Monsieur le ministre, je le répète, votre projet de loi était attendu par tous les acteurs de la politique de la ville : les habitants, les élus, les professionnels qui, vous avez eu raison de le dire, sont lassés des effets d’annonce de ces plans d’urgence dont les résultats ne se voient pas sur le terrain. Tout le monde souhaite des actions, au-delà des mots, et au-delà des maux, aussi !
Ce texte était d’autant plus attendu qu’il a été précédé d’une longue et véritable concertation, à laquelle vous avez fait allusion dans votre intervention. Pour y avoir moi-même participé en coanimant un groupe de travail de 70 personnes, je puis vous dire que toutes étaient présentes aux réunions qui se sont étalées non pas sur quelques jours ou quelques semaines, mais sur plusieurs mois.
À mon sens, cette procédure a constitué une première et j’espère que vous allez faire école, monsieur le ministre, car il est très rare que la présentation d’un projet de loi soit précédée d’une telle préparation.
Dans ce cadre, vous avez également innové – je n’en ai pas trouvé d’autre exemple - s’agissant de la participation des habitants, en demandant un rapport non à un parlementaire, mais à des personnes ayant aussi leur légitimité pour représenter les habitants, à savoir une sociologue, Mme Bacqué, et un acteur associatif, M. Mechmache. Là encore, monsieur le ministre, il s’agit d’une première, et je pense qu’avec ce rapport, très important, dont nous reparlerons dans le débat, vous avez montré l’exemple pour le futur.
Je ne vais pas reprendre le contenu du projet de loi de façon exhaustive, puisque vous l’avez très bien présenté, mais je voudrais simplement dire en quoi il nous permet d’entrer dans une ère nouvelle de la politique de la ville.
Comme je l’ai dit, le vote de ce texte marquera la fin du saupoudrage : nous comptons actuellement 2 500 territoires dits « prioritaires », quand l’Italie n’en compte que 17, ce qui me porte à croire qu’il y a sûrement une voie moyenne entre les deux.
Nous consacrerons également la fin des empilements des contrats, des conventions, des schémas, qui sont tous décidés de façon désordonnée. Il y aura désormais un seul projet de territoire et un contrat unique et global. C’en est fini de la dissociation entre l’urbain et l’humain - mais nous ne dirons pas qu’ils sont réconciliés, car ils n’étaient pas fâchés !
Cette réforme marque par ailleurs l’abandon de ce que j’appellerai le subjectif dans la détermination des territoires prioritaires. Monsieur le ministre, vous avez choisi le bon critère, qui était justement ressorti de la concertation. Il s’agit d’une évidence retenue non par les politiques, mais par les universitaires qui travaillent sur le sujet.
Je sais que ce choix de la pauvreté fait débat, mais, à mon sens, il y a un malentendu, car vous vous apprêtez à dessiner la carte non pas de la pauvreté en France, mais de la ségrégation territoriale. Ce critère permettra donc de définir là où il y a ségrégation : nous devons avoir à l’esprit que vous êtes non pas le ministre de la pauvreté, mais le ministre de la ségrégation territoriale.
En consacrant la fin des zones, ce texte fera de surcroît disparaître cette sémantique très stigmatisante.
Vous nous proposez également d’en finir avec les égoïsmes territoriaux. Dorénavant, c’est l’ensemble de l’agglomération qui sera mobilisé en faveur des quartiers. En effet, il n’était pas acceptable que l’État considère tel territoire ou tel quartier comme prioritaire, mais que l’agglomération n’en fasse pas autant. Avec ce texte, c’en est désormais fini.
Au Sénat, nous sommes bien placés pour savoir que vous avez réussi quelque chose de difficile en imposant cette articulation entre l’intercommunalité et la commune. Comme nous avons pu le constater en commission, chacun s’y retrouvera et nous assisterons enfin à la mobilisation de tous, ce qui est très positif.
Cette loi pose également l’exigence de recourir de manière prioritaire aux moyens de droit commun, et c’est peut-être le plus important. Cette exigence vaut autant pour l’État – le temps où la politique de la ville se substituait au droit commun est fini, je vous renvoie au rapport Dubedout – que pour les autres collectivités territoriales : la région et le département doivent être impliqués.
Cette loi marque aussi une étape importante en matière de participation des habitants. Pour la première fois, un texte de loi emploie le mot « coconstruction ». Pour un certain nombre de responsables, cette notion peut paraître abstraite, mais la participation au rabais que l’on peut parfois observer n’a rien d’abstrait, elle ! Ce projet de loi vise à établir une coconstruction sincère entre les élus et les représentants des habitants.