Je partage la quasi-totalité des propos de notre rapporteur. Ce texte soulève peu de controverse, car les aspects les plus sensibles, comme la liste des quartiers de la géographie prioritaire, ont été reportés à plus tard, après les élections municipales ; le Sénat réclame depuis suffisamment longtemps la fin du « saupoudrage » des crédits et une nouvelle géographie prioritaire, pour que nous ne regardions pas avec espoir celle que nous annonce ce texte ; cependant, nous verrons ce qu'il en sera dans les faits - et si nos espoirs se concrétisent ou pas.
Je suis inquiet de voir la trésorerie de l'ANRU descendre à 140 millions d'euros : comment les délais de paiement, aujourd'hui déjà beaucoup trop longs, pourraient-ils ne pas s'aggraver, au-delà du raisonnable ? Comment imaginer que le passage d'un PNRU à l'autre pourrait se faire dans de bonnes conditions ? Je le sais comme maire qui termine une opération de rénovation importante, mais également comme ancien rapporteur spécial des crédits de la ville, à qui bien des élus ont dit les nombreuses difficultés liées au manque de financement de l'ANRU. L'administration a commencé par avancer des difficultés d'ordre technique, par exemple celle des logiciels comptables de l'agence, qu'il fallait adapter ; mais les logiciels ont été adaptés et les difficultés sont restées : on ne compte plus les allers-retours nécessaires pour qu'un dossier réputé financé, soit effectivement payé ! Pire, les services de l'État en sont à « gratter » une partie des enveloppes prévues, en refusant dans les avenants une fongibilité pourtant admise au départ. Un responsable de l'ANRU m'a d'ailleurs confié recourir à ce procédé pour redistribuer de l'argent entre territoires, faute de pouvoir honorer tous les engagements de l'agence...
Vous nous dites que le prochain PNRU aurait un effet de levier de quatre, puisque ses 5 milliards d'euros devraient entraîner un investissement global de 20 milliards d'euros : pour le programme actuel, on a constaté un effet de levier de trois. D'où viendra l'argent ? Cela m'inquiète...
Vous évoquez la possibilité qu'Action logement contribue à la GUL : aux dernières nouvelles, nous en étions restés au mécanisme annoncé par Cécile Duflot d'une participation de l'État, assise sur les économies résultant de la mise en extinction d'anciennes dépenses de type « Robien ». En réalité, le financement de la GUL est loin d'être fixé. Le Gouvernement devrait se garder de susciter de faux espoirs en ces temps de rigueur budgétaire aux nombreux maires qui présenteront leurs dossiers dans le cadre du nouveau PNRU.
La fusion de l'ONZUS et du comité d'évaluation et de suivi (CES) de l'ANRU me paraît, elle, une très bonne chose : la dispersion des moyens n'est plus de mise !
Le pilotage de la politique de la ville est confié à l'échelon intercommunal : il faudra adapter ce principe à la nature des territoires ! Comment, par exemple, sera-t-il appliqué en Île-de-France ? Quel sera le périmètre au sein du Grand Paris ? Faudra-t-il se caler sur les conseils de territoire ? Le texte n'en dit rien, pour contourner l'obstacle... En Seine-Saint-Denis, les quatre ou cinq conseils de territoires représenteraient des ensembles bien trop vastes pour le pilotage concret des projets et mieux vaudrait, de loin, confier la gestion aux communes, surtout celles qui ont de l'expérience en la matière...
Je suis moi aussi sceptique s'agissant des nouvelles missions de l'ANRU. Elle pourra exporter son savoir-faire : ce serait une bonne chose, à condition que ce type d'action soit rentable. Il faut être prudent, car les quatre-vingts salariés de l'agence ont bien d'autres choses à faire, vu l'ampleur des projets ; on me dit que le texte ne fera que régulariser une pratique actuelle : cela n'enlève rien à l'obligation de prudence...
Seconde compétence nouvellement confiée à l'agence, la faculté d'investir pour le compte de l'État : la Caisse des dépôts et l'EPARECA le font déjà, faut-il le prévoir pour l'ANRU ? Je ne sais pas très bien où l'on veut aller.
Enfin, il y a la controverse née de la volonté d'acteurs associatifs de « co-élaborer » et de cogérer, avec les élus locaux, les actions de la politique de la ville ; ce texte ne s'avance pas sur ce terrain aussi loin que certains l'auraient souhaité et c'est une bonne chose - car nous vivons dans une démocratie représentative et il me semble sain que les élus décident des questions aussi importantes et complexes que celles posées par la politique de la ville.
En conclusion, c'est un texte qui me semble aller dans le bon sens, mais pour en dire plus, il faudra attendre de connaître le détail des choses.