Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 7 janvier 2014 à 21h30
Débat sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

Il a fallu deux ans et demi pour mettre en place ce fonds !

Enfin, à la volonté de justice, de transparence et de rigueur, s’est ajoutée la volonté d’évaluation. Elle s’est traduite par la mise en place de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, où siègent des représentants d’associations des victimes, quatre parlementaires, des représentants des ministères de la santé et de la défense, le président – ou son représentant – du gouvernement de Polynésie, ainsi que des personnalités scientifiques qualifiées.

Je tiens à saluer cette volonté d’impliquer les associations de victimes jusqu’au terme de la procédure – rappelons qu’elles sont à l’origine du texte –, c’est-à-dire jusqu’au versement de l’indemnisation à la victime, ce qui nous paraissait primordial. L’action d’évaluation de cette commission devrait offrir aux victimes un soutien dans leur démarche. En outre, la création de cette commission était révélatrice de l’esprit ayant présidé à l’élaboration de cette loi, trop longtemps attendue, qui fixait les conditions d’une procédure d’indemnisation juste, en se fondant sur une étude au cas par cas. Il s’agit d’ailleurs d’une préconisation du rapport, car ces pathologies sont spécifiques, tout comme chacune des victimes est unique. Nous devons nous féliciter de cette approche qui préserve le caractère personnel et humain du traitement des dossiers.

J’ai été un peu long – je le regrette – sur cette partie, mais pour pouvoir avancer et améliorer maintenant ce qui doit l’être, il est important de bien comprendre comment les choses se sont mises en place.

Quatre ans après la loi Morin, nous le savons tous, cela a été dit, des dysfonctionnements demeurent. Chiffres à l’appui, nous constatons que les indemnisations se font au compte-gouttes, ce qui est insupportable et permet au sentiment d’injustice de perdurer. En cela, les objectifs de loi n’ont pas été atteints.

Lors de l’élaboration de ce texte, plusieurs intervenants l’ont également rappelé, on estimait que 20 000 personnes pouvaient être concernées et que le nombre de victimes indemnisables serait compris entre 2 000 et 5 000. Nous sommes très loin de ces chiffres : 840 dossiers ont été déposés en 2013, pour 11 indemnisations. Si nous saluons l’indemnisation de ces onze personnes, ces chiffres restent insupportables alors même que des moyens importants et constants ont été mis en place : 10 millions d’euros chaque année depuis 2009.

En réalité, et je rejoins ce que disait le rapporteur Jean-Claude Lenoir, des problèmes structurels et de fonctionnement semblent avoir bloqué l’esprit de la loi Morin. Le CIVEN, manquant de moyens humains et divisé en deux entités géographiques, n’avait pas la capacité de recruter les experts médicaux, spécialistes de l’indemnisation, sans lesquels on ne pouvait agir. Cela prouve bien que la loi n’a pas été un échec, mais, au contraire, qu’elle fut peut-être trop ambitieuse face au manque de moyens humains et de personnels spécialisés constaté, en dépit des budgets affectés.

Par ailleurs, notons que le décret initial faisant état des maladies concernées fut modifié le 30 avril 2012 et que vingt et une pathologies sont désormais reconnues comme possiblement radio-induites.

L’un des principaux problèmes – et nous avons tous été surpris – a été le très faible nombre de dépôts de dossiers d’indemnisation. Madame Bouchoux, vous avez souhaité que les campagnes d’information soient renouvelées à destination des populations locales ; je crois qu’il s’agirait d’une bonne avancée, même si nous savons bien que les associations ont déjà sensibilisé les populations et qu’il existe un centre de suivi médical en Polynésie.

De même, je souligne votre proposition visant à attribuer une reconnaissance – qui ne soit pas d’ordre militaire – aux personnels ayant participé aux essais nucléaires. Ces personnes ont permis à la France d’asseoir sa souveraineté et son autonomie stratégique. Vous avez parlé en commission, madame le rapporteur, de « fierté ». Je pense que vous avez raison et qu’il faut aller dans ce sens.

Enfin, nous devons rappeler que ce déficit d’indemnisation a été quelque peu pris en compte dans cet hémicycle, il y a un mois : la loi de programmation militaire a modifié l’article 4 de la loi Morin, faisant du CIVEN – ce qui était réclamé par beaucoup – une autorité administrative indépendante. Cela permettra de répondre aux craintes de ceux qui considéraient que cet organisme était à la fois juge et partie.

Pour conclure, mes chers collègues, vous voyez bien que ce n’est pas la loi qui est à améliorer, mais sa réalisation concrète et matérielle. Le groupe UMP espère que ces modifications, ainsi que le rapport de nos collègues Bouchoux et Lenoir porteront leurs fruits et que ceux qui demanderont réparation pourront voir leurs demandes légitimes être satisfaites. Il y va de l’honneur de notre République envers ceux qui l’ont servie. En tant que législateurs, nous devons nous assurer que leur dignité ne sera pas bafouée.

Si le précédent gouvernement a su poser les fondations législatives permettant de mettre fin à un tabou historique, nous souhaitons, monsieur le ministre, que le gouvernement auquel vous appartenez parachève et améliore les conditions d’indemnisation. Je ne doute pas que vous saurez nous proposer de nouveaux ajustements permettant un réel accomplissement des objectifs de la loi Morin.

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