notre pays. Nous le savons tous, avec 80 millions de visiteurs, la France n’enregistre que 50 milliards d’euros de valeur ajoutée. Avec 50 millions de visiteurs, l’Espagne, elle, crée 80 milliards d’euros de valeur ajoutée ! C’est un vrai problème : cette masse très importante de touristes crée moins de valeur ajoutée qu’ailleurs. Nous avons pourtant des atouts extraordinaires, qui devraient nous permettre d’être la première puissance touristique du monde. Cette question, que vous avez posée, monsieur le président de la mission commune d’information, méritera donc d’être abordée de nouveau dans nos débats futurs.

Par ailleurs, j’ai apprécié le lien que vous avez fait entre « proximité » et « puissance ». À propos de cette dernière, je remarque que les uns et les autres ont insisté sur la taille des régions. Puisque j’ai décidé de m’éloigner du discours que j’avais préparé afin de mieux répondre à vos propos – il me semble que c’est l’esprit de notre débat d’aujourd’hui ! –, je dois avouer que le rejet, y compris et surtout par des sénateurs, de notre proposition visant à ce que la consultation des populations de deux régions voulant fusionner ne soit ni automatique ni inscrite dans le droit m’a beaucoup surprise. Qu’appelez-vous de vos vœux : un mouvement volontaire ou imposé ? Redécouper les régions de France n’est pas un travail aisé. §Le simple redécoupage des cantons non plus, d’ailleurs, on l’a bien vu ! Cependant, je mets de côté ce sujet délicat…

En tout état de cause, je me demande si la loi ne pourrait pas prévoir de manière plus satisfaisante la possibilité pour les régions d’agrandir leur périmètre ou de fusionner. Nous avons tous en tête l’exemple d’une région que je ne nommerai pas mais qui a deux appellations différentes avec « haut » et « bas ». §Je pose la même question que vous : cela tient-il encore la route ? Je suggère que vous fassiez des propositions sur ce sujet.

En revanche, je tiens à le dire devant vous, je ne suis pas certaine que les grandes régions soient toujours les plus efficaces. Certes, cela a été souligné, grande région signifie notamment stratégie, recherche industrielle, enseignement supérieur, carte des hôpitaux. Cependant, même si, dans une telle région, les déplacements physiques sont aisés, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’il faut parfois des proximités différentes, d’une autre nature, à même de faire comprendre pourquoi, dans un centre de recherches, par exemple, un transfert de technologie ne se fait pas alors qu’il pourrait se faire. Je me souviens avoir lu – M. Davezies y a également fait référence dans son audition – que certains Länder allemands extrêmement dynamiques sont de petite superficie. Comme l’a souligné Yves Krattinger, ce qui compte, ce n’est donc pas nécessairement la taille des régions, c’est bien plutôt leur puissance, leur capacité à agir, dépendant, notamment, de leurs ressources. S’il ne me revient pas de clore ce débat, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’avoir initié.

Vous avez également, monsieur le président de la mission commune d’information, beaucoup insisté sur la diversité et l’unité de la République. Le Gouvernement et moi-même partageons à 100 % vos propos sur l’unité de la République. J’adhère également à vos réflexions sur la nécessaire capacité d’adaptation de la loi. Avant les congés de fin d’année, le Premier ministre a posé la question de la diversité de la norme, en se demandant si le droit devait s’appliquer de la même façon sur tout le territoire. Bien sûr que non ! Certaines zones de densification urbaine n’appliqueront pas les lois d’urbanisme de la même façon que les zones où le foncier agricole doit être protégé. Les trois pouvoirs – adaptation, pouvoir normatif, pouvoir réglementaire – ne sont pas de même nature. S’il revient à la loi de le préciser au cas par cas, il nous incombe d’ouvrir la porte à de telles solutions.

J’ajoute toutefois qu’une de nos collectivités au statut particulier, la Corse, dispose d’ores et déjà de ce pouvoir. Pourtant, l’État n’a répondu favorablement à aucune des quarante demandes d’adaptation qu’elle a formulées. Je mettrai à votre disposition l’étude que nous menons actuellement, à la demande de l’Assemblée de Corse, visant à identifier les raisons de ces refus. Elle devrait vous permettre d’avancer sur ce sujet.

Il a aussi été fait mention du changement des modes de vie, de l’adaptation afférente. J’ai apprécié que les conférences territoriales de l’action publique aient été choisies pour l’organisation du guichet unique. J’ai eu beaucoup de mal à faire passer cette idée – sans doute m’étais-je mal exprimée ! –, mais c’est bien ainsi que nous les avions conçues. J’ai trouvé dans le rapport de la mission commune d’information une excellente définition de ce que pouvait être ce portail, ou cette entrée, unique, étant entendu que le guichet unique n’aura jamais d’existence physique. Nous devons y travailler ensemble.

Je retiens également cette expression terrible : le « sous-prolétariat territorial ». J’ai déjà eu l’occasion de le dire au cours des débats, chaque enfant de France n’a pas droit à l’égalité des possibles.

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