Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le Premier ministre Raffarin, président de la mission commune d’information, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le titre du rapport, Des territoires responsables pour une République efficace, est sobre, concis et clair. Il fixe un cap et donne la feuille de route pour atteindre l’objectif. Cette méthode de travail pleine de bon sens sert, à l’évidence, l’intérêt de nos collectivités locales, et bien au-delà.
Puisque nous sommes le 7 janvier et que la période est aux vœux, permettez-moi de souhaiter de tout cœur que notre pays suive en 2014 un chemin de responsabilité et poursuive une ambition : l’efficacité de l’action publique. Les chefs d’entreprises parleraient plutôt de retour sur investissement de l’impôt des Français.
Le consentement des citoyens à l’impôt, loin de n’être qu’un principe inscrit en lettres d’or dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, doit redevenir un élément clef du pacte républicain : faire des efforts, oui, mais pour des résultats tangibles !
L’effort, voilà précisément ce à quoi nous invite ce rapport d’information, au travers de dix propositions.
Si elles devenaient réalités, elles permettraient enfin de régler les questions de la relation coûteuse de l’État aux collectivités territoriales et du rôle respectif des différents acteurs locaux. L’effort s’entend ici au plan intellectuel autant que financier. Je dis « enfin », car le diagnostic est connu de tous, et depuis des lustres !
En toute franchise, lorsque je relis les discours que nous prononçons tous sur ce thème, je ressens la désagréable impression que nous passons notre temps à dresser les mêmes constats, ce qui n’enlève rien à leur pertinence, d’ailleurs, mais que tout ou presque s’arrête là. Nous sommes lucides, mais velléitaires.
Permettez-moi de prendre quelques exemples.
Les doublons administratifs entre l’État et les collectivités existent depuis 1982.
Il en va de même de la question de l’accessibilité et de la qualité du service public en milieu rural : voilà des décennies que chacun connaît le problème de la désertification !
Nous évoquons depuis longtemps la nécessité de traiter à part les métropoles de rang européen ou mondial, comme Paris et ses environs, ainsi que le problème posé par la taille de la plupart des régions françaises, insuffisante pour leur permettre de jouer dans la même cour que leurs homologues européennes.
De même, l’application du principe de subsidiarité, qui entend permettre de décider vraiment au plus près des réalités de terrain, fait l’objet de discours répétés.
Rassurez-vous, j’arrête là cette énumération !
La mission commune d’information, au contraire, a tourné ses travaux vers l’action. C’était pour moi un plaisir d’en faire partie.
Au nom des quarante et un départements de la droite, du centre et des indépendants, j’évoquerai trois sujets : l’avenir du département, sa complémentarité avec la région et la nécessaire réforme de l’État.
Les départements sont, bien sûr, les enfants de la Révolution et des Lumières. Ils ne datent pas d’hier, à l’heure de la société du « 2.0 » où la course permanente à la nouveauté marginalise tout ce qui semble un peu ancien, madame Lipietz !
Bien sûr, ils ne sont pas « à la mode », comme les régions, véritables échelons de base de l’intervention de l’Union européenne communs à presque tous les États européens.
Bien sûr, la cascade de structures publiques qui étouffe, par son coût, l’économie réelle et décourage l’initiative des entrepreneurs, par son manque de réactivité, doit être réformée pour correspondre à sa raison d’être : servir.
Mais les départements sont-ils le problème, comme la Commission pour la libération de la croissance française, présidée par M. Attali, s’en faisait l’écho ? Elle n’est d’ailleurs pas seule à tomber dans le déni de réalité : les auteurs d’un rapport de l’OCDE ont commis, voilà quelques mois, la même erreur. À l’issue de la conversation que j’ai eue avec eux, ces rapporteurs ont cependant pris conscience du rôle indispensable des départements en milieu rural, et je les remercie publiquement aujourd’hui de leur capacité à remettre en cause leurs propres analyses. C’est un comportement suffisamment humble et professionnel pour être salué.
Dans le monde urbain, il va de soi que les métropoles ont vocation à redéfinir les rôles et missions de chacun.
Le milieu rural, voilà le point clé pour comprendre l’avenir du département. Loin d’être le problème, il représente une solution d’avenir hors des villes. Qui se chargerait des solidarités ? Qui pourrait entretenir le réseau routier ? Qui investirait pour l’accès de tous à l’internet haut débit sur tout le territoire ?
