La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Bas.
Monsieur le rapporteur, je tiens en préalable à saluer l’objectivité et l’impartialité avec lesquelles vous avez présenté le projet de loi organique dans la rédaction adoptée par la commission.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat n’est pas réfractaire à la limitation du cumul des mandats.
Il l’a prouvé dans le passé. Il est prêt à le prouver encore aujourd’hui.
Dans le passé, le Sénat a voté dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale la loi de 1985 présentée par le gouvernement Fabius et la loi de 2000 présentée par le gouvernement Jospin. À chaque fois, un accord a été trouvé entre les deux assemblées, avec le concours du gouvernement de l’époque, alors que l’on aurait pu penser que la configuration politique n’était pas aussi favorable à l’exécutif qu’aujourd’hui.
Pas plus aujourd’hui qu’hier, le Sénat ne refuse de réexaminer les règles actuelles relatives au cumul des mandats et d’étendre les restrictions dont ce cumul fait l’objet.
Comme nous l’avons voté voilà quelques mois, comme la commission l’a confirmé avant cette séance, nous avons fait le choix de permettre l’exercice d’un mandat exécutif local par les sénateurs. Ce faisant, nous avons étendu considérablement la liste des mandats susceptibles d’être pris en compte au titre de la réglementation du cumul : président d’intercommunalité, maire d’une commune faiblement peuplée, adjoint au maire, vice-président de conseil général ou de conseil régional, président de société d’économie mixte.
Non seulement le Sénat accepte toutes ces mesures, mais il est même capable de les proposer !
Enfin, le Sénat a adopté le principe de gratuité pour tout mandat local exercé par un sénateur, y compris celui de simple conseiller général ou de conseiller régional. L’Assemblée nationale ne nous a pas suivis sur ce point. Notre commission a confirmé sa position avant cette nouvelle délibération.
Mais le débat que nous avons ne devrait pas rester isolé. Puisque nous avons le souci de la cohérence, nous devrions aussi réfléchir au cumul des mandats locaux entre eux, à l’inscription dans la Constitution de l’interdiction du cumul pour les ministres, même si elle se pratique aujourd’hui, ainsi, bien sûr, qu’aux progrès à réaliser dans le statut de l’élu local.
À ce sujet, je veux relever que, dans nos textes actuels – je pense, par exemple, au code du travail, mais aussi au statut général de la fonction publique –, les fonctions exécutives locales ne sont jamais exercées à plein temps. Au contraire, le législateur estime toujours, sans que vous ayez jugé utile de réexaminer ce point, monsieur le ministre, qu’un mandat de président de conseil général ou de maire représente au maximum 25 % de temps professionnel libéré. En d’autres termes, dans notre système politique, l’exercice de ces mandats est pris sur du temps personnel et non sur du temps professionnel.
Mes chers collègues, alors même que notre législation considère encore aujourd’hui, sans que le Gouvernement veuille revenir sur ce point, que ces mandats locaux prennent peu de temps professionnel, il serait tout de même assez piquant que les parlementaires ne puissent être ni maires d’une commune de 200 habitants ni même adjoints. Alors que ce service est permis pour tous les autres citoyens, il serait interdit aux parlementaires, et à eux seuls, même si leurs compétences pourraient se révéler utiles dans l’exercice de ces mandats locaux ! Où est l’intérêt général dans cette mesure ?
Enfin, je relève que nous ne nous sommes pas encore intéressés au cumul des fonctions parlementaires avec des fonctions nationales.
Je pense aux responsables nationaux de partis politiques, aux présidents d’organismes publics comme la Caisse des dépôts et consignations ou le Centre national de la fonction publique territoriale…
Pour des raisons de principe que je comprends très bien, nous n’avons pas non plus envisagé d’interdire les activités d’ordre privé aux parlementaires.
C’est pourquoi, lorsque l’on évoque la nécessité pour un parlementaire de consacrer 150 % de son temps à sa fonction d’élu national, on méconnaît la réalité, et pas seulement la réalité juridique. En tout cas, le Gouvernement ne semble pas l’avoir perçue, encore moins avoir cherché à la modifier.
Puisque nous avons su trouver un accord en 1985 et en 2000, nous espérions en trouver un aussi cette année. C’est la raison pour laquelle nous avons tendu la main à plusieurs reprises. Cette volonté d’entente et de compromis s’est cependant heurtée à l’intransigeance du Gouvernement qui, dès l’ouverture de la discussion, a décidé de passer en force, méconnaissant totalement l’apport de notre institution. Je le regrette profondément.
En effet, monsieur le président, et c’est exactement le sens de la préoccupation que je suis en train d’exprimer !
Le système qui nous est proposé me paraît relever davantage du dogme que d’une considération respectueuse de l’intérêt général, en particulier de l’intérêt de notre démocratie.
