Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de plusieurs sénateurs appelés à siéger au sein de différents organismes extraparlementaires.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des finances a été invitée à présenter un candidat destiné à siéger comme membre suppléant au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, en remplacement de M. Marc Massion.

La commission des affaires économiques est, quant à elle, invitée à présenter deux candidats, l’un pour un poste de titulaire, l’autre pour un poste de suppléant, destinés à siéger au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (projet n° 178, texte de la commission n° 251, rapport n° 250, avis n° 264).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
François Lamy

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis de trop nombreuses années, notre pays est traversé par de multiples fractures territoriales qui deviennent autant de fractures sociales intolérables pour notre pacte républicain.

L’exigence d’une réponse puissante face à cette situation s’est traduite par la décision de placer le ministère de la ville au cœur du ministère chargé de l’égalité des territoires, créé depuis maintenant vingt mois, presque jour pour jour, et dirigé par Cécile Duflot et moi-même.

Je me félicite quotidiennement de cette cohérence, qui témoigne de la volonté du Président de la République. Celui-ci a récemment encore rappelé, lors de ses vœux aux corps constitués, que c’est la pleine égalité non seulement entre les citoyens, mais également entre les territoires qui constitue le socle même de l’unité nationale.

L’unité de l’État passe autant par l’égalité des chances que par l’égalité des territoires. C’est précisément cette recherche d’une égalité retrouvée entre des territoires aujourd’hui si fragmentés qui est au cœur du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.

C’est également cette ambition d’une réponse structurelle aux maux dont souffrent nos quartiers populaires qui a animé les discussions entamées au Sénat il y a plusieurs semaines. Je souhaite d’ailleurs remercier dès à présent le rapporteur, Claude Dilain, de la qualité de son travail et de la manière dont il a conduit les débats en commission, qui ont déjà permis d’enrichir le texte sur de nombreux points.

Je sais combien le Sénat est attaché à ce que l’investissement des pouvoirs publics ne délaisse aucune parcelle de notre République, en zone rurale comme en zone urbaine.

La réussite de la concertation nationale « Quartiers, engageons le changement », lancée en octobre 2012, doit d’ailleurs beaucoup à l’implication active de nombreux sénateurs, que je souhaite aujourd’hui remercier : Claude Dilain, à nouveau, comme coprésident du groupe sur la refonte de la géographie prioritaire, mais aussi Jean Germain, Valérie Létard, Laurence Cohen et bien d’autres.

C’est de ces échanges qu’ont pu naître les principes de la réforme. Détaillés lors du comité interministériel des villes du 19 février 2013, ces principes visent à organiser le retour républicain de l’État dans les quartiers. Il nous fallait en effet engager une véritable refondation de la politique de la ville.

Lors du débat organisé dans cet hémicycle le 6 décembre 2012, nous avions longuement débattu de la situation difficile dans laquelle se trouvent les quartiers de la politique de la ville et leurs habitants, confrontés à des inégalités de toute nature et frappés plus durement que d’autres par la crise.

Nous avons collectivement fait le constat que, malgré le travail important réalisé par les élus locaux et un monde associatif trop durement éprouvé ces dix dernières années, la situation de ces quartiers et de leurs habitants s’était profondément détériorée, comme l’a d’ailleurs rappelé récemment, dans son rapport annuel, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, l’ONZUS.

Nous devions agir, non pas en nous laissant aller à la facilité d’un énième plan d’urgence, aussi vite oublié qu’annoncé, mais en travaillant à une action structurelle, globale et concertée susceptible de s’attaquer dans la durée aux inégalités qui frappent aujourd’hui nos quartiers populaires.

Il nous fallait tenir compte de l’inefficacité du saupoudrage des crédits de la politique de la ville, pointée par la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2012, qui démontrait l’illisibilité de l’accumulation des zonages et des dispositifs engagés ces dernières années.

Il nous fallait corriger l’incompréhensible séparation entre les actions sur l’urbain, les dispositifs de cohésion sociale et le développement économique.

Il nous fallait encore remobiliser, au sein d’un contrat global, l’ensemble des politiques publiques qui, à chaque fois que la politique de la ville est intervenue dans un territoire, ont eu tendance à s’en retirer.

Il nous fallait également amplifier les mesures qui ont fait leurs preuves ; je pense bien évidemment aux chantiers du programme national de rénovation urbaine.

Il nous fallait enfin remettre au cœur de cette politique ceux pour qui elle existe : les habitants.

Toute l’ambition du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est précisément de mobiliser l’ensemble de ces dimensions pour changer, enfin, la réalité de nos quartiers.

Conformément aux préconisations des membres de la concertation nationale, le projet de loi prévoit de recentrer la géographie prioritaire sur les territoires qui répondent à un critère social incontestable, objectif et lisible : le critère de la concentration de pauvreté.

Avec cette nouvelle méthode, partout où, sur le territoire national, il y aura des concentrations spatiales de pauvreté, et donc des difficultés sociales, l’État répondra présent par la levée du droit commun et par les crédits spécifiques de la politique de la ville, qui retrouveront ce qui constituait leur mission initiale : créer des effets de levier. Nous revenons ainsi à l’essence de la politique de la ville, qui est une politique de cohésion et de solidarité au service des territoires urbains les plus paupérisés.

Effective en 2015, cette réforme de la géographie prioritaire permettra de concentrer nos moyens sur les quartiers réellement prioritaires, tout en mobilisant les crédits de droit commun dans les territoires qui resteront en veille active.

Un dispositif spécifique sera mis en place pour les outre-mer, en articulation étroite avec les acteurs locaux. En effet, si ces territoires rencontrent malheureusement des problèmes de développement similaires et présentent des caractéristiques urbaines et sociales communes, leurs situations respectives n’en appellent pas moins des réponses différenciées et adaptées à chaque territoire.

Ce changement de géographie de la politique de la ville ne peut avoir de sens que s’il s’accompagne d’une mobilisation plus importante des moyens dédiés aux quartiers populaires. À cet effet, le comité interministériel des villes du 19 février 2013 a d’ores et déjà organisé la mobilisation de toutes les politiques de l’État. Onze conventions d’objectifs et de moyens ont ainsi été passées avec les ministres pour territorialiser leurs actions et concentrer leurs moyens dans les quartiers.

Les premiers résultats sont là. Je ne prendrai que quatre exemples.

Tout d'abord, 15 000 emplois d’avenir pour les moins de vingt-cinq ans ont été créés dans les quartiers en 2013 ; 18 % des emplois d’avenir ont ainsi été dédiés aux jeunes des zones urbaines sensibles, les ZUS, alors que ces jeunes ne représentent que 12 % de la jeunesse de France. Nous accentuerons cet effort en 2014.

L’année 2013 a également été celle du réinvestissement par l’éducation, avec des créations de postes ciblées sur les écoles des quartiers lors de la dernière rentrée : 40 % des classes ouvertes pour la scolarisation des enfants de deux à trois ans se trouvent dans des quartiers de la politique de la ville.

Je tiens à mentionner aussi le retour de la police au service de la population, avec notamment le déploiement des zones de sécurité prioritaire : les 80 ZSP créées sont toutes, à une exception près, situées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville.

Enfin, entre 2012 et 2014, la péréquation a progressé comme jamais : 180 millions d'euros de plus pour la dotation de solidarité urbaine, la DSU, 50 millions d'euros de plus pour la dotation de développement urbain, la DDU, soit un doublement de cette dotation, et 420 millions d'euros de plus pour le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, afin de donner aux collectivités défavorisées les moyens de conduire des politiques ambitieuses en faveur de leur population.

Cette présence accrue des services publics dans les quartiers en difficulté se concrétisera symboliquement, dans quelques semaines, à Clichy-sous-Bois, monsieur le rapporteur, par l’ouverture d’une antenne de Pôle emploi.

Je rappelle que Pôle Emploi a consacré 400 de ses 2 000 créations de postes en 2013 aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Je sais l’importance que les sénateurs attachent à la territorialisation des politiques sectorielles, qui doit permettre de concentrer les moyens de droit commun là où ils sont le plus nécessaires. À cet égard, je salue l’adoption par la commission, sur la proposition de son rapporteur, d’un amendement qui réaffirme d’emblée que la politique de la ville mobilise d’abord les politiques de droit commun avant de mettre en œuvre les instruments qui lui sont propres.

Si nous partageons ces exigences quant à la manière dont les pouvoirs publics entendent utiliser leurs moyens pour garantir l’égalité des territoires, nous savons aussi que l’efficacité de notre action passe par la création d’outils adaptés permettant la mobilisation de tous les acteurs. C’est l’objectif du contrat de ville unique et global prévu par ce projet de loi.

Négocié entre l’État et les collectivités locales, mais également avec l’ensemble des acteurs du territoire, ce contrat sera piloté et mis œuvre par le président de l’intercommunalité et par le maire, dans le respect des compétences de chacun. En effet, ce n’est qu’à l’échelle intercommunale que peuvent s’élaborer des diagnostics cohérents et des politiques de peuplement, de désenclavement ou de développement économique.

Les députés ont souhaité introduire un mécanisme de sanction pour les cas où les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, n’exerceraient pas leur compétence et ne signeraient pas le contrat de ville, mais votre commission a considéré que ce mécanisme était contre-productif et a préféré faire le pari de la confiance. J’entends respecter votre choix, et je ne déposerai donc pas d’amendement sur les dispositions que vous avez adoptées.

S'agissant du rôle du maire, je crois que les débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont permis de le placer au cœur de la mise en œuvre des politiques de cohésion sociale sur le territoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en nous appuyant sur ce contrat unique que nous lancerons le nouveau programme de renouvellement urbain, qui prévoit d’affecter 5 milliards d’euros à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, sur la période 2014-2024. Ces 5 milliards d'euros permettront de mobiliser près de 20 milliards d’euros d’investissements en faveur des quartiers prioritaires. Dans le même temps, nous mènerons à bien et à terme le premier programme national de rénovation urbaine, ou PNRU1, qui n’est qu’à la moitié de sa réalisation.

Cependant, tous les efforts engagés pour la rénovation des quartiers risqueraient d’être vains si nous ne développions pas simultanément des politiques de peuplement assurant la mixité sociale à l’échelle des agglomérations.

C’est pourquoi je me réjouis que la commission des affaires économiques, sur proposition de son rapporteur, ait adopté un amendement tendant à prévoir des conventions intercommunales relatives aux politiques d’attribution et impliquant tous les acteurs du logement. Nous aurons là un outil de concertation efficace pour produire de la mixité dans les quartiers et organiser harmonieusement le peuplement de nos villes.

Par ailleurs, le nouveau PNRU n’aura pas pour effet de mettre en concurrence les projets. Il visera les territoires présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, dans l’Hexagone comme dans les outre-mer, en favorisant la mixité de l’habitat, la qualité de la gestion urbaine de proximité, les objectifs de développement durable et de lutte contre l’habitat indigne.

Pour satisfaire l’articulation entre les nécessités sociales et urbaines, ces nouvelles opérations de renouvellement urbain seront des conventions d’application des futurs contrats de ville.

C’est aussi dans le cadre de cet outil contractuel que je souhaite permettre aux citoyens d’être associés et entendus sur les enjeux qui concernent leurs quartiers. Dans un moment où la désespérance sociale s’accompagne trop souvent d’une désespérance politique, il fallait donner une dimension nouvelle à l’intervention citoyenne des habitants des quartiers populaires.

Cette reconnaissance de la participation des habitants aux décisions qui les concernent constitue une réponse au sentiment de défiance envers les institutions dont le CEVIPOF, dans une étude publiée hier dans Le Monde, est venu rappeler l’ampleur.

Je suis en effet convaincu que les relations entre les citoyens et la puissance publique doivent être fondées sur une double confiance : celle des habitants envers leurs élus, mais aussi celle des élus envers les habitants. Voilà pourquoi le nouveau contrat de ville donnera toute sa place aux représentants des habitants, qui participeront à sa conception, au suivi et à l’élaboration des projets.

Sur ce point, j’ai souhaité déposer un amendement au nom du Gouvernement pour renommer « conseils citoyens » les collectifs d’habitants qui participeront à la conception et à la mise en œuvre des contrats de ville.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

De plus, je souhaite apporter des garanties à la fois sur l’autonomie de ces conseils citoyens par rapport aux pouvoirs publics et sur l’effectivité de leur mise en place dans chaque quartier prioritaire de la politique de la ville.

Ces deux objectifs peuvent paraître contradictoires en apparence, mais l’amendement gouvernemental entend les concilier autour d’un mécanisme associant libre organisation avec reconnaissance par l’État et financement public pour le fonctionnement des conseils citoyens.

Ces mesures sont accompagnées d’un renforcement de la formation des habitants, des associations, des élus et des professionnels, au « pouvoir d’agir ».

Compte tenu du rôle essentiel joué par le tissu associatif dans la vie des quartiers, les démarches administratives et le financement des associations vont être simplifiés, notamment avec la mise en place de financements sur trois ans pour l’ensemble des actions structurantes, un soutien dans la durée étant toujours un atout pour la réussite des projets.

Si la concentration des moyens publics peut constituer une réponse à la désespérance sociale, je suis convaincu que c’est en imposant ces nouvelles exigences démocratiques que nous pourrons répondre à la désespérance politique.

Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est présenté a pour objectif de restaurer la pleine égalité des territoires de la politique de la ville par rapport aux autres territoires au moyen d’une action cohérente et globale.

Cette réforme viendra en complément des autres mesures engagées par l’État pour combattre les inégalités qui traversent nos territoires, notamment la mise en place, sous l’impulsion du Premier ministre et de Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, du futur Commissariat général à l’égalité des territoires, au sein duquel vont dorénavant œuvrer les agents du ministère de la ville, ou encore la refonte prochaine du Conseil national des villes.

Cette réforme donnera tout son sens aux dispositifs mis en œuvre dans le cadre du plan Entrepreneurs des quartiers que j’ai présenté en Conseil des ministres le 11 décembre dernier. Comme je suis persuadé que le développement économique doit devenir maintenant l’un des moteurs principaux des quartiers populaires, ce plan mobilise des moyens sans précédent pour soutenir les activités économiques dans ces territoires, avec en particulier une somme de 600 millions d’euros de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, des contrats « entrepreneurs d’avenir » ou encore le doublement des prêts de la Banque publique d’investissement à l’appui d’un dispositif spécifique pour la création d’entreprises dans les quartiers.

Enfin, parce qu’au plus profond d’elle-même cette réforme vise à combattre les inégalités dont sont victimes les habitants de nos quartiers, les députés ont souhaité compléter les dispositions relatives à la lutte contre les discriminations.

Ainsi, je ne peux que me réjouir, avec vous, de l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale d’un amendement visant à reconnaître le lieu de résidence comme nouveau critère légal de discrimination, disposition que vous n’avez pas voulu remettre en cause, ce dont je vous remercie collectivement. Avec ce texte, la discrimination en fonction du lieu de résidence deviendra ainsi le vingtième critère juridiquement opposable.

Dans le même esprit, je vous présenterai un amendement au nom du Gouvernement pour la réinsertion sociale et familiale des immigrés âgés. Le vote de cette mesure, à l’origine de laquelle se trouve Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, permettra d’assurer la mise en œuvre des articles 58 et 59 de la loi DALO, ainsi que la mise en place, par décret, de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine, ces migrants à qui nous devons beaucoup, .

Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous souhaitons changer concrètement la vie des habitants de nos quartiers, la seule action de l’État ne peut suffire. C’est bien d’une mobilisation collective de l’ensemble des élus, des institutions, des acteurs de terrain, des habitants que nous avons besoin : elle est non seulement l’esprit de cette réforme, elle en est également la source.

Ce projet de loi est l’expression de la large concertation que nous avons engagée avec l’ensemble des acteurs de la politique de la ville, les parlementaires, les élus ultramarins, les associations nationales d’élus, avec lesquelles j’ai signé des conventions d’engagements réciproques. Ce matin même, j’ai d’ailleurs signé la dernière de ces conventions avec Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France.

Ces outils non seulement constituent un signal fort de l’engagement des élus dans cette nouvelle étape de la politique de la ville, mais ils témoignent aussi de l’impatience qu’a suscitée cette réforme.

Aujourd’hui, il appartient au Sénat de donner corps, par son soutien, à ces nouvelles dispositions législatives pour que triomphe l’égalité dans nos territoires et que les valeurs de notre République se vivent au quotidien dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste, ainsi que du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, ce projet de loi était très attendu, car le dernier texte important sur le sujet date de 2003. Or dix ans, c’est long, particulièrement dans ces quartiers et ces territoires qui évoluent très vite, et malheureusement pas toujours dans le bon sens.

Ce projet de loi était également attendu, car, après trente ans de politique de la ville, le moment était venu de faire un bilan et de prendre en compte non seulement les succès des politiques publiques, mais aussi les faiblesses et des déceptions, afin de repartir avec un nouveau corpus.

De nombreux rapports ont été faits sur le sujet : vous avez cité le rapport de l’ONZUS, celui de la Cour des comptes, auxquels j’ajouterai celui qu’avait remis à l’époque au nom du Conseil économique, social et environnemental notre collègue Marie-Noëlle Lienemann ou encore le rapport intitulé Demain, la ville, réalisé par Jean-Pierre Sueur.

De ces différents documents, il ressort que les critiques qui sont formulées à l’encontre de la politique de la ville – contrairement à ce que certains pensent, des jugements plus positifs sont aussi émis à son sujet – sont principalement au nombre de trois.

Tout d’abord, leurs auteurs reprochent à l’action publique d’avoir été saupoudrée, selon une expression reprise par M. le ministre.

Ensuite, ils mettent l’accent sur l’empilement des territoires et des dispositifs, ce qui nuit à la lisibilité des politiques publiques.

Enfin, et surtout, la troisième critique porte sur le manque de droit commun. C’est pourquoi j’ai bien parlé des politiques publiques et pas seulement de la politique de la ville. Finalement, si l’on fait le bilan, ce n’est pas cette dernière qui est la plus coupable, si je puis dire.

À cet égard, j’en profite pour rendre hommage à tous les ministres de la ville qui se sont toujours battus, qu’ils soient de droite ou de gauche, car le propre de cette politique est de transcender largement le clivage gauche-droite. Malheureusement, ils n’ont pas toujours été suivis par leurs collègues. Je ne vais pas citer tous vos prédécesseurs, monsieur le ministre, car il y en a beaucoup, mais permettez-moi de rendre hommage au premier d’entre eux chronologiquement, c’est-à-dire à Michel Delebarre, présent parmi nous aujourd’hui. Notre collègue a pour la première fois mis en œuvre ce que les fameux rapports Dubedout et Bonnemaison, que je tiens aussi à citer, avaient théorisé. Comme quoi, monsieur Raoul, non seulement tous les rapports ne finissent pas à la poubelle

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Monsieur le ministre, je le répète, votre projet de loi était attendu par tous les acteurs de la politique de la ville : les habitants, les élus, les professionnels qui, vous avez eu raison de le dire, sont lassés des effets d’annonce de ces plans d’urgence dont les résultats ne se voient pas sur le terrain. Tout le monde souhaite des actions, au-delà des mots, et au-delà des maux, aussi !

Ce texte était d’autant plus attendu qu’il a été précédé d’une longue et véritable concertation, à laquelle vous avez fait allusion dans votre intervention. Pour y avoir moi-même participé en coanimant un groupe de travail de 70 personnes, je puis vous dire que toutes étaient présentes aux réunions qui se sont étalées non pas sur quelques jours ou quelques semaines, mais sur plusieurs mois.

À mon sens, cette procédure a constitué une première et j’espère que vous allez faire école, monsieur le ministre, car il est très rare que la présentation d’un projet de loi soit précédée d’une telle préparation.

Dans ce cadre, vous avez également innové – je n’en ai pas trouvé d’autre exemple - s’agissant de la participation des habitants, en demandant un rapport non à un parlementaire, mais à des personnes ayant aussi leur légitimité pour représenter les habitants, à savoir une sociologue, Mme Bacqué, et un acteur associatif, M. Mechmache. Là encore, monsieur le ministre, il s’agit d’une première, et je pense qu’avec ce rapport, très important, dont nous reparlerons dans le débat, vous avez montré l’exemple pour le futur.

Je ne vais pas reprendre le contenu du projet de loi de façon exhaustive, puisque vous l’avez très bien présenté, mais je voudrais simplement dire en quoi il nous permet d’entrer dans une ère nouvelle de la politique de la ville.

Comme je l’ai dit, le vote de ce texte marquera la fin du saupoudrage : nous comptons actuellement 2 500 territoires dits « prioritaires », quand l’Italie n’en compte que 17, ce qui me porte à croire qu’il y a sûrement une voie moyenne entre les deux.

Nous consacrerons également la fin des empilements des contrats, des conventions, des schémas, qui sont tous décidés de façon désordonnée. Il y aura désormais un seul projet de territoire et un contrat unique et global. C’en est fini de la dissociation entre l’urbain et l’humain - mais nous ne dirons pas qu’ils sont réconciliés, car ils n’étaient pas fâchés !

Cette réforme marque par ailleurs l’abandon de ce que j’appellerai le subjectif dans la détermination des territoires prioritaires. Monsieur le ministre, vous avez choisi le bon critère, qui était justement ressorti de la concertation. Il s’agit d’une évidence retenue non par les politiques, mais par les universitaires qui travaillent sur le sujet.

Je sais que ce choix de la pauvreté fait débat, mais, à mon sens, il y a un malentendu, car vous vous apprêtez à dessiner la carte non pas de la pauvreté en France, mais de la ségrégation territoriale. Ce critère permettra donc de définir là où il y a ségrégation : nous devons avoir à l’esprit que vous êtes non pas le ministre de la pauvreté, mais le ministre de la ségrégation territoriale.

En consacrant la fin des zones, ce texte fera de surcroît disparaître cette sémantique très stigmatisante.

Vous nous proposez également d’en finir avec les égoïsmes territoriaux. Dorénavant, c’est l’ensemble de l’agglomération qui sera mobilisé en faveur des quartiers. En effet, il n’était pas acceptable que l’État considère tel territoire ou tel quartier comme prioritaire, mais que l’agglomération n’en fasse pas autant. Avec ce texte, c’en est désormais fini.

Au Sénat, nous sommes bien placés pour savoir que vous avez réussi quelque chose de difficile en imposant cette articulation entre l’intercommunalité et la commune. Comme nous avons pu le constater en commission, chacun s’y retrouvera et nous assisterons enfin à la mobilisation de tous, ce qui est très positif.

Cette loi pose également l’exigence de recourir de manière prioritaire aux moyens de droit commun, et c’est peut-être le plus important. Cette exigence vaut autant pour l’État – le temps où la politique de la ville se substituait au droit commun est fini, je vous renvoie au rapport Dubedout – que pour les autres collectivités territoriales : la région et le département doivent être impliqués.

Cette loi marque aussi une étape importante en matière de participation des habitants. Pour la première fois, un texte de loi emploie le mot « coconstruction ». Pour un certain nombre de responsables, cette notion peut paraître abstraite, mais la participation au rabais que l’on peut parfois observer n’a rien d’abstrait, elle ! Ce projet de loi vise à établir une coconstruction sincère entre les élus et les représentants des habitants.

M. Philippe Dallier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Cette loi relance enfin le renouvellement urbain – et non la rénovation urbaine. Depuis quelques années, nous étions dans l’incertitude : vous y mettez fin, monsieur le ministre, et je n’ai pas entendu de critiques sur ce point.

Je voudrais terminer en présentant les apports de notre commission. Notre travail a été relativement facile, parce que le texte initial du projet de loi était bon et parce que l’Assemblée nationale a réalisé un excellent travail, auquel je tiens à rendre hommage. Je dois préciser que le rapporteur de l’Assemblée nationale, François Pupponi, et moi-même – nous sommes tous les deux engagés dans la politique de la ville depuis plusieurs années – avons pu travailler ensemble en amont : pour moi, c’est une première, car une telle collaboration entre le Sénat et l’Assemblée nationale est assez rare. J’espère que, sur ce point aussi, nous ferons école !

La commission des affaires économiques a eu la volonté de rendre ce projet de loi plus lisible, plus articulé. Comme vous l’avez relevé, monsieur le ministre, elle a supprimé les pénalités pour les EPCI qui refuseraient de signer le contrat de ville. Il ne faut pas mal interpréter cette initiative : la commission pense tout comme vous que les EPCI doivent signer ces contrats – c’est même essentiel - mais les menacer de leur infliger des pénalités financières un peu brutales n’est peut-être pas la meilleure façon de les convaincre !

