Rien dans le rapport ne prend position sur les questions abordées par la proposition de loi de l'Assemblée nationale concernant la pénalisation du client. Nous nous en tenons à la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées proprement dite.
En ce qui concerne tout d'abord le volet sanitaire, il y a deux éléments à prendre en compte : les risques qui découlent directement de l'activité prostitutionnelle et ceux qui résultent des conditions de vie.
Les risques sanitaires inhérents à la pratique de la prostitution sont bien connus : il s'agit principalement du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et des autres infections sexuellement transmissibles (IST). Les données disponibles sont très limitées alors que ces questions devraient être très bien documentées. Les constats sont les suivants.
Le premier point est que les populations prostituées transgenre et homosexuelle sont nettement plus exposées au risque de VIH que la population prostituée hétérosexuelle. La prévalence du VIH est, en outre, plus élevée chez les personnes prostituées qui sont usagères de drogues.
Le deuxième point est que le taux de prévalence des autres IST parmi les personnes prostituées est deux fois plus important que dans la population générale.
Le risque de contamination au VIH et aux IST est, on le sait, directement corrélé au niveau de protection. On a constaté que chez les personnes prostituées dites « traditionnelles », le taux d'usage du préservatif est globalement élevé. On remarque toutefois que si son utilisation est quasi systématique chez la population féminine prostituée, il l'est beaucoup moins dans la prostitution homosexuelle masculine ou la prostitution transgenre. En outre, les associations au contact des personnes prostituées nous ont informés que, dans le cadre de la vie privée, l'usage du préservatif est plus irrégulier.
Autre élément important : le niveau de protection dépend également du degré d'appropriation des messages et des pratiques de prévention. Or, pour les personnes prostituées étrangères, issues de pays où l'éducation sexuelle et la prévention des IST sont encore peu développées, le niveau d'information sur les méthodes de protection est nettement inférieur à celui des personnes prostituées de nationalité française. Ce fait est aggravé encore par une mauvaise maîtrise de la langue, par leur méconnaissance des dispositifs institutionnels de dépistage et par l'emprise des réseaux. Il y a de surcroît, chez certaines personnes prostituées, de fausses croyances sur l'usage du préservatif.
Un autre point - et qui nous a beaucoup étonnés d'ailleurs - est le rôle des clients. Depuis plusieurs années, le nombre de rapports non protégés est en forte hausse. Les chiffres sont très variables puisque le Conseil national du sida évalue, selon les sources, la part des rapports non protégés entre 5 et 10 % ; l'association Grisélidis estime que ce type de comportement concernerait au moins un client sur cinq.
Plusieurs facteurs pourraient expliquer ce fait : tout d'abord, la crise conduit au développement d'une prostitution « law cost ». Les prix sont « cassés » et, pour maintenir un certain chiffre d'affaires, les personnes prostituées sont obligées d'accepter des rapports non protégés, a fortiori dans le contexte d'une augmentation de l'offre prostitutionnelle et du développement de la prostitution sur internet, qui empêche les associations de jouer leur rôle d'information et de protection auprès de ces personnes.
Outre les IST, l'activité prostitutionnelle expose les femmes qui l'exercent à des problèmes gynécologiques qui représentent entre 20 et 25 % des demandes adressées aux associations de terrain. On sait également que le développement du cancer du col de l'utérus est favorisé par des facteurs de risques souvent observés dans cette population, et notamment les rapports sexuels à un âge précoce, la multiplicité des partenaires et le tabagisme. Enfin, la vulnérabilité des personnes prostituées sur le plan gynéco-obstétrical se caractérise par une fréquence des interruptions volontaires de grossesse : trois fois plus élevée que dans la population générale. Nous avons eu des témoignages d'IVG d'une violence inouïe, notamment du fait des réseaux, par exemple à coups de pieds dans le ventre.