Monsieur le ministre, vous l’avez affirmé devant nous : vous croyez à la force des évidences.
Sourires.
Pour notre part, nous croyons plutôt à la force des arguments. De ce point de vue, il n’est pas excessif de dire que nous sommes nombreux à ne pas avoir été convaincus par votre propos.
M. Manuel Valls, ministre. J’avais pourtant l’espoir de vous convaincre !
Nouveaux sourires.
Nous estimons que le dispositif que vous avez retenu, celui du mandat national unique, avec éventuellement la possibilité d’être conseiller municipal, conseiller général ou conseiller régional, ne repose sur aucune considération sérieuse, en tout cas ne résiste pas à un examen approfondi du point de vue de l’intérêt des collectivités locales.
J’évoquais tout à l’heure la petite commune. Mais pourquoi donc avoir voulu absolument interdire à un parlementaire, qui par ailleurs fait bien son travail de parlementaire, d’être adjoint au maire d’une commune de 200 habitants, alors qu’un artisan travaillant soixante-dix heures par semaine peut être un très bon maire ? Ce seul exemple montre à quel point vous avez été systématique dans votre approche du problème, ce qui nous paraît injustifié, car contraire à l’intérêt général.
Cela étant, dans les plus grandes collectivités aussi, l’apport d’un parlementaire au service de l’intérêt général se mesure très concrètement. On parle souvent des sondages, mais, pour ma part, je ne connais que le suffrage universel et, jusqu’à présent, les Français ont fait confiance à leur député-maire. N’est-ce pas, monsieur le ministre ?
Vous avez exercé cette fonction.
Vous en avez fait l’éloge dans l’une de vos publications. Et si vous mettez aujourd’hui tant d’ardeur à défendre le dispositif contraire, c’est en converti que vous le faites…
… et sans doute sans renier l’avantage que vous avez pu apporter à la commune d’Évry, une commune que vous avez gérée en étant à la fois maire et député. En tout cas, pendant toute cette période, vous ne vous êtes pas aperçu qu’il vous était impossible d’exercer correctement vos deux mandats.
Je pense aussi que votre système d’interdiction absolue et systématique n’est pas favorable au Parlement, pas plus qu’il ne l’est aux collectivités locales. Nous admettons bien volontiers que le Parlement ne peut être composé exclusivement de députés-maires et de sénateurs-maires ; la diversité est nécessaire dans nos assemblées. Pourtant, parce qu’elles sont ancrées dans des territoires, parce qu’elles gèrent des services publics et, ce faisant, sont plus que d’autres au contact de la population et à l’écoute de leurs besoins, ces personnalités sont à la loi, à sa fabrication, au contrôle de son exécution et au contrôle du Gouvernement d’un apport qui a jusqu’à présent été extrêmement bénéfique à nos assemblées, et donc au bon fonctionnement des institutions républicaines.
J’ajoute qu’il y a à craindre un renforcement de la mainmise des partis politiques sur les élus nationaux, ce qui provoquerait un déséquilibre entre le besoin qu’a l’élu national d’être en lien avec son parti et celui, symétrique, qu’a le parti de pouvoir compter sur de grands élus recueillant une forte audience auprès de la population.
Monsieur le ministre, vous méconnaissez ce qui était jusqu’à présent une exigence républicaine reconnue de tous.
Pour autant, mes chers collègues, fallait-il, comme nous l’avons décidé, différencier les députés et les sénateurs dans l’exercice des fonctions exécutives locales ? Pour nous, il ne s’est jamais agi d’une solution de premier rang. D’ailleurs, en première lecture, j’ai défendu, au nom de mon groupe, un amendement visant à permettre aux députés comme aux sénateurs d’exercer un mandat exécutif local unique. Seul le refus absolu du Gouvernement d’entrer dans cette discussion nous a en quelque sorte condamnés à opter pour une autre solution, celle de la différenciation.
Certes, je l’admets, depuis 1887, les inéligibilités et les incompatibilités applicables aux parlementaires sont les mêmes, que ceux-ci siègent au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Mais il s’agit d’une construction qui a été érigée pour garantir, d’une part, la probité, d’autre part, l’indépendance des parlementaires.
Sur ces deux chapitres, aucun d’entre nous n’accepterait la moindre différence entre le statut des députés et celui des sénateurs, parce que nos deux assemblées ont les mêmes missions constitutionnelles.
Pour importante qu’elle soit, l’incompatibilité entre certains mandats locaux et le mandat parlementaire n’est pas de même nature ni de même importance que ces incompatibilités et inéligibilités qui garantissent notre indépendance et notre probité.
Un espace est donc ouvert sur ce sujet important, mais secondaire par rapport à celui que j’évoquais à l’instant.