Nous avons étayé la coconstruction et l’avons même amplifiée, puisque j’ai souhaité introduire la « co-formation ». Là aussi, je sais que certains vont sourire, mais la co-formation est une notion précise : il est certes important que les habitants qui participent s’adaptent au langage des techniciens et des élus, mais il est tout aussi important que les techniciens et les élus sachent être à l’écoute des habitants, car ceux-ci ont beaucoup à leur apprendre. Nous n’avons pas inventé la co-formation, elle existe déjà : il suffit de regarder le travail très important que réalise ATD Quart Monde dans ce domaine.

Enfin, nous avons souhaité clarifier les politiques d’attribution des logements. Sur ce point aussi, il s’agit peut-être d’une première, monsieur le ministre, car nous allons ainsi nous attaquer aux causes, et plus seulement aux conséquences. Il est fondamental que nous réfléchissions, de manière républicaine, intelligemment, sans passion, mais avec lucidité, sur les problèmes posés par les politiques de peuplement et d’attribution. Je souhaite que le dispositif que nous avons prévu pour les quartiers prioritaires fasse école, lui aussi, et s’étende à d’autres territoires.

Monsieur le ministre, le débat a déjà été très nourri, mais il va se poursuivre : des amendements très importants ont été déposés et notre assemblée est en mesure d’enrichir ce projet de loi. D’ores et déjà, ce texte marque une étape essentielle dans l’histoire de la politique de la ville et je suis certain que, comme souvent, nous serons très nombreux, sur ces travées, à vous rejoindre en le votant.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte propose un nouveau souffle pour la politique de la ville : il est attendu depuis plusieurs années non seulement par l’ensemble des acteurs, mais aussi par le Sénat, qui a démontré, dans de nombreux rapports, la nécessité d’une réforme.

La commission des finances, qui s’est saisie de neuf articles comprenant des dispositions plus spécifiquement financières, s’est exprimée sur le texte issu des travaux de la commission des affaires économiques.

Elle s’est tout d’abord félicitée de plusieurs dispositifs du présent projet de loi de programmation.

Tout d’abord, la nouvelle géographie prioritaire, recentrée et unique, met fin à la superposition de zones que nous connaissons actuellement. Elle apporte plus de lisibilité pour plus d’efficacité, et les membres de la commission ont tous considéré que c’était une bonne chose !

De nouveaux contrats de ville, ensuite, correspondront au nouveau cadre d’intervention de la politique de la ville et seront conclus à l’échelle intercommunale, qui constitue manifestement le niveau le plus approprié pour une action coordonnée et efficace, tout en permettant une solidarité entre les territoires. Bien entendu, le rôle du maire sera toujours essentiel pour la mise en œuvre concrète de la politique de la ville au sein de sa commune.

Ce texte réaffirme, au niveau législatif, le principe de la mobilisation prioritaire des crédits de droit commun, avant les instruments spécifiques de la politique de la ville, qui ne peuvent agir efficacement ni à la place des politiques publiques de droit commun ni sans elles.

La commission des finances s’est également déclarée favorable au lancement d’un nouveau programme national de renouvellement urbain, mais elle considère que son financement risque d’être tendu – j’y reviendrai plus loin.

Enfin, la commission des finances prend acte de la volonté de substituer à la dotation de développement urbain, la DDU, une nouvelle « dotation politique de la ville », dont les contours restent cependant à définir. À ce titre, elle s’est félicitée du report, par la commission des affaires économiques du Sénat, de la suppression de la DDU, en attendant la mise en place effective de la nouvelle dotation, qui devrait avoir lieu à l’automne prochain.

De même, la commission des finances s’est réjouie de la suppression, par la commission des affaires économiques, du « malus » instauré par l’Assemblée nationale à l’article 5 du projet de loi pour les EPCI comprenant sur leur territoire un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville et qui n’auraient pas signé de contrat de ville. La commission des finances a en effet considéré que cette sanction était stigmatisante, peu utile et constitutionnellement fragile.

Après l’énumération de tous ces sujets de satisfaction, il reste, monsieur le ministre, que plusieurs questions financières ne sont pas encore tranchées et retiendront l’attention de la commission des finances dans les prochains mois.

Il s’agit, en premier lieu, du changement de zonage, puisque les crédits de la politique de la ville seront désormais répartis sur ces nouveaux quartiers prioritaires et que le principe et les modalités du transfert, vers les quartiers prioritaires, de plusieurs avantages liés aux zonages existant, en particulier les zones urbaines sensibles et les zones franches urbaines, ne sont pas encore connus. La commission des finances restera attentive au devenir de ces dispositifs qui devraient, selon nos informations, être traités notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.

En second lieu, les contours de la « dotation politique de la ville » devront être précisément définis. Ils seront déterminés sur la base d’un rapport au Parlement et au terme d’une réflexion à laquelle la commission des finances souhaiterait être associée.

Dans son avis, la commission des finances a, enfin, appelé à la vigilance sur trois points.

S’agissant du programme national de rénovation urbaine, le PNRU, et du nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU, la commission des finances a estimé que leur financement et, plus largement, celui de l’ANRU, chargée de leur mise en œuvre, pourraient se révéler fragiles.

Ainsi, d’ici à 2016, les décaissements pour le premier programme seront encore élevés et la trésorerie de l’ANRU risque d’être, de ce fait, assez nettement entamée.

Le financement sera assuré par l’affectation d’une partie du fonds de péréquation prévu à l’article L. 452-1-1 du code de la construction et de l’habitation, par la contribution de la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, et surtout par la participation d’Action logement. Comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi, la soutenabilité financière pour l’ANRU devrait ainsi être garantie par la « compatibilité temporelle » des décaissements attendus entre l’achèvement du PNRU et la montée en charge du NPNRU.

J’espère que les hypothèses de travail du Gouvernement se confirmeront et que les opérations engagées ne seront pas retardées par d’éventuelles difficultés rencontrées par l’ANRU pour couvrir l’ensemble des décaissements. Il est indispensable que cette agence dispose d’une trésorerie suffisante.

Compte tenu de l’importance de la contribution d’Action logement, la commission des finances a également souhaité indiquer qu’une stricte étanchéité devra être assurée entre sa participation au financement des deux programmes de renouvellement urbain et celle qui est prévue pour le financement de la garantie universelle des loyers, ou GUL, instaurée par le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, actuellement en cours d’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Certes, les derniers éléments fournis par le Gouvernement laissent entendre que les 160 millions d’euros demandés à Action logement pour la GUL devraient provenir d’un simple transfert du montant déjà prévu pour le financement de la garantie des risques locatifs que la GUL a vocation à remplacer, le reste devant être couvert par les crédits de l’État, mais rien n’est encore définitivement arrêté.

Même si cette hypothèse semble écartée pour le moment, on pourrait craindre qu’un éventuel « dérapage » du coût de la GUL ne conduise, à terme, à demander une contribution complémentaire à Action logement, avec le risque d’une diminution, en contrepartie, de sa participation au financement de l’ANRU au titre du PNRU et du NPNRU.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

La commission des finances a également estimé que la mise en œuvre des deux nouvelles compétences confiées à l’ANRU par le projet de loi devrait être suivie avec vigilance au cours des prochaines années.

Ainsi, l’ANRU pourrait désormais intervenir, en tant que co-investisseur, par des prises de participations dans des sociétés exclusivement dédiées au renouvellement urbain des quartiers prioritaires, afin d’inciter les autres investisseurs, notamment privés, à s’engager dans certains projets à caractère économique.

Selon les informations qui nous ont été fournies, cette nouvelle compétence serait exercée uniquement dans le cadre du nouveau programme d’investissements d’avenir, ou PIA 2, l’ANRU se voyant confier à ce titre 250 millions d’euros et n’agissant qu’en qualité de gestionnaire de fonds du Trésor, pour le compte de l’État.

À notre sens, la mise en œuvre de cette nouvelle compétence de l’ANRU devra être surveillée avec attention, car le cœur d’activité de l’Agence doit demeurer la mise en œuvre du PNRU et du NPNRU.

Par ailleurs, il n’appartient pas à l’ANRU, nous semble-t-il, de supporter des risques économiques en tant qu’investisseur. Ce danger semble toutefois écarté, à ce stade, puisque l’Agence devrait agir pour le compte de l’État dans le cadre de la mise en œuvre du PIA 2.

Je rappellerai, enfin, que la Caisse des dépôts et consignations et l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA, interviennent déjà dans les quartiers, en tant qu’investisseurs dans le domaine de la rénovation urbaine.

Sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a également doté l’ANRU de la faculté d’« entreprendre des actions concourant à promouvoir l’expertise française à l’international en matière de renouvellement urbain ». Il s’agirait de permettre à l’Agence de faire bénéficier d’autres États de son expérience et de son expertise acquise dans le cadre du PNRU et pour lesquelles elle serait déjà sollicitée. Une convention aurait, d’ailleurs, déjà été signée, à titre dérogatoire, avec l’agence de rénovation urbaine tunisienne.

Le dispositif proposé précise que l’Agence serait habilitée à participer à l’élaboration et à la mise en œuvre d’accords de coopération internationale et à réaliser des prestations de services rémunérées.

Tout en comprenant l’objectif de cette nouvelle compétence introduite dans le projet de loi, d’autant que le dispositif viserait finalement à entériner une pratique déjà développée et que nous n’avons qu’à nous féliciter de la reconnaissance de l’expertise française en matière de renouvellement urbain, la commission des finances a, toutefois, exprimé sa crainte quant aux coûts supplémentaires qu’elle était susceptible d’engager pour l’ANRU.

Elle souhaiterait que ces actions à l’échelon international demeurent ponctuelles, ciblées et mesurées afin que les moyens financiers et humains de l’ANRU ne fassent pas défaut pour l’exercice de la mission qui est sa raison d’être première.

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est prononcée à l’unanimité, moins une abstention, en faveur de l’adoption par le Sénat de ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, sous le bénéfice des deux amendements qu’elle vous présentera dans le cours de la discussion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Esnol

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la ville, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine dont le Sénat entame l’examen aujourd’hui s’inscrit dans des enjeux majeurs, visant à rendre plus effective l’exigence d’égalité entre les territoires contenue dans la promesse républicaine.

Il s’agit là de la mission historique que s’est vu assigner la politique de la ville depuis son apparition, dans les années soixante-dix.

Toutefois, la nécessité de moderniser ses outils et ses modalités d’intervention est rendue d’autant plus urgente que les quartiers les plus en difficulté subissent la crise plus durement encore que les autres.

Par conséquent, nous nous situons dans un objectif politique auquel le présent projet de loi apporte des éléments de réponse importants pour contribuer à relever des défis qui concernent non pas uniquement les quartiers en difficulté, mais bel et bien l’ensemble de notre société.

Dès les années soixante-dix, l’idée d’apporter des réponses ciblées aux difficultés spécifiques rencontrées dans certains quartiers a donné naissance à la politique de la ville à la française.

La ville est, en effet, dès l’avènement de l’ère industrielle, le reflet géographique des injustices existant au sein de la société.

Avec la création du Fonds d’aménagement urbain dès 1976, puis, le lancement d’un « Plan banlieue » dès 1977, le législateur prenait déjà conscience que, pour casser les inégalités sociologiques, il fallait aussi casser les inégalités territoriales.

Dans les années quatre-vingt, on commence à envisager la question de manière plus transversale, et non plus seulement sous l’angle du logement : ce sont les zones d’éducation prioritaire en 1981, les missions locales pour l’emploi des jeunes en 1982, les plans de prévention de la délinquance en 1983.

Il faut, cependant, attendre 1991 pour voir la création d’un ministère spécifiquement dédié à la ville et à ses problèmes. De grandes lois d’aménagement du territoire sont votées : en 1991, quand le principe d’un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales est acté ; en 1996, quand sont créées les zones urbaines sensibles ; en 2000, avec la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, visant à mieux partager la responsabilité du logement social sur l’ensemble des territoires, ou encore en 2003, quand est créée l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

On le voit, lorsque l’on cherche à prendre en compte le critère de la spatialisation des inégalités, on se confronte à la multiplicité des formes que celles-ci peuvent revêtir.

Face à cela, la réponse publique a considérablement évolué. Cependant, cette manière incrémentale de répondre aux difficultés a eu des effets pervers ; ils sont bien connus. Les dispositifs se sont ajoutés aux dispositifs sans articulation adéquate, perdant autant en efficacité. La déperdition des moyens et le manque de lisibilité des actions ont constitué des freins retardant les résultats escomptés.

Dès lors, dans le maquis des dispositifs relevant de la politique de la ville accumulés au fil des années, il était devenu urgent, monsieur le ministre, de présenter un projet de réforme qui ne soit ni un simple toilettage, ni une trop prétentieuse remise à zéro, mais bien une refonte du cadre d’intervention de la politique de la ville lui conférant une meilleure intelligibilité.

C’est ainsi que nous rejoignons l’objectif de simplification des dispositifs d’intervention. Vous proposez, monsieur le ministre, de mettre un terme à la dispersion des crédits issue de cet éparpillement des moyens – et vous avez raison, bien sûr.

C’est donc une mesure phare que de créer une géographie prioritaire unique. Celle-ci retient un critère objectif simple et limpide qui le rend peu contestable : le revenu par habitant. Le nouveau zonage prendra donc appui sur la mesure de ce qui est au fondement de la politique de la ville : les inégalités entre les territoires.

Nous avons ainsi l’assurance que ce sont bien les quartiers de concentration de la pauvreté dans notre pays qui, à travers la politique de la ville, seront les bénéficiaires légitimes de la solidarité territoriale.

La forme de la contractualisation entre les parties prenantes aux dispositifs de la politique de la ville sera, elle aussi, modernisée. Les nouveaux contrats de ville faciliteront la coordination entre les volets « cohésion sociale » et « rénovation urbaine ».

À ce sujet, si l’intercommunalité devient l’échelle de référence, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de préserver la place de la commune dans les dispositifs.

En tant qu’échelon de proximité, la commune reste en effet le plus légitime interlocuteur pour les habitants. Il sera donc difficile de dissocier la fonction de gouvernance au niveau intercommunal de la fonction de proximité au niveau communal. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez accorder une attention toute spécifique à cette légitime préoccupation.

Pour en revenir aux aspects les plus positifs du texte, je note une attention nouvelle portée au développement économique dans la politique de la ville. C’est, en effet, une vision essentielle que de considérer que l’objectif de l’aide apportée à un quartier en difficulté est de le développer pour sortir de cette situation de précarité. Le volet économique est donc fondamental, et il était nécessaire de l’énoncer clairement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Esnol

Enfin, le texte veille à une meilleure association des citoyens eux-mêmes à la mise en œuvre des dispositifs, ce qui est louable, puisqu’ils en sont les destinataires immédiats.

Il prévoit aussi – c’est une saine avancée – une peine visant à sanctionner les discriminations liées au lieu de résidence. Voilà une nouvelle illustration de ce que les inégalités sociales subies par nos concitoyens s’inscrivent dans une spatialisation qu’il nous faut prendre en compte dans toutes ses dimensions.

Au final, ce projet de loi se situe dans le contexte de la France d’aujourd’hui et dans la politique que mène ce gouvernement en faveur de l’égalité réelle, de l’égalité des territoires, de l’égalité des chances.

Il est non une révolution, mais une évolution adaptant les outils existants dans une optique de simplification et d’efficacité. Il respecte la vocation de transversalité propre à la politique de la ville bien au-delà du seul urbanisme.

Notre groupe reste donc engagé et mobilisé sur ces sujets. Nous proposerons quelques amendements destinés à améliorer ce texte et j’espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement pourra les prendre en compte. Ils visent notamment à garantir un niveau élevé de moyens budgétaires de nature à assurer une distribution effective en direction des quartiers en difficulté ou encore à favoriser le recueil des données locales à des fins d’évaluation des politiques mises en place.

Enfin, je voudrais préciser que la vigilance de notre groupe portera aussi sur deux autres points précis : premièrement – je l’ai déjà évoqué – le maintien du rôle de proximité auprès des habitants joué par la commune ; deuxièmement – j’avais eu l’occasion de m’en ouvrir à vous par écrit, monsieur le ministre – la nécessité d’assurer un avenir au dispositif des zones franches urbaines.

C’est une demande forte des élus des Yvelines, en particulier, et bien au-delà. Cette politique coûte, certes, à l’État, mais elle a rapporté bien davantage en contribuant à l’attractivité de territoires ô combien délaissés.

Or votre projet de loi remet le développement économique au centre des préoccupations et je vous ai dit notre satisfaction sur ce point : il faudra donc, à notre sens, dans la réflexion qui est en cours, assurer l’avenir des ZFU.

Vous le voyez, mes chers collègues, les enjeux de ce projet de loi sont d’importance.

Ils relèvent, tout simplement, de la solidarité que notre République doit aux territoires et à leurs habitants, qui, en son sein, souffrent de ne pas avoir les mêmes chances que les autres.

Le groupe du RDSE, dans sa majorité, soutiendra ce texte d’égalité des chances et des territoires.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi consacré à la politique de la ville s’inscrit dans une œuvre législative déjà bien fournie et à laquelle toutes les majorités ont participé.

Depuis 1991 et la création d’un ministère qui lui soit entièrement consacré, la politique de la ville est partout dans les débats, à travers les prismes de l’habitat, du développement économique, de la sécurité ou même de l’accès aux services publics.

Mais quelle est la source de ces difficultés chroniques que nous rencontrons ? Nous la connaissons tous, c’est la politique de la ville qui eut cours du milieu des années cinquante jusqu’au milieu des années soixante-dix.

Manifestation principale de cette politique de la ville, la construction des grands ensembles, ceux-là mêmes qui apparaissaient à l’époque comme un progrès et qui relevaient alors de l’urgence.

Bien sûr, la greffe de ces grands ensembles sur le reste de la ville n’a jamais pris, elle ne le pouvait pas ! Car un quartier, si récent soit-il, doit toujours s’inscrire dans une histoire qu’il partagera avec le reste de la ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Il existe en France, dans nos campagnes, dans certains centres-villes, des problèmes d’accès aux services publics, des habitations dégradées. Cependant, nulle part les difficultés ne sont plus profondes que dans les grands ensembles.

Cette prise de conscience n’est pas nouvelle.

Déjà, en 1982, étaient créées les conventions de développement social des quartiers. Par la suite, des contrats de ville ont été élaborés de 1994 jusqu’en 2006. Et, depuis, nous avons assisté à la naissance des contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS.

Comment, enfin, ne pas évoquer la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, qui créa les zones urbaines sensibles ou, plus tard, la création des zones franches urbaines, qui permirent aux entreprises de bénéficier d’un dispositif d’exonération de charges fiscales et sociales pendant cinq ans ?

Cependant, l’acte fondateur des politiques de la ville reste la loi du 1er août 2003 pour la ville et la rénovation urbaine, qui a mis en place le programme national pour la rénovation urbaine.

Certes, les considérations budgétaires ne sont pas l’unique critère d’évaluation d’une politique publique, mais force est de constater que les précédents gouvernements se sont donné les moyens de leur ambition.

Cependant, la création, en 2003, de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui devait assurer la mise en œuvre et le financement du programme national pour la rénovation urbaine, additionnée aux 45 milliards d’euros d’investissement, dont 12 milliards d’euros en provenance de l’ANRU, a permis la réalisation de travaux de réhabilitation sans précédent.

Très précisément, ce sont 27 000 opérations de démolition, de production, de réhabilitation ou de réorganisation qui ont eu lieu depuis dix ans.

Au total, ces opérations ont permis la restructuration de plus de 500 quartiers et auront contribué à changer la vie de près de 4 millions d’habitants.

En ce qui concerne la politique de la ville et, plus globalement, la politique du logement, je crois que les gouvernements et majorités de droite et du centre qui se sont succédé n’ont pas à avoir honte de leur bilan.

Des moyens ont été mis à disposition et une politique publique forte a été appliquée pour s’attaquer à la réhabilitation des quartiers défavorisés.

Quels enseignements – car il y en a – tirons-nous de l’expérience de ces dix dernières années ?

Premier enseignement, la réhabilitation d’un quartier doit se réaliser dans un contexte déjà favorable et avec un niveau minimal de sécurité.

En effet, les rares échecs de réhabilitation ont eu lieu parce que les quartiers réhabilités n’étaient pas suffisamment sécurisés et que, par conséquent, cette réhabilitation n’a pas suffi à sortir le quartier de l’isolement.

Deuxième enseignement, si le dialogue entre les acteurs fonctionne bien, alors, de cette relation, naîtront des réhabilitations très largement réussies.

L’État, les collectivités, les agences de l’État, les investisseurs, les habitants, tous ces acteurs ont des intérêts communs, et ils le savent.

Enfin, troisième et dernier enseignement des dix ans qui se sont écoulés, nous sommes arrivés à maturité en ce qui concerne les réhabilitations. J’entends par là que les investisseurs appréhendent désormais parfaitement les enjeux sociaux qui participent à la réussite de ces réhabilitations.

En conclusion, c’est surtout l’intégration économique de ces quartiers qui devra désormais mobiliser notre attention.

Pour ces raisons, je ferai, monsieur le ministre, un examen critique de l’article 1er.

La politique de la ville nécessite des moyens et exige que les acteurs chargés de mettre ces moyens en œuvre soient dans les meilleures dispositions.

Aussi, je regrette le caractère bavard, pour ne pas dire ronflant et hors sujet de l’article 1er.

M. le président de la commission des affaires économiques proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Pourquoi parler, dans une loi sur la ville, d’égalité homme-femme ? Pourquoi mettre sur le même rang la mémoire des quartiers et le développement économique ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

M. François Lamy, ministre délégué. L’égalité homme-femme, un verbiage ? Reprenez-vous, monsieur le sénateur !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

La politique de la ville doit se recentrer sur un objectif simple et, surtout, quantifiable : celui de la réhabilitation de ces quartiers, que cela soit à travers des démolitions-productions ou des réhabilitations.

J’en viens à l’article 2.

Sans grande surprise, mais avec satisfaction, nous constatons la prolongation pour deux années supplémentaires du programme national de rénovation urbaine, le PNRU, et la création du programme national de renouvellement urbain qui, jusqu’en 2024, prendra la place de l’ancien PNRU.

L’article 2 dispose que les moyens mis à disposition de l’ANRU atteindront 5 milliards d’euros pour la période allant de 2014 à 2024, soit une durée identique à celle du premier PNRU, pour lequel avaient été prévus 12, 3 milliards d’euros de subventions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

M. Michel Bécot. C’est une réflexion que j’avais pensé vous épargner, mais quel décalage entre vos incantations chroniques sur l’abandon des quartiers populaires ou les phénomènes discriminatoires qui y ont cours, et la réalité de vos arbitrages budgétaires !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Après le « verbiage », les « incantations » !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Sur le fond, nous comprenons que le contexte budgétaire se prête à un relatif désengagement de l’État.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Surtout avec les déficits que vous avez laissés !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Mais, dans ce cas, vous auriez gagné en crédibilité en modérant vos propos sur l’action de la précédente majorité…

Un mot, ensuite, de la géographie prioritaire prévue à l’article 4, qui va créer des quartiers prioritaires en lieu et place des zones urbaines sensibles, des zones de redynamisation urbaine et des quartiers sous contrats urbains de cohésion sociale. Il y a, derrière ces mesures, une évidente volonté de simplifier et d’éviter l’empilement de dispositifs.

Une autre disposition va dans le bon sens : le dispositif de veille active, prévu à l’article 9 bis, mis en place pour les quartiers qui sortiront de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Cette condition était nécessaire ; nous nous satisfaisons donc de sa présence dans le texte qui nous est soumis. Simplement, nous regrettons que le législateur ne soit pas en mesure d’examiner ce texte avec toute la rigueur qu’il convient, puisque les modalités d’identification de ces quartiers seront fixées par décret et seront donc connues une fois la concertation achevée.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la nouvelle carte des quartiers prioritaires devait initialement être publiée avant l’examen par le Parlement.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

M. François Lamy, ministre délégué. Vous parlez de la liste de 2009 ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Cependant, selon vos dires – mais pas selon le texte, puisque celui-ci évoque seulement les critères qui serviront à identifier ces quartiers ! –, il semble que nous nous orientions vers 1 300 quartiers.

Nous pourrions discuter du ciblage durant des heures…

Fondamentalement, nous ne nous opposons pas à ce ciblage, car la base demeure assez large, compte tenu des financements en baisse.

