La commission désigne M. François Marc rapporteur de la proposition de résolution européenne n° 259 (2013-2014) de M. Dominique Bailly, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Germain, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 178 (2013-2014) de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dans le texte n° 251 (2013-2014) adopté par la commission des affaires économiques le 18 décembre 2013.
Ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, que nous examinons en procédure accélérée, propose un nouveau cadre pour l'intervention en faveur des quartiers en difficulté et défavorisés.
Ces dernières années, les lacunes et les échecs de la politique de la ville ont été mis en évidence par de nombreux rapports, en particulier celui de l'Observatoire national de la politique de la ville (ONZUS) et celui de la Cour des comptes de juillet 2012 sur une décennie de réformes de la politique de la ville. Si des résultats sont constatés dans certains secteurs et si la rénovation urbaine a progressé, les inégalités persistent dans ces quartiers, notamment en matière d'emploi, de réussite scolaire ou encore d'accès aux soins.
La nouvelle étape de la politique de la ville a fait l'objet d'une concertation nationale - sous l'appellation « Quartiers, engageons le changement » - entre octobre 2012 et janvier 2013. Le Comité interministériel des villes du 19 février 2013 en a fixé les principaux axes. Ce projet de loi, qui en résulte, a été examiné par l'Assemblée nationale les 22 et 27 novembre derniers. La commission des affaires économiques du Sénat a, quant à elle, adopté son texte le 18 décembre.
Ce projet apporte un nouveau souffle à la politique de la ville, en renouvelant son cadre d'intervention, en définissant des objectifs structurants et des outils adaptés, tout en prévoyant la participation de l'ensemble des acteurs et l'association des habitants.
Il substitue ainsi une nouvelle géographie prioritaire, « recentrée et unique », aux différents zonages accumulés depuis des années, pour plus de ciblage et d'efficacité, mais aussi pour une meilleure lisibilité de l'action publique - et pour mettre un terme au « saupoudrage » tant critiqué depuis longtemps.
De nouveaux contrats de ville remplaceront les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) à compter de 2015 ; ils seront conclus au niveau intercommunal, le plus adéquat pour piloter les actions menées dans le cadre de la politique de la ville. Ils pourront être cosignés par un plus grand nombre d'acteurs.
Enfin, parmi les outils proposés par ce texte, figurent un nouveau programme national de renouvellement urbain (PNRU) pour la période 2014-2024 et le remplacement de la dotation de développement urbain (DDU) par une nouvelle « dotation politique de la ville » (DPV).
Notre commission s'est saisie de neuf articles - 1er, 1er bis A (anciennement 3), 2, 4, 5, 8, 9 et, par coordination, les articles 17 et 18 - tels qu'issus des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat.
L'article 1er définit la politique de la ville, en fixe les objectifs, en identifie les acteurs et propose d'en améliorer l'évaluation, avec l'instauration d'un « observatoire national de la politique de la ville » ; du point de vue financier, il réaffirme le principe selon lequel les politiques publiques de droit commun doivent être prioritairement mobilisées, avant les instruments spécifiques de la politique de la ville qui ne doivent ainsi être mis en oeuvre que « lorsque la nature des difficultés le nécessite ».
Déjà affirmé à plusieurs reprises, ce principe n'est qu'insuffisamment appliqué. La mobilisation des crédits de droit commun est pourtant essentielle. Les crédits spécifiques de la politique de la ville ne sauraient répondre seuls aux besoins des quartiers et ne devraient intervenir qu'en complément des crédits de droit commun, ce qui est loin d'être toujours le cas aujourd'hui. À cet effet, onze conventions ont été signées par le ministre délégué à la ville avec d'autres ministres chargés de politiques de droit commun et Pôle emploi, afin de prévoir un ensemble d'actions concrètes à destination des quartiers prioritaires.
Ensuite, l'évaluation des crédits consacrés par l'État à la politique de la ville s'avère particulièrement insuffisante, ce que l'on constate chaque année à la lecture du document de politique transversale annexé au projet de loi de finances ; le ministère délégué à la ville nous a indiqué vouloir améliorer la qualité et la fiabilité de ce document. Ce travail me paraît indispensable et je souhaite qu'il soit réalisé dans les meilleurs délais.