Cet espace nous permet d’envisager une différenciation ponctuelle, avec une accentuation des limitations au cumul des mandats et la gratuité de l’exercice de mandats locaux par les parlementaires. C’est un choix fondamentalement justifié par le rôle propre du Sénat dans nos institutions républicaines.
Nous représentons en effet les collectivités territoriales de la République. On prétend que cette disposition constitutionnelle aurait épuisé ses effets dans le mode d’élection des sénateurs et qu’elle n’aurait aucune incidence au-delà. C’est faux ! La Constitution tire de nombreuses conséquences de cette représentation des collectivités territoriales de la République, la plus visible depuis quelques années étant l’obligation de faire examiner d’abord par le Sénat, avant l’Assemblée nationale, les textes de décentralisation. Pourquoi ? Justement parce que nous représentons les collectivités territoriales de la République. Le mode de scrutin n’est donc pas seul en cause dans cette expression, qui emporte de nombreuses autres implications.
L’une d’elles est particulièrement intéressante : les lois organiques relatives au Sénat ne peuvent pas être adoptées à la demande du Gouvernement par l’Assemblée nationale statuant définitivement en application de l’article 45 de la Constitution. C’est l’article 46 de la Constitution qui le dit !
Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser l’interprétation qu’il convenait de faire de cette disposition.
En suivant scrupuleusement cette interprétation, on aboutit à la conclusion que le passage en force qui a été décidé par le Gouvernement, sinon de toute éternité, du moins depuis le début de ce débat, est impossible, à tout le moins sur plusieurs points.
En premier lieu, le texte du Gouvernement ne comporte que des dispositions relatives aux députés, à l’exclusion d’une, qui porte sur le remplacement des sénateurs. C’est par l’application d’un texte qui lui est extérieur, l’article L.O.297 du code électoral, lequel article est aussi une disposition d’une loi organique relative au Sénat, que les incompatibilités votées par les députés s’appliqueraient aux sénateurs. Mais encore faudrait-il que le Sénat y souscrive, car la portée juridique de cet article serait implicitement mais nécessairement modifiée par les dispositions applicables aux députés qui auraient été adoptées.
Il en résulte donc que, si l’on veut appliquer votre projet de loi aux sénateurs, monsieur le ministre, le dernier mot ne peut pas être donné à l’Assemblée nationale. C’est clair et limpide !
J’ajoute, monsieur le ministre, que le texte est désormais « grevé » de deux désaccords fondamentaux entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
L’un porte justement sur la nouvelle rédaction que nous voulons donner à l’article L.O.297 du code électoral, qui renvoie au statut des députés pour déterminer celui des sénateurs. L’Assemblée nationale ne veut pas de la modification que nous proposons, pas plus que vous d’ailleurs, monsieur le ministre. Mais, dans ce cas, il existera un désaccord sur une disposition propre au Sénat, celle que nous aurons adoptée. Or, en cas de désaccord sur une disposition propre au Sénat, l’Assemblée nationale ne peut pas trancher seule.
L’autre point de désaccord porte sur une disposition qui, bien que tout à fait secondaire et passant relativement inaperçue, ne peut être traitée différemment.
Vous êtes entré en discussion avec cette disposition qui affecte l’article L.O.319 du code électoral, un article d’une loi organique relative au Sénat, puisqu’il s’agit du remplacement des sénateurs qui démissionnent. L’Assemblée nationale en veut ; nous n’en voulons pas. C’est exactement la situation symétrique de celle que je viens de décrire : le Sénat souhaite une modification de l’article L.O.297 du code électoral, l’Assemblée nationale n’en veut pas.
Dans les deux cas, le problème juridique est le même, et la solution juridique sera donc la même. Or cette solution juridique, qui s’impose avec la force de l’évidence, vous interdit, monsieur le ministre, de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale sur cette réforme.
Je déplore que vous n’ayez pas pris conscience plus tôt de cette réalité juridique. Cela nous aurait évité d’aller à l’affrontement, d’autant que nous étions, d’entrée de jeu, dans un état d’esprit favorable à un accord entre les deux assemblées et à un compromis avec vous.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, nous avons connu une modification de la loi électorale relative aux communes et aux communautés de communes, une modification de la composition du collège électoral du Sénat dans le sens d’une accroissement du nombre des délégués non élus des villes, et un redécoupage cantonal qui donne de nombreux avantages aux populations urbaines.
Nous assistons aussi à la baisse des dotations aux collectivités locales, et nous n’avons encore rien vu, manifestement : nous avons écouté très attentivement le Président de la République hier, et nous savons ce qui attend les collectivités locales !