Pour ce qui concerne les critères permettant de définir les quartiers prioritaires de la politique de la ville, à savoir un nombre minimal d’habitants ainsi qu’un écart de développement économique et social apprécié en fonction du revenu des habitants, nous sommes préoccupés par leur faible nombre – il manque ainsi le taux de chômage ! – et par l’absence d’un critère afférant à la présence de grands ensembles.

Malheureusement, en ne rendant pas publique la liste, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

… que celle-ci existe ou non – à mon avis, elle doit déjà exister ! –, vous ne contribuez pas vraiment, monsieur le ministre, à lever les doutes sur le choix des critères permettant d’identifier les quartiers prioritaires.

Une autre disposition nous semble relever d’une volonté de simplification : la suppression de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, dont les activités seront transférées à l’État au plus tard le 1er janvier 2015.

Viennent ensuite les contrats de ville, prévus à l’article 5. Il semble que le cadre dans lequel ils s’inscrivent soit pertinent, parce que complémentaire des quartiers prioritaires. Simplement, l’articulation entre ces contrats et le pacte financier et fiscal de solidarité visant à réduire les disparités de charges et de recettes entre les communes, prévu à l’article 9, ne me paraît pas très claire.

On se demande, notamment, en quoi ce pacte différera de la dotation de solidarité communautaire prévue en cas d’absence de pacte financier et fiscal de solidarité. Peut-être le ministre pourra-t-il nous apporter des précisions sur l’utilisation de ce pacte ?

Une autre précision s’impose : quelle est la valeur ajoutée de la convention intercommunale prévue à l’article 5 ter, qui doit traiter des enjeux en matière de logement et d’hébergement, par rapport aux contrats de ville ? Là encore, les termes du projet de loi me semblent évasifs.

Dans la continuité de ces dispositions, l’article 8 traite du pilotage intercommunal de la politique de la ville. Or je ne sais pas comment doit se comprendre la lecture concomitante des articles 5 et 8.

En effet, l’article 5 dispose que ces contrats de ville seront pilotés à l’échelle de l’intercommunalité. D’accord ! Mais alors, pourquoi intégrer, à l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, la politique de la ville dans la liste des sujets parmi lesquels les communautés de communes doivent exercer au moins une compétence puisque, de facto, par les contrats de ville, elles seront compétentes en la matière ?

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Il faut qu’elles soient compétentes pour signer des contrats !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Vous me répondrez sur ces questions, monsieur le ministre…

Pour conclure, je considère qu’un débat peut être engagé sur la question de savoir s’il est pertinent que les contrats de ville relèvent de la compétence intercommunale. Cette interrogation est d’autant plus légitime que le texte lui-même prévoit un régime dérogatoire pour les contrats de ville d’Île-de-France, et peut-être pour toutes les autres métropoles.

Un mot, enfin, sur la mise en place du conseil citoyen, qui doit associer les habitants à l’élaboration et à la mise en œuvre des contrats de ville.

Nous invitons à la prudence quant à une association excessive des habitants qui, de fait – et nous les comprenons ! –, ne sont pas toujours enthousiastes avant les réhabilitations ; ce sont pourtant les mêmes qui manifesteront un niveau de satisfaction très élevé, une fois ces réhabilitations achevées.

Aussi, malgré les motifs de satisfaction que je viens d’exposer, le groupe UMP s’oriente vers l’abstention.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

J’en suis marri !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Deux éléments nous empêchent en effet de voter ce texte qui nous semble, pourtant, apporter parfois de bonnes réponses.

Nous voyons un premier obstacle dans la définition des quartiers prioritaires : il nous sera impossible d’apporter une quelconque caution à un texte dont l’un des éléments principaux nous est inconnu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Le second obstacle tient au bavardage incessant qui jalonne votre projet loi, notamment à l’article 1er, s’agissant des outils et des objectifs de la politique de la ville ou de l’association excessive des habitants via des structures qui se superposent.

Pour ces raisons, et malgré le constat de véritables efforts de simplification, le groupe UMP envisage une abstention, mais une abstention que nous souhaitons constructive, car nous croyons encore que ce texte peut être amélioré.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en décembre 2012, nous avions débattu ici même des principes qui devaient guider une réforme efficace de la politique de la ville et tiré les premiers enseignements de la concertation que vous aviez lancée, monsieur le ministre. Nous voilà donc aujourd’hui, un an plus tard, devant le fruit de la réflexion engagée avec tous les acteurs de la politique de la ville. Nous ne pouvons que nous féliciter de la tenue de cette nécessaire concertation et des propositions qui en ont découlé.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est certes, au vu des contraintes budgétaires, entouré d’incertitudes quant à son financement, mais il repose sur trois axes fondamentaux sur lesquels on peut s’accorder.

Notre travail en commission a constitué une autre étape, intéressante, qui a permis d’enrichir le texte de nouvelles avancées. Je tiens à saluer la qualité du travail et l’investissement personnel du rapporteur, Claude Dilain, ainsi que son écoute, toujours attentive.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Comme toujours, il reste encore des marges d’amélioration, qui feront l’objet de la dernière partie de mon propos.

Le projet de loi s’articule autour de trois axes fondamentaux auxquels nous souscrivons.

Premier axe : un effort réel de simplification pour venir à bout d’un empilement de zonages qui a abouti, au fil du temps, au saupoudrage des crédits et a nui à l’efficacité de la politique de la ville dans son volet humain. Avec 751 zones urbaines sensibles et 2 493 quartiers ciblés par des contrats urbains de cohésion sociale, il fallait revoir notre géographie prioritaire !

Monsieur le ministre, vous avez fait le choix, à l’article 4, de retenir, pour la détermination des nouveaux « quartiers prioritaires », un seul critère, celui du revenu des habitants, qui permet de mesurer l’écart de développement économique et social du quartier par rapport au territoire national et à l’unité urbaine dans laquelle il se situe.

Nous verrons dans les mois qui viennent les résultats concrets de ce choix. Pour ma part, comme je l’avais exprimé à cette tribune, j’étais plus réservée, estimant qu’une pondération de critères déterminés au niveau local permettait de mieux « coller » aux réalités des territoires, en tout cas d’intégrer des spécificités que l’on ne peut pas toujours distinguer à l’échelle nationale. Mais j’entends l’argument de l’objectif nécessaire de simplification.

Deuxième axe : le projet de loi consacre l’intercommunalité comme chef de file de la politique de la ville. L’article 5 définit le rôle central des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation du contrat de ville, en lien et en collaboration avec les communes concernées. Il s’agit là d’une avancée très positive qui permettra d’améliorer notablement la cohérence d’action sur les territoires.

J’ai bien entendu les inquiétudes des maires, exprimées en commission par certains de mes collègues, mais, élue locale moi-même et présidente d’une intercommunalité, je voudrais les rassurer.

Pour mener une politique aussi sensible et complexe, le partenariat entre les deux niveaux de collectivités est incontournable. En revanche, l’échelle intercommunale, en particulier s’agissant de petites communes pauvres situées en géographie prioritaire, permet d’apporter une solidarité horizontale et une mutualisation de l’ingénierie dont le niveau communal, à lui seul, serait bien en peine de se doter. Nous l’avons appliqué dans ma circonscription : des territoires miniers de 5 000 habitants n’auraient jamais pu bénéficier d’une rénovation urbaine et d’une politique de la ville si l’agglomération ne l’avait pas accompagnée à ce stade.

Le troisième axe, qui fait l’objet du titre Ier bis, est la poursuite du programme national de renouvellement urbain et de l’annonce d’un nouvel effort budgétaire destiné à poursuivre la requalification des quartiers dégradés.

Un des reproches couramment faits à la politique de rénovation urbaine lancée par Jean-Louis Borloo porte non pas sur l’échec de celle-ci – bien au contraire, chacun convient que l’ANRU a permis de réaliser ce qu’aucun autre dispositif n’avait rendu possible ! –, mais sur sa mauvaise articulation avec les politiques d’accompagnement des populations et les contrats urbains de cohésion sociale. La mise en place d’un contrat unique a vocation à remédier à cette difficulté.

Il faut le rappeler, l’un ne va pas sans l’autre. La rénovation des immeubles et la meilleure inscription de ces quartiers dans leur environnement sont le préalable nécessaire à un changement de perception, dont les premiers bénéficiaires sont les habitants du quartier eux-mêmes, comme en témoignent les enquêtes de satisfaction mentionnées dans le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012.

À ce titre, il faut se féliciter de l’annonce d’un nouveau PNRU pour la période 2014-2024, même si l’effort qu’y consacrera l’État, soit 5 milliards d’euros, sera somme toute bien modeste par rapport à celui qui aura été consenti dans le premier programme, doté de plus de 12 milliards d’euros de subventions publiques, pour un total de près de 45 milliards d’investissements. Nous reconnaissons qu’il s’agit là d’une politique nouvelle, et la validons. Mais il ne faut pas en rester là, car le travail à réaliser est encore énorme.

Comme l’ont dit certains de nos collègues, il n’eût pas fallu maintenir le suspense jusqu’à l’été quant à la future géographie prioritaire de la rénovation urbaine. Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne, monsieur le ministre, car ce débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Il se poursuivra ici, mais il est vrai qu’il est difficile de débattre de ce sujet sans savoir, et c’est l’une des difficultés que nous rencontrons, comment il va se traduire concrètement.

Notre travail en commission a permis d’apporter d’utiles précisions au texte issu de l’Assemblée nationale. C’est le cas, notamment, à l’article 1er, de l’introduction de la notion de « coconstruction » avec les habitants et les acteurs du quartier. Je sais que notre rapporteur y est très attaché. Je partage son objectif, car il y a longtemps que, dans ma communauté d’agglomération, comme dans nombre de territoires, nous cherchons à favoriser les initiatives des habitants ainsi que leur participation et leur formation au travers des ateliers d’urbanisme et des fonds de participation des habitants.

Je suis en revanche plus dubitative sur la rédaction de l’article 5 bis, mais j’y reviendrai.

Je me félicite également que la commission ait accepté mon amendement visant à promouvoir les politiques de prévention et d’éducation à la santé. Les actions dans ce domaine sont essentielles, notamment dans une région comme la mienne, le Nord - Pas-de-Calais, où la situation sanitaire reste très préoccupante ; vous le savez, monsieur Delebarre.

De même, à l’article 2, il était important de préciser la portée des opérations d’aménagement urbain mises en œuvre au titre du PNRU, en y mentionnant la création et la réhabilitation des espaces publics et la possibilité de créations d’espaces d’activité économique. En effet, bien souvent, il s’agit non pas seulement de réhabiliter des activités économiques, mais bien aussi d’en favoriser la création. On ne pouvait donc se contenter de vouloir améliorer la situation existante.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’article 1er bis A nouveau ouvre également un chantier essentiel, puisqu’il prévoit la remise d’un rapport explicitant les conditions du remplacement de la dotation de développement urbain à compter du 1er janvier 2015 par une nouvelle dotation budgétaire intitulée « dotation politique de la ville ».

Il faut noter qu’une fois de plus le Parlement est appelé à se prononcer sur une politique sans que les contours financiers de celle-ci soient clairement déterminés. Monsieur le ministre, peut-être accepterez-vous de lever un coin du voile sur les moyens qui seront affectés à cette nouvelle politique de la ville, à tout le moins de nous assurer qu’ils resteront à même hauteur...

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Il n’y a pas de voile !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Enfin, vous me permettez d’aborder maintenant les points du texte sur lesquels je porte un regard plus interrogateur.

Les conditions de mise en œuvre du contrat de ville, ses signataires, l’articulation entre l’échelon intercommunal et les communes, toutes ces questions mériteraient d’être précisées.

Tout d’abord, de même que le texte pose le principe louable de la coconstruction du contrat avec les habitants, il me semble tout aussi essentiel, voire plus encore, d’appliquer également ce principe aux signataires du contrat. En effet, le contrat de ville doit être coconstruit sur le fondement d’un projet de territoire partagé et conduit dans le cadre d’une gouvernance collégiale. C’est le facteur clé du succès de la mise en cohérence de toutes les politiques publiques sur ces quartiers.

De la même façon, sur la mise en œuvre des actions du contrat de ville, l’article 5 mériterait, à mon sens, d’être plus clair. En effet, si la commune reste le territoire d’action privilégié dans la proximité, il n’en est pas moins nécessaire que l’intercommunalité puisse agir « conjointement » pour des actions concernant les quartiers prioritaires, mais aussi sur des publics prioritaires.

On peut ainsi citer la prévention des violences intrafamiliales ou des dispositifs de réussite éducative : ces problématiques dépassent la stricte géographie prioritaire et doivent donc pouvoir être traitées dans le cadre du contrat de ville. Les communes nous l’ont demandé dans le passé. Si, demain, nous changeons nos groupements d’intérêt public à l’échelle des communautés d’agglomération, par exemple, afin d’accompagner la réussite éducative, les communes seront-elles en mesure de les porter seules ? Je n’en suis pas sûre du tout. Il faut faire attention à cet aspect.

Les crédits de droit commun renforcés et les crédits spécifiques « politique de la ville » doivent donc pouvoir, sur certains objectifs clairement identifiés, accompagner ces populations prioritaires en s’affranchissant du strict périmètre des quartiers. Cette dimension relative aux « populations prioritaires » étant absente du texte, monsieur le ministre, nous proposerons de l’y introduire.

Toujours à l’article 5, qui traite du contrat de ville, la commission des affaires économiques a été sensible à mes arguments en faveur de la suppression du mécanisme de sanction introduit au paragraphe V de l’article par le rapporteur de l'Assemblée nationale. Vous nous avez rassurés, monsieur le ministre, en déclarant que vous nous suivriez et ne reviendriez pas sur cette suppression.

Certes, l'article 40 a été invoqué sur un autre de mes amendements tendant à proposer un mécanisme de bonification, tant il est vrai que nous préférons l’incitation à la sanction. Cela étant, c’était surtout pour nous l’occasion de réaffirmer, monsieur le ministre, que les départements et les régions doivent absolument être des partenaires cosignataires et des soutiens financiers des politiques qui seront déployées par les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

D’ailleurs, un amendement de nos collègues socialistes va dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Sur l’articulation entre l’intercommunalité et les communes, la rédaction actuelle de l’article 8 n’est pas satisfaisante, car elle ne prend pas suffisamment en compte certaines situations dans la répartition des rôles et des actions entre communes et intercommunalités. Cet article va en effet bien au-delà de la notion de « soutien à la mise en œuvre des actions des communes ». Le texte devrait donc privilégier les programmes d’actions tels qu’ils sont définis dans le contrat de ville, qui offrent une plus grande ouverture et permettent le soutien à des actions de portée intercommunale. C’est cette proposition que je vous soumettrai en vous présentant l'amendement n° 33.

Permettez-moi d’évoquer rapidement la mise en place des coordinations citoyennes, lesquelles se trouvent au cœur de nos préoccupations, car nous agissons bien pour nos concitoyens habitant les quartiers sensibles. Là encore, il me semble que nous devrions faire preuve de davantage de souplesse et surtout laisser à chaque territoire la possibilité, dans le cadre du contrat de ville, d’organiser à l’échelle jugée pertinente, et selon des modalités à définir dans le contrat, l’association nécessaire des habitants, des représentants des associations et des acteurs économiques à la démarche des contrats de ville, et ce afin de bien prendre en compte la réalité de chaque territoire, dans sa spécificité.

En cette période de vœux, permettez-moi, monsieur le ministre, de terminer par quelques souhaits.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

D’abord, que votre volonté de simplification ne soit pas affaiblie par une concertation, certes indispensable, mais qui, si elle est trop « formatée », risque de se révéler inadaptée à la diversité des situations.

Ensuite, que les moyens du droit commun et des dispositifs en sifflet permettent aux quartiers qui ne seront plus éligibles une transition en douceur vers la sortie de la géographie prioritaire. Il s’agit là d’une demande récurrente de nos élus locaux.

Enfin, que les politiques de peuplement et la mixité sociale soient solidement inscrites au cœur de la nouvelle politique de la ville et de la rénovation urbaine. C’est bien cette volonté qui nous anime collectivement sur toutes les travées depuis des années et qui doit perdurer ; elle seule permettra à ces quartiers de redevenir des quartiers de ville à part entière.

Monsieur le ministre, notre groupe aborde ce débat dans un esprit très constructif. Sans surprise, son vote final dépendra des avancées qu’il aura pu obtenir sur les questions que je viens de soulever.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je dois d’abord vous dire combien nous sommes satisfaits d’évoquer enfin, dans cet hémicycle, la politique de la ville autrement que par la continuelle stigmatisation des banlieues et l’amalgame permanent entre pauvreté et délinquance qu’opérait le gouvernement précédent, prônant la politique du kärcher et du couvre-feu...

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Sous l’ère Sarkozy, les crédits de la politique de la ville ont ainsi diminué de moitié, traduisant clairement la rupture du pacte républicain fondé sur les notions d’égalité et de solidarité.

Nous prenons donc comme un progrès, dix ans après la marche pour l’égalité, la volonté de ce gouvernement d’engager une véritable concertation – je vous en remercie, monsieur le ministre – et de reposer les bases de la politique de la ville, respectueuse des hommes et des femmes qui y vivent. Il s’agit d’un enjeu essentiel pour la cohésion sociale et territoriale de notre pays.

En effet, nous ne pouvons accepter que, sur le territoire de la République, se créent des poches regroupant l’ensemble des handicaps – pauvreté, chômage, enclavement –, condamnant ainsi l’avenir de leurs habitants, soit pourtant plus de 6 millions de nos concitoyens.

Si donc nous prenons acte de cette volonté, nous restons cependant inquiets sur ses traductions concrètes dans le climat de rétraction globale de l’action publique. En effet, la politique de la ville ne peut prétendre à l’efficacité dans le cadre d’une politique « austéritaire » de droit commun, notamment en ce qui concerne les dotations aux collectivités, qui baisseront de 4, 5 milliards d'euros sur trois ans.

En effet, alors que le projet de loi prévoit la mobilisation prioritaire des moyens de droit commun et leur meilleure articulation avec les dispositifs spécifiques, ce qui est une bonne chose, force est de reconnaître que ceux-ci sont en constante régression, notamment dans le cadre des politiques régaliennes de l’État. Ce sont les quartiers dits « sensibles » qui subissent encore le plus lourdement la rétraction de l’action publique, alors même que les inégalités territoriales et sociales s’accroissent.

Au fond, la politique de la ville ne peut trouver de traduction efficace et concrète si la priorité du Gouvernement n’est pas celle de l’emploi et du pouvoir d’achat, de l’intervention publique pour irriguer les territoires et permettre leur maillage par les services publics.

La politique de la ville est donc tributaire du cap gouvernemental, celui de l’austérité. Par conséquent, nous sommes inquiets.

Face à la pénurie des moyens, on se contente ainsi de concentrer les efforts et les moyens de l’État. On passerait ainsi de passer de 2 500 quartiers bénéficiant d’un CUCS à 1 300 quartiers prioritaires.

Seraient ainsi considérés comme prioritaires les quartiers où la moitié de la population perçoit moins de 60 % du revenu fiscal annuel médian, soit moins de 11 000 euros.

Si la pertinence d’un critère unique et d’un zonage unique semble faire consensus, la question résiduelle, mais ô combien sensible, est bien celle de la sortie du dispositif d’un certain nombre de quartiers et de communes. La définition de « territoire de veille » semble à ce titre particulièrement hypocrite, puisqu’en réalité, selon le dispositif même de ce projet de loi, ces territoires ne seront nullement accompagnés.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Nous en discuterons.

Ces territoires restent pourtant extrêmement fragiles. Nous craignons ainsi que des équilibres précaires ne soient rompus, mais vous nous rassurerez, monsieur le ministre.

À ce titre, nous souhaiterions connaître précisément la liste des collectivités qui relèveront demain de la politique de la ville. Il s’agit, à nos yeux, de la poursuite logique de la volonté de concertation et de transparence que vous avez affichée.

Dans le même esprit, les CUCS sont remplacés par des contrats de ville « à caractère unique et global » englobant l’ensemble des moyens dédiés à la politique de la ville. Leur portage serait confié de manière générale à l’échelon intercommunal.

Si nous ne pouvons pas contester, sur le principe, la pertinence de la dimension intercommunale du futur contrat de ville, permettant une meilleure prise en compte des enjeux de mixité et de déplacement, une telle démarche n’est envisageable que si les communes l’ont choisie via le transfert de compétences. Il faut alors respecter ce choix.

Nous estimons, pour notre part, qu’il convient de soutenir le rôle majeur de proximité du maire et des élus municipaux. Pour cette raison, nous avons fait adopter en commission un amendement reconnaissant ce rôle. En effet, le rôle de proximité du maire est lié à la nature même de la politique de la ville, qui exige un véritable travail de dentellière alliant connaissance du tissu urbain et proximité avec les habitants.

Sur le fond, la volonté du Gouvernement de faire de l’intercommunalité le pivot de la politique de la ville s’insère dans la logique de textes comme le projet de loi sur les métropoles ou le projet de loi ALUR, lesquels visent à faire de l’intercommunalité l’échelon de toute politique d’aménagement et de logement. Nous estimons qu’une telle démarche porte directement atteinte à la démocratie locale, en dévitalisant les communes. C’est l’une de nos inquiétudes.

Attachés à l’exercice de la démocratie sous toutes ses formes, nous souscrivons pleinement à la participation accrue des habitants permise par ce projet de loi, sur le fondement de l’excellent rapport remis par Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache. Mais il ne suffit pas de créer les structures ; encore faut-il les faire vivre.

S’il est dit que l’État apporte son concours au fonctionnement du conseil citoyen, comme à la maison du projet, nous serons vigilants sur la traduction concrète de cet engagement, notamment sur le plan financier.

Renforcer la participation des habitants a également un autre corollaire à nos yeux, celui de mieux associer les élus municipaux, qu’il ne s’agit pas d’oublier.

Au fond, nous pouvons adhérer à un certain nombre de dispositions de ce projet de loi, mais il manque toujours l’essentiel : le financement. Sur la future « dotation ville » notamment, nous pouvons légitimement considérer que c’est uniquement la dénomination de la dotation de développement urbain qui changera.

Par ailleurs, en intervenant sur la solidarité financière entre les communes, le projet de loi ne traite de la question de la péréquation que sous sa dimension horizontale. Or la péréquation verticale est en panne. C’est pourtant la priorité à nos yeux. C’est bien l’absence de péréquation verticale qui a conduit ces dernières années à l’aggravation des inégalités entre les territoires.

Ce manque de financement se révèle également dans l’approche du prochain plan national de renouvellement urbain dont nous nous félicitons que le principe ait été retenu.

En effet, alors que le programme national de rénovation urbaine avait mobilisé 44 milliards d’euros, dont 12 milliards d'euros de l’ANRU, le nouveau plan s’appuiera seulement sur 5 milliards financés par l’ANRU. C’est deux fois moins !

Aborder ce deuxième plan nécessite au préalable de s’accorder sur le bilan du PNRU. Nous estimons ainsi qu’il y a eu trop de démolitions sans réflexion préalable sur le devenir de ces quartiers. On dénombre aujourd’hui plus de logements démolis – 145 200 – que de logements construits – 139 000 –. Il faudrait inverser cette tendance et nous défendrons un amendement en ce sens.

Trop de chantiers ont conduit finalement, de manière plus ou moins préméditée, à exclure les anciens habitants et à repousser les populations plus loin, dans les villes adjacentes ou des territoires peu peuplés, territoires qui connaissent aujourd’hui les mêmes problématiques d’isolement et de paupérisation.

C’est donc aux logiques spéculatives et de spécialisation des territoires qu’il faut s’atteler.

Enfin, on a trop longtemps oublié le facteur humain, c’est-à-dire, tout simplement, celles et ceux qui vivaient dans ces quartiers. Pour cette raison, nous proposons, dès l’article 1er de ce texte, de revenir sur la dimension intrinsèquement humaine de cette politique.

Il existe par ailleurs un problème structurel concernant le financement du plan de renouvellement urbain. En effet, celui-ci repose principalement sur l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui, depuis la loi de 2009, est majoritairement financée par le 1 %, aujourd’hui à hauteur de 800 millions d’euros par an. Pourtant, à nos yeux, l’ANRU devrait être principalement financée par l’État.

Parce que les enjeux sont immenses, que la souffrance est grande dans ces territoires trop longtemps méprisés par la République, nous attendons beaucoup de ces débats – nous avons déjà longuement examiné le texte en commission, monsieur le rapporteur, et nous vous en remercions –, notamment des engagements, des modifications législatives et des avancées significatives.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je me réjouis, avec l’ensemble du groupe écologiste, de débattre aujourd’hui de ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, qui constitue une avancée, certes encore bien timide, sur le chemin d’un réel changement.

Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache, les auteurs du rapport que vous avez vous-même commandé, monsieur le ministre, n’estiment-ils pas eux-mêmes que le projet de loi qui vient d’être voté à l’Assemblée nationale, et que nous examinons aujourd’hui, s’il comporte des points positifs, ne va pourtant pas assez loin ? Le 19 décembre dernier, Mme Bacqué et M. Mechmache publiaient sur Mediapart un article intitulé Les élus de la République ont-ils peur d’entendre les quartiers populaires ?

Il n’est toutefois pas trop tard pour mieux prêter l’oreille à ces voix qui montent des quartiers, et pour passer enfin des mots aux actes. Les habitants de ces territoires abandonnés avaient placé beaucoup d’espoir dans l’arrivée de la gauche au pouvoir. Aujourd’hui, ils sont déçus, et peut-être même amers.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. Beaucoup, à coup sûr, s’abstiendront lors des élections des mois à venir, une abstention qui sera plutôt l’expression d’un désespoir.

Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Voulez-vous bien me laisser parler, mes chers collègues ? Nous ne sommes pas en cour de récréation, tout de même !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Or nous savons où mène, à terme, ce désespoir. Ce sont dans ces quartiers populaires, lieux de pauvreté, de discriminations, d’inégalités et de chômage que la question de la participation des gens du terrain se pose de la manière la plus forte, la plus aiguë, la plus légitime, presque comme une nécessité.

Le rapport qui vous a été soumis avance trente propositions pour « inverser la démarche de la politique de la ville et passer d’une logique administrative et politique impulsée du haut vers une dynamique partant des habitants des quartiers populaires et de leur pouvoir d’agir ». Est-ce bien cela que nous voulons ?

À nous, législateurs, de faire de nos mots des passerelles vers l’action, une action réellement en faveur de ces quartiers, dont la souffrance se fait entendre périodiquement par des explosions de violence et des émeutes qui sont en fait, d’abord, des cris d’alarme et qui nous disent que les choses vont mal et qu’elles ne font que s’aggraver. Réveillons-nous, écoutons-les !

Le changement viendra d’abord des intéressés eux-mêmes, même si les pouvoirs publics doivent investir des deniers et consentir des efforts pour mener ce changement à bien. Qui, mieux que les habitants de ces quartiers, sait ce qui ne va pas, ce qu’il convient de faire et comment le faire ? Il est temps que le « bas » donne enfin son avis et que le « haut » apprenne à l’entendre et à aller vers lui. §

Il nous faut travailler ensemble, avec un peu d’humilité. On ne peut pas nier que le projet de loi dont nous débattons ouvre de réelles pistes. C’est le cas, notamment, du principe de la coconstruction. Mais ne faudrait-il pas plutôt parler de codécision, reposant sur une représentation significative des citoyens dans toutes les instances ?

L’enjeu, selon les auteurs du rapport que j’ai déjà cité, est en effet de partir de l’initiative des habitants, de la reconnaître lorsqu’elle existe et de l’appuyer.

Reste à savoir comment initier les habitants à cette démocratie participative, comment les mobiliser, quand on sait qu’ils sont happés par une lutte quotidienne pour leur survie économique et empêtrés dans des problèmes complexes. Il y a là, pour les habitants aussi, un véritable défi à relever, pour que leurs désirs et leur volonté de construire ensemble se transforment en réalité. En réalité, ce projet de loi incite le « haut » comme le « bas » à relever le défi.

À nous, sénatrices et sénateurs, de faire en sorte que ce projet de loi quitte cette assemblée amendé et enrichi, pour éviter un énième rendez-vous manqué avec les quartiers populaires.

Certes, dix ans après la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, le présent projet de loi marque la volonté du Gouvernement d’engager une nouvelle étape de la politique de la ville, surtout en direction des quartiers défavorisés.

Or les habitants de ces quartiers, non seulement ne doivent plus être stigmatisés, mais doivent être considérés comme la richesse des territoires en cause et placés au cœur de notre politique de la ville. Nous avons déposé de nombreux amendements en ce sens et espérons fortement être entendus sur ces questions.

Au premier rang de ces amendements, nous souhaitons que, dès l’alinéa 1 de l’article 1er, le rôle et la place des habitants soient reconnus.

Nous défendrons également l’idée que le droit à un environnement sain et de qualité doit être reconnu par la loi. En effet, ce sont dans ces quartiers, situés le plus souvent à proximité des voies rapides, des aéroports et des zones industrielles, que les populations, outre les « handicaps » socio-économiques qu’elles doivent surmonter, sont aussi le plus souvent exposées aux pollutions sonores et atmosphériques.

Les objectifs environnementaux, au même titre que les objectifs sociaux, sont essentiels pour assurer le bien-être et l’amélioration des conditions de vie des habitants. Ils doivent donc évidemment être pris en compte par la politique de la ville.

Nous espérons que les amendements adoptés nous permettront d’aboutir à une version de ce texte satisfaisante pour les premiers intéressés, les habitants de ces quartiers, et que le groupe écologiste pourra ainsi le voter, en attendant que ce projet de loi permette la mise en place d’une vraie politique de la ville, audacieuse, qui fera honneur à la gauche et à la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mercredi dernier, ici même, avait lieu un débat sur l’égalité des territoires et l’ambition qui est celle du Gouvernement de rompre avec ce qu’il est convenu d’appeler la « fracture territoriale ».

Cela nous a donné l’occasion de faire le point sur les différents moyens qui viennent d’être mis à disposition des collectivités et des services déconcentrés de l’État pour faire réellement progresser cette fameuse égalité territoriale.

Le texte que vous présentez aujourd’hui, monsieur le ministre, procède de cette même démarche volontariste, comme vous l’avez souligné dans votre intervention.

Dès l’été 2012, vous nous proposiez votre feuille de route pour les quartiers et, pour mener à bien votre mission, vous avez au préalable engagé une grande concertation, dont toutes les structures et associations que nous avons auditionnées ont souligné la qualité.

N’en déplaise à certains, cette concertation a porté ses fruits, ce qui me donne aussi l’occasion de saluer le travail de nos deux rapporteurs, et singulièrement celui de Claude Dilain, dont on connaît à la fois la pertinence et le sérieux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

… qui nous a accompagnés dans cette démarche afin que ce texte réponde aux attentes et aux besoins qui ont émergé à l’occasion de l’initiation de ce débat.

Les objectifs qui sont les vôtres, monsieur le ministre, nous les partageons, ce n’est pas une surprise. Vous voulez, autant que faire se peut, réduire les écarts de développement entre territoires et améliorer dans le même temps les conditions de vie des habitants – c’est l’indispensable corollaire du premier objectif –, en faisant jouer les solidarités, nationales et locales.

L’ambition de votre texte est donc forte. Vous entendez remobiliser les moyens de droit commun, qui, pendant trop longtemps, ont en quelque sorte abandonné les quartiers, accentuant, il est vrai, le sentiment d’abandon et la frustration de la population.

De surcroît, les dispositifs prévus vont redonner la parole aux habitants des quartiers, et permettre aux élus de construire les projets avec eux. Ces derniers pourront ainsi expliquer et donner un sens à ces projets, qui engagent véritablement la responsabilité des élus locaux, dont c’est le rôle, pour ne pas dire la mission. Le recentrage des aides accompagnera ce mouvement, pour plus de lisibilité et d’efficacité.

C’est en effet grâce à cette lisibilité que l’on entraînera tout un territoire, et pas seulement les quartiers en difficulté, dans un projet de vivre ensemble, mais également dans ce que l’on appelle communément une « communauté d’histoire et de destin ».

Je salue donc ce projet de loi, à plus forte raison parce que l’ambition qui est affichée par ses auteurs est assortie de moyens pour mettre en œuvre cette nouvelle politique de la ville et lui donner un souffle nouveau.

Une nouvelle géographie prioritaire sera définie sur la base d’un critère unique, objectif – j’ai failli dire « scientifique » ! –, en tout cas un critère incontestable, afin de cerner de façon beaucoup plus précise la concentration de pauvreté que vous avez évoquée tout à l’heure, monsieur le ministre.

Par ailleurs, les outils de péréquation feront intervenir les solidarités, aussi bien nationales que locales. Je pense à la dotation spécifique « politique de la ville », à la dotation de solidarité communautaire ou au pacte financier et fiscal de solidarité intercommunale.

Le contrat de ville de nouvelle génération sera, quant à lui, piloté à l’échelle intercommunale et mis en œuvre concrètement par le maire et son équipe.

Les subventions ANRU seront modulées en fonction de la situation financière des collectivités, de leur effort fiscal et de la richesse de leur territoire, ce qui constitue une mesure de justice.

Enfin, le nouveau programme national de renouvellement urbain sera doté de la bagatelle de 5 milliards d’euros pour les dix ans à venir.

On voit donc bien que cette démarche est marquée par le souci constant de la solidarité – il fallait le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Cela étant, monsieur le ministre, j’évoquerai à présent quatre points qui me tiennent particulièrement à cœur.

J’aborderai tout d’abord la participation citoyenne - adjectif que, si j’osais, j’affecterais d’un « c » majuscule. C’est un dispositif puissamment novateur. Vous prévoyez en effet, monsieur le ministre, d’impliquer le plus grand nombre dans une dynamique citoyenne. Du reste, c’est l’efficacité de la puissance publique qui sera, à mon sens, le préalable nécessaire à l’amorçage de cette indispensable participation citoyenne. Nous espérons que ceux qui n’ont jamais parlé jusqu’à présent, les « sans-voix », seront incités à dire ce qui leur semble bon pour eux-mêmes et pour leurs quartiers – personne n’est mieux qualifié pour le faire.

Il s’agit de faire en sorte que cette démarche citoyenne dépasse le stade du slogan pour devenir une réalité.

La participation des habitants doit être encouragée, bien entendu, mais elle ne peut rester l’apanage de quelques initiés ou de quelques spécialistes répertoriés. Il est de notre devoir d’aller chercher ceux qui ne se sont jamais manifestés, surtout quand il s’agit de prendre des décisions qui les touchent au plus près – je veux parler de celles qui sont relatives à l’état d’un quartier, à l’installation d’une école ou d’un équipement de proximité. C’est d’ailleurs la clé pour les inciter par la suite à s’engager sur des dossiers beaucoup plus importants et déterminants dans la gestion de la cité.

Je salue donc votre initiative, monsieur le ministre, vous qui avez décidé de remettre les habitants au cœur du dispositif de la ville, en posant pour la première fois, dans la loi, le principe de coconstruction. Je salue également votre proposition, monsieur Dilain, d’introduire la co-formation. Elle permettra d’encourager le croisement des savoirs et des pratiques pour mieux se comprendre, pour mieux s’entendre, dans les deux sens du terme.

À mon sens, la création de structures nouvelles, telles que le conseil citoyen ou la maison du projet, ne suffira toutefois pas à insuffler la dynamique que nous voulons créer. Il faut, et c’est le corollaire essentiel, un volontarisme politique fort. Il est de notre responsabilité d’élus de donner du sens aux projets et d’aller chercher la parole des habitants, de tous les habitants concernés.

Par ailleurs, l’inventaire des actions prioritaires de la politique de la ville à l’article 1er du projet de loi m’amène à formuler un regret : certes, tous les points structurants de cette politique sont importants, mais peut-être certains le sont-ils plus que d’autres… Je regrette donc que nous n’ayons pas procédé à une forme de priorisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Certaines de ces problématiques sont en effet partagées, de manière transversale, à l’échelle de l’Hexagone, par tous les quartiers. Je pense, par exemple, à ce qu’il convient de faire en matière de commerces de proximité et de services. Dans ce domaine, les logiques ayant prévalu par le passé, trop souvent axées sur le volet mercantile, notamment sur le chiffre d’affaires, sont passées à côté de l’essentiel et la situation exige véritablement un effort de pédagogie.

Autre sujet qui me tient particulièrement à cœur – c’est l’ancien praticien du quartier du Mirail qui s’exprime ici –, il est important d’avoir des réseaux de soins de proximité, en veillant à ce que ces réseaux affichent une certaine pluridisciplinarité et, compte tenu des besoins énormes en matière d’éducation sanitaire, que les équipes aient du temps libre pour assurer des prestations dans ce domaine. Cela passe sans doute par une sortie du paiement à l’acte. Comme nous aurons forcément à nous déterminer sur ce point, je vous souffle cette piste, monsieur le ministre, mais c’est évidemment un autre débat !

Je voudrais aussi évoquer la question des quartiers que je qualifierais de « quartiers borderline ». Il ne fait pas de doute que certains quartiers sont proches de ceux qui seront classés, pas sur le seul plan géographique, d’ailleurs, mais aussi socialement et économiquement. Il serait terriblement frustrant de devoir, en quelque sorte, les mettre en réserve, en attendant que leur situation se soit tellement dégradée qu’elle justifie leur intégration dans le classement.

Je plaide donc pour un dispositif de veille active, qui permette en quelque sorte de « zoomer » sur ces quartiers pour mieux adapter les modalités d’action à l’évolution de leur situation, notamment si celle-ci se dégrade. En ce sens, je rejoins un peu les propos de Valérie Létard.

La gouvernance de la politique de la ville est un autre sujet de préoccupation. En commission, nous avons tenté de trouver le bon équilibre dans l’articulation des compétences entre le maire et l’intercommunalité. Si, comme bon nombre d’entre vous, mes chers collègues, je conviens totalement de la nécessité de définir les objectifs de cette politique à l’échelle intercommunale, et ce pour des raisons évidentes – ne serait-ce que parce que, mécaniquement, les quartiers épargnés ou protégés pourront ainsi se sentir complètement parties prenantes de la situation de ceux qui seront plus pénalisés –, je rappelle avec force la place du maire et de son équipe. C’est bien à eux qu’il revient de mettre en œuvre les orientations définies en commun, sur le territoire de leur commune, dans la mesure où, nous le savons tous, le maire est à l’interface de tout.

J’ajoute que je me réjouis de la place reconnue au département dans cette politique de la ville, celui-ci n’ayant plus à démontrer sa compétence en matière de politique sociale ou de solidarité. Ce constat m’amènera à proposer un amendement tendant à prévoir la signature systématique des contrats de ville par le département et la région. Le retour du droit commun nécessite en effet de mobiliser tous les niveaux de collectivités.

Telle est notre perception de ce texte dont l’adoption nous permettra de franchir un palier qualitatif dans la politique de la ville, cette évolution étant assortie d’une simplification bienvenue. C’est bien, monsieur le ministre, parce que nous partageons la même ambition – celle de l’intérêt général, tout simplement – que nous sommes résolument à vos côtés dans cette démarche !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Henri Tandonnet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi était effectivement attendu, et ce pas seulement depuis l’alternance de 2012. Lorsque j’étais rapporteur spécial de la mission « Ville et logement », j’avais plaidé à plusieurs reprises à cette tribune pour une réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Il nous aura fallu attendre un certain temps, mais nous allons enfin pouvoir discuter de vos propositions, monsieur le ministre.

Vous avez pris la précaution de faire précéder ce débat d’une concertation qui a été effectivement longue et, j’allais dire, assez large. C’est une bonne chose ! Je regrette simplement que les deux chambres du Parlement ne puissent pas bénéficier chacune de deux lectures dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. La procédure accélérée était-elle absolument nécessaire ? La question reste posée et, pour ma part, je suis persuadé que l’examen d’un texte par les deux chambres, et à deux reprises, est toujours une bonne formule.

Vous avez également pris la précaution de ne pas communiquer la liste des nouveaux quartiers prioritaires. Nous sommes un certain nombre à le regretter – j’ai lu les interventions de mes collègues à l’Assemblée nationale –, même si, d’une certaine manière, je peux vous comprendre : à la veille des élections municipales, je ne sais pas dans quelles conditions se serait déroulé le débat !

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

M. François Lamy, ministre délégué. Si cela vous intéresse, j’ai la liste de 2009 !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. Je vous la laisse, monsieur le ministre, car ce sont avant tout les critères retenus par vos soins qui m’intéressent.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

À ce titre, je dois vous dire que je suis heureux de votre choix du seul critère du revenu. C’est un gage de simplicité, comme Claude Dilain l’a souligné, et c’est aussi, me semble-t-il, l’élément caractérisant le mieux les difficultés d’un territoire donné.

D’ailleurs, vous avez pris une double précaution, puisque vous allez considérer le revenu par rapport au territoire national dans son entier, mais aussi le revenu rapporté à l’aire urbaine. Cette double prise en compte, que je n’ai jamais pu obtenir dans les critères du FPIC, est très importante ! C’est un point essentiel que de pouvoir comparer les revenus des habitants à ceux de l’aire urbaine. A-t-on, à revenu équivalent, les mêmes difficultés dans la région d’Île-de-France que dans une autre région ? Compte tenu de la densité démographique de l’Île-de-France et du coût du logement que l’on y constate, par exemple, je n’en suis pas certain…

Le revenu me semble donc, par sa simplicité et sa lisibilité, somme toute, un bon critère.

Au sujet de l’association des habitants des quartiers à la coconstruction, je voudrais tout d’abord exprimer mon étonnement face à certains discours, un peu durs. Il y a certainement quelques mauvais maires, mais tous les autres, qui font correctement leur travail, ont-ils pour habitude de rester enfermés dans leur bureau, de ne pas consulter les associations, de ne pas organiser de réunions de quartier ? Ceux qui, parmi eux, se sont lancés dans des projets ANRU, l’ont-ils fait comme cela, sans prendre la peine de dialoguer avec les habitants ? Honnêtement, je ne le crois pas !

Qu’il faille aller plus loin et fixer un certain nombre de règles, pourquoi pas ! Mais toute la difficulté résidera justement dans l’élaboration de règles précises. Dès lors que l’on décide de constituer des « coordinations citoyennes de quartier » – je suis d’ailleurs heureux que vous envisagiez de changer le terme, monsieur le ministre, car l’expression n’était pas tout à fait adaptée, et je vous proposerai, à l’occasion d’un amendement, l’appellation « conseils de développement de quartier » –, comment désigne-t-on les membres de ces instances ? C’est une vraie question ! Qui est légitime pour y siéger ? Qui ne l’est pas ? Quels critères seront retenus ? Je m’interroge !

Il faudra bien laisser de la souplesse à ces dispositifs, sans quoi vous allez enfermer les maires dans des règles impossibles à tenir, et ce d’autant plus que les contrats de ville seront signés – là aussi, c’est une bonne idée – pour une période de six ans, correspondant au mandat municipal. Engager la concertation avec les habitants au début du processus et la maintenir tout au long de celui-ci m’apparaît comme une bonne manière de procéder et, je le redis, comme une démarche tout à fait naturelle. D’où cette nécessité de ne pas nous enfermer dans des règles trop strictes.

Le choix de l’échelle intercommunale apparaît également une bonne idée, à la condition que l’on prenne bien en considération que les maires sont et resteront à la manœuvre. Quelqu’un a comparé la politique de la ville à un travail de dentellière : l’image me semble tout à fait juste. Dès lors, il ne faut surtout pas trop éloigner la décision du terrain !

À ce titre, monsieur le ministre, vous allez avoir un autre sujet à traiter, sujet sur lequel je vous proposerai également un amendement : que va-t-on faire dans l’espace du Grand Paris ? La métropole de 7 millions d’habitants aura-t-elle la main sur la politique de la ville ? Pour les financements, je l’espère… Mais qu’en sera-t-il pour les décisions concrètes, celles qui concernent le terrain ?

Je ne pense pas que le conseil de territoire, avec ses 300 000 ou 400 000 habitants, sera la bonne échelle. Dans le cas particulier du Grand Paris, les communes devront garder la main, même s’il faudra leur donner la possibilité de s’associer à trois ou quatre, si elles le souhaitent, sur le périmètre du conseil de territoire ou sur un périmètre plus restreint. Quoi qu’il en soit, ce territoire-là est d’une nature tout à fait particulière et nous ne pourrons pas lui appliquer les mêmes règles qu’aux autres.

J’en viens aux PNRU et, tout d’abord, au « PNRU 1 ». J’ai bien entendu les inquiétudes du rapporteur pour avis de la commission des finances quant à la trésorerie de l’ANRU et je tiens également à tirer la sonnette d’alarme. Quand je vois les difficultés à obtenir les subventions, y compris sur un petit projet ANRU, et les lourdeurs administratives que j’ai pu constater sur le terrain, ailleurs que dans ma propre commune, je me dis que, si vraiment la trésorerie tombe à 140 millions d’euros, les fins de programme risquent d’être difficiles !

On nous annonce maintenant un « PNRU 2 ». Je ne peux que m’en réjouir ! Les moyens alloués sont cependant plus limités – 5 milliards d’euros –, mais on nous parle d’un effet de levier multipliant cette somme par quatre, soit 20 milliards d’euros. Nous regarderons les chiffres au bout du compte, monsieur le ministre, mais il me semble que, pour le « PNRU 1 », nous serons plutôt sur un effet de levier multipliant les sommes par trois.

Sur cette question, je partage donc les interrogations de Jean Germain. On entend à nouveau mettre à contribution Action logement, qui est déjà très sollicitée. Nous verrons bien, à l’occasion de la deuxième lecture, ici, au Sénat, du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ce qu’il en sera de la GUL. Cela étant dit, on ne pourra pas mettre Action logement à toutes les sauces…

Nous avons vécu dans l’incertitude avec le « PNRU 1 », puisque l’on est passé de crédits budgétaires à des crédits exclusivement extrabudgétaires, mais, comme je l’ai toujours affirmé, ce qui compte in fine, c’est ce qu’il y a dans les caisses de l’ANRU. Pour autant, si le Gouvernement annonce un « PNRU 2 », il serait peut-être bon qu’il nous rassure sur la manière dont il va le financer.

Par ailleurs, je me suis toujours félicité de ce qu’était l’ANRU. Avec son effectif de 80 collaborateurs, ou à peine plus, c’est une structure légère qui porte des projets extrêmement lourds. Hormis quelques problèmes au lancement de la structure, que ce soit au niveau informatique ou dans la définition des règles, une fois que la mécanique a été lancée, elle a fonctionné et fonctionne encore plutôt bien. Je pense donc qu’il ne faut pas vouloir confier à l’ANRU des missions trop différentes.

Je suis en particulier sceptique sur l’idée de l’amener à cofinancer des investissements dans les quartiers. La Caisse des dépôts et consignations et, dans le domaine commercial, l’EPARECA font cela très bien ! Le projet de loi est rassurant, dans la mesure où il prévoit que le risque financier lié à ces opérations est garanti par l’État. Néanmoins, est-ce vraiment nécessaire de donner une telle mission à l’ANRU ?

On nous a en outre expliqué, au sujet des interventions à l’étranger, qu’il s’agissait avant tout de régulariser des pratiques existantes. Très bien ! C’est toujours une bonne chose de vouloir exporter notre savoir-faire et, ainsi, valoriser la France au travers de ce qu’elle fait de mieux, mais, de nouveau, on ne pourra pas demander tout et n’importe quoi à une structure de 80 personnes ! Je suis donc aussi sceptique sur ce volet.

S’il est simplement question de régler un problème administratif avec la Tunisie…

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Non ! Nous avons de grandes ambitions !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

C’est bien d’avoir de grandes ambitions, monsieur le ministre, mais il n’a échappé à personne ici que les contraintes budgétaires sont extrêmement fortes !

Vous allez mettre fin au saupoudrage en matière de politique de la ville. C’est une bonne chose car, dans le passé, pour des raisons assez politiques, il faut bien le dire, les ministres successifs ont eu tendance à distribuer des dotations à droite et à gauche, qu’il s’agisse de la DSU, de la DSR, etc. Je n’opposerai pas le rural et l’urbain, mais on sait pourquoi tout cela a été mis en œuvre.

Vous souhaitez une diversification, mais, en dépit du PNRU II, l’État va manquer de moyens. L’un des apports fondamentaux de M. Borloo en 2003 fut de concentrer les moyens sur les territoires et dans le temps : cela a permis de changer vraiment la donne. Peut-être ne sommes-nous pas allés assez loin dans cette direction, mais vous devriez y être contraints dans la mesure où les moyens budgétaires de l’État se réduisent. Dans ces conditions, si vous me permettez un conseil, ne vous dispersez pas trop, parce que vous retomberiez alors dans certaines erreurs du passé.

Concernant la simplification, la création de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, l’ONZUS, et la suppression du comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, le CES, ont provoqué quelques remous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Pour ma part, je suis très favorable à une telle simplification, d’autant que j’avais plaidé dans le passé pour la suppression du CES. Que n’avais-je entendu alors ! J’avais même été pris à partie par le président de cette instance, que je ne nommerai pas. Il est très bien que vous osiez prendre cette initiative, car il faut tendre vers une simplification.

La suppression de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ, est-elle une bonne chose et constitue-t-elle bien une simplification, si tant est que vous la présentiez ainsi ? Je m’interroge encore sur ce point.

Beaucoup avaient plaidé pour la fusion de l’ANRU et de l’ACSÉ. J’ai toujours considéré que ce n’était pas une bonne idée, l’ANRU étant très spécialisée. Avec ce texte, monsieur le ministre, vous prévoyez de faire disparaître l’ACSÉ. Je me souviens avoir rendu un rapport qui démontrait que cette agence était devenue, au fil du temps, un outil relativement efficace. C’est pourquoi je reste sceptique quant à l’opportunité de sa suppression. Peut-être pourrez-vous nous en dire un peu plus à cet égard.

J’en viens à la DDU et, plus généralement, aux dotations.

La suppression de la DDU ne me ferait pas beaucoup de peine, eu égard aux conditions dans lesquelles elle a été créée ! §C’est d’abord l’ancienne majorité, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, qui avait doublé la DSU, la faisant passer de 600 millions à 1, 2 milliard d’euros. La progression s’est ensuite poursuivie : à cette fin, lors de l’élaboration d’une loi de finances, quelqu’un a proposé de créer la DDU, destinée à être un mécanisme d’appel à projets des communes. Le dispositif mis en place s’est révélé très lourd. Certaines communes ont pu en bénéficier grâce à un effet d’aubaine, dans la mesure où elles avaient des projets déjà prêts. Tout cela ne me paraissait pas très efficace. Vous souhaitez transformer la DDU en dotation : pourquoi pas ? J’attends de voir quels moyens seront mobilisés et quels seront les critères d’attribution de cette nouvelle dotation.

Pour conclure, je vous invite, monsieur le ministre, à vous pencher sur les conditions dans lesquelles la baisse de la DGF est répartie. Certes, la DSU et le FSRIF progressent, mais nombre de nos collègues sont en train de découvrir que le fait d’avoir proportionné la baisse de la DGF aux recettes réelles de fonctionnement des communes en 2012 pénalisera essentiellement les villes, plus particulièrement celles de taille moyenne, qu’elles relèvent ou non de la politique de la ville. Il ne faudrait pas que la progression des dotations de péréquation soit en partie reprise au travers de la baisse de la DGF, car 2014 et 2015 seront, de ce point de vue, des années très difficiles pour toutes nos communes.

Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments que je voulais partager avec vous. Il ne s’agit pas d’un texte très controversé. Le groupe UMP se dirige peut-être vers l’abstention. À titre personnel, monsieur le ministre, selon vos réponses et le sort qui sera réservé à nos amendements, je verrai si je peux aller au-delà d’une abstention constructive et bienveillante ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, concertation, simplification et adaptation sont les marques de ce projet de loi qui, sur le plan politique, devrait apporter des réponses précises aux opérateurs de terrain ainsi qu’aux élus de proximité. Il présente en outre l’intérêt particulier de tendre à consolider les expériences antérieures, sans contraindre à de nouvelles prises de responsabilités locales, en prévoyant des contenus et un calendrier mieux adaptés, qui seront un gage d’efficacité pour la politique de la ville de type nouveau qu’il inaugure.

Le volet hexagonal a été largement évoqué, à travers le meilleur du texte de la commission. Une singularité émerge cependant : l’état de la politique de la ville dans les outre-mer.

Certes, la mise en œuvre de quarante CUCS, de trente-quatre ZUS, de sept ZFU ou encore de vingt-trois conventions PRU en outre-mer tend à donner à croire que les villes concernées connaissent des problèmes analogues à ceux de tous les quartiers sensibles et relèvent des mêmes réponses. Or la politique de la ville dans nos quartiers se caractérise, comme vous avez pu le constater lors de votre passage en Guyane, monsieur le ministre, par un immense chantier et se heurte à des difficultés accrues.

Ce chantier est celui de la réhabilitation urbaine, toujours nécessaire tant l’habitat précaire est largement répandu : habitat informel – qualifié parfois de spontané – qui se forme très rapidement aux abords comme au centre des villes, quartiers d’habitat précaire qui ont déjà fait l’objet d’une restructuration partielle, quartiers insalubres apparus à proximité des périmètres déjà traités ou encore « quartiers durcis », anciennement en bois ou en tôle, qui ont conservé leur configuration initiale.

La question de la rénovation urbaine, de l’aménagement du territoire se double de celle de l’habitat. Sur un parc de 500 000 logements, plus de 100 000 peuvent être considérés comme indécents ou insalubres.

La lutte contre l’habitat indigne afin d’améliorer les conditions de vie des habitants, telle est actuellement l’action prioritaire de la politique de la ville dans les outre-mer.

Les difficultés ne manquent pas : la première est la capacité de financement limitée des collectivités territoriales. À Mayotte par exemple, les communes ont théoriquement, depuis cette année, une fiscalité propre, mais avec un potentiel fiscal faible et sans cadastre, sa mise en œuvre est hypothétique.

Or la construction de logements et, de manière générale, la régénération urbaine requièrent une participation financière minimale des collectivités locales pour être éligibles aux programmes d’action nécessaires mais laissés à l’état de projets à cause de ces carences financières.

L’exposition aux risques naturels, ensuite, concerne de 30 % à 80 % de la population selon les territoires. Le cyclone Bejisa, à La Réunion, illustre la terrible actualité de cette situation, mais les risques sismiques sont aussi présents, comme aux Antilles, alors que, en Guyane, la très forte humidité entraîne une dégradation accélérée des constructions et que les pluies provoquent régulièrement des glissements de terrain.

Une autre difficulté tient au fait que les besoins spécifiques de développement économique sont difficiles à isoler. Le tissu économique dans les outre-mer est extrêmement fragile, et la situation particulière d’un quartier ou d’une zone sensible est largement diluée dans un contexte économique et social dominé par un taux de chômage supérieur à 20 % aux Antilles et en Guyane, proche de 30 % à La Réunion, tandis qu’il atteint, pour les jeunes, 46 % en Guadeloupe et jusqu’à 60 % à La Réunion. De surcroît, en Guyane, 80 % de la population satisfait aux conditions de ressources pour l’accès au logement locatif social.

Les problèmes de sécurité sont encore plus graves en outre-mer que dans l’Hexagone : les trois départements des Antilles et de la Guyane comptent parmi les cinq départements où les atteintes volontaires à l’intégrité physique sont le plus fréquentes.

Je ne m’étendrai pas sur les problèmes de sécurité sanitaire spécifiques aux outre-mer. La question de l’accès de tous à l’éducation se pose encore de manière aiguë dans des départements à fort développement démographique, en raison soit d’un taux de natalité élevé, soit d’une immigration importante.

Enfin, en dépit de ce que peuvent faire apparaître ces indicateurs installés dans le rouge, l’absence de données fiables sur les populations des outre-mer rend encore plus difficile l’identification précise des quartiers sensibles devant relever prioritairement de la politique de la ville. Si la situation globale est assez bien connue, le pilotage du soutien à ces territoires suppose un outillage statistique efficace, précis et capable de suivre les évolutions rapides.

Les réponses proposées aux singularités ultramarines au travers de ce projet de loi sont modestes mais pragmatiques. À la marge de l’opération de simplification de la politique de la ville en métropole, la politique de la ville dans les outre-mer est marquée par une ambition identique en termes d’objectifs, tout en s’adaptant aux particularismes, aux réalités de chacun de ces territoires.

Vous avez ainsi entendu, monsieur le ministre, que les communes peuvent souvent être, dans les départements d’outre-mer, l’échelon adéquat pour mener la politique de la ville. Les vingt-deux communes du département de Guyane sont regroupées en intercommunalités. Pourtant, dans la communauté des Savanes, la distance entre les centres urbains de Kourou et de Sinnamary – dont les problématiques et les densités sont tout à fait différentes – est de soixante kilomètres, celle entre Kourou et Iracoubo de quatre-vingts kilomètres et celle entre Kourou et Saint-Élie de cinquante kilomètres, répartis par moitiés entre une piste de terre et un grand lac : la réalité géographique du territoire empêche de retenir l’intercommunalité comme échelon pertinent pour la politique de la ville. Le maire de Pamandzi, à Mayotte, a témoigné, lors de la table ronde sur la politique de la ville en outre-mer que vous avez organisée voilà exactement un an, monsieur le ministre, que penser l’intercommunalité est largement prématuré, tant les communes ont encore besoin de se construire.

Mais vous avez laissé ouverte la mise en œuvre de la disposition commune, puisque retenir l’échelon intercommunal reste une option lorsque cela est possible : la communauté d’agglomération du centre de la Martinique, dont fait partie Fort-de-France, compte déjà au nombre de ses compétences la politique de la ville, et il est tout à fait possible qu’il en aille de même pour la communauté d’agglomération du centre littoral de la Guyane, à laquelle appartient Cayenne et qui regroupe la moitié de la population du département.

Ce pragmatisme est bienvenu, tout comme celui qui régit la délimitation des zones sensibles : ce ne sont pas seulement les écarts de revenu entre habitants qui permettent de délimiter les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; des critères sociaux, démographiques, économiques ou encore relatifs à l’habitat interviennent aussi.

Cette prise en compte de la singularité des outre-mer permet ainsi de ne pas classer la quasi-totalité du territoire de certains départements en quartiers prioritaires, et surtout de s’adapter à l’absence de données précises sur des populations très précaires et aux évolutions rapides des territoires, ainsi qu’aux nécessités spécifiques à chacun d’eux.

L’actualisation trisannuelle manifeste encore le souci d’adapter la politique de la ville aux vérifications fréquentes du rythme de réalisation des opérations et au développement de ces territoires. Elle ne doit cependant pas remplacer la prospective à long terme qui doit animer une politique de la ville aussi ambitieuse qu’en métropole.

Ainsi, monsieur le ministre, confrontés à une problématique exacerbée du mal-développement, les départements d’outre-mer auront, avec ce texte, la garantie de l’adaptabilité du cadre national aux réalités territoriales, une adaptabilité indispensable pour les DOM, au sein de laquelle l’intelligence locale et la participation des citoyens devraient prendre toute leur place.

Le financement de la politique de la ville dans les outre-mer reste inchangé. C’est une question complexe, qui mêle au programme national de renouvellement urbain, intervenu tardivement dans les outre-mer, la ligne budgétaire unique et des mécanismes de défiscalisation. En prévoyant des dispositifs spécifiques pour les outre-mer, la future dotation budgétaire de péréquation pour la politique de la ville témoigne encore de votre volonté d’adaptation aux différentes réalités de nos territoires.

Je serai cependant vigilant : la future dotation « politique de la ville » ne doit pas permettre la disparité que créent les mécanismes actuels de péréquation, puisqu’ils fondent une différence inacceptable de 30 euros par habitant selon qu’il s’agit d’un quartier sensible de métropole ou d’un territoire d’outre-mer.

Je regrette aussi que la question du foncier n’ait pas été abordée dans le texte. Lorsque la difficulté majeure est celle du logement et que 90 % des territoires ultramarins sont la propriété de l’État, le coût de l’habitat résulte non pas seulement de celui des matières premières, mais aussi de celui du terrain. Il aurait fallu et il faudra trouver les outils pour que l’État libère les parcelles nécessaires au développement urbain.

Enfin, la politique de la ville est un moteur majeur du développement dans les outre-mer, par l’apport de financements. Le développement économique dans le secteur de la construction est primordial. Cela étant, la politique de la ville dans les outre-mer, si proche des politiques de droit commun pour le développement local, ne peut tout changer. En définitive, sa spécificité est de concilier le territoire, l’urbain et l’humain. Elle permet le renforcement du lien social et des solidarités entre voisins, encore présents dans les outre-mer, mais malheureusement si facilement mis à mal.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est à Roubaix, trois mois après la parution du rapport de la Cour des comptes, qu’a débuté cette formidable aventure : une concertation nationale suivie d’un texte de simplification.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Cour des comptes appelait cette simplification de ses vœux. Elle avait notamment dénoncé la très grande complexité des zonages et la multiplication de procédures « stratifiées et mal articulées ».

Les précédents orateurs l’ont tous souligné, le choix d’un critère unique – à savoir le revenu par habitant – appuyé sur une méthodologie plus fine – reposant sur le carroyage – répond à la fois à un objectif de simplicité et d’objectivité. Il évite par ailleurs de restreindre le débat aux zones urbaines denses et garantit une véritable équité territoriale. §J’en donne acte au Gouvernement !

Cependant, en ce qui concerne l’efficacité de ce dispositif, le ministre de la ville pourrait-il faire valoir que, si le périmètre du problème est le quartier, celui de la solution peut être l’intercommunalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Est-il possible d’articuler les deux échelles territoriales ? Le présent texte y parvient, en grande partie grâce à l’excellent rapport de Claude Dilain, aux côtés duquel nous avons tous beaucoup appris. M. le rapporteur a placé les curseurs au bon endroit, c’est-à-dire au niveau de l’articulation entre proximité et cohérence territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

À propos de cohérence territoriale, je l’avoue en toute franchise : je n’aurais pas cru que M. le ministre parviendrait à conclure des conventions avec d’autres ministères, par lesquelles ceux-ci s’engagent à mobiliser le droit commun et à l’adapter aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Parvenir à ressusciter cette grande et ancienne règle du service public qu’est le principe d’adaptation, c’est fort !

Néanmoins, cela pourrait être plus fort encore. À cet égard, je déplore que l’on ait traîtreusement opposé l’irrecevabilité à un amendement relatif à la mobilisation prioritaire du droit commun sur la question de l’éducation.

Cet amendement avait pour objet de rappeler au Gouvernement quelques réalités.

Chacun le sait, la région Nord-Pas-de-Calais bat des records en termes de décrochage scolaire, en particulier dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Pour quelqu’un qui, comme moi, doit beaucoup à l’éducation nationale, il est difficile d’accepter ce constat : lorsque l’on veut mettre en place un dispositif expérimental, recruter une équipe pédagogique sur projet ou associer formation en alternance et formation initiale, on se heurte à d’immenses obstacles. Au mieux, on en revient aux initiatives engagées par Édith Cresson à Marseille ou ailleurs avec les écoles de la deuxième chance, on peut faire appel à des fondations privées ou mobiliser quelques crédits européens.

Monsieur le ministre, notre sort est entre vos mains §: l’irrecevabilité ayant été opposée à notre amendement, seul le Gouvernement peut le reprendre, afin de permettre des expérimentations dans le cadre du droit commun sur le volet éducatif !

Par ailleurs, Mme Létard l’a bien dit en commission : n’oubliez pas la prévention, n’oubliez pas l’offre de soins ! L’hôpital public est, dans bien des villes, le premier employeur. Dans les quartiers le plus en difficulté, il représente encore la quintessence du service public. Je ne vois pas pourquoi l’hôpital public, ses moyens, les conditions dans lesquelles on lui permet de fonctionner et d’embaucher ne seraient pas au cœur d’une contractualisation relevant de la politique de la ville.

J’ai déjà défendu des amendements, dans le passé, et j’en défendrai encore, avec opiniâtreté, pour alerter sur le point suivant : aujourd’hui, certains services déconcentrés de l’État échappent très largement à l’autorité des préfets. Je pense notamment à l’’éducation nationale et à la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Il serait important d’améliorer la situation en la matière.

Je formulerai maintenant quelques remarques sur le développement économique, très souvent négligé dans les programmes d’action relevant de la politique de la ville.

À cet égard, on invoque volontiers les zones franches urbaines. À Roubaix, où la crise du textile nous a frappés de plein fouet, nous faisant perdre 5 500 emplois, j’ai été interrogé cinq ou six fois au sujet de ce dispositif : il n’y a jamais eu de véritable pilotage, de la part de l’État et des différentes administrations, ce qui est bien regrettable.

Cela étant, les zones franches urbaines peuvent fonctionner, à condition de s’inscrire dans une politique économique adaptée. Par conséquent, je n’enterre pas ce dispositif.

Par ailleurs, l’amélioration de la mobilité est un impératif pour les personnes à la recherche d’un emploi. Dans des zones où le chômage est trois ou quatre fois supérieur à la moyenne nationale, il faut commencer par dire aux demandeurs d’emploi qu’ils doivent être prêts à bouger, car ils ne trouveront pas nécessairement un travail dans leur quartier. À cet égard, la mobilité est un chantier à part entière.

De surcroît, il importe que ceux qui ont pour mission de favoriser l’implantation d’entreprises agissent dans une logique de croissance inclusive, en s’intéressant non seulement au nombre d’emplois créés, mais aussi aux typologies d’emplois créés et à la possibilité de les rendre accessibles aux demandeurs d’emploi du quartier par le biais de la formation professionnelle.

Par ailleurs, au travers de ce projet de loi, le Gouvernement fait le choix de relancer l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA. Soit ! Toutefois, dans ma région, je n’ai jamais vu l’EPARECA faire davantage que ce qu’une société d’économie mixte aurait été en mesure de réaliser. Cela étant, peut-être est-il envisagé de doter cet organisme de nouveaux moyens et d’en faire une sorte d’établissement public foncier, spécialisé dans la revitalisation commerciale ?

En définitive, le véritable enjeu est d’inciter les investisseurs privés à s’implanter dans des secteurs où ils ne vont pas aujourd’hui. Pour le financement du moindre investissement immobilier dans les quartiers prioritaires, n’importe quelle banque exige, avant de consentir un prêt, qu’au moins 80 % des fonds propres soient déposés sur la table.

La mise en place de sociétés d’investissement régionales, comme celle qu’a créée la Caisse des dépôts et consignations dans ma région peut être une solution à cet égard. En outre, j’aimerais vivement que vous nous en disiez davantage, monsieur le ministre, sur le rôle en matière de co-investissement de l’ANRU Développement, future filiale de l’ANRU, pour accompagner et sécuriser des investissements public-privé sur la durée.

D’une manière générale, il faut, j’en suis convaincu, continuer à expertiser les conditions dans lesquelles nous pourrons faire revenir les investisseurs privés dans ces quartiers. En effet, c’est le seul moyen de garantir dans la durée les investissements que l’ANRU consent et d’assurer cette fameuse égalité des territoires, que chacun appelle de ses vœux !

En attendant ces jours meilleurs, à l’avènement desquels nous devons travailler, il faut se pencher sur l’économie sociale et solidaire. Curieusement, le présent texte n’en dit pas grand-chose.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Il s’agit pourtant d’un véritable sas, dans l’attente des formations et des emplois en CDI en entreprise. Je souhaite que les textes à venir traduisent les orientations récemment présentées par le ministre Benoît Hamon dans cet hémicycle.

Quoi qu’il en soit, je salue le travail qui a été accompli sur ce projet de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
François Lamy

Avant tout, je tiens à remercier les différents orateurs de la qualité de leurs interventions, des interrogations qu’ils ont développées et des constats qu’ils ont dressés. Je m’efforcerai de répondre aux principales questions abordées, ce qui nous permettra peut-être d’examiner ensuite les amendements avec une plus grande rapidité.

Premièrement, je reviendrai sur le critère unique de la géographie prioritaire.

Certains le savent déjà pour avoir attentivement suivi les débats que l’Assemblée nationale a consacrés au présent texte : la publication de la liste des futurs quartiers prioritaires a fait l’objet de demandes répétées de la part de certains députés. Cela confinait presque au running gag ! Toutefois, une telle publication n’était ni possible ni souhaitable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a privilégié un critère unique et englobant. J’insiste sur ce point. D’autres critères ont été envisagés, comme le taux de chômage, le nombre de familles bénéficiant des aides personnalisées au logement – les APL –, le nombre d’étrangers résidant dans un quartier ou encore d’autres facteurs habituellement pris en compte en matière de politique de la ville. Or les simulations menées sur plusieurs agglomérations nous ont permis d’observer que l’indicateur du revenu par habitant englobe de 85 % à 90 % des cas.

Il s’agit là d’un critère unique, totalement objectif, que l’on ne peut pas moduler selon d’autres facteurs – y compris la couleur politique du maire ! Les « vraies » ZUS, celles qui ont été établies en 1996 sur la base des importantes difficultés auxquelles les communes se heurtaient et où la situation n’a, hélas ! pas évolué, seront presque toutes prises en compte par ce biais.

Vous le constaterez en étudiant les cartographies, grâce à ce critère unique très fin, grâce à la nouvelle technique du carroyage, c’est une nouvelle ère qui s’annonce, non seulement pour la politique de la ville mais aussi pour nombre d’autres politiques publiques. Cette méthode permettra de cibler les concentrations de pauvreté avec une grande précision.

L’objectif d’un critère lisible, englobant et totalement transparent est donc atteint. Cela étant, je ne peux publier la liste des territoires concernés avant que le Parlement ait adopté cette disposition !

Deuxièmement, ces simulations s’appuient sur un carroyage, c'est-à-dire une division du territoire national en petits carreaux de deux cents mètres de côté, auxquels est affecté le critère unique. Quand le Parlement aura adopté ce principe, il sera nécessaire d’effectuer des allers et retours entre l’État et les élus, car nos territoires ne recoupent pas exactement cet assemblage de petits carrés. Il nous revient donc de redessiner l’ensemble de la carte en tenant compte de la réalité du terrain. Il peut arriver, par exemple, que nous repérions une concentration, mais qu’une petite partie de la cité ou du quartier se situe dans le carré adjacent et ne soit pas détectée.

Je souhaite donc procéder à ces échanges entre préfets et élus après l’adoption du texte, et juste après les élections municipales. Non parce que je craindrais que, d’un coup, les élus se rebellent, mais simplement parce que je les connais : j’ai été maire pendant onze ans, et président de communauté d’agglomération. En ce moment, ils préparent les élections municipales et sont concentrés sur cela, puis ils seront mobilisés par la constitution des exécutifs des intercommunalités et des syndicats intercommunaux. Cela se passe sans doute toujours comme je l’ai vécu !

S’ouvrira alors une période d’environ deux mois durant laquelle ces échanges avec les élus prendront place, de manière à bien inclure tous les espaces concernés. Le Gouvernement a, certes, la volonté de se concentrer sur les quartiers qui rencontrent le plus de difficultés, mais il souhaite également n’en oublier aucun.

Nos simulations s’attachent aujourd’hui à des quartiers comptant au moins 1 000 habitants. Je ne souhaite cependant pas, ainsi que vous le lirez dans le décret qui suivra l’adoption du texte, qu’un quartier soit laissé de côté au prétexte qu’il ne comporterait que 950 habitants : nous nous accorderons suffisamment de souplesse pour qu’aucun quartier ni aucune ville ne soit oublié.

Il ne serait pas bon de publier maintenant une liste de villes concernées, qui serait nécessairement provisoire : nous risquerions d’en oublier. Je souhaite donc que le travail parlementaire aille à son terme, afin d’entamer ensuite ce processus d’allers et retours.

Des maires m’écrivent pour me faire part de leur inquiétude de voir leur commune exclue de la politique de la ville, mais, dans 99 % des cas, elle sera maintenue dans ce périmètre. En effet, ont été inclus dans le champ de la politique de la ville des territoires dont les difficultés n’étaient sans doute pas aussi intenses qu’ailleurs, parfois parce que c’était devenu nécessaire.

Je raconte souvent comment ma commune est entrée dans le champ de la politique de la ville : j’avais trouvé absolument inacceptable que la commune d’à côté soit incluse et pas la mienne. J’ai donc entamé des discussions avec le préfet afin de toucher quelques maigres crédits de la politique de la ville, soit, chaque année, entre 35 000 et 85 000 euros, pour un budget de 53 millions d’euros.

Concernant les contrats urbains de cohésion sociale, les experts en la matière savent très bien que les quartiers de priorité 2 et, surtout, de priorité 3 ne sont pas réellement des quartiers cibles de la politique de la ville, sur lesquels il serait nécessaire de concentrer des moyens. Le critère unique va donc nous permettre de simplifier la situation en identifiant de nouveau les quartiers au bénéfice desquels l’ensemble des politiques publiques, de l’État ou des collectivités locales, devront être mobilisées.

Je l’ai dit à l’Assemblée nationale et je le répète au Sénat, tous les élus qui souhaitent prendre connaissance des simulations concernant leur ville sont les bienvenus au ministère de la ville, où ils pourront consulter la carte et discuter avec mes collaborateurs, de façon que, d'ores et déjà, le processus d’échanges débute. J’ai accueilli ce matin même M. Jean-Claude Gaudin, qui m’a paru très satisfait de constater que la carte correspondait à sa connaissance de la situation sociale de sa ville. Je crois même lui avoir permis de découvrir de nouveaux quartiers en difficulté.

