Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour débattre d’un projet de loi à l’évidence sensible, et qui mérite, de mon point de vue, d’être abordé avec sérénité et responsabilité, deux qualités que le Sénat sait souvent conjuguer.
C’est d’autant plus nécessaire que, ces derniers jours, à mon grand regret, le Sénat a renvoyé l’image d’une institution qui veut préserver ses avantages, et non celle d’une assemblée capable de donner sens et force à notre démocratie. Ce faisant, les tenants du populisme s’en donnent à cœur joie pour dénigrer la politique et les politiques. Et certains – ce sont souvent les mêmes – s’en prennent allègrement au bicamérisme, auquel les élus de mon groupe sont attachés, même s’ils considèrent qu’il doit être revisité pour donner plus de sens à nos deux chambres, et donc plus de force à notre démocratie.
Ainsi, quel que soit notre vote, notre message, aujourd’hui, doit porter le sceau de la responsabilité, pour illustrer d’abord et avant tout notre volonté d’être utiles à nos concitoyens.
Le cumul d’un mandat parlementaire avec des responsabilités locales est une pratique courante : le cumul est la règle et le non-cumul, l’exception.
Malgré des limitations apportées en 1985 et en 2000, la législation actuelle reste très permissive en ce qu’elle ne prévoit aucune incompatibilité entre un mandat parlementaire et l’exercice de responsabilités exécutives locales.
Quelles que soient les différences existant entre les systèmes politiques des grandes démocraties dans le monde, aucune – aucune, mes chers collègues - ne pratique le cumul des mandats à l’échelle de ce qui est observé en France. L’enjeu est donc bien de mettre fin à une exception française de grande ampleur, qui touche - soyons les uns et les autres rassurés ! - tous les partis politiques.
Près de 90 % des députés et sénateurs exercent un mandat local en même temps qu’un mandat parlementaire, tandis que, dans la quasi-totalité des autres pays occidentaux, la proportion n’atteint jamais les 20 %.
Cette exception française suscite les critiques et la méfiance de nos concitoyens. Selon un récent sondage, six personnes sur dix sont favorables à l’interdiction du cumul des mandats. Ainsi, il faut savoir l’admettre, débattre du non-cumul des mandats contribue à traiter pour partie de la crise de la représentativité politique qui mine la République depuis bien trop d’années maintenant.
À ce titre, interdire ou limiter de manière stricte le cumul, c’est apporter, non pas « la » réponse, mais « une » réponse à cette crise, pour retisser le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus et réconcilier les Français avec leur démocratie et leurs représentants.
Attaché depuis toujours à la démocratie vivante, celle qui permet l’association de tous à la vie politique, le groupe CRC accueille positivement, malgré ses évidentes limites, ce projet de loi.
Nous sommes favorables à une stricte limitation des mandats électifs en nombre et dans le temps, laquelle s’inscrit dans un ensemble de mesures fortes que nous préconisons pour une profonde et nécessaire rénovation de la vie politique.
Certains opposants au non-cumul arguent de la nécessité d’un ancrage local pour être à l’écoute de nos concitoyens. Cet argument s’entend, mais il me semble un peu court.
Nul besoin de « cumuler » pour être un élu de terrain, ancré sur un territoire, sauf à considérer qu’un parlementaire sans mandat exécutif local serait moins bon qu’un autre qui ne se consacre qu’à sa mission législative nationale. Ce serait faire insulte à certains de nos éminents collègues ! Pourquoi seraient-ils déconnectés des réalités locales ?
Une bonne connaissance du terrain se construit, normalement, avant d’accéder à un mandat national. De grands responsables politiques qui sont présents aujourd’hui dans cet hémicycle le savent très bien.
Élus nationaux sans mandat exécutif local, nous modifierons sans doute nos pratiques pour répondre aux attentes du monde syndical, culturel, associatif et de nos concitoyens, qui veulent plus d’échanges et de proximité avec les parlementaires.
Disant cela, je n’invente rien, et je suis bien placée pour m’exprimer sur le sujet. En effet, comment font les parlementaires qui, comme moi, siègent au sein de conseils municipaux dans l’opposition, donc sans mandat exécutif, ou qui décident, comme moi aussi, d’ailleurs, de ne plus être élu local ? Sont-ils moins parlementaires que d’autres ? Sont-ils moins capables d’assurer la représentation des collectivités territoriales ? Sont-ils moins capables d’être les porte-voix de leurs concitoyens ? Je ne le pense pas.