Il faut que le Sénat, représentant des collectivités territoriales de la République, assume plus que jamais leur défense. C’est la raison pour laquelle je défends le texte adopté par la commission.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour débattre d’un projet de loi à l’évidence sensible, et qui mérite, de mon point de vue, d’être abordé avec sérénité et responsabilité, deux qualités que le Sénat sait souvent conjuguer.
C’est d’autant plus nécessaire que, ces derniers jours, à mon grand regret, le Sénat a renvoyé l’image d’une institution qui veut préserver ses avantages, et non celle d’une assemblée capable de donner sens et force à notre démocratie. Ce faisant, les tenants du populisme s’en donnent à cœur joie pour dénigrer la politique et les politiques. Et certains – ce sont souvent les mêmes – s’en prennent allègrement au bicamérisme, auquel les élus de mon groupe sont attachés, même s’ils considèrent qu’il doit être revisité pour donner plus de sens à nos deux chambres, et donc plus de force à notre démocratie.
Ainsi, quel que soit notre vote, notre message, aujourd’hui, doit porter le sceau de la responsabilité, pour illustrer d’abord et avant tout notre volonté d’être utiles à nos concitoyens.
Le cumul d’un mandat parlementaire avec des responsabilités locales est une pratique courante : le cumul est la règle et le non-cumul, l’exception.
Malgré des limitations apportées en 1985 et en 2000, la législation actuelle reste très permissive en ce qu’elle ne prévoit aucune incompatibilité entre un mandat parlementaire et l’exercice de responsabilités exécutives locales.
Quelles que soient les différences existant entre les systèmes politiques des grandes démocraties dans le monde, aucune – aucune, mes chers collègues - ne pratique le cumul des mandats à l’échelle de ce qui est observé en France. L’enjeu est donc bien de mettre fin à une exception française de grande ampleur, qui touche - soyons les uns et les autres rassurés ! - tous les partis politiques.
Près de 90 % des députés et sénateurs exercent un mandat local en même temps qu’un mandat parlementaire, tandis que, dans la quasi-totalité des autres pays occidentaux, la proportion n’atteint jamais les 20 %.
Cette exception française suscite les critiques et la méfiance de nos concitoyens. Selon un récent sondage, six personnes sur dix sont favorables à l’interdiction du cumul des mandats. Ainsi, il faut savoir l’admettre, débattre du non-cumul des mandats contribue à traiter pour partie de la crise de la représentativité politique qui mine la République depuis bien trop d’années maintenant.
À ce titre, interdire ou limiter de manière stricte le cumul, c’est apporter, non pas « la » réponse, mais « une » réponse à cette crise, pour retisser le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus et réconcilier les Français avec leur démocratie et leurs représentants.
Attaché depuis toujours à la démocratie vivante, celle qui permet l’association de tous à la vie politique, le groupe CRC accueille positivement, malgré ses évidentes limites, ce projet de loi.
Nous sommes favorables à une stricte limitation des mandats électifs en nombre et dans le temps, laquelle s’inscrit dans un ensemble de mesures fortes que nous préconisons pour une profonde et nécessaire rénovation de la vie politique.
Certains opposants au non-cumul arguent de la nécessité d’un ancrage local pour être à l’écoute de nos concitoyens. Cet argument s’entend, mais il me semble un peu court.
Nul besoin de « cumuler » pour être un élu de terrain, ancré sur un territoire, sauf à considérer qu’un parlementaire sans mandat exécutif local serait moins bon qu’un autre qui ne se consacre qu’à sa mission législative nationale. Ce serait faire insulte à certains de nos éminents collègues ! Pourquoi seraient-ils déconnectés des réalités locales ?
Une bonne connaissance du terrain se construit, normalement, avant d’accéder à un mandat national. De grands responsables politiques qui sont présents aujourd’hui dans cet hémicycle le savent très bien.
Élus nationaux sans mandat exécutif local, nous modifierons sans doute nos pratiques pour répondre aux attentes du monde syndical, culturel, associatif et de nos concitoyens, qui veulent plus d’échanges et de proximité avec les parlementaires.
Disant cela, je n’invente rien, et je suis bien placée pour m’exprimer sur le sujet. En effet, comment font les parlementaires qui, comme moi, siègent au sein de conseils municipaux dans l’opposition, donc sans mandat exécutif, ou qui décident, comme moi aussi, d’ailleurs, de ne plus être élu local ? Sont-ils moins parlementaires que d’autres ? Sont-ils moins capables d’assurer la représentation des collectivités territoriales ? Sont-ils moins capables d’être les porte-voix de leurs concitoyens ? Je ne le pense pas.
Bien sûr que si, au moins en partie ! Il faut cesser l’hypocrisie et dire les choses franchement, sans s’éloigner du vrai sujet.