En réalité, donc, la liste ne sera pas arrêtée par le ministre, mais bien déterminée par la situation sociale des quartiers. Il ne sera donc plus possible d’affirmer que les quartiers concernés par la politique de la ville sont définis selon la couleur politique du ministre.

Concernant les changements de zonage, j’indiquerai, pour répondre au président de la commission des affaires économiques, que les choses sont parfaitement claires : l’ensemble des exemptions et exonérations attachées aux zones urbaines sensibles seront transférées aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce point ne fait l’objet d’aucune ambiguïté.

Au sujet de la géographie prioritaire, évoquée par M. Esnol, et des inquiétudes exprimées concernant l’organisation de la gouvernance entre l’intercommunalité et les maires, il est vrai que cette question a été prioritairement abordée à l’Assemblée nationale, afin de définir le bon positionnement. À mon sens, nous l’avons maintenant trouvé.

Comme vient de le dire excellemment René Vandierendonck, on ne peut travailler efficacement sur son quartier que s’il est inséré dans sa ville, et sa ville dans le territoire, celui du bassin de vie, le territoire intercommunal. L’intercommunalité est donc l’échelon pertinent pour les politiques structurantes : le désenclavement par les transports, qui est un élément majeur de la problématique de nos quartiers ; le diagnostic préalable, avec la possibilité, à cette échelle, de se doter des meilleures compétences ; enfin, le développement économique, qui me tient à cœur et doit devenir le moteur du développement de ces quartiers et de leur sortie « par le haut ». Il est également facteur de lien social et d’innovation.

L’innovation sociale et l’économie sociale et solidaire enclenchent un mouvement, ainsi que je le soulignais avec Benoît Hamon et Cécile Duflot il y a deux jours, alors que nous primions les premiers pôles territoriaux de compétence économique dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. L’innovation sociale doit servir au développement économique, et inversement.

C’est donc bien au niveau intercommunal que cela se fera, le maire étant, bien entendu, chargé de la mise en œuvre des actions de cohésion sociale et de rénovation urbaine sur le territoire qu’il connaît le mieux.

Si la loi oblige, comme c’est maintenant le cas, à ce que soient clairement définis les rôles respectifs des maires et du président de l’intercommunalité, la vie vient, après la loi, imposer ses logiques ! Dans la pratique, d’après mon expérience de président d’une communauté d’agglomération comptant de très petites communes, de 500 ou 600 habitants, et une commune plus importante, de 35 000 habitants, après un certain temps on s’entend par-delà les clivages politiques afin d’organiser le « bien vivre ensemble » entre collectivités et d’établir les rôles des uns et des autres dans la mise en œuvre de la politique intercommunale.

Je n’ai pas souhaité déposé un autre amendement visant à sanctionner les intercommunalités qui ne signeront pas les contrats de ville, car il ne me semble pas qu’il y en aura. Il ne me semble pas non plus qu’une intercommunalité appliquera une politique de la ville qui n’aurait pas reçu l’accord du maire de la commune concernée. En la matière, j’estime donc que nous avons trouvé le bon équilibre.

Reste la question des métropoles, et particulièrement, monsieur Dallier, de la région d’Île-de-France, à laquelle j’ajoute le problème spécifique posé par le territoire des Bouches-du-Rhône, notamment par celui de la future métropole d'Aix-Marseille-Provence. Je présenterai un même amendement concernant chacune de ces deux métropoles.

Il nous est impossible de nous satisfaire de la situation actuelle. Vous savez comment s’est construite l’intercommunalité en région d’Île-de-France : par affinités politiques ou par rejet de la commune adjacente, trop riche ou trop pauvre. Claude Dilain pourrait sans doute expliquer que, s’il avait pu, il aurait fondé une intercommunalité ne rassemblant pas seulement Clichy-sous-Bois et Montfermeil, mais aussi des communes plus riches.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Mais cela n’a pas été possible… De même, dans mon département, tout le monde trouve parfaitement normal que Grigny et Viry-Châtillon, deux communes en grande difficulté, se trouvent dans la même intercommunalité, à proximité de la communauté d’agglomération d’Évry, qui comprend, certes, des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais qui jouit d’un dynamisme économique beaucoup plus important. Cela n’est plus acceptable.

La loi d’affirmation des métropoles provoque des évolutions. Je propose que, dans les métropoles qui seront mises en place avec des conseils de territoire, la politique de la ville et les crédits afférents soient délégués à ces derniers. Ce terrain est cependant encore un peu mouvant, et évoluera peut-être.

Je vous soumets donc l’idée suivante : les préfets de région, en Île-de-France et dans les Bouches-du-Rhône, pourraient arrêter les périmètres pertinents sans attendre la création des métropoles, de façon à construire des territoires plus larges au plus tôt tout en tenant compte de la réalité, particulièrement à Marseille.

Je ne suis en effet pas certain, après avoir échangé avec plusieurs élus de la ville et du département, que le conseil de territoire soit le bon échelon, compte tenu des grandes difficultés que rencontre cette ville. Nous serions sans doute plus efficaces en y établissant des contrats de ville infracommunaux. J’évoquais ce matin même avec le président Gaudin la possibilité de mettre en place deux ou trois contrats de ville spécifiques à l’intérieur du périmètre de la ville.

Pour ces deux métropoles, les préfets de région, en concertation avec les élus, bien entendu, auraient donc la possibilité d’adopter des périmètres différents de ceux des intercommunalités actuelles, voire des futurs conseils de territoire.

Monsieur Bécot, je vous ai répondu en ce qui concerne la liste des quartiers, mais je ne veux pas vous laisser dire que les financements baisseraient. Cela constituera également ma réponse à Mme Schurch. Depuis l’entrée en fonctions du Gouvernement, les financements de la politique de la ville ne sont pas en baisse. Ils ont été sanctuarisés, en 2013 et en 2014, au niveau de l’année 2012. Sans chercher la polémique, je rappellerai tout de même qu’il n’en allait pas ainsi les années précédentes : ces crédits ont baissé de 35 % entre 2009 et 2012.

Malgré les contraintes financières auxquelles nous sommes confrontés, le Gouvernement a décidé de maintenir le niveau des crédits, tout en diminuant le nombre de quartiers concernés, afin d’en faire plus pour les futurs quartiers sélectionnés. Je ferai tout pour qu’il en soit de même en 2015, en 2016 et en 2017 : j’ai déjà entamé les discussions à cette fin avec le ministre du budget. Je compte sur votre soutien unanime pour que cette dotation puisse être maintenue voire, à terme, augmente à nouveau.

La réforme que je présente, j’y insiste, n’a toutefois rien à voir avec la question du montant des crédits de la politique de la ville. Indépendamment de ce montant, il était indispensable de clarifier la question des territoires bénéficiaires, afin de concentrer l’action sur un certain nombre de quartiers prioritaires.

Monsieur Dallier, je vous ai répondu sur le Grand Paris. Concernant les nouvelles missions de l’ANRU, grâce aux crédits du plan d’investissements d’avenir, l’agence sera en capacité d’entrer au capital de sociétés dédiées à la rénovation urbaine. J’insiste sur le point suivant : il n’est pas question que l’ANRU s’aventure sur d’autres terrains. Nous savons toutefois que, dans certains territoires, une meilleure articulation entre capitaux privés et capitaux publics permettra d’accélérer le développement économique des quartiers.

Rassurez-vous, la méthodologie que je propose au travers de ce texte est précise et bien bornée, et comporte des crédits affectés à des missions spécifiques.

Je n’aurais pas accepté qu’il en soit autrement : l’ANRU ne doit pas tout d’un coup se détourner de sa mission originelle, à savoir la rénovation des quartiers. Toutefois, il nous faudra, à l’avenir, examiner la situation de la région parisienne, avec, tout particulièrement, le Grand Paris et les quartiers situés aux abords des gares. En effet, la moitié des gares du Grand Paris se trouvent actuellement dans des zones urbaines sensibles.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

L’intervention de capitaux privés dans le domaine de la construction de logements permettrait d’accélérer la mixité fonctionnelle, la mixité urbaine et la mixité sociale autour de ces gares. Cela favoriserait cette action et éviterait que chacun s’en tienne à agir de son côté. Avoir des sociétés spécialement dédiées à cet effet présenterait l’avantage de mieux coordonner les actions entre capitaux privés et capitaux publics.

Par ailleurs, j’ai bien entendu vos inquiétudes quant aux compétences de l’ANRU au niveau international. En la matière, je suis à la fois ambitieux et modeste.

Les compétences de l’ANRU concernant le renouvellement urbain sont internationalement reconnues, et nous sommes sollicités. Vous avez cité la Tunisie, mais il en est de même pour l’Algérie, pays dans lequel je me suis rendu avec le Premier ministre.

Les autorités algériennes souhaitent que nous créions une agence algéro-française traitant des questions urbaines. Elles demandent à la France d’apporter non pas de l’argent –l’Algérie n’en a pas besoin ! –, mais des compétences, afin de fixer des standards et des normes communs de nature à accroître la qualité de la construction, qu’il s’agisse du logement neuf ou du renouvellement urbain. Il y a des besoins énormes en la matière. Or, avec des moyens limités, l’ANRU peut apporter des compétences : outre des techniciens, elle regroupe aussi des urbanistes, des architectes, et les entreprises qui travaillent avec elle peuvent aussi accompagner le mouvement.

Avec des moyens limités, je le répète, nous pouvons apporter un plus à nos entreprises et au savoir-faire français, qui, face à une forte concurrence émanant, entre autres, de certains pays asiatiques, notamment du plus grand d’entre eux, doivent conserver les parts de marchés qu’elles détiennent dans certains pays. Nous comptons d’ailleurs étendre l’action de l’agence que nous prévoyons de mettre en place en Algérie à l’ensemble du bassin méditerranéen, à l’Espagne, au Maroc et à la Tunisie. Tout cela n’est pas sans lien avec la politique de la ville.

Soyez donc rassurés sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs. D’ailleurs, les moyens humains consacrés à l’action internationale de l’ANRU seront forcément limités. Nous n’avons pas besoin de beaucoup d’argent pour faire beaucoup.

Mme Létard a évoqué la question des moyens consacrés au deuxième PNRU ; nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir au cours du débat.

À ma prise de fonctions, j’ai constaté que le financement du premier programme n’était pas sécurisé. Il a fallu entamer des discussions avec l’ensemble des partenaires financiers de l’ANRU pour assurer le financement jusqu’à la fin de l’année 2015. C’est chose faite : nous avons trouvé avec l’ensemble de nos partenaires, tout particulièrement avec ceux du secteur du logement, les moyens de clore ce premier programme et de faire monter en puissance le nouveau plan de renouvellement urbain.

Là encore, nous le savons par expérience, il faudra tout à la fois prévoir une montée en régime du plan de construction des nouveaux quartiers, dont la liste sera déterminée au mois de septembre prochain, en coordination entre l’ANRU et les collectivités, et cibler les quartiers qui nécessitent une restructuration urbaine importante, ceux n’ayant pas été retenus dans le premier programme ou méritant d’être achevés, voire organiser de petites opérations de proximité, qui seront une sorte de rotule entre les quartiers déjà rénovés et les quartiers actuels.

Dans le cadre du contrat de ville, les nouvelles équipes municipales devront se lancer dans de nouvelles études avec leurs intercommunalités, ce qui prendra du temps. Comme ils savent qu’ils doivent cofinancer ces investissements, les élus ont besoin d’élaborer leurs plans pluriannuels d’investissement. Je n’ai donc pas d’inquiétude sur le fait que l’on arrive à bien « tuiler » les deux programmes.

En revanche, il aurait été dommageable d’attendre la fin du premier programme pour commencer un nouveau plan de renouvellement urbain. Je me suis battu au sein du Gouvernement pour qu’il n’en soit pas ainsi.

Concernant la comparaison des 5 milliards d’euros avec les 12 milliards d’euros du programme national de rénovation urbaine, je vous rappelle que M. Borloo avait annoncé au démarrage 2, 5 milliards d’euros, …

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

… et que l’opération est, petit à petit, montée en puissance. Moi, dès le départ, je vous propose le double. Avec la politique menée par le Gouvernement, notamment en termes de redressement de nos finances publiques, nous pouvons espérer une forte montée en puissance au cours des prochaines années.

Ne soyez donc pas inquiets, mesdames, messieurs les sénateurs, quant à notre capacité à répondre à la demande au cours des dix prochaines années. Deux quinquennats, c’est le laps de temps minimal que la majorité s’est fixée pour mener son action ! Nous serons en mesure de monter en puissance à la fin du premier quinquennat ou au début du second.

J’ai bien compris, madame Benbassa, que la participation des habitants constituait un plus, mais que ce n’était pas suffisant.

Il faut se rendre compte de la réalité des choses. J’en ai beaucoup parlé avec Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué, les auteurs de ce magnifique rapport. Ceux-ci sont d’ailleurs allés au-delà de la mission que je leur avais confiée, à savoir la participation des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, en traitant assez naturellement des questions de l’éducation nationale, des relations entre la police et les citoyens, voire du droit de vote des ressortissants étrangers à l’intérieur non seulement de ces quartiers, mais également sur l’ensemble du territoire.

Pour ma part, je me concentre sur ma mission, à savoir la politique de la ville, tout en étant conscient de la petite révolution culturelle et du changement de logiciel, si je puis dire, qui seront nécessaires pour mettre en œuvre cette politique. Je ne mets personne en cause : tous les élus mènent des concertations, ainsi que l’a souligné M. Dallier.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Pour avoir visité quelque 70 villes et 150 quartiers, je puis vous dire que de la concertation et de la participation, j’en ai vu de toutes les couleurs et sous toutes les formes, de la maison de projet, dans laquelle les habitants s’impliquent totalement au travers d’outils leur permettant de mesurer l’évolution de leur quartier, au plan affiché dans le hall de la mairie après la tenue d’une réunion de quartier à 21 heures, à laquelle n’ont pu assister que les habitants qui ne se lèvent pas à 5 heures du matin…

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Voilà un changement total, qui exige une expérimentation et une réflexion. Il conviendra également de former nos concitoyens : on ne lit pas facilement un plan, pas plus qu’on ne lit spontanément un plan de financement.

Dès cette année, l’ACSÉ a déjà réservé des crédits pour commencer à former les citoyens dans les douze sites expérimentaux retenus. S’il n’est pas nécessaire de former les élus, former les techniciens l’est certainement. Là encore, je ne mets personne en cause, mais nos techniciens n’ont pas toujours été formés au contact avec les citoyens. Parfois, il en est de même pour certains de nos fonctionnaires territoriaux. Ce n’est pas remettre en cause leurs compétences que de leur demander de se former. Au vu de la situation prévalant dans nos quartiers et, plus largement, à l’intérieur de notre pays, il nous faut tous agir, comme je l’ai dit à la tribune, quelle que soit notre orientation politique, pour combler le décalage existant entre nos concitoyens et le monde politique en général.

L’étude publiée hier par le CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, montre que nos concitoyens éprouvent encore une grande confiance à l’égard des conseils municipaux – même si la proportion est en baisse –, tandis que les élus politiques nationaux, les députés, les sénateurs, les ministres, voire le Président de la République, voient leur cote de confiance décroître au fil des années. Je vous le dis, les prochains seront les maires ! Nous le savons, certains élus sont tentés de ne plus informer les habitants et de prendre les décisions à leur place, au motif que le monde public est devenu très complexe. Cette situation n’est pas acceptable, ni tolérable.

C’est pour cette raison que je souhaite étendre les conseils citoyens, proposés dans le rapport Bacqué-Mechmache, à tous les quartiers de la politique de la ville. Il ne faut pas attendre que cela émane du terrain. C’est l’un des sujets sur lesquels je me suis entretenu avec Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué, qui trouvaient étrange d’imposer des conseils citoyens et de ne pas attendre. Mais si l’on attend que cette initiative émane du terrain, on risque d’attendre longtemps.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Je vous présenterai donc un amendement en ce sens. À la suite de la concertation et des discussions que j’ai eues, je propose la mise en place d’un conseil citoyen dans chacun des quartiers de la politique de la ville, constitué, pour moitié, de représentants des associations de proximité et des acteurs économiques – le président de l’association des commerçants, les artisans du quartier –, et, pour l’autre moitié, de représentants de la population, dont je propose qu’ils soient tirés au sort.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Cela me semble être la meilleure des méthodologies. On verra si l’on se réfère aux listes de clients d’EDF. Il faut susciter les vocations, à l’instar de ce qui se fait pour les jurés d’assises, …

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

… de façon à s’assurer que personne ne préempte la parole publique au sein de ces quartiers, ce qui peut se produire.

Dans le cadre de cet amendement gouvernemental, je proposerai de préciser que l’action des conseils citoyens sera menée conformément aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité et laïcité, …

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

… en respectant bien sûr les principes de neutralité politique.

Ces conseils citoyens fonctionneront de manière indépendante – c’est la différence avec les conseils de quartier –, dans la mesure où ils ne seront pas présidés par les élus. Ils mèneront leur propre vie et l’État garantira l’indépendance de leur fonctionnement au moyen d’une subvention, en faisant confiance à l’initiative citoyenne. Tel est le sens de l’amendement que je présenterai.

Après le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale et en commission au Sénat, j’ai senti la nécessité de préciser les choses en la matière. Les conseils citoyens constituent une avancée considérable. Je sens bien que nous rencontrerons des difficultés, madame Benbassa. Il est vrai que l’on pourrait vouloir plus, mais si, dans trois ans, 1 300 conseils citoyens sont en place au sein des quartiers de la politique de la ville, ce sera un grand progrès.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Dans vos interventions, vous n’avez pas parlé du projet gouvernemental de créer une fondation.

Le Gouvernement a l’obligation de remettre un rapport sur la possibilité de créer une fondation destinée à lever des capitaux privés et publics en faveur de l’innovation sociale et du développement économique, secteurs qui vont de pair à l’intérieur des quartiers populaires, comme je l’ai indiqué précédemment. Cette initiative émane du terrain, et il revient au Gouvernement non seulement de l’accompagner, mais également de créer les conditions permettant de faire exister cette fondation.

Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache proposaient, je le rappelle, que le financement de cette fondation soit en partie assuré par les crédits de la réserve parlementaire. Bien entendu, il n’appartient pas au Gouvernement de décider, mais je me permets néanmoins d’attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur cette proposition…

Dans une période de méfiance à l’égard du monde politique, que chaque parlementaire consacre 10 % des crédits de la réserve qui lui sont attribués au financement d’une fondation d’innovation sociale et de développement économique dans ces quartiers me semble une bonne idée. §Mais je n’en dirai pas davantage ; il y va de la responsabilité des parlementaires, à qui il incombera de prendre la décision dans les prochains mois.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Je vous invite simplement à y réfléchir !

Monsieur Mirassou, je crois vous avoir répondu au sujet de la participation citoyenne.

En ce qui concerne le développement économique, le Conseil économique, social et environnemental rendra public, lors de sa séance plénière de demain, le rapport que je lui ai commandé sur l’évaluation des zones franches urbaines ; l’avenir des ZFU va donc redevenir un sujet d’actualité.

Même si je n’ai pas eu connaissance de ce rapport, je pressens qu’il proposera que le dispositif soit maintenu, mais davantage encadré.

De fait, pour un coût d’environ 420 millions d’euros, les zones franches urbaines entraînent, selon les estimations dont nous disposons, la création de 5 000 emplois par an ; plus de 80 000 euros par emploi, cela fait peut-être un peu cher !

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

C’est pourquoi, avant que les ZFU ne disparaissent, en vertu d’une décision du précédent gouvernement, à la fin de 2014, je souhaite que nous trouvions ensemble les moyens de financer, au travers du projet de loi de finances pour 2015, un nouveau dispositif, peut-être plus réduit, mais concentré sur les territoires où les conditions sont créées pour que des entreprises s’installent.

En effet, si un quartier n’est pas sécurisé ni desservi par des transports en commun, s’il n’offre pas de logements aux salariés et si l’espace public y est de mauvaise qualité, quels que soient les dispositifs d’exemption, aucune entreprise ne s’y implantera. Il faut donc créer des obligations pour les collectivités territoriales.

Assurément, il faut aussi exclure du dispositif certaines professions, car il est des concentrations de notaires ou de médecins généralistes, voire spécialistes, qui ne sont pas souhaitables, sans parler des regroupements de cabinets de radiologie, qui entraînent une désertification dans certains territoires.

Enfin, je souhaite que le nouveau dispositif permette le financement de l’artisanat et du commerce de proximité à l’intérieur des quartiers éligibles, car ces activités sont un facteur majeur de lien social !

M. Martial Bourquin acquiesce.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les pistes de travail suivant lesquelles je souhaite engager, avec les parlementaires qui le souhaitent, la réflexion sur le remplacement des ZFU ; l’objectif est de proposer au ministre du budget, qu’un dispositif aussi coûteux préoccupe nécessairement, un nouveau système aussi consensuel que possible.

Madame Schurch, j’ai bien entendu vos inquiétudes au sujet du financement de la politique de la ville : je vous rappelle que non seulement les crédits alloués à cette politique ont été sanctuarisés, mais que les autres ministères ont accru les moyens qu’ils affectent aux quartiers prioritaires.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

C’est ainsi que Vincent Peillon a orienté vers ces quartiers le plus grand nombre possible des postes créés dans l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

J’ai déjà parlé de la scolarisation des enfants de 2 à 3 ans ; j’aurais pu mentionner également le dispositif « plus de maîtres que de classes », lui aussi mis en place prioritairement dans ces quartiers. D’autres ministères ont appliqué le même principe.

Sans doute, un petit problème se pose au sujet de l’écotaxe et du financement de l’appel à projets, lancé par Frédéric Cuvillier, sur les transports en commun en site propre, mais une bonification est prévue pour les projets qui permettront la desserte de quartiers relevant de la politique de la ville.

De même, en ce qui concerne le service civique, nous souhaitons, comme François Chérèque l’a récemment rappelé, que 25 % des jeunes bénéficiaires soient issus de ces quartiers.

Je pourrais multiplier les exemples, tant sont nombreux les ministères avec lesquels j’ai conclu une convention. Il est vrai que je n’ai pas encore signé de convention avec l’ensemble d’entre eux, mais les discussions se poursuivent. Ces conventions et leur application dans le cadre des contrats de ville permettront la mobilisation du droit commun, qui est essentielle.

À cet égard, M. Vandierendonck a parlé de l’éducation nationale : monsieur le sénateur, chaque acteur des contrats de ville, dès lors qu’il sera partie à la négociation, aura l’obligation de mettre quelque chose sur la table. En effet, il est peut-être plus difficile à un recteur ou à un directeur des services académiques d’annoncer à un élu qu’il ne mobilisera pas davantage de moyens pour faire face à une situation.

J’ai conscience que cette mobilisation sera difficile, et qu’elle ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudra insister encore, y compris auprès de mes collègues ministres : leur volonté et leur enthousiasme sont entiers, mais ils ont parfois un peu de mal à obtenir que l’ensemble de leurs administrations mettent en œuvre leurs décisions.

C’est la raison pour laquelle le comité interministériel des villes assurera un suivi régulier de la politique menée. Sur ma demande, le Premier ministre a réuni ce comité au mois de février dernier. J’ai demandé qu’il le soit de nouveau au mois de juin, afin d’établir un premier bilan de la mise en œuvre des conventions interministérielles signées. D’ailleurs, les préfets devront dresser, d’ici à la fin du mois de février, un bilan d’étape de cette application sur le terrain.

Ces efforts en faveur de la mise en œuvre du droit commun dans les quartiers relevant de la politique de la ville devront être poursuivis ; les parlementaires, auxquels il appartient de contrôler l’action du Gouvernement, ont aussi leur rôle à jouer dans ce domaine.

Pour finir, je tiens à répondre à M. Antoinette, qui m’a interrogé sur les outre-mer. Pour ce qui est de l’habitat indigne, j’ai l’intention de mettre en place une politique de la ville adaptée à chacun des territoires ultramarins. En effet, on ne fait pas la même politique de la ville à La Réunion, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe. Il faut tenir compte des spécificités de chaque territoire : dans certains cas, la bonne échelle de pilotage sera l’intercommunalité ; dans d’autres, ce sera la commune.

