Avant tout, je tiens à remercier les différents orateurs de la qualité de leurs interventions, des interrogations qu’ils ont développées et des constats qu’ils ont dressés. Je m’efforcerai de répondre aux principales questions abordées, ce qui nous permettra peut-être d’examiner ensuite les amendements avec une plus grande rapidité.
Premièrement, je reviendrai sur le critère unique de la géographie prioritaire.
Certains le savent déjà pour avoir attentivement suivi les débats que l’Assemblée nationale a consacrés au présent texte : la publication de la liste des futurs quartiers prioritaires a fait l’objet de demandes répétées de la part de certains députés. Cela confinait presque au running gag ! Toutefois, une telle publication n’était ni possible ni souhaitable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a privilégié un critère unique et englobant. J’insiste sur ce point. D’autres critères ont été envisagés, comme le taux de chômage, le nombre de familles bénéficiant des aides personnalisées au logement – les APL –, le nombre d’étrangers résidant dans un quartier ou encore d’autres facteurs habituellement pris en compte en matière de politique de la ville. Or les simulations menées sur plusieurs agglomérations nous ont permis d’observer que l’indicateur du revenu par habitant englobe de 85 % à 90 % des cas.
Il s’agit là d’un critère unique, totalement objectif, que l’on ne peut pas moduler selon d’autres facteurs – y compris la couleur politique du maire ! Les « vraies » ZUS, celles qui ont été établies en 1996 sur la base des importantes difficultés auxquelles les communes se heurtaient et où la situation n’a, hélas ! pas évolué, seront presque toutes prises en compte par ce biais.
Vous le constaterez en étudiant les cartographies, grâce à ce critère unique très fin, grâce à la nouvelle technique du carroyage, c’est une nouvelle ère qui s’annonce, non seulement pour la politique de la ville mais aussi pour nombre d’autres politiques publiques. Cette méthode permettra de cibler les concentrations de pauvreté avec une grande précision.
L’objectif d’un critère lisible, englobant et totalement transparent est donc atteint. Cela étant, je ne peux publier la liste des territoires concernés avant que le Parlement ait adopté cette disposition !
Deuxièmement, ces simulations s’appuient sur un carroyage, c'est-à-dire une division du territoire national en petits carreaux de deux cents mètres de côté, auxquels est affecté le critère unique. Quand le Parlement aura adopté ce principe, il sera nécessaire d’effectuer des allers et retours entre l’État et les élus, car nos territoires ne recoupent pas exactement cet assemblage de petits carrés. Il nous revient donc de redessiner l’ensemble de la carte en tenant compte de la réalité du terrain. Il peut arriver, par exemple, que nous repérions une concentration, mais qu’une petite partie de la cité ou du quartier se situe dans le carré adjacent et ne soit pas détectée.
Je souhaite donc procéder à ces échanges entre préfets et élus après l’adoption du texte, et juste après les élections municipales. Non parce que je craindrais que, d’un coup, les élus se rebellent, mais simplement parce que je les connais : j’ai été maire pendant onze ans, et président de communauté d’agglomération. En ce moment, ils préparent les élections municipales et sont concentrés sur cela, puis ils seront mobilisés par la constitution des exécutifs des intercommunalités et des syndicats intercommunaux. Cela se passe sans doute toujours comme je l’ai vécu !
S’ouvrira alors une période d’environ deux mois durant laquelle ces échanges avec les élus prendront place, de manière à bien inclure tous les espaces concernés. Le Gouvernement a, certes, la volonté de se concentrer sur les quartiers qui rencontrent le plus de difficultés, mais il souhaite également n’en oublier aucun.
Nos simulations s’attachent aujourd’hui à des quartiers comptant au moins 1 000 habitants. Je ne souhaite cependant pas, ainsi que vous le lirez dans le décret qui suivra l’adoption du texte, qu’un quartier soit laissé de côté au prétexte qu’il ne comporterait que 950 habitants : nous nous accorderons suffisamment de souplesse pour qu’aucun quartier ni aucune ville ne soit oublié.
Il ne serait pas bon de publier maintenant une liste de villes concernées, qui serait nécessairement provisoire : nous risquerions d’en oublier. Je souhaite donc que le travail parlementaire aille à son terme, afin d’entamer ensuite ce processus d’allers et retours.
Des maires m’écrivent pour me faire part de leur inquiétude de voir leur commune exclue de la politique de la ville, mais, dans 99 % des cas, elle sera maintenue dans ce périmètre. En effet, ont été inclus dans le champ de la politique de la ville des territoires dont les difficultés n’étaient sans doute pas aussi intenses qu’ailleurs, parfois parce que c’était devenu nécessaire.
Je raconte souvent comment ma commune est entrée dans le champ de la politique de la ville : j’avais trouvé absolument inacceptable que la commune d’à côté soit incluse et pas la mienne. J’ai donc entamé des discussions avec le préfet afin de toucher quelques maigres crédits de la politique de la ville, soit, chaque année, entre 35 000 et 85 000 euros, pour un budget de 53 millions d’euros.