J’en viens à présent à l’absentéisme, caractéristique des travées des hémicycles du Parlement.
Représenter la Nation dans son ensemble, voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques, tout cela ne saurait se satisfaire d’un temps partiel ! Je ne crois d’ailleurs pas que le seul fautif dans l’absentéisme soit le cumul des mandats, même s’il y contribue.
Les sujets sur lesquels nous travaillons sont variés, complexes et techniques, reflet de la multiplication des sources du droit et autres contraintes. Or les mandats locaux d’aujourd’hui, tels qu’ils ont été dessinés par les lois successives de décentralisation, ont changé la morphologie de notre pays, la mission de ces élus locaux exigeant d’eux un grand investissement.
Sur le fond, l’absentéisme parlementaire est à la fois l’une des causes et l’une des conséquences de l’affaiblissement du Parlement.
Nous sommes nombreux ici à critiquer le déséquilibre institutionnel au profit de l’exécutif, qui s’est accentué avec l’inversion du calendrier électoral
Je crois me souvenir que nous n’étions pas très nombreux à dire les raisons pour lesquelles il ne fallait pas inverser ce calendrier.
Aujourd’hui, nous sommes nombreux à demander le renforcement de la place et du rôle du Parlement. Toutefois, mes chers collègues, rien ne bougera si les parlementaires eux-mêmes ne se saisissent pas pleinement des pouvoirs qui leur sont conférés.
Ensuite, la limitation stricte des mandats peut permettre de rompre avec cette culture dans laquelle certains voient la marque d’une « conception hyper-élitiste de la société, de la crainte de la compétition et de l’affrontement concurrentiel, et donc d’une stratégie tendanciellement monopoliste qui fait le vide autour du cumulant ».
Ainsi, chers collègues, les jeunes, les ouvriers se comptent sur les doigts d’une main au Parlement. Quant à la diversité des origines, n’en parlons pas ! Et s’il n’y avait pas eu la loi sur la parité et une dose de proportionnelle ici, gageons que les femmes seraient moins nombreuses sur nos travées, comme elles sont peu nombreuses à l’Assemblée nationale !
C’est un fait établi : le cumul des mandats fige le personnel politique, en nombre et dans le temps. Cette « règle » très française est synonyme de reproduction des élites et de professionnalisation de la politique.
Ne vous méprenez pas, tout cela est bien clair dans l’esprit de nos concitoyens, puisque 80 % d’entre eux estiment que nous formons une caste qui s’arc-boute sur ses privilèges.
La démocratie implique pour les élus non pas un super-professionnalisme, mais une hétérogénéité d’expériences qui fonde leur légitimité et leur force. Sans cela, c’est la démocratie que l’on continue de blesser, au mépris du peuple souverain !
La réforme proposée constitue une avancée, certes timide, je l’ai souligné, pour engager la rénovation de la vie politique et apporter des réponses à la crise de la représentativité et à son cortège de maux qui fragilisent notre démocratie : conflit d’intérêts, absentéisme, non-renouvellement, et j’en passe.
Aussi, il ne doit s’agir que d’un premier pas vers d’autres mesures tout aussi urgentes et nécessaires.
Tout ce qui entrave l’expression démocratique de la souveraineté populaire doit être déconstruit. À cet égard, j’entends, bien sûr, la limitation du cumul dans le temps et les modes d’élection ; je ne m’attarderais pas, ici, sur la proportionnelle, à laquelle les élus de mon groupe sont toutes et tous très attachés.
Là encore, il convient de penser à la création d’un véritable statut de l’élu ne se limitant pas au seul aspect pécuniaire, mais permettant au citoyen, élu pendant une période de sa vie, de retrouver son emploi après la fin de son mandat ou d’accéder à une formation débouchant sur un nouvel emploi.
Mes chers collègues, nous devons redonner sens à notre démocratie, redonner sens au politique et à la politique ; nous devons restaurer la confiance de nos concitoyens. Même avec ses limites, je le répète, mais j’y insiste, ce texte peut y contribuer. C’est la raison pour laquelle le groupe CRC le votera.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présider un exécutif local et un groupe parlementaire. Je n’ai pas le sentiment d’être absent, ni ici, ni là-bas…
Le projet de loi revient de l’Assemblée nationale tel que le Gouvernement l’a voulu, voté par des députés disciplinés, quels que soient les états d’âme de certains. Une nouvelle fois, l’alternance n’a pas changé le système.
Monsieur le ministre, vous nous aviez annoncé en première lecture que le Gouvernement s’opposerait à tout amendement et donc à tout débat parlementaire : voilà une promesse tenue…
Vous nous aviez asséné, avec ce que certains d’entre nous ont pu considérer comme du mépris, mais je sais que tel n’était pas le fond de votre pensée, que « quel que soit le vote qui sera le vôtre, ce texte sera adopté par le Parlement » - il s’agissait sans doute plutôt d’une provocation – et vous ajoutiez, avec ce que d’autres ont pris pour du cynisme, que ce texte « renforce le Sénat ».