Les collectivités territoriales doivent également participer à la mobilisation des politiques publiques de droit commun, alors que les crédits qu'elles consacrent à la politique de la ville s'avèrent aujourd'hui difficilement identifiables. L'article 8 de ce texte dispose que les EPCI et les communes signataires de contrats de ville devront présenter, chaque année, une annexe à leur budget relative aux moyens mis en oeuvre en faveur de la politique de la ville, quelle que soit leur origine. Sur cet article, pour lever toute ambiguïté, je vous propose un amendement précisant que ce nouveau document de suivi de la politique de la ville n'est pas un budget annexe, mais bien une simple annexe au budget.
La nouvelle géographie prioritaire, prévue à l'article 4, met fin aux divers zonages actuels : les « quartiers prioritaires de la politique de la ville » se substitueront aux zones urbaines sensibles (ZUS), aux zones de revitalisation urbaine (ZRU) et aux quartiers concernés par les CUCS. Outre un seuil minimal d'habitants, ces quartiers seront identifiés par leur « écart de développement économique et social », apprécié par un critère désormais unique : le revenu des habitants, par rapport à la moyenne nationale mais également par rapport au revenu moyen de l'unité urbaine dans laquelle ces quartiers se situent ; 1 300 quartiers prioritaires devraient ainsi être identifiés, contre près de 2 500 quartiers ciblés en CUCS aujourd'hui.
Je me félicite que le texte prévoie une actualisation de la liste des quartiers concernés, ce qui n'a pas été fait pour les zonages actuels.
Je me suis principalement intéressé dans mon rapport à l'impact financier de ce changement de zonage : les crédits spécifiques de la politique de la ville seraient désormais déployés sur les nouveaux quartiers prioritaires et l'essentiel des avantages liés aux ZUS devraient également être transférés vers ces quartiers, même si certaines modalités restent à définir - je pense en particulier à l'avenir de l'abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux en ZUS, qui a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2014 par la loi de finances pour 2014.
S'agissant de la péréquation, seule la dotation de solidarité urbaine (DSU) fait intervenir, mais de façon marginale, la géographie prioritaire de la politique de la ville. Ainsi, les communes nouvellement éligibles à la DSU pourraient être concernées par le changement de zonage ; le Gouvernement m'a indiqué qu'il préciserait ce point lors du prochain budget.
L'article 2 du projet de loi prolonge l'actuel PNRU pour deux ans, jusqu'en 2015, et prévoit le lancement d'un nouveau PNRU pour 2014-2024, qui bénéficiera en priorité aux quartiers présentant les « dysfonctionnements urbains les plus importants ». Ce nouveau programme bénéficierait d'un financement de 5 milliards d'euros, pour un investissement total estimé à 20 milliards d'euros, avec la participation des autres investisseurs.
Je me félicite du lancement de ce nouveau programme, mais il nous faudra rester vigilant sur son financement, en gardant à l'esprit ce qui s'est passé pour l'ANRU ces dernières années. Le Gouvernement prévoit de mobiliser le fonds de péréquation prévu à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation, la dotation annuelle de 30 millions de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et, pour la partie la plus importante, la contribution de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) - Action logement.
Cependant, la contribution d'Action logement devrait diminuer ces prochaines années et être négociée dans le cadre de sa nouvelle convention sur la participation des employeurs à l'effort de construction à compter de 2015, selon le dispositif prévu dans la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), en cours de débat. D'après les informations qui m'ont été fournies, cette contribution pourrait passer d'environ 1,05 milliard d'euros en 2015, à 500 millions annuels après une période de transition entre 2016 et 2018.
S'agissant de la soutenabilité financière de l'ANRU et des décaissements attendus au cours des prochaines années, les éléments qui m'ont été transmis pour les années 2013 à 2015 indiquent que les besoins devraient être couverts, mais que la trésorerie de l'agence devrait être sollicitée : elle passerait de 472 millions d'euros fin 2012 à environ 140 millions d'euros fin 2015. Cette prévision ne tient toutefois pas compte de l'éventuelle affectation du fonds de péréquation. Pour les années suivantes, les décaissements de l'ANRU devraient considérablement se réduire à compter de 2016.
L'étude d'impact explique que cette « compatibilité temporelle » entre l'achèvement du premier PNRU et la montée en charge du nouveau PNRU assurerait la soutenabilité de nouveau programme pour l'ANRU et ses financeurs. J'espère que ces hypothèses se confirmeront et que le nouveau PNRU ne connaîtra pas de difficultés de mise en oeuvre en raison de problèmes de financement. Il est, par ailleurs, indispensable que l'ANRU dispose d'une trésorerie toujours suffisante pour ne pas retarder les opérations.