À cet égard, plutôt que de faire un long discours, je citerai un seul paragraphe de l’excellent rapport d’information de notre collègue : « Premier échelon de la décentralisation par ses compétences de proximité, le département possède une forte capacité fonctionnelle comme instance de cohésion sociale [...], comme niveau irremplaçable d’expression des besoins spécifiques de la ruralité [...]. Le conseil général est l’interlocuteur naturel des maires, qui estiment que le département présente un intérêt majeur pour les territoires. »
Tout est dit, ou presque. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer par quel raisonnement étrange certains concluent que la réforme territoriale passe par la suppression du département ?
Pourquoi les départements sont-ils une chance pour le monde rural ? Pour éviter le basculement vers un « sous-prolétariat territorial » – j’en conviens, l’expression est forte ! – de vastes étendues qui, sans eux, seraient abandonnées à elles-mêmes, souvent en pleine reconversion industrielle. Ce risque concerne 20 % du territoire national, si j’en crois le rapport d’information, partout où « les zones rurales échappent à l’influence des métropoles et des agglomérations ».
Pour autant, préservation ne signifie pas immobilisme : si le département reste un échelon très pertinent, la clarification du « qui fait quoi ? » avec la région ne peut plus attendre.
Le groupe de la droite, du centre et des indépendants de l’Assemblée des départements de France le demandait hier au gouvernement de François Fillon, comme il le fait aujourd’hui à celui de Jean-Marc Ayrault – nous sommes constants dans les demandes que nous adressons à l’exécutif.
Quel est le rôle du département ? La proximité et la cohésion d’un territoire. J’ai coutume de dire que c’est du « cousu main ».
Quelle est la vocation de la région ? La stratégie sur le plan économique, comme cela a été souligné, et des grands investissements, qui hissent la compétitivité de pans entiers de notre pays.
Le constat est clair : les régions françaises doivent regarder vers l’Europe et non plus vers les cantons, même remodelés, madame la ministre ! Qu’elles cessent de faire du développement local et de concurrencer les conseils généraux pour se consacrer à la formation professionnelle, l’économie et l’emploi, autant de sujets qui supposent une vision stratégique à l’échelle de territoires disposant de la taille critique pour agir.
Voilà deux ans déjà, le groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants demandait que « le périmètre des régions françaises soit revu et que leur nombre passe de vingt-deux à une dizaine pour redonner du sens et de la perspective à la gouvernance des territoires ». Je suis ravi que la mission commune d’information partage aussi cette réflexion et préconise le passage à huit ou dix régions.
Du point de vue des départements, l’autre grand chantier à conduire tambour battant, c’est la réforme de l’État. Assez de mots, de l’action !
Je note que la mission commune d’information place en priorité n° 1 le recentrage nécessaire. En juillet 2013, la Cour des comptes dénonçait une nouvelle fois les nombreux doublons entre l’État et les collectivités. Nous avons plus que jamais, au regard des efforts financiers demandés aux Français, le devoir d’en finir avec le gaspillage et l’inefficacité. Si vous trouvez ces termes trop durs, ce sont ceux du rapport d’information, que je fais miens : ils disent les choses, tout simplement.
Que l’État supprime les services qui font doublons avec ceux des collectivités !
Que l’État nous conseille, oui ! Que l’État nous contrôle, oui, bien sûr, mais qu’il nous laisse agir pleinement et cesse de se mêler de tout ! À trente-deux ans, nos collectivités sont plus que majeures ; elles doivent donc assumer devant les électeurs leurs choix et leurs actes.
En cas d’acte illégal, les préfets sont là pour mettre en garde et, si besoin, déférer le contrevenant devant les tribunaux administratifs. Tout citoyen peut également saisir dans les deux mois les juridictions pour obtenir l’annulation de nos décisions ou délibérations qui ne seraient pas conformes au droit.
Autrement dit, c’est de l’État comme pouvoir juridictionnel dont les collectivités ont besoin afin d’assurer un véritable contrôle de leur action et pas de directions départementales qui peinent à trouver leur rôle.
Depuis 1982, la décentralisation est souvent perçue comme un moyen pour le pouvoir central de se défausser sur les collectivités. Derrière les transferts de compétences et de personnels sans avoir les moyens nécessaires pour agir, se cache en réalité un autre transfert : celui de l’impopularité consécutive à l’augmentation de la pression fiscale…
Pour conclure, je souhaite, au risque d’en surprendre certains, que le changement soit pour maintenant !