Sourires sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UMP.
La méthode est la même que celle du ministre Jeanneney en 1969, qui présenta le projet de suppression de la Haute Assemblée en déclarant que l’objectif était de donner au Sénat une influence plus grande. §Comme vous le voyez, monsieur le ministre, vous avez d’excellents prédécesseurs…
En réalité, le message était et reste clair : suicidez-vous ou nous vous exécutons !
Ce qui doit être dit, afin qu’il en reste trace lorsque d’autres, ou peut-être vous-même, reviendront sur ce texte, c’est que le Sénat, dans sa grande majorité, a considéré que la suppression de tout cumul d’un mandat local exécutif avec un mandat de parlementaire était une aberration, et ce pour l’équilibre de nos institutions comme pour la représentation de nos territoires.
Ce qui doit être dit, c’est que, devant l’acharnement du Gouvernement à obtenir un vote majoritaire des députés – certains d’entre eux m’ont dit les pressions subies – la grande majorité du Sénat a considéré que, ne devant et ne pouvant imposer aux députés un choix concernant ces derniers, il appartenait à notre assemblée de prendre des dispositions relatives aux sénateurs découlant strictement de l’application des règles constitutionnelles, à savoir de l’article 24 de la Constitution, qui dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités locales, et de l’article 46, alinéa 4, qui dispose que les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Je rappelle que l’article 25 de la Constitution ne pose pas de principe d’identité absolue du statut des membres de chaque assemblée.
Ce qui doit être dit, monsieur le ministre, c’est que vous avez vous-même déclaré devant la commission des lois qu’« un traitement différencié des sénateurs conduirait à qualifier ce texte de loi organique relative au Sénat, ce qui suppose un vote conforme des deux assemblées ».
Je cite le compte rendu de votre audition, qui figure dans le rapport de la commission, comme je citais la dénonciation que vous faisiez du non-cumul dans votre excellent ouvrage dont la lecture me procure toujours le même plaisir à la fois intellectuel et politique tant il est excellent aussi bien dans la forme que sur le fond.
Dans la mesure où je ne doute pas que vous êtes un homme de conviction, monsieur le ministre, je suis certain qu’au fond de vous-même vous êtes convaincu des défauts de ce projet. Mais voilà, vos militants, puis l’opinion publique ont été chauffés à blanc par le communicant exceptionnel que vous êtes. Vos militants sont heureux – enfin une satisfaction pour eux !
M. ministre s’esclaffe.
… et l’opinion peut encore davantage surfer sur la vague d’antiparlementarisme engendrée par toute crise pimentée de scandales à répétition.
Ce qui doit être dit, c’est que le Sénat, vilipendé dans une offensive médiatique orchestrée avec l’appui des médias « branchés » parisiens, dans le silence de son exécutif, a pourtant voté un texte beaucoup plus réformateur et innovant que le vôtre, monsieur le ministre.
Oui, le Sénat a réduit à un seul mandat exécutif local la possibilité de cumul d’un sénateur ; mais le Sénat est allé beaucoup plus loin que vous ne l’avez fait sur la question du cumul des indemnités, par exemple.
C’est le Sénat, sur notre proposition, qui a supprimé le cumul des indemnités. C’est cela que souhaitaient nos concitoyens. Et qu’avez-vous fait ? Vous avez assez sournoisement entretenu la confusion entre le cumul des mandats et le cumul des indemnités !
Ce qui doit être dit, c’est que notre groupe a proposé d’interdire le cumul de mandats locaux comme celui de maire d’une commune importante, de président de communauté urbaine ou de métropole, comme à Lille, cumul considérable s’il en est ! Vous avez refusé cette proposition en renvoyant sa mise en œuvre aux calendes grecques.
Pourquoi une telle absence de réflexion, pourquoi chercher ainsi à préserver les acquis de nos grands féodaux ?
Ce qui doit être dit, c’est que vous avez fait pulvériser tous nos amendements visant à interdire le cumul des fonctions électives avec la qualité de membres de cabinets élyséens, ministériels ou de grands exécutifs !
M. Jacques Mézard. Ce qui doit être dit, c’est que vous considérez le cumul d’un mandat parlementaire avec les fonctions de maire ou d’adjoint d’une petite commune de quelques dizaines d’habitants comme une charge insupportable, trop lourde, alors que vous avez lamentablement reculé sur la question des incompatibilités professionnelles, pliant devant les avocats d’affaires, les dirigeants de grandes sociétés, y compris d’armement…
Sourires sur les travées du groupe CRC.