J'appelle votre attention sur le fait que le financement de l'ANRU pourrait être affecté par celui de la garantie universelle des loyers (GUL) prévue à l'article 8 du projet de loi ALUR. En effet, il est envisagé de solliciter Action logement pour financer en partie ce nouveau dispositif, le Gouvernement souhaitant que les 160 millions d'euros annuels qu'Action logement verse à la garantie des risques locatifs (GRL) soient transférés à la GUL. Mais rien ne garantit que cette solution soit finalement retenue. Pour autant, tout « dérapage » pour le financement de la GUL pourrait entraîner une demande de contribution complémentaire à Action logement.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je considère que le financement de l'ANRU demeure très tendu et qu'il conviendra de rester très vigilant quant aux ressources octroyées, en particulier à compter de 2016.
L'article 2 confie également deux nouvelles compétences à l'ANRU.
L'agence, d'abord, pourrait désormais prendre des participations dans des sociétés exclusivement dédiées au renouvellement urbain des quartiers, pour inciter les autres investisseurs, notamment privés, à s'engager dans certains projets à caractère économique. Cette nouvelle compétence serait exercée uniquement dans le cadre du nouveau programme d'investissement d'avenir (PIA2). L'action « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain » du programme 414 « Ville et territoires durables » confie à l'ANRU la gestion d'une enveloppe de 250 millions d'euros de fonds propres destinés à la « diversification des fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » - l'agence a été choisie pour sa connaissance des quartiers en politique de la ville et son réseau territorial. Le Gouvernement m'a indiqué que la dotation de 5 milliards d'euros du nouveau PNRU ne pourrait pas être utilisée pour financer cette nouvelle compétence et que l'ANRU n'agirait qu'en qualité de gestionnaire de fonds du Trésor, pour le compte de l'État.
Il faudra rester très vigilant, car l'agence doit garder son coeur d'activité : la mise en oeuvre du PNRU - et il ne lui appartient pas, à mon sens, de supporter des risques économiques en tant qu'investisseur, risques dont elle paraît toutefois prémunie du fait qu'elle agirait pour le compte de l'État.
N'oublions pas, enfin, que la Caisse des dépôts et consignations et l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) investissent déjà pour la rénovation urbaine des quartiers.
Deuxième compétence nouvellement confiée à l'ANRU, par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et à l'initiative du Gouvernement : la possibilité d'« entreprendre des actions concourant à promouvoir l'expertise française à l'international en matière de renouvellement urbain », ce pour quoi elle est déjà sollicitée - une convention a d'ailleurs déjà été signée avec l'agence de rénovation urbaine tunisienne. L'agence pourrait ainsi participer à l'élaboration et la mise en oeuvre d'accords de coopération internationale et réaliser des prestations de services rémunérées, par exemple d'ingénierie urbaine.
Je suis circonspect sur cette seconde compétence, plus encore que sur la première : il ne faudrait pas que cette action internationale se traduise par des coûts supplémentaires pour l'agence, ce qui en impose, me semble-t-il, un usage ponctuel, ciblé et mesuré.
L'article 1er bis A prévoit la mise en place, à compter de 2015, d'une « dotation politique de la ville » (DPV), en remplacement de la dotation de développement urbain (DDU), mise en place en 2009 pour compléter la dotation de solidarité urbaine (DSU), laquelle était critiquée pour son « saupoudrage ». Or, la DDU a été à son tour critiquée en raison de son faible taux d'exécution qui montre que des projets sont subventionnés alors qu'ils ne sont pas assez avancés, de ses conditions de « pré-éligibilité », qui excluent des communes pourtant concernées par la politique de la ville mais qui bénéficient de la dotation de solidarité rurale (DSR), de son coût de gestion et, selon le Gouvernement, de sa faible transparence.
Le présent projet de loi ne définit pas précisément la future DPV. Il en pose le principe - dans la continuité des travaux de la mission « péréquation et politique de la ville » conduite par notre collègue député François Pupponi - et prévoit un rapport au Parlement, déposé avant le 1er septembre 2014, qui servira de base à la création de cette dotation dans la loi de finances pour 2015.
Selon les informations que j'ai recueillies, la future DPV devrait se rapprocher davantage d'un fonds de soutien au bénéfice des territoires les plus en difficulté de la politique de la ville, qui ont structurellement moins de ressources et plus de charges. Elle devrait, surtout, s'inscrire dans le contrat de ville au sein duquel elle serait relativement libre d'emploi : son octroi ne serait plus soumis à des appels à projet, mais répondrait aux objectifs définis par les acteurs locaux et serait encadré par des objectifs nationaux.
Le rapport prévu examinera notamment les critères d'éligibilité et de répartition de cette dotation, ses conditions d'utilisation ainsi que les dispositions spécifiques applicables aux départements et collectivités d'outre-mer.
Aussi cet article 1er bis A, en définissant le contenu du rapport, se contente-t-il d'identifier les principales interrogations à lever en vue de la création de cette nouvelle dotation. Mais elles devront être tranchées et il importe que le Parlement soit étroitement associé à cette réflexion.
Sur le contenu de ce rapport, je vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.
Enfin, il convient de noter que le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale prévoyait la suppression de la DDU, sans créer concomitamment la DPV. Je me réjouis que la commission des affaires économiques du Sénat ait maintenu la DDU, afin que sa suppression n'intervienne pas avant la loi de finances pour 2015, en même temps que la création de la DPV.
L'article 8 confie à l'échelon intercommunal le pilotage stratégique des contrats de ville et leur mise en oeuvre de proximité aux communes. Par conséquent, l'exercice de cette compétence est généralisé à chaque catégorie d'EPCI.
Outre ce pilotage intercommunal de la politique de la ville, une réelle solidarité financière au sein des EPCI devra être garantie. En effet, seul un quart des communautés de communes et deux-tiers des communautés d'agglomération ont instauré une dotation de solidarité communautaire (DSC). Deux tiers des communautés de communes et près d'un tiers des communautés d'agglomération concernés par la politique de la ville n'ont pas de DSC.
Dès lors, l'article 9 vise à promouvoir la solidarité interne à ces EPCI. La rédaction initiale rendait obligatoire l'institution d'une DSC pour tous les EPCI signataires d'un contrat de ville ; nos collègues députés ont préféré rendre obligatoire, dans un délai d'un an, la conclusion d'un « pacte financier et fiscal de solidarité » pour réduire les disparités de charges et de recettes entre les communes membres. Ils ont prévu qu'en l'absence d'un tel pacte dans la première année de mise en oeuvre du contrat de ville, serait alors obligatoire une DSC « dont au moins 50 % du montant doit être réparti en fonction de critères de péréquation concourant à la réduction des disparités de potentiels financiers entre les communes ».
Enfin, à l'article 5 consacré aux nouveaux contrats de ville, l'Assemblée nationale a mis en place, à compter de 2016, un « malus » de 5 euros par habitant, sanctionnant les EPCI qui refuseraient de s'engager dans la politique de la ville. Ce « malus » me semble stigmatisant, peu utile et fragile constitutionnellement. Je me réjouis donc que la commission des affaires économiques du Sénat ait supprimé cette disposition.
Je vous propose en conséquence un avis favorable aux articles dont nous nous sommes saisis, sous réserve des deux amendements que je vous présente.
Merci pour ce rapport très éclairant.
Monsieur le rapporteur pour avis, savez-vous quand nous connaîtrons la nouvelle « géographie prioritaire » ?
Certes, mais la liste sera-t-elle publiée cette année, de façon à ce que les élus sachent sur quoi tabler pour 2015 ?
La nouvelle DPV, ensuite, sera-t-elle dans l'enveloppe normée ?
Je souscris parfaitement à votre appel à la prudence sur les deux nouvelles compétences confiées à l'ANRU. Nous devons éviter à cette agence de prendre des risques inconsidérés : vous nous dîtes qu'elle pourrait prendre des participations mais que ce serait l'État, et seulement lui, qui encourrait les risques. Il faudrait en être certain, ce qui, du reste, pourrait motiver un contrôle de notre part...
Je partage la quasi-totalité des propos de notre rapporteur. Ce texte soulève peu de controverse, car les aspects les plus sensibles, comme la liste des quartiers de la géographie prioritaire, ont été reportés à plus tard, après les élections municipales ; le Sénat réclame depuis suffisamment longtemps la fin du « saupoudrage » des crédits et une nouvelle géographie prioritaire, pour que nous ne regardions pas avec espoir celle que nous annonce ce texte ; cependant, nous verrons ce qu'il en sera dans les faits - et si nos espoirs se concrétisent ou pas.
Je suis inquiet de voir la trésorerie de l'ANRU descendre à 140 millions d'euros : comment les délais de paiement, aujourd'hui déjà beaucoup trop longs, pourraient-ils ne pas s'aggraver, au-delà du raisonnable ? Comment imaginer que le passage d'un PNRU à l'autre pourrait se faire dans de bonnes conditions ? Je le sais comme maire qui termine une opération de rénovation importante, mais également comme ancien rapporteur spécial des crédits de la ville, à qui bien des élus ont dit les nombreuses difficultés liées au manque de financement de l'ANRU. L'administration a commencé par avancer des difficultés d'ordre technique, par exemple celle des logiciels comptables de l'agence, qu'il fallait adapter ; mais les logiciels ont été adaptés et les difficultés sont restées : on ne compte plus les allers-retours nécessaires pour qu'un dossier réputé financé, soit effectivement payé ! Pire, les services de l'État en sont à « gratter » une partie des enveloppes prévues, en refusant dans les avenants une fongibilité pourtant admise au départ. Un responsable de l'ANRU m'a d'ailleurs confié recourir à ce procédé pour redistribuer de l'argent entre territoires, faute de pouvoir honorer tous les engagements de l'agence...
Vous nous dites que le prochain PNRU aurait un effet de levier de quatre, puisque ses 5 milliards d'euros devraient entraîner un investissement global de 20 milliards d'euros : pour le programme actuel, on a constaté un effet de levier de trois. D'où viendra l'argent ? Cela m'inquiète...
Vous évoquez la possibilité qu'Action logement contribue à la GUL : aux dernières nouvelles, nous en étions restés au mécanisme annoncé par Cécile Duflot d'une participation de l'État, assise sur les économies résultant de la mise en extinction d'anciennes dépenses de type « Robien ». En réalité, le financement de la GUL est loin d'être fixé. Le Gouvernement devrait se garder de susciter de faux espoirs en ces temps de rigueur budgétaire aux nombreux maires qui présenteront leurs dossiers dans le cadre du nouveau PNRU.
La fusion de l'ONZUS et du comité d'évaluation et de suivi (CES) de l'ANRU me paraît, elle, une très bonne chose : la dispersion des moyens n'est plus de mise !
Le pilotage de la politique de la ville est confié à l'échelon intercommunal : il faudra adapter ce principe à la nature des territoires ! Comment, par exemple, sera-t-il appliqué en Île-de-France ? Quel sera le périmètre au sein du Grand Paris ? Faudra-t-il se caler sur les conseils de territoire ? Le texte n'en dit rien, pour contourner l'obstacle... En Seine-Saint-Denis, les quatre ou cinq conseils de territoires représenteraient des ensembles bien trop vastes pour le pilotage concret des projets et mieux vaudrait, de loin, confier la gestion aux communes, surtout celles qui ont de l'expérience en la matière...
Je suis moi aussi sceptique s'agissant des nouvelles missions de l'ANRU. Elle pourra exporter son savoir-faire : ce serait une bonne chose, à condition que ce type d'action soit rentable. Il faut être prudent, car les quatre-vingts salariés de l'agence ont bien d'autres choses à faire, vu l'ampleur des projets ; on me dit que le texte ne fera que régulariser une pratique actuelle : cela n'enlève rien à l'obligation de prudence...
Seconde compétence nouvellement confiée à l'agence, la faculté d'investir pour le compte de l'État : la Caisse des dépôts et l'EPARECA le font déjà, faut-il le prévoir pour l'ANRU ? Je ne sais pas très bien où l'on veut aller.
Enfin, il y a la controverse née de la volonté d'acteurs associatifs de « co-élaborer » et de cogérer, avec les élus locaux, les actions de la politique de la ville ; ce texte ne s'avance pas sur ce terrain aussi loin que certains l'auraient souhaité et c'est une bonne chose - car nous vivons dans une démocratie représentative et il me semble sain que les élus décident des questions aussi importantes et complexes que celles posées par la politique de la ville.
En conclusion, c'est un texte qui me semble aller dans le bon sens, mais pour en dire plus, il faudra attendre de connaître le détail des choses.
Merci, Monsieur le shadow rapporteur pour avis, votre analyse conforte celle de Jean Germain...
Je m'associe à l'appel à la vigilance sur « l'action internationale » de l'ANRU ; cependant, s'il ne s'agit que de sécuriser une pratique actuelle, je n'y vois pas d'inconvénient.