Vous savez, monsieur le sénateur, que la rénovation urbaine et la résorption de l’habitat indigne sont des politiques qui font intervenir des crédits et des administrations différents. Je proposerai à Victorin Lurel que, dans les semaines qui viennent, nous travaillions ensemble pour fluidifier le dispositif en identifiant l’opérateur le plus performant. Ainsi, la rénovation des quartiers qui en ont besoin, notamment dans votre département, pourra aller plus vite et la tâche des élus sera facilitée.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je désirais apporter aux orateurs de la discussion générale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le Sénat va bien sûr accéder à cette demande.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Titre Ier

Politique de la ville

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 12, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité d'inscrire dans la loi de finances un objectif chiffré de réduction des inégalités territoriales, réévalué chaque année, en indiquant les moyens mis en œuvre pour l’atteindre. Cet objectif se présente sous la forme d’un plancher de ressources défini par type de collectivités, plancher en deçà duquel une collectivité perçoit des dotations et des subventions pour combler son déficit de ressources ainsi défini.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le ministre, je suis persuadée que cet amendement vous aidera à négocier avec vos collègues !

Le 12 mai 2011, l’Assemblée nationale examinait une proposition de loi que vous connaissez bien et qui a été déposée le 31 mars 2011 par le groupe socialiste, en particulier par Jean-Marc Ayrault et vous-même. Malheureusement, sous l’ancienne mandature, cette proposition de loi, que nous avions bien sûr soutenue, n’avait pu être adoptée.

Nous reprenons l’article 8 de cette proposition de loi, qui prévoyait qu’un rapport soit remis au Parlement afin de permettre la définition d’un objectif chiffré annuel de réduction des inégalités de ressources entre les collectivités et d’établir ensuite les moyens de l’atteindre.

Selon cet article, chaque projet de loi de finances devait fixer un objectif annuel de réduction des écarts pour chaque niveau de collectivités. En effet, il vous paraissait inacceptable que le pouvoir d’achat par habitant soit quarante-cinq fois plus élevé pour le premier centile des communes les plus riches que pour le premier centile des communes les plus pauvres, ce qui conduit de fait à renforcer les inégalités en termes d’accès aux services essentiels.

Aux termes de cet article, un plancher de ressources devait être fixé, sorte de SMIC communal, en deçà duquel une collectivité bénéficierait de dotations lui permettant d’atteindre ce plancher. Cela permettait de donner un contenu à l’article 72-2 de la Constitution, qui impose au législateur de prévoir des « dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».

Monsieur le rapporteur, vous nous avez indiqué que le rapport demandé n’envisage que la solution des dotations et subventions, alors qu’il y a bien d’autres manières de réduire les inégalités, par exemple en encourageant le développement des activités économiques dont nous venons de parler ou en réorientant les différentes politiques de droit commun. Nous considérons pourtant que le niveau des dotations de droit commun est un socle minimal pour permettre à toutes les collectivités de mener des politiques audacieuses en faveur de leurs habitants.

Le présent amendement traduit l’objectif de l’égalité des territoires que vous venez d’évoquer, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Je ne puis bien entendu qu’être extrêmement favorable à la réduction des inégalités territoriales. Cependant, madame Schurch, je vais me répéter, ce qui témoignera de ma cohérence : je ne vois pas pourquoi on isole la question financière. Il faudrait alors également produire bien d’autres rapports, par exemple un rapport sur l’éducation, en particulier sur l’échec scolaire…

Vous connaissez le goût de notre commission, notamment celui de son président, pour les rapports ; toutefois je pense que celui que vous demandez est inutile, eu égard à la création prochaine d’un observatoire dont l’une des attributions sera de répondre à la question que vous soulevez.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; sinon, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Je partage l’avis du rapporteur. Comme il l’a dit, il est vrai que, sur le fond, nous ne pouvons qu’être d’accord.

Vous soulevez également, madame la sénatrice, la question des outils de péréquation, qui déborde largement le sujet de la politique de la ville et relève même presque entièrement du projet de loi de finances, tous ces outils figurant dans ce dernier.

Une réflexion générale sur la dotation globale de fonctionnement est menée, comme vous le savez. Nous allons nous-mêmes engager une réflexion sur la future dotation de la politique de la ville, qui obligera nécessairement à revenir sur d’autres outils de péréquation, notamment la dotation de solidarité urbaine, aujourd'hui totalement déconnectée de la politique de la ville alors que les thématiques se recoupent.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, sans quoi il émettra un avis défavorable. Sachez cependant que nous entamons une réflexion sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Par cet amendement, on nous propose que le Gouvernement remette un rapport sur l’opportunité d’inscrire dans la loi de finances un objectif chiffré. Or la loi de finances comporte des articles qui mettent en œuvre les dispositifs de péréquation. On ne peut pas dire que ce sujet n’ait pas été examiné au cours des deux ou trois dernières années. Il l’a même peut-être été un peu trop, car on n’a fait qu’empiler les dispositifs et l’on en vient maintenant à se demander s’ils sont tous cohérents entre eux ! Pour ma part, je crois que non.

Dans ces conditions, à quand la réforme de tous ces dispositifs ? Je regrette, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas abordé le sujet de la dotation de solidarité urbaine. L’un de vos prédécesseurs avait essayé de la réformer, mais il ne s’y était pas très bien pris, de sorte que l’on avait assisté à une levée de boucliers et que la réforme avait été retirée. Je l’avais déploré à l’époque, car cette dernière allait dans le sens d’un resserrement de la DSU, ce qui aurait été une bonne chose.

J’affirme une nouvelle fois qu’il faudra remettre tout cela sur le tapis. La DSU donne lieu à un saupoudrage –personne ici ne peut dire le contraire – et est maintenant parfois contradictoire avec le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, le FSRIF, et la baisse de la DGF, qui constitue une sorte de péréquation inversée : je vous renvoie à ce que j’ai dit sur les règles mises en œuvre, qui ne me semblent pas bonnes.

Monsieur le ministre, je vous invite, même si Bercy n’est pas votre ministère de rattachement, à prendre le sujet en main et à nous proposer avec vos collègues une vraie réforme qui rende la péréquation plus simple et plus efficace.

L'amendement n'est pas adopté.

I. – La politique de la ville est une politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers les quartiers défavorisés.

Elle est conduite par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements dans l’objectif commun d’assurer l’égalité entre les territoires, de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines et d’améliorer les conditions de vie de leurs habitants.

Elle est mise en œuvre au moyen des contrats de ville prévus à l’article 5, qui intègrent les actions relevant des fonds européens structurels et d’investissement et s’articulent avec les contrats de plan conclus entre l’État et la région.

Elle mobilise et adapte, en premier lieu, les actions relevant des politiques publiques de droit commun et, lorsque la nature des difficultés le nécessite, met en œuvre les instruments qui lui sont propres.

Elle s’inscrit dans une démarche de coconstruction avec les habitants, les associations et les acteurs économiques, s’appuyant notamment sur la mise en place de coordinations citoyennes de quartier, selon des modalités définies dans les contrats de ville, et sur la co-formation.

Elle vise, en tenant compte de la diversité des territoires et de leurs ressources, à :

1° Lutter contre les inégalités de tous ordres, les concentrations de pauvreté et les fractures économiques, sociales, numériques et territoriales ;

2° Garantir aux habitants des quartiers défavorisés l’égalité réelle d’accès aux droits, à l’éducation, à la culture, aux services et aux équipements publics ;

3° Agir pour le développement économique, la création d’entreprises et l’accès à l’emploi par les politiques de formation et d’insertion professionnelles ;

4° Agir pour l’amélioration de l’habitat ;

5° Développer la prévention, promouvoir l’éducation à la santé et favoriser l’accès aux soins ;

6° Garantir la tranquillité des habitants par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance ;

7° Favoriser la pleine intégration des quartiers dans leur unité urbaine, en accentuant notamment leur accessibilité en transports en commun, leur mixité fonctionnelle et urbaine et la mixité de leur composition sociale ; elle veille à ce titre à la revitalisation et la diversification de l’offre commerciale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

8° Favoriser le développement équilibré des territoires, la promotion de la ville durable et la lutte contre la précarité énergétique ;

9° Reconnaître et à valoriser l’histoire, le patrimoine et la mémoire des quartiers ;

10° Concourir à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la politique d’intégration et à la lutte contre les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers défavorisés, notamment celles liées au lieu de résidence et à l’origine réelle ou supposée.

II. – Pour mesurer l’atteinte des objectifs de la politique de la ville énoncés au I par rapport aux moyens mobilisés dans le cadre des politiques en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville, un observatoire national de la politique de la ville analyse la situation et les trajectoires des résidents de ces quartiers, mesure l’évolution des inégalités et des écarts de développement au sein des unités urbaines et contribue, de manière indépendante, à l’évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires. Il élabore une méthodologie nationale et apporte son concours aux structures locales d’évaluation.

Cet observatoire a également pour mission l’analyse spécifique des discriminations et des inégalités entre les femmes et les hommes. L’ensemble des données et statistiques qu’il produit sont établies par sexe.

Cet observatoire élabore un rapport annuel sur l’évolution des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement. Il est rendu public.

III. –

Suppression maintenue

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons maintenant le cœur de ce projet de loi.

Le présent article définit la nature de la politique de la ville en posant un certain nombre de principes, notamment celui de la contractualisation entre les acteurs de la politique de la ville et celui de la mobilisation prioritaire des moyens de droit commun. Nouveauté remarquable et appréciable, il est également indiqué que cette politique fait l’objet d’une coconstruction avec les habitants de ces quartiers.

Nous partageons pleinement ces principes, qui témoignent concrètement d’un changement de langage et de méthode par rapport au gouvernement précédent.

Les objectifs de la politique de la ville, ambitieux et justes, sont ensuite définis ; nous les partageons également. Si nous soutenons bien sûr la définition proposée de ceux-ci, nous restons cependant sceptiques, en dépit de votre engagement personnel, monsieur le ministre, sur la capacité réelle de ce gouvernement à les atteindre.

Exclusion économique, sociale, culturelle, urbaine : les difficultés vécues par ces territoires ont de multiples facettes, dont la pauvreté et le chômage sont évidemment les aspects les plus saillants.

Ces formes d’exclusion n’ont pas régressé au fil des ans ; elles ont au contraire empiré, comme l’a très justement relevé le rapport de la Cour des comptes.

La poursuite des politiques libérales, caractérisées par un désengagement croissant de l’État, a renforcé la précarité dans ces quartiers, qui ont toujours moins de services publics, moins de professeurs, de policiers et de médecins – j’ai bien noté, cependant, que vous avez affirmé qu’il y aurait plus de maîtres que de classes dans ces quartiers, ce qui est une bonne chose.

Ce nouveau projet de loi ne fait malheureusement pas exception, puisqu’il s’insère dans une politique gouvernementale globale de restriction budgétaire.

Si l’essentiel du dispositif repose sur la mobilisation de moyens de droit commun, reconnaissez que ceux-ci sont tout de même malmenés, en dépit de ce que vous avez affirmé. Nous souhaiterions que vous apportiez des précisions sur leur niveau, car nous pensons qu’il sera plus faible.

Comment croire qu’avec moins de ressources, les collectivités pourront garantir dans ces lieux la présence de services publics de proximité ? Les ambitions politiques nécessitent des engagements financiers adéquats, et c’est là que le bât blesse. La politique de la ville, transversale par nature, fera sans doute les frais des coupes budgétaires.

Monsieur le ministre, j’espère très sincèrement que vous saurez vous faire entendre auprès de vos collègues – j’ai cru comprendre que les discussions n’étaient pas terminées – pour obtenir des moyens à la hauteur de vos ambitions, que nous partageons, afin d’insuffler un renouveau dans la politique de la ville. Bien sûr, nous vous soutiendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Au cours de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande avait fait de l’égalité républicaine entre les territoires une priorité de son action future.

Je suis heureux que, grâce à ce texte et à la volonté du Gouvernement, nous puissions entamer une nouvelle étape de la politique de la ville.

Ce texte est effectivement le fruit d’une concertation nationale, qui a mobilisé aussi bien les élus et les services de l’État que les représentants du tissu associatif et économique et, plus largement, l’ensemble des partenaires de la politique de la ville, afin de produire un projet qui réponde aux besoins réels en ce domaine, notamment aux besoins de cohésion urbaine.

Le présent article 1er est l’expression de notre vision de la société, celle que nous voulons pour nous et les générations à venir, celle pour laquelle nous allons nous donner les moyens de nos ambitions.

En fait, ce à quoi nous aspirons, c’est à une société fondée sur des valeurs d’égalité, de solidarité et de justice sociale Et il ne s’agit sûrement pas de vieilles lunes ! Cela dit, j’ai conscience que les problèmes ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Mais je suis sûr d’une chose : cet article marque notre volonté de refonder et d’évaluer la politique de la ville le plus judicieusement possible, afin d’en accroître l’efficacité.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous donnez les moyens de changer ce qui, aux yeux de certains, apparaissait comme une cause perdue, celle de nos quartiers défavorisés. Or rien n’est jamais perdu, à condition que l’on se donne les moyens de ses ambitions : définir et réaffirmer les principes fondateurs de la politique de la ville, dire et surtout inscrire dans la loi les objectifs vers lesquels nous tendons et ceux qui guideront notre action.

Il est en effet primordial d’œuvrer en direction des quartiers défavorisés.

Mettre fin aux égoïsmes territoriaux, favoriser la relance du renouvellement urbain, travailler à réduire les écarts de niveaux de vie, améliorer les conditions de vie, réintroduire des services publics : voilà, me semble-t-il, d’authentiques et urgentes priorités.

Réduire les inégalités et améliorer les conditions de vie, cela passera aussi par l’association des habitants à la politique menée, grâce à la mise en place du principe de la coconstruction.

Par ailleurs, si la politique de la ville est nécessairement tournée vers la rénovation urbaine, la qualité de l’habitat, la mise aux normes en matière de salubrité et d’économies d’énergie, ou encore vers la lutte contre la précarité énergétique, il n’en reste pas moins que l’emploi, la formation et le développement économique constituent des éléments déterminants.

C’est pourquoi je me réjouis que le développement économique et l’emploi soient inscrits, par cet article 1er, au cœur de notre action et de nos priorités, en particulier pour ce qui me concerne la formation, la co-formation et l’insertion professionnelle.

Tout est lié ! L’amélioration des conditions de vie passera également par des politiques d’intégration et de lutte contre les inégalités. Le chemin sera peut-être long, mais nous ne pouvons pas renoncer. Il nous faut atteindre ce palier qualitatif dont parlait, il y a quelques instants, notre collègue Jean-Jacques Mirassou.

Albert Camus disait : « On ne cueille pas le fruit du bonheur sur l’arbre de l’injustice. » Il ajoutait qu’il ne suffit pas de dénoncer les inégalités, qu’il faut les combattre. C’est bien là, mes chers collègues, notre objectif commun. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 13, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

et les habitants de ces quartiers

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Par cet amendement, nous souhaitons tout simplement réaffirmer le caractère intrinsèquement humain de la politique de la ville.

En effet, traditionnellement, pour évoquer la politique de la ville, il était fait mention d’une politique de « cohésion sociale et urbaine ». Le présent projet de loi et l’esprit qui vous anime, monsieur le ministre, conduisent à en finir avec cette dichotomie entre le social et l’urbain, opposant deux notions pourtant complémentaires.

Nous comprenons et partageons votre volonté. Néanmoins, nous estimons nécessaire d’affirmer, dès le premier alinéa de l’article 1er, que la politique de la ville a pour finalité d’améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés, par des actions relevant de l’urbanisme, mais aussi du domaine social.

Ainsi, nous proposons d’indiquer que la politique de la ville vise aussi, spécifiquement, les habitants de ces quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le sous-amendement n° 84, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 13

Alinéa 3

Remplacer les mots :

les habitants de ces quartiers

par les mots :

leurs habitants

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame Schurch : il convient de mentionner les habitants des quartiers défavorisés dès le début de ce texte. Une telle précision revêt une valeur symbolique très forte.

J’estime d’ailleurs que nous devrons un jour mettre fin à la confusion qui peut régner à cet égard – cela apparaît même dans les travaux universitaires – et dont la politique de la ville a trop souffert jusqu’à présent. À mes yeux, il est clair que la politique de la ville doit prendre en compte aussi bien les territoires que les habitants : ce qu’un élève de CM2 regarderait comme une évidence doit tout de même être à notre portée !

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 13, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 84, qui est purement rédactionnel puisqu’il vise simplement à supprimer la répétition du mot « quartiers ».

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 13, pour les mêmes raisons que la commission, ainsi qu’au sous-amendement n° 84.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 45, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La place et le rôle des habitants dans la définition et la mise en œuvre de cette politique sont déterminants.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement ayant le même objet que celui qui vient d’être adopté, j’estime qu’il est satisfait et je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 45 est retiré.

L'amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Esnol, Baylet, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les crédits de droit commun affectés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville sont supérieurs à ceux qui sont mobilisés, en moyenne, sur l’ensemble du territoire.

La parole est à M. François Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Conçue au départ pour concentrer les moyens sur les quartiers défavorisés et apporter une réponse ponctuelle, la politique de la ville s’est très vite substituée aux politiques de droit commun.

Les quartiers relevant de la politique de la ville ont vocation à évoluer, à connaître une réduction des inégalités constatées et, par conséquent, à sortir du champ de cette politique. Or, loin de disparaître, les quartiers prioritaires se sont multipliés : environ 2 500 contrats urbains de cohésion sociale ont été conclus. Des sommes modiques ont pu être attribuées à certaines villes qui n’en avaient pas véritablement besoin, tandis que, à l’inverse, des quartiers en difficulté n’ont pas pu bénéficier de moyens suffisants, à la hauteur des enjeux économiques et sociaux.

Ce manque d’efficacité a été dénoncé par de nombreux acteurs, notamment par la Cour des comptes dans son rapport sur la politique de la ville publié en juillet 2012. Il convient en effet de concentrer les moyens en priorité sur les zones où les besoins sont le plus criants, afin de réduire les profonds écarts de développement qui persistent entre ces quartiers et le reste du territoire.

Le présent projet de loi semble aller dans le bon sens puisqu’il est précisé en son article 1er que la politique de la ville mobilise en priorité les politiques de droit commun. Toutefois, il me semble qu’il faut aller plus loin, conformément à l’ambition que doit porter un projet de loi de programmation, en consacrant aux quartiers prioritaires des crédits de droit commun supérieurs à ceux qui sont attribués en moyenne sur le territoire national. C’est à nos yeux une condition nécessaire pour que les quartiers concernés puissent sortir du champ de la politique de la ville.

Cet amendement vise donc à faire en sorte que l’ensemble des politiques de droit commun soient mises en œuvre en faveur de l’égalité des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Je partage évidemment avec les auteurs de l’amendement l’idée qu’il est nécessaire de mobiliser les politiques de droit commun ; je l’ai dit lors de mon intervention liminaire.

Toutefois, la formulation proposée ici, trop rigide, m’inquiète un peu. En effet, chaque contrat de ville sera différent.

Aussi, bien que je sois totalement d’accord sur le fond de cet amendement, j’en demande le retrait. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

La position du Gouvernement rejoint celle de la commission.

Je prendrai l’exemple de l’éducation nationale. Son action portera sur les établissements qui reçoivent des élèves des quartiers prioritaires, mais qui ne sont pas forcément implantés dans ces quartiers. Avec Vincent Peillon, nous travaillons actuellement à un exercice de convergence de nos géographies prioritaires. Je vous l’ai dit tout à l’heure, des moyens nouveaux ont déjà été engagés en faveur des jeunes de ces quartiers. Il en est d’ailleurs de même pour d’autres ministères ou agences.

Ainsi, pour ce qui concerne Pôle emploi, un engagement précis est en cours de concrétisation : il s’agit de mettre en place des agents de Pôle emploi dans certains des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Si, sur le fond, cet amendement participe de l’un des objectifs principaux du texte, sur la forme, il soulève de nombreuses difficultés. J’en demande donc le retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 75 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Dallier, Bécot et Bizet, Mme Cayeux, MM. Chatillon, Couderc, Ferrand, B. Fournier, Grignon, Houel et Karoutchi, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Leleux, P. Leroy et Milon, Mme Procaccia et M. Trillard, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

coordinations citoyennes de quartier

par les mots :

conseils de développement de quartier

II. – En conséquence, dans l’ensemble du projet de loi

Remplacer les mots :

coordinations citoyennes de quartier

par les mots :

conseils de développement de quartier

La parole est à M. Philippe Dallier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il s’agit d’un sujet dont nous pourrions certainement débattre fort longtemps : quelle terminologie utiliser pour dénommer le regroupement des habitants qui seront amenés à discuter de la politique de la ville dans les différents quartiers ?

La rédaction qui nous vient de l’Assemblée nationale, et que la commission a maintenue, retient l’appellation « coordinations citoyennes de quartier ». Je ne sais pas si cette expression est, en l’occurrence, très pertinente.

Au mot « coordination », je préfère celui de « conseil ». Il semble d’ailleurs que le Gouvernement soit du même avis puisque l’amendement n° 83 reprend ce terme. Quant au mot « citoyen », il est certainement l’un des plus beaux de notre langue, car il renvoie à la démocratie. Toutefois il possède une signification précise : dans notre droit, est citoyen celui qui a le droit de vote et possède la nationalité française. Il ne faudrait pas laisser croire à certains que, parce qu’ils n’ont pas la nationalité française, ils ne sont pas pris en considération dans le nouveau cadre que nous voulons mettre en place.

C’est pourquoi la dénomination de « conseils citoyens » que le Gouvernement propose de retenir ne me semble pas tout à fait adaptée. Pour ma part, je suggère d’adopter celle de « conseils de développement de quartier », qui me paraît résumer assez bien notre intention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

coordinations citoyennes de quartier

par les mots :

conseils citoyens

II. – En conséquence, dans l’ensemble du projet de loi

Remplacer les mots :

coordinations citoyennes de quartier

par les mots :

conseils citoyens

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

M. Dallier a raison, nous pourrions débattre longuement du choix de ces termes ; c’est d’ailleurs ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale ainsi qu’au sein de votre commission.

Initialement, le rapport Mechmache-Bacqué évoquait des « tables de quartier ». J’avais récusé cette dénomination, qui faisait référence à des expériences menées au Canada et n’ayant pas forcément de lien avec ce qui se passe en France.

Dans la mesure où il existe déjà des comités de quartier, j’avais souhaité qu’on retienne le terme de « conseils ».

Pourquoi ne suis-je pas séduit par l’expression « conseils de développement » ? Tout simplement parce que je considère qu’il faut éviter que cette nouvelle instance puisse être confondue avec les comités de développement qui existent aussi au sein de nos territoires.

Par ailleurs, le terme de « coordination », repris par la commission, ne me semble pas parfaitement adéquat. Il évoque en effet certaines situations particulières où les organisations syndicales représentatives se voient supplantées par une « coordination ». Dès lors, recourir à ce terme risque de donner le sentiment d’une opposition entre ces organes composés de citoyens et les élus.

Reste la question de savoir si l’on doit parler de « conseils citoyens » ou de « conseils de citoyens ».

Vous avez raison, monsieur Dallier, la citoyenneté se définit juridiquement par la nationalité. Or, dans nos quartiers, la présence de citoyens étrangers est parfois massive. Quand je parle de « citoyens étrangers », je pense à ceux qui exercent leur citoyenneté en participant à la vie de la commune et en payant leurs impôts locaux.

Ma première idée était de retenir l’expression « conseils de citoyens ». Toutefois, pour dépasser la question juridique, nous avons finalement opté pour celle de « conseils citoyens », c'est-à-dire des conseils d’habitants exerçant la citoyenneté.

Cette dénomination de « conseils citoyens » me semble correspondre exactement à ce que souhaitent le Gouvernement et tous ceux qui sont soucieux de voir se mettre en place une coconstruction avec les habitants des quartiers de la politique de la ville.

J’indique que, à l’article 5 bis, je défendrai un amendement visant à repréciser la composition de ces conseils.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

J’avais proposé le mot « coordination » non pas parce que j’y tenais, mais parce que les auditions m’avaient montré que c’était celui qui avait la préférence de certaines personnalités, en particulier Mohammed Mechmache. Il me paraissait malvenu de promouvoir un processus de coconstruction en commençant par refuser la dénomination souhaitée par ceux qui sont susceptibles de l’animer !

Cela étant, je reconnais, avec M. le ministre, que le mot « coordination » peut avoir un double sens. Après de nouvelles discussions, les termes « conseils citoyens » sont désormais acceptés. Je me range très volontiers à cette terminologie, d’autant que tout cela sera explicité, à l’article 5 bis, par l’amendement du Gouvernement.

