Intervention de Philippe Esnol

Réunion du 14 janvier 2014 à 14h30
Ville et cohésion urbaine — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe EsnolPhilippe Esnol :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la ville, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine dont le Sénat entame l’examen aujourd’hui s’inscrit dans des enjeux majeurs, visant à rendre plus effective l’exigence d’égalité entre les territoires contenue dans la promesse républicaine.

Il s’agit là de la mission historique que s’est vu assigner la politique de la ville depuis son apparition, dans les années soixante-dix.

Toutefois, la nécessité de moderniser ses outils et ses modalités d’intervention est rendue d’autant plus urgente que les quartiers les plus en difficulté subissent la crise plus durement encore que les autres.

Par conséquent, nous nous situons dans un objectif politique auquel le présent projet de loi apporte des éléments de réponse importants pour contribuer à relever des défis qui concernent non pas uniquement les quartiers en difficulté, mais bel et bien l’ensemble de notre société.

Dès les années soixante-dix, l’idée d’apporter des réponses ciblées aux difficultés spécifiques rencontrées dans certains quartiers a donné naissance à la politique de la ville à la française.

La ville est, en effet, dès l’avènement de l’ère industrielle, le reflet géographique des injustices existant au sein de la société.

Avec la création du Fonds d’aménagement urbain dès 1976, puis, le lancement d’un « Plan banlieue » dès 1977, le législateur prenait déjà conscience que, pour casser les inégalités sociologiques, il fallait aussi casser les inégalités territoriales.

Dans les années quatre-vingt, on commence à envisager la question de manière plus transversale, et non plus seulement sous l’angle du logement : ce sont les zones d’éducation prioritaire en 1981, les missions locales pour l’emploi des jeunes en 1982, les plans de prévention de la délinquance en 1983.

Il faut, cependant, attendre 1991 pour voir la création d’un ministère spécifiquement dédié à la ville et à ses problèmes. De grandes lois d’aménagement du territoire sont votées : en 1991, quand le principe d’un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales est acté ; en 1996, quand sont créées les zones urbaines sensibles ; en 2000, avec la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, visant à mieux partager la responsabilité du logement social sur l’ensemble des territoires, ou encore en 2003, quand est créée l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

On le voit, lorsque l’on cherche à prendre en compte le critère de la spatialisation des inégalités, on se confronte à la multiplicité des formes que celles-ci peuvent revêtir.

Face à cela, la réponse publique a considérablement évolué. Cependant, cette manière incrémentale de répondre aux difficultés a eu des effets pervers ; ils sont bien connus. Les dispositifs se sont ajoutés aux dispositifs sans articulation adéquate, perdant autant en efficacité. La déperdition des moyens et le manque de lisibilité des actions ont constitué des freins retardant les résultats escomptés.

Dès lors, dans le maquis des dispositifs relevant de la politique de la ville accumulés au fil des années, il était devenu urgent, monsieur le ministre, de présenter un projet de réforme qui ne soit ni un simple toilettage, ni une trop prétentieuse remise à zéro, mais bien une refonte du cadre d’intervention de la politique de la ville lui conférant une meilleure intelligibilité.

C’est ainsi que nous rejoignons l’objectif de simplification des dispositifs d’intervention. Vous proposez, monsieur le ministre, de mettre un terme à la dispersion des crédits issue de cet éparpillement des moyens – et vous avez raison, bien sûr.

C’est donc une mesure phare que de créer une géographie prioritaire unique. Celle-ci retient un critère objectif simple et limpide qui le rend peu contestable : le revenu par habitant. Le nouveau zonage prendra donc appui sur la mesure de ce qui est au fondement de la politique de la ville : les inégalités entre les territoires.

Nous avons ainsi l’assurance que ce sont bien les quartiers de concentration de la pauvreté dans notre pays qui, à travers la politique de la ville, seront les bénéficiaires légitimes de la solidarité territoriale.

La forme de la contractualisation entre les parties prenantes aux dispositifs de la politique de la ville sera, elle aussi, modernisée. Les nouveaux contrats de ville faciliteront la coordination entre les volets « cohésion sociale » et « rénovation urbaine ».

À ce sujet, si l’intercommunalité devient l’échelle de référence, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de préserver la place de la commune dans les dispositifs.

En tant qu’échelon de proximité, la commune reste en effet le plus légitime interlocuteur pour les habitants. Il sera donc difficile de dissocier la fonction de gouvernance au niveau intercommunal de la fonction de proximité au niveau communal. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez accorder une attention toute spécifique à cette légitime préoccupation.

Pour en revenir aux aspects les plus positifs du texte, je note une attention nouvelle portée au développement économique dans la politique de la ville. C’est, en effet, une vision essentielle que de considérer que l’objectif de l’aide apportée à un quartier en difficulté est de le développer pour sortir de cette situation de précarité. Le volet économique est donc fondamental, et il était nécessaire de l’énoncer clairement.

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