Ceux-là ont le temps et la capacité de cumuler !
J’ai une conviction, comme l’unanimité des membres du RDSE : votre projet de loi est contraire à l’équilibre de nos institutions, contraire à l’esprit et à la lettre même de la Constitution ; il prépare clairement, si ce n’est la suppression du bicamérisme, à tout le moins la disparition du Sénat en tant que véritable assemblée parlementaire capable non seulement d’améliorer le processus législatif, qualité qui lui est presque unanimement reconnue, mais également de rester indépendante à l’égard du pouvoir exécutif.
En cela, vous atteindrez l’objectif que nombre de vos collègues ou prédécesseurs n’avaient point atteint contre une assemblée que M. Jospin appelait « l’anomalie démocratique ».
Vous serez donc, dans l’histoire parlementaire, celui qui, après avoir mis en place le binôme départemental, aura fait du Sénat une assemblée de seconde zone. Heureusement, ce que fait une loi, une autre peut et pourra le défaire, du moins si le Conseil constitutionnel ne nous suivait pas.
Vous multipliez chaque mois la création de Hauts Conseils et de conseils plus ou moins stratégiques, mais vous voulez détruire la Haute Assemblée !
En réalité, nous vivons depuis un an et demi une offensive orchestrée contre le Sénat, qui, pour certains, n’a eu d’autre utilité que de préparer l’alternance, une alternance qui fut favorisée par dix-huit des dix-neuf sénateurs de mon groupe. D’un coup, le Sénat a subi un torrent de critiques : il serait un « triangle des Bermudes », une « assemblée d’hommes blancs », et pire encore. Tout y est passé. Le lamentable épisode de l’immunité parlementaire a su être utilisé aussi à cette fin, par les mêmes.
Le Sénat n’a pas été défendu par ceux qui en avaient le devoir, jusqu’à la chaîne Public Sénat, qui s’est illustrée de la manière la moins digne qui soit !
Dois-je, à vous qui voulez chausser les bottes de Clemenceau, vous rappeler le discours de Salernes ? Vous avez remplacé les « chéquards » par les « cumulards » !
La question du bicamérisme est un débat récurrent dans la politique française et sous les trois dernières Républiques. Même Clemenceau, pour lequel nous avons tous beaucoup d’admiration, a heureusement changé d’avis sur cette question.
Sourires.
Est-il vraiment raisonnable que, dans notre pays, à chaque alternance, c’est-à-dire tous les cinq ans désormais, la nouvelle majorité change l’ensemble des systèmes électoraux et modifie d’une manière ou d’une autre l’architecture institutionnelle ? Imagine-t-on les démocraties européennes voisines modifier ainsi leurs institutions à chaque changement de majorité ?
Cela démontre la dérive des institutions de la Ve République. Nombre de nos plus éminents universitaires se sont récemment exprimés pour condamner votre projet de loi au nom du respect des institutions, face au déséquilibre de plus en plus évident du pouvoir au profit de l’exécutif présidentiel.
L’hyper-présidence de la République n’est plus le fait d’un homme exceptionnel, elle procède de la nature du régime actuel et oblige tous les cinq ans le futur élu à promettre au-delà du raisonnable...
L’hyper-présidence engendre inéluctablement l’affaiblissement du Parlement et la recherche par l’exécutif de parlementaires soumis au parti dominant du Président de la République.
Cela, le Sénat l’a toujours combattu, quelle que soit la majorité parlementaire, et c’est la raison pour laquelle, régulièrement, le parti dominant, de manière plus ou moins directe, veut le briser.
Plutôt que de viser directement la suppression du Sénat, il est plus facile, plus sournois, aussi, de le vider de sa substance et de le transformer dans un premier temps en copie émasculée de l’Assemblée nationale, avec des sénateurs de fait choisis par les partis dominants et ne représentant plus les territoires. C’est l’un des véritables objectifs de la loi sur le non-cumul des mandats : notre devoir est de le proclamer. À quoi rimerait un Sénat représentant les collectivités, aux termes de la Constitution, sans un seul maire, sans un seul adjoint ou membre d’un exécutif local ?
Vous détruisez en toute connaissance de cause la mission constitutionnelle spécifique du Sénat : assurer la représentation des collectivités locales, ce qui n’enlève rien au caractère généraliste de cette assemblée.
J’en veux pour preuve votre projet de création d’un « Haut Conseil des territoires », que nous avons combattu tellement il était provocateur à l’égard du Sénat.