C’est ce qui m’amène à émettre un avis favorable sur l’amendement n° 83.

Quant à la dénomination « conseils de développement de quartier », proposée par M. Dallier, elle me paraît quelque peu restrictive dans la mesure où, sinon aux termes de la loi, au moins par tradition, le terme de « développement » renvoie presque exclusivement au développement économique. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 74 rectifié.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Le Gouvernement, de manière logique, est défavorable à l’amendement de M. Dallier. Cependant, puisqu’il n’existe aucun désaccord de fond entre nous, peut-être celui-ci acceptera-t-il de le retirer au profit de l’amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Sur le fond, la nécessaire participation des habitants à ces instances ne fait pas débat. Pour autant, même si j’ai bien compris qu’un travail de concertation a été mené sur leur dénomination, je suis plutôt séduite par la suggestion de M. Dallier.

Pour ma part, je ne considère pas que le mot « développement » signifie nécessairement « développement économique ». Dans les agglomérations, il existe des conseils de développement qui sont en fait les instances consultatives des intercommunalités, sur le modèle des conseils économiques et sociaux régionaux, qui sont des instances consultatives dans les régions. Ces différentes structures ont pour objectif d’associer l’ensemble de la société civile, dans toutes ses composantes – associative, économique, environnementale –, en recueillant leurs avis, aux décisions qui sont finalement arrêtées par les élus.

Dès lors, la formule « conseils de développement de quartier » présente l’intérêt d’une sorte de parallélisme des formes ; elle permettrait d’ouvrir une large concertation dans les quartiers. Loin d’être restrictive, cette référence à la loi Chevènement signifierait qu’on souhaite graver dans le marbre le principe d’une consultation large de la société civile sur toute une série de questions, et non pas seulement sur les aspects économiques.

C’est pourquoi, je le répète, je trouve plutôt sympathique et intéressant l’amendement n° 74 rectifié de M. Dallier, même si je ne veux en aucun cas remettre en cause la concertation qui a été menée avec l’ensemble des acteurs du champ associatif.

Trouver une dénomination pour un outil de cette nature n’est pas évident et cela mérite débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Considérant qu’il convient effectivement d’éviter toute confusion avec des instances qui sont déjà en place dans les agglomérations, en particulier les conseils de développement, je suis très favorable à l’amendement n° 83 du Gouvernement. Ces conseils de développement regroupent l’ensemble des forces vives, à savoir les associations, les syndicats, etc. De fait, les habitants y sont très peu représentés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Au contraire, les conseils citoyens ont précisément pour objet d’assurer la représentation des habitants. Nous reviendrons sur la manière d’en désigner les membres lorsque nous aborderons l’article 5 bis, mais je peux dire que ceux qui siègent au sein des conseils dits « de quartier » de ma ville sont tirés au sort. En tout cas, cela donne une composition complètement différente de celle des conseils de développement.

Rien n’interdira à ces conseils citoyens de s’intéresser à la fois aux questions d’aménagement et à celles de développement. Mais faisons en sorte qu’il ne puisse y avoir aucune confusion, ne serait-ce qu’à travers leur dénomination, avec les conseils de développement qui existent actuellement dans nos agglomérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Je voterai l’amendement n° 74 rectifié de Philippe Dallier. Tout en étant d’accord avec ce que disait à l’instant Mme Létard, il me semble que la notion de développement économique mérite d’être prise en compte, en particulier au regard de l’emploi. Adopter la formulation proposée par Philippe Dallier nous permettrait de bien mettre en avant ces deux dimensions, économie et emploi, qui, dans le texte en son état actuel, ne me paraissent pas figurer de manière suffisamment explicite parmi les objectifs de la politique de la ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je souhaite avancer quelques arguments supplémentaires à l’appui de mon amendement.

Bien sûr, ces futurs conseils – au moins, nous sommes d’accord sur ce terme-là ! – de développement de quartier, tels que nous les proposons, ne s’occuperont pas uniquement de développement économique. Je rappelle qu’il existe, par exemple, un indice de développement humain, notion également très intéressante. Ces conseils, je l’imagine, compteront non seulement des habitants, mais également des associations, y compris, pourquoi pas, des associations de chefs d’entreprise du quartier.

Afin de couvrir un champ aussi ample que possible, il me semble que la dénomination « conseils de développement de quartier » – « développement » devant être entendu ici au sens large – est plus appropriée que celle de « conseils citoyens ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Ces repas républicains sont aussi anciens que la République elle-même !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je ne vois pas l’intérêt de toujours tout qualifier de « citoyen » ou de « républicain ».

En revanche, le mot « développement » me paraît ici judicieux. Ce texte porte sur la cohésion urbaine, concerne les quartiers sensibles et difficiles. Afficher clairement que les conseils que nous allons créer ont pour finalité le développement économique et social de ces quartiers, ce serait adresser un message beaucoup plus fort que celui du Gouvernement.

C’est la raison pour laquelle je me rallie à l’amendement de notre collègue Philippe Dallier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

À mon sens, la notion de « conseils citoyens » a une acception beaucoup plus large : elle présente même un caractère d’universalité.

Tout à l’heure, il a été dit que ce projet de loi opérait un changement de braquet ; pour ma part, j’ai parlé d’un saut qualitatif. Il concerne non seulement les habitants des quartiers dont il est ici question, mais également ceux qui n’y résident pas. Cette démarche globale s’apparente véritablement à une démarche citoyenne au sens le plus littéral du terme – et non pas au sens du code civil, qui serait très restrictif. À cet égard, M. le ministre a eu raison d’établir un distinguo entre ce que serait un « conseil de citoyens » et ce que serait un « conseil citoyen », le second ayant une connotation beaucoup plus forte sur le plan de la démocratie locale.

Je souscris totalement à ce qu’a dit notamment Daniel Raoul. À la limite, cher Philippe Dallier, qui peut le plus peut le moins ! Puisque vous vous êtes montré soucieux qu’il soit question du développement non seulement économique, mais également social ou écologique du quartier, eh bien, autant parler d’un « conseil citoyen », de manière à viser toutes ces formes de développement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Nul n’en sera surpris, je me retrouve complètement dans la proposition de notre collègue Philippe Dallier.

J’étaierai cette explication de vote à l’aide d’un exemple tiré de réalités locales.

La communauté urbaine du Grand Nancy accueille en son sein un conseil de développement mariant des compétences multiples et diverses. Il compte quatre-vingts membres, dont un quart sont des citoyens tirés au sort dans les vingt communes membres de la communauté urbaine, et la parité est respectée puisqu’il y a autant d’hommes que de femmes. Eh bien, tout cela fonctionne parfaitement.

Alors j’ai envie de dire : banco ! Suivons la même logique et établissons un beau parallélisme des formes, aussi universel que citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur Mirassou, après avoir entendu votre explication de vote, je m’inquiète quelque peu, car vos propos pourraient donner à penser qu’un conseil de développement de quartier ne serait pas aussi citoyen que votre conseil citoyen de quartier. Je pense très honnêtement que, par souci de clarté et de lisibilité à l’égard de nos concitoyens, il conviendrait plutôt de retenir la proposition de notre collègue Philippe Dallier.

En outre, monsieur le ministre, je n’ai pas le sentiment que cet objectif de rassemblement nécessite de votre part un effort surhumain puisque le Président de la République, dont j’ai écouté une partie de l’intervention cet après-midi, a appelé à l’union, au rassemblement et à la convergence.

M. le ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Si vous pouviez faire un pas en direction de l’opposition, les conseils de développement de quartier vous en sauraient gré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

J’ai l’impression que c’est le mot « citoyen » qui pose problème…

À mes yeux, la dénomination « conseils de développement de quartier » proposée par M. Dallier a une connotation très bureaucratique. Elle donne le sentiment qu’il s’agit là d’un lieu inaccessible au peuple. C’est en tout cas ce que j’aurais tendance à penser si l’on me demandait de faire partie d’un tel conseil.

Il ne faut pas que le mot « citoyen » nous fasse peur !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

C’est votre insistance qui attire mon attention, mon cher collègue.

Je me rallie à la dénomination « conseils citoyens ». Elle est très pédagogique, car elle permet à ceux qui sont considérés comme citoyens même s’ils n’ont pas la nationalité française de se sentir responsabilisés. Nous savons que, dans les quartiers, résident des populations mixtes. Il est très important de responsabiliser les uns et les autres. Il existe une différence entre « nationaux » et « citoyens » : on peut être citoyen sans être français. En outre, la notion de « conseil citoyen » fait sens pour ceux qui veulent prendre part à la vie de leur quartier.

Je ne vois aucun inconvénient à utiliser le mot « citoyen », au contraire. Si plus de gens se sentaient citoyens, nous le savons bien, on enregistrerait moins d’actes irresponsables dans ces quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Je suis favorable à la dénomination « conseils citoyens ». Il existe déjà des conseils de développement et il y a donc un risque de confusion. Le mot « citoyen », y compris comme adjectif, me paraît en l’occurrence tout à fait approprié : « M’occupant de mon quartier, je mène des actions citoyennes très larges ». C’est une manière de signifier que l’on met l’humain au cœur de la politique de la ville, ce à quoi nous sommes très attachés. Il s’agit d’envisager toutes les facettes de la vie des quartiers et de faire en sorte que ce soient bien les citoyens qui s’en occupent.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

M. François Lamy, ministre délégué. Pour des raisons pratiques, je n’ai pas pu assister à la prestation du Président de la République, mais je ne doute pas, monsieur Husson, qu’il ait appelé au rassemblement. Et je ne doute pas non plus que vos collègues et vous-même ayez été sensibles à cet appel ! Je note d’ailleurs que, avec cet amendement, au moins M. Dallier a-t-il réussi à rassembler l’ensemble de l’opposition au sein de la Haute Assemblée.

Souriressur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. C’est plus facile que de rassembler la majorité !

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Monsieur Dallier, ces conseils – puisque nous sommes tous d’accord sur ce mot – seront amenés, ainsi que vous l’avez-vous-même expliqué, à traiter des questions de développement économique, de cohésion sociale, des liens entre le monde associatif et les élus, des actions à l’intérieur de la cité, à organiser des fêtes de quartier, etc. – je laisse cela à leur imagination –, un peu à l’image des comités de développement créés par la loi Voynet. Mais le mot « développement » pose problème en ce qu’il est trop restrictif. Le mot « citoyen » est le plus beau des mots, vous l’avez dit vous-même. Les citoyens, ce sont les acteurs de la cité et le conseil citoyen, c’est le conseil des acteurs de la cité, de ce quartier.

Avec cette appellation, tout le monde comprendra ce dont il s’agit et il est donc inutile d’aller chercher des termes alambiqués. L’objectif est d’impliquer totalement les habitants du quartier, qu’ils soient membres on non d’une association, qu’ils soient ou non acteurs économiques, dans la coconstruction des contrats de ville.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 46, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot :

culture

insérer les mots :

, à un environnement sain et de qualité

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le droit à un environnement sain est reconnu par la Charte de l’environnement.

Les enjeux environnementaux sont très prégnants dans les quartiers prioritaires : en plus des « handicaps » socio-économiques, les populations de ces quartiers sont souvent exposées aux pollutions sonores et atmosphériques. D’ailleurs, ces quartiers dits « périphériques » se situent très rarement dans les centres-villes anciens, mais bien plus souvent à proximité des voies rapides, des aéroports et des zones industrielles nées en même temps qu’eux.

Le présent amendement vise à assurer la prise en compte d’objectifs environnementaux dans la politique de la ville. Tout autant que les objectifs sociaux, ceux-ci sont essentiels pour assurer le bien-être et l’amélioration des conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés et pour garantir leur bonne santé physique et mentale.

L’objet de cet amendement, en mentionnant le droit à un environnement sain, est de garantir que la lutte contre les nuisances visuelles et sonores et autres pollutions soit prise en compte dans la politique de la ville rénovée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 85, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

8° Promouvoir le développement équilibré des territoires, la ville durable, le droit à un environnement sain et de qualité et la lutte contre la précarité énergétique ;

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 85 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 46.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Madame Benbassa, la commission partage les préoccupations que vous venez d’exprimer sur la qualité environnementale – je pense au bruit en particulier –, mais elle préférerait que cette mention figure non pas à l’alinéa 8, qui porte notamment sur la culture et les services publics, mais à l’alinéa 14, qui concerne la ville durable. En conséquence, je vous invite à retirer votre amendement au profit de celui de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 46 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 85 ?

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Vandierendonck et Delebarre, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que l'adéquation des moyens du service public hospitalier aux enjeux et besoins du territoire

La parole est à M. René Vandierendonck.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Il est toujours important de mobiliser les moyens de droit commun en matière hospitalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Nous comprenons les raisons pour lesquelles M. Vandierendonck a déposé cet amendement. Cependant, la commission considère qu’il est déjà satisfait. C’est pourquoi elle en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Non, je le retire, mais je me permets toutefois de faire observer que quand on demande des postes en chirurgie dentaire parce que la PMI publie des chiffres alarmants sur les caries dentaires, l’hôpital public vous oppose la T2A pour vous dire que ce n’est pas possible.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Le fait que les ARS – cette garantie figure dans la convention passée entre mon ministère et celui de la santé – signent les contrats de ville permettra de se doter d’outils d’évaluation et donc de résoudre ce type de problème bien réel.

Je précise, pour répondre à Mme Schurch, que je vais lancer prochainement une mission conjointe avec Mme Touraine sur le modèle économique des maisons de santé. Il faut que nous soyons à même de répondre à tous ceux – professionnels ou élus – qui auraient envie de conduire des projets sur le terrain. Nous sommes d’ailleurs d’accord avec Marisol Touraine pour dire que cette volonté ne peut venir que du terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 34, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 17, première phrase

Supprimer les mots :

et contribue, de manière indépendante, à l'évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires. Il élabore une méthodologie nationale et apporte son concours aux structures locales d'évaluation.

II. – Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Pour apprécier la pertinence des politiques publiques mises en œuvre en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville, une instance d’évaluation indépendante est mise en place par extension, à budget constant, des missions du comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Elle s’appuie sur les données fournies par l’observatoire national et elle élabore chaque année, à l’attention du Gouvernement, un rapport d’évaluation qui sera remis au Parlement.

La parole est à Mme Valérie Létard.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’article 1er définit les grands principes et le cadre de la politique de la ville. Il institue également un observatoire national de la politique de la ville, en remplacement de l’ONZUS, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Cet observatoire mobilisera des données et des statistiques sur les résidents des quartiers afin de mesurer l’évolution de leur situation en termes de trajectoire résidentielle, d’inégalités et d’écarts de développement. Le texte prévoit également que cet observatoire mesurera l’atteinte des objectifs de la politique de la ville par rapport aux moyens mobilisés. L’amendement que je propose avec d’autres de mes collègues a pour objet de clarifier ces missions d’observation et d’évaluation. Je considère en effet que celles-ci relèvent de deux logiques différentes et ne sont donc pas assimilables.

Dans le domaine de la politique de la ville, l’observatoire actuel décrit les évolutions sociodémographiques des quartiers, tandis que le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU apprécie la pertinence et les effets de la politique publique. L’absence d’autonomie accordée à l’évaluation dans le nouvel observatoire annoncé ne rend pas celle-ci efficace, dans la mesure où une véritable évaluation doit être indépendante pour être réelle.

Avec l’adoption de cet amendement, l’évaluation pourra être conduite de manière certaine et impartiale, distincte des nécessaires missions d’observation. Il est en effet capital de disposer d’un outil d’évaluation d’une politique publique qui mobilise 5 milliards d’euros, et même bien plus puisque M. le ministre nous assure que ce n’est qu’un début.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Certes, cet outil d’évaluation a un coût, mais, vu l’importance de cette politique, il nous semble nécessaire. Au reste, nous ne remettons nullement en cause les outils déjà existants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 10, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

1° Après les mots :

au sein des unités urbaines

remplacer le mot :

et

par le mot :

Il

2° Après les mots :

en faveur de ces quartiers prioritaires

insérer les mots :

, en association avec d’autres organismes tels que le comité d'évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 47, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

Remplacer les mots :

contribue, de manière indépendante, à l'évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires

par les mots et une phrase ainsi rédigée :

évalue les progrès en matière de participation des habitants aux instances décisionnelles de la politique de la ville. Il contribue, de manière indépendante et en association avec d’autres organismes tels que le comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, à l’évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le présent amendement poursuit un double objectif.

D’une part, il vise à compléter les missions de l'observatoire national de la politique de la ville en indiquant que celui-ci évalue notamment « les progrès en matière de participation des habitants aux instances décisionnelles de la politique de la ville ».

D'autre part, nous considérons, comme plusieurs collègues viennent de l’exposer, que le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, fort d’une expérience de dix années consacrées au PNRU 1, doit être en mesure d’apporter au futur observatoire sa contribution à tout ce qui concerne la mise en œuvre du nouveau PNRU.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Nul ne conteste la qualité du travail accompli par le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU. D’ailleurs, tous ceux qui s’intéressent à la politique de la ville lisent avec attention les rapports qu’il publie. Pour autant, est-il normal que coexistent deux instances chargées d’évaluer la même politique ? Je ne le pense pas. On aurait donc tort, surtout dans le climat actuel, de refuser cette simplification.

Reste le problème soulevé par Mmes Létard et Benbassa de l’indépendance de l’évaluation.

Tout d’abord, le texte issu des travaux de la commission dispose que l’observatoire « contribue » à l’évaluation, ce qui veut dire que d’autres peuvent aussi le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Les parlementaires, effectivement, ou la Cour des comptes.

Ensuite, le comité d’évaluation et de suivi n’est pas supprimé, mais intégré à l’observatoire. Sa capacité de travail reste donc intacte.

Je le répète, les deux observatoires sont fusionnés. Cette évolution nous paraît aller dans le bon sens. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Il faut que les deux entités soient indépendantes. Certes, l’indépendance est difficile à mesurer, mais il ne me semble pas acceptable qu’un observatoire soit indépendant et l’autre pas.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Je veux apporter quelques éléments pour compléter l’argumentation du rapporteur, que je partage.

Nous sommes en train de mettre en œuvre une réforme ambitieuse de la politique de la ville qui ne vise pas – en tout cas, je m’y suis efforcé – à rejeter tout ce qui s’est fait avant. Nous n’avons pas cherché à inventer pour inventer, mais à intégrer les choses petit à petit.

L’un des principes de cette réforme consiste à lier cohésion urbaine et cohésion sociale. Il serait donc assez étrange de créer deux observatoires : l’un qui s’occuperait des questions urbaines – à nouveau ! – et l’autre des questions sociales.

Je ne méconnais pas le travail accompli par le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, avec lequel j’ai des échanges depuis vingt mois maintenant. J’ai lu l’ensemble de ses rapports, qui ont parfois emporté mon adhésion, parfois non. Reste qu’il faut avancer, notamment en matière d’indépendance.

Il faut savoir que les rapports d’évaluation de l’ANRU sont rédigés par deux agents de l’ANRU, payés par l’ANRU… En tout état de cause, on ne peut plus conserver un tel fonctionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Demain, ils seront payés par l’État, cela ne changera rien !

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

J’en viens aux personnalités. Parlons-nous franchement, si nous avons ce débat aujourd’hui, c’est parce que, à juste titre d’ailleurs, les membres du conseil de l’ANRU se posent la question de leur avenir dans le cadre de la politique de la ville. Je ne conteste pas leurs qualités, non plus d’ailleurs que l’indépendance de la plupart d’entre eux, mais cela n’empêche pas d’associer d’autres acteurs de la politique de la ville à une évaluation globale.

Voilà pourquoi je souhaite que nous ayons un observatoire unique, dont l’indépendance sera d’ailleurs renforcée par la réforme du conseil national des villes, dont le fonctionnement sera lui aussi totalement indépendant. Cet observatoire global disposera de moyens d’évaluation et d’analyse de la politique de la ville dans son ensemble, sans se restreindre à la problématique de la rénovation urbaine, comme le fait l’ANRU. Je souhaite en effet qu’on examine l’ensemble de la politique de la ville non seulement sur le plan national, mais également à l’échelle des territoires.

Je vous propose donc de ne pas nous crisper sur la situation actuelle, mais de passer à une nouvelle étape, tout à fait indispensable aux yeux du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote sur l'amendement n° 34.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

J’ai bien compris le raisonnement du Gouvernement, mais, à mes yeux, l’observation et l’évaluation sont deux missions différentes.

Vous avez dit qu’il ne fallait pas à nouveau évaluer séparément l’urbain et l’humain, monsieur le ministre. Auparavant, il n’y avait pas d’évaluation, mais seulement une observation des politiques humaines et sociales. On aurait pu imaginer que l’instance d’évaluation actuelle assume des missions supplémentaires et complémentaires en matière d’évaluation des politiques humaines et sociales, afin que nous disposions d’une évaluation globale qui ne dissocie pas les deux. Cependant, vous préférez rassembler les missions d’observation et d’évaluation au sein d’une même entité. Dont acte !

Par ailleurs, sur le fait que la défense de cette entité indépendante et autonome tienne à la personnalité de son président, sachez que personne n’est président à vie. En outre, pour ma part, c’est quelqu’un que je n’ai jamais rencontré ; on ne peut donc pas dire qu’il ait influé sur mon amendement. Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de personnes estiment qu’une politique aussi ambitieuse nécessite un regard particulier, une évaluation régulière, récurrente, par un organisme distinct. C'est pourquoi les membres de mon groupe et moi-même avons déposé cet amendement.

Cela étant, nous avons bien compris votre cheminement et nous avons entendu ce que vous nous avez annoncé, sans que ce soit écrit noir sur blanc dans le projet de loi, sur l’organisation future du conseil national des villes et sur les missions qu’il pourra prendre en charge.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l'amendement n° 47.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

J’ai bien entendu ce qu’a dit M. le ministre. Je rectifie donc mon amendement, en ne conservant que sa partie visant à compléter les missions de l’observatoire national de la politique de la ville. Il s’agit de préciser que cet observatoire « évalue les progrès en matière de participation des habitants aux instances décisionnelles de la politique de la ville ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis donc saisi d’un amendement n° 47 rectifié, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

Remplacer les mots :

contribue, de manière indépendante, à l'évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires

par les mots :

évalue les progrès en matière de participation des habitants aux instances décisionnelles de la politique de la ville.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

M. François Lamy, ministre délégué. Je tiens tout d'abord à dire à Valérie Létard que je n’ai jamais parlé du président du comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU.

Mme Valérie Létard manifeste son scepticisme.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Madame Benbassa, j’émettrai un avis favorable sur votre amendement si le membre de phrase que vous souhaitez remplacer est conservé et que votre précision s’y ajoute.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Madame Benbassa, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre délégué ?

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis donc saisi d’un amendement n° 47 rectifié bis, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

Remplacer les mots :

et contribue, de manière indépendante, à l'évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires

par les mots :

, contribue, de manière indépendante, à l'évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires et évalue les progrès en matière de participation des habitants aux instances décisionnelles de la politique de la ville

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Je ne peux donner l’avis de la commission, puisque, par définition, celle-ci n’a pas examiné le nouvel amendement. À titre personnel, j’y suis plutôt favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 48, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 18, seconde phrase

Remplacer le mot :

sexe

par le mot :

genre

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’introduction de statistiques genrées est essentielle pour l’analyse spécifique des inégalités entre les hommes et les femmes. Il convient néanmoins d’utiliser un vocabulaire adéquat qui permette une compréhension véritable de la réalité de ces discriminations.

Cette analyse entre dans le cadre de ce qu’on appelle les études de genre. Le terme « sexe » renvoie à une identité « sexuelle ». Or cette dénomination tend à considérer comme naturelles, parce que biologiques, les différences entre les hommes et les femmes au sein de l’organisation sociale.

L’emploi du terme « genre » en matière de statistiques et de données d’analyse permet de faire avancer la question de l’égalité hommes-femmes par l’emploi d’une dénomination non discriminante qui ne considère pas les inégalités hommes-femmes comme naturelles parce que biologiques. Cet amendement vise donc à introduire la terminologie adéquate dans le projet de loi. Nous sommes en effet l’un des derniers pays occidentaux à utiliser encore le mot « sexe ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Je suis un peu embêté. Esther Benbassa soulève une question importante, mais le projet de loi présenté par Najat Vallaud-Belkacem emploie le mot « sexe ». Peut-être ne sommes-nous pas encore assez mûrs pour passer au « genre »….

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Dans un souci de cohésion gouvernementale, j’émets également un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Mes chers collègues, je vous informe que la commission des affaires économiques se réunira dans la salle 263 dès la suspension de séance pour examiner la suite des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.