Concernant les contrats urbains de cohésion sociale, les experts en la matière savent très bien que les quartiers de priorité 2 et, surtout, de priorité 3 ne sont pas réellement des quartiers cibles de la politique de la ville, sur lesquels il serait nécessaire de concentrer des moyens. Le critère unique va donc nous permettre de simplifier la situation en identifiant de nouveau les quartiers au bénéfice desquels l’ensemble des politiques publiques, de l’État ou des collectivités locales, devront être mobilisées.
Je l’ai dit à l’Assemblée nationale et je le répète au Sénat, tous les élus qui souhaitent prendre connaissance des simulations concernant leur ville sont les bienvenus au ministère de la ville, où ils pourront consulter la carte et discuter avec mes collaborateurs, de façon que, d'ores et déjà, le processus d’échanges débute. J’ai accueilli ce matin même M. Jean-Claude Gaudin, qui m’a paru très satisfait de constater que la carte correspondait à sa connaissance de la situation sociale de sa ville. Je crois même lui avoir permis de découvrir de nouveaux quartiers en difficulté.
En réalité, donc, la liste ne sera pas arrêtée par le ministre, mais bien déterminée par la situation sociale des quartiers. Il ne sera donc plus possible d’affirmer que les quartiers concernés par la politique de la ville sont définis selon la couleur politique du ministre.
Concernant les changements de zonage, j’indiquerai, pour répondre au président de la commission des affaires économiques, que les choses sont parfaitement claires : l’ensemble des exemptions et exonérations attachées aux zones urbaines sensibles seront transférées aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce point ne fait l’objet d’aucune ambiguïté.
Au sujet de la géographie prioritaire, évoquée par M. Esnol, et des inquiétudes exprimées concernant l’organisation de la gouvernance entre l’intercommunalité et les maires, il est vrai que cette question a été prioritairement abordée à l’Assemblée nationale, afin de définir le bon positionnement. À mon sens, nous l’avons maintenant trouvé.
Comme vient de le dire excellemment René Vandierendonck, on ne peut travailler efficacement sur son quartier que s’il est inséré dans sa ville, et sa ville dans le territoire, celui du bassin de vie, le territoire intercommunal. L’intercommunalité est donc l’échelon pertinent pour les politiques structurantes : le désenclavement par les transports, qui est un élément majeur de la problématique de nos quartiers ; le diagnostic préalable, avec la possibilité, à cette échelle, de se doter des meilleures compétences ; enfin, le développement économique, qui me tient à cœur et doit devenir le moteur du développement de ces quartiers et de leur sortie « par le haut ». Il est également facteur de lien social et d’innovation.
L’innovation sociale et l’économie sociale et solidaire enclenchent un mouvement, ainsi que je le soulignais avec Benoît Hamon et Cécile Duflot il y a deux jours, alors que nous primions les premiers pôles territoriaux de compétence économique dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. L’innovation sociale doit servir au développement économique, et inversement.
C’est donc bien au niveau intercommunal que cela se fera, le maire étant, bien entendu, chargé de la mise en œuvre des actions de cohésion sociale et de rénovation urbaine sur le territoire qu’il connaît le mieux.
Si la loi oblige, comme c’est maintenant le cas, à ce que soient clairement définis les rôles respectifs des maires et du président de l’intercommunalité, la vie vient, après la loi, imposer ses logiques ! Dans la pratique, d’après mon expérience de président d’une communauté d’agglomération comptant de très petites communes, de 500 ou 600 habitants, et une commune plus importante, de 35 000 habitants, après un certain temps on s’entend par-delà les clivages politiques afin d’organiser le « bien vivre ensemble » entre collectivités et d’établir les rôles des uns et des autres dans la mise en œuvre de la politique intercommunale.
Je n’ai pas souhaité déposé un autre amendement visant à sanctionner les intercommunalités qui ne signeront pas les contrats de ville, car il ne me semble pas qu’il y en aura. Il ne me semble pas non plus qu’une intercommunalité appliquera une politique de la ville qui n’aurait pas reçu l’accord du maire de la commune concernée. En la matière, j’estime donc que nous avons trouvé le bon équilibre.
Reste la question des métropoles, et particulièrement, monsieur Dallier, de la région d’Île-de-France, à laquelle j’ajoute le problème spécifique posé par le territoire des Bouches-du-Rhône, notamment par celui de la future métropole d'Aix-Marseille-Provence. Je présenterai un même amendement concernant chacune de ces deux métropoles.
Il nous est impossible de nous satisfaire de la situation actuelle. Vous savez comment s’est construite l’intercommunalité en région d’Île-de-France : par affinités politiques ou par rejet de la commune adjacente, trop riche ou trop pauvre. Claude Dilain pourrait sans doute expliquer que, s’il avait pu, il aurait fondé une intercommunalité ne rassemblant pas seulement Clichy-sous-Bois et Montfermeil, mais aussi des communes plus riches.