Intervention de Gilbert Roger

Réunion du 7 janvier 2014 à 14h30
Débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la république

Photo de Gilbert RogerGilbert Roger :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à féliciter à mon tour le président de la mission commune d’information, Jean-Pierre Raffarin, et son rapporteur, Yves Krattinger, pour la qualité du travail qu’ils ont accompli et pour les conclusions qu’ils ont présentées ; de fait, ils sont parvenus à formuler des propositions qui peuvent faire consensus.

Comme le Président de la République l’a rappelé, une République « est forte par son État, mais aussi par ses territoires ».

Cependant, les mutations économiques, le chômage, la précarité et la suppression de nombreux services publics ont profondément modifié les territoires et creusé les inégalités. Dans les territoires ruraux comme dans les quartiers relevant de la politique de la ville, le sentiment de décrochage menace les fondements de notre pacte républicain.

Dans ce contexte, un approfondissement de la décentralisation est nécessaire. Pour retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi, il nous faut encourager la créativité et la vitalité des acteurs locaux : entreprises, citoyens et collectivités. Aussi bien, nous avons aujourd’hui besoin, selon moi, non pas d’une nouvelle répartition mécanique et uniforme des compétences, mais d’un renforcement des responsabilités de chacun des acteurs et d’une dynamique de coopération.

L’unité de la République n’est pas renforcée par l’uniformité, bien au contraire. Il importe de tenir compte des spécificités des territoires, de favoriser l’innovation et de s’appuyer sur l’intelligence collective. L’enjeu est de construire un modèle de développement plus équilibré, respectueux de la diversité des territoires et porteur d’une plus grande solidarité.

En particulier, la nouvelle gouvernance territoriale doit reconnaître le fait urbain, autour duquel se structurent aujourd’hui de larges pans de notre économie, en donnant aux métropoles et aux agglomérations les moyens de se développer ; dans le même temps, il convient d’éviter que ce mouvement n’accentue les clivages entre des espaces urbains toujours plus riches et des zones périphériques ou rurales en voie de relégation.

Comme la mission commune d’information le signale dans son rapport, la République décentralisée souffre aujourd’hui de deux maux : le manque d’efficacité réelle de l’action publique et la confusion des rôles respectifs de l’État et des collectivités territoriales.

Le Président de la République a parlé, à juste titre, de la nécessité d’un « choc de simplification ». Les élus et les citoyens attendent de la décentralisation une plus grande efficacité, alors que les entreprises sont souvent asphyxiées par les normes.

Par ailleurs, la mission commune d’information a clairement identifié certaines difficultés ; je pense en particulier au « doublonnage » entre les services de l’État et des collectivités territoriales et à la multiplication des guichets, des subventions et des aides fiscales. Certaines entreprises finissent par renoncer, du fait de la complexité des dispositifs !

En définitive, le millefeuille tant décrié correspond moins à l’empilement des circonscriptions qu’à celui des décisions. Encore faudrait-il donc, avant de s’attacher aux conséquences de la décentralisation - le transfert de compétences -, d’en définir d’abord les principes - la répartition des missions.

Les élus veulent une différenciation accrue de l’organisation territoriale, pour que les spécificités de chaque territoire soient prises en compte. Il n’existe plus, pour l’ensemble du territoire, un modèle de décentralisation uniforme. En effet, la situation des territoires au sein de l’ensemble national étant très différente, elle appelle une diversité de réponses.

On ne peut pas considérer de la même façon l’Île-de-France et les zones rurales. Le cœur de l’agglomération parisienne a besoin d’un statut particulier, compte tenu de son caractère exceptionnel, mais il faut se garder de multiplier les statuts ad hominem, afin de ne pas remettre en cause le socle républicain.

L’amélioration de l’efficacité de l’action publique suppose en corollaire un approfondissement de la décentralisation, qui doit être considéré non pas simplement comme un facteur de liberté, mais comme un principe de responsabilisation des territoires.

Parce qu’une décentralisation renforcée doit permettre de répondre aux besoins des citoyens et des entreprises par des politiques pragmatiques et appropriées, il est nécessaire de renforcer les régions en clarifiant leurs compétences et en recentrant leurs missions sur la stratégie.

Aujourd’hui, les régions ont tendance à assurer des compétences de proximité qui devraient relever d’autres niveaux de collectivités, comme les communes ou les intercommunalités. Les régions doivent s’en dégager pour mieux asseoir leurs missions stratégiques de long terme. Il faut à tout prix éviter toute « cantonalisation » des régions, ce qui suppose de leur donner plus de cohérence et de force en matière économique, en en faisant l’échelon essentiel d’exercice de certaines compétences.

Quant aux départements, la mission commune d’information a souligné, dans ses conclusions, qu’ils jouent un rôle indispensable en milieu rural. Fort de son atout de proximité, le département doit en effet renforcer la lutte contre les difficultés engendrées par la crise économique actuelle ; dans les zones rurales, dont certaines sont menacées d’exclusion, il est bien souvent la seule structure capable de mener cette action.

En revanche, la pertinence du département n’est pas aussi grande dans les zones urbaines denses. Pour ma part, je suis favorable, comme M. Dallier, à la suppression des départements de la petite couronne parisienne ; l’ensemble de leurs compétences pourraient être transférées à la gouvernance de la métropole du Grand Paris, à l’instar de ce qui est prévu pour la métropole de Lyon.

Mais le temps s’écoule et, mes chers collègues, je me rends compte à cet instant de mon propos que je vais être obligé de conclure, sans quoi je me ferai rappeler à l’ordre par M. le président…

Aussi, m’excusant encore du côté abrupt de ma conclusion, je me contenterai de souligner que, à mon avis, un consensus est possible sur la suppression des départements de la petite couronne francilienne ; en supprimant un échelon, on rendrait l’action métropolitaine plus efficace, tandis que la région d’Île-de-France continuerait de jouer un rôle très important pour le développement économique.

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