Quant à la faculté ouverte à l'agence d'intervenir en étant co-investisseur, sur laquelle je me suis interrogé, la garantie me paraît provenir du fait que les 5 milliards d'euros du PNRU ne pourront pas être utilisés à cette fin : les fonds visés sont uniquement ceux du PIA, il y a une étanchéité avec ceux du renouvellement urbain ; et dans cette compétence nouvelle, l'agence agit pour le compte de l'État, sous l'oeil notamment de la Caisse des dépôts et consignations et du Commissariat général à l'investissement : c'est rassurant. Le ministère de la ville dit que l'investissement dans les quartiers pourrait être plus vigoureux et que l'ANRU est la mieux placée pour soutenir le mouvement, qu'elle est un peu le chaînon manquant : pourquoi s'interdire son investissement, en complément des autres investisseurs publics ?
Enfin, je partage votre interrogation sur la subite amélioration de l'effet levier de l'investissement d'un PNRU à l'autre : on passerait de trois à quatre, sans bien savoir pourquoi...
Quand la liste des quartiers prioritaires sera-t-elle publiée ? Après les élections municipales, effectivement, mais probablement avant l'été, pour que les équipes fraîchement élues puissent avancer concrètement. Du reste, les agences locales d'urbanisme peuvent déjà esquisser la carte car la technique est connue : c'est celle du carroyage, consistant à découper des carreaux de territoire de 200 mètres de côté et à appliquer le critère de concentration des populations à bas revenus, c'est-à-dire dont les ressources sont inférieures à 60 % du revenu fiscal médian.
La DPV fera-t-elle partie de l'enveloppe normée ? La question n'est pas réglée ; le ministère de la ville voudrait un rattachement de ces crédits à son programme. S'agissant du montant, j'ai cru comprendre que l'on s'engageait dans des années de sobriété...
La trésorerie de l'ANRU est un vrai sujet de préoccupation pour tous ceux qui portent des projets. La pression est forte, c'est certain. Action logement a été sollicitée pour financer l'ANRU. Cet organisme a connu des difficultés financières et a su, à la suite du contrôle de la Cour des comptes, se réorganiser. Tout en prenant de nouveaux engagements pour la construction neuve, le niveau de participation d'Action logement doit être maintenu à un niveau de 500 millions d'euros à compter de 2018 pour que le financement des deux PNRU soit assuré. Or, la participation d'Action logement à la GUL ne sera peut-être pas sans incidence. Les choses ne sont pas encore fixées : l'obstacle n'est pas dirimant, mais il faut régler ce problème. J'ajoute que notre commission a demandé un contrôle de la Cour des comptes sur la gestion de l'ANRU, en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ; la Cour devrait rendre son rapport en juin prochain, nous y verrons alors un peu plus clair.
Je vous concède bien volontiers que l'Île-de-France est un cas à part pour la DSC - alors que l'organisation métropolitaine permet de régler les choses à Lyon et à Marseille, et que dans les autres villes et métropoles, la DSC paraît de bon sens. Il faudra donc, effectivement, articuler cette nouvelle dotation avec le Grand Paris.
Je partage votre avis sur l'importance de la démocratie représentative : les élus sont responsables, c'est à eux que la décision doit revenir, et non à des personnalités dont on ne sait jamais précisément ce qu'elles représentent.
Enfin, je suis également favorable à la plus grande prudence sur les deux compétences confiées à l'ANRU : elle ne doit pas se disperser à l'international, quand il y a tant à faire sur le territoire national - et il faut également minimiser les risques de tension avec un acteur aussi déterminant que la Caisse des dépôts, c'est une certitude.
Article 1er bis A
L'amendement rédactionnel n° 1 est adopté
Article 8
Avec l'amendement n° 2, je souhaite préciser que le nouveau document de suivi de la politique de la ville prévu à cet article n'est pas un budget annexe, mais bien une annexe au budget.
Les communes ont obligation de présenter un rapport sur la DSU devant leur assemblée délibérante : cet exercice est tout à fait formel, ne peut-on en supprimer l'obligation ? Ne pourrait-on supprimer cette obligation au profit de l'annexe prévue à l'article 8 ?
Le texte prévoyait un rapport DSU, un rapport « Politique de la ville » et l'annexe au budget dont nous discutons. Mais les deux premiers rapports ont été fusionnés par la commission des affaires économiques.
Il y aura bien une annexe au budget, mais les deux rapports seront fusionnés.
C'est déjà un résultat de la Haute Assemblée... où l'on voit, une fois encore et s'il en était besoin, que le cumul des mandats n'a pas que des défauts !
L'amendement n° 2 est adopté.
Je m'abstiens sur ce texte, parce que même ses défenseurs ne m'en paraissent pas convaincus...
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie, tels que modifiés par ses amendements.