Intervention de Corinne Bouchoux

Mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs — Réunion du 18 décembre 2013 : 1ère réunion
Constitution

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux, rapporteure :

Oui.

La question de l'accès aux documents administratifs est ancienne et préoccupe tout le monde, des deux côtés du guichet ! Les demandes des usagers se sont multipliées, pour des usages personnels, professionnels, militants ou même électoraux. L'administration y répond de façon contradictoire, elle oscille entre ouverture et résistance.

La loi de 1978 a fait entrer la France dans la modernité. Mais les demandes sont de plus en plus nombreuses, l'impatience des usagers de plus en plus forte. Ils admettent difficilement tout délai dans la réponse. Des requêtes nouvelles apparaissent aussi, parfois paradoxales, demandes croisées entre collectivités, ou au sein d'une même collectivité. Il y a là un enjeu de compétences et de pouvoirs.

Internet a bouleversé la donne : désormais, les organigrammes sont publics ; et les instances administratives sont accessibles en un clic. À cela s'ajoute l'ouverture des données publiques ou open data, qui conduit à mettre à la disposition du public un grand nombre de données.

Cette évolution suscite des convergences, mais aussi des contradictions, parfois même de vives tensions. La présente mission vise à dresser un état des lieux, dont nous, législateurs, pourrons tenir compte. En effet, dresser et analyser la cartographie des demandes reçues par la Cada, dont nous fêtons le trente cinquième anniversaire, fera apparaître en creux certains impensés de nos lois, les contradictions entre les textes. Nous en améliorerons ainsi la qualité.

Tout le monde est concerné, citoyens, associations, entreprises, collectivités territoriales - l'obligation de répondre aux demandes peut paralyser le fonctionnement des plus petites d'entre elles. Dans les procédures, marchés publics par exemple, les entreprises utilisent désormais l'accès aux documents administratifs comme un outil, l'exploitant jusqu'au stade contentieux. Toutes les administrations n'y sont pas préparées.

La jurisprudence, aux termes de laquelle tout document déposé en préfecture doit être accessible, est épineuse. Imaginons qu'un conseil municipal, au moment d'envoyer à la préfecture une série de pièces, y joigne par mégarde un document comportant des données personnelles : celui-ci devient de facto un document administratif consultable !

Les journalistes demandent des documents à fin d'investigation. Imaginez le séisme contentieux qui peut naître de l'oubli de bonne foi d'une page dans la liasse qu'on leur a communiquée !

Dans certaines administrations, on n'est pas loin de penser que la loi de 1978 a atteint ses limites. Je ne le crois pas. Faut-il la revoir sur certains points ? Nos usages sont-ils comparables à ce qui se fait dans d'autres pays ? Le point de vue de la mission d'information de la commission des lois sur l'« open data et la protection de la vie privée », confiée à MM. Gaëtan Gorce et François Pillet, complétera utilement nos travaux, de même que les conclusions du rapport en cours d'élaboration de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur le « risque numérique ».

Nous pourrons ainsi identifier les dysfonctionnements auxquels nous ne pensons pas toujours dans notre travail législatif, des zones d'ombre et de flou, susceptibles de provoquer des contentieux et des contrariétés, pour les collectivités territoriales et les administrations. Notre tâche ne satisfait pas une lubie, elle répond à une vraie attente.

Notre société a aujourd'hui des exigences contradictoires. La polémique sur l'article 13 de la loi de programmation militaire pour 2014-2019 l'a montré : d'un côté, on réclame des données, de l'autre on ne veut rien communiquer sur sa vie privée ! D'où le besoin d'un diagnostic paisible et serein, mettant à profit tout ce que la Cada peut avoir à dire au législateur. Nous exploiterons ensuite nos conclusions dans notre travail en commission.

Un exemple de l'ambiguïté de la transparence : dans certaines instances, lorsqu'une personne est juge et partie à une décision, il est d'usage qu'elle se déporte, autrement dit qu'elle quitte la séance. Ainsi, sur tel ou tel sujet, le président de la Cada, ancien membre du Conseil d'État, s'abstient pour ce motif de participer au débat ; son suppléant également qui est lui aussi issu du Conseil d'Etat, et ainsi de suite. Finalement l'instance collégiale se réduit à deux ou trois personnes ! Dans certaines situations, je me garde de donner mon avis ou je réclame qu'il ne soit pas porté au compte rendu, de manière à éviter tout soupçon de conflit d'intérêt ! Nous avons bien vu, au Sénat, combien tout cela risquait d'être compliqué.

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