Permettez-moi de citer le rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, M. Dussopt : « Les sénateurs parlent d’un ″Sénat bis″. Ils n’intègrent pas la perspective de non-cumul. Mais le jour où le non-cumul sera appliqué, il faudra un lieu de concertation entre le Gouvernement et les responsables des principaux exécutifs locaux. » Quel aveu ! Comment peut-on mieux reconnaître que c’est aujourd'hui le Sénat, et le Sénat seul, qui assure cette mission qu’est la concertation ?
Mais le comble, mes chers collègues, c’est le rapport établi, au nom de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, par notre collègue Jean-Claude Peyronnet, dont nous connaissons la loyauté et que je respecte profondément. Ce rapport est intitulé Tirer les conséquences des règles de non-cumul : pour l’association des parlementaires aux commissions locales.
Permettez-moi de citer un extrait de la présentation, devant les membres de la délégation, il y a quelques semaines, de ce rapport.
« C’est cette participation à la gouvernance locale qui, seule, établit le lien entre les élus nationaux et leur territoire d’élection, lequel n’est constitué que de façon fugace par le mode de leur élection […] Les nouvelles règles de non-cumul qui englobent la totalité des exécutifs locaux vont littéralement couper les parlementaires de toute la vie locale. »
« En conséquence, les parlementaires vont se retrouver ″hors sol″ – c’est toujours votre collègue socialiste qui parle –, …
… rattachés pour la forme à un territoire en l’absence de toute compétence à exercer, sinon la satisfaction de couper des rubans et de déposer des chrysanthèmes. »
Merci, cher collègue Peyronnet, car c’est la vérité !
Et le rapporteur de proposer la création d’une conférence départementale et d’une conférence régionale des parlementaires pour les répartir dans les commissions régaliennes locales. C’est ubuesque !
Monsieur le ministre, vous avez, en première lecture, qualifié ce projet de « révolution ». Il est des révolutions qui ont des effets positifs, d’autres des effets dévastateurs. L’avenir dira ce qu’il en est de celle-ci.
En fait, le caractère « révolutionnaire » de votre projet, c’est le détournement des procédures législatives normales pour vicier un processus législatif qui ne pouvait vous permettre de réussir. Certes, vous n’êtes pas le premier ministre de l’intérieur à pratiquer cet exercice, qui relève du coup de force. « J’ai le pouvoir, rien ne m’arrêtera ! » D’où le recours totalement injustifié à une procédure dite « accélérée », en sessions extraordinaires ; mais je ne rappellerais pas, comme en première lecture, le cursus peu honorable qui a été suivi.
Quel mépris pour la démocratie parlementaire ! Le tout dans le but de laisser à l’Assemblée nationale, en faisant fi de toute notre tradition constitutionnelle, la décision sur des dispositions relatives à l’élection et au fonctionnement du Sénat, en contradiction avec les articles 24 et 46 de la Constitution.
Je ne reprendrai pas le discours du président Gaston Monnerville de 1968, ni le mot de « forfaiture ». Chacun sait ici, cela ressort assez de vos textes, que c’est de l’avenir même du bicamérisme qu’il est question ! Le Conseil économique, social et environnemental vous plaît, ses membres sont désignés et non élus, et ses rapports, souvent intéressants, ont le sort que vous voulez bien leur faire…
Oui, nous considérons que votre projet de loi viole le quatrième alinéa de l’article 46 de la Constitution, car il s’agit bien d’une loi organique relative au Sénat – à cet égard, je fais totalement miennes les excellentes observations formulées sur les plans législatif et constitutionnel par notre collègue Philippe Bas –, ce que d’ailleurs l’exécutif avait reconnu dans les deux précédents parlementaires sur les cumuls : la loi organique du 20 décembre 1985 et celle du 5 avril 2000.
Le « dissensus » entre les deux chambres est patent au regard du texte qu’a voté la commission des lois du Sénat et qui sera, je n’en doute pas, adopté de nouveau par le Sénat ce soir.
Soyons clairs, il est impossible d’interpréter le quatrième alinéa de l’article 46 sans faire référence au quatrième alinéa de l’article 24 : on constate que l’intention du constituant était clairement affirmée lorsqu’il a ajouté ce quatrième alinéa à l’article 46 de la Constitution. Il est évident que la rédaction de cet article visait à donner au Sénat un moyen de défense contre l’Assemblée nationale.
Une telle interprétation est corroborée tant par les déclarations faites en son temps par René Cassin que par le contenu du courrier adressé par le garde des sceaux Michel Debré au président du Conseil de la République Gaston Monnerville. Il lui indiquait que, parmi les dispositions qui rétablissaient l’autorité du Sénat dans la Ve République, figurait celle qui exige l’accord du Sénat pour les lois organiques le concernant.
Revenir sur ce principe, en fabriquant des textes prétendument applicables aux deux assemblées, c’est permettre inéluctablement à l’Assemblée nationale et au Gouvernement de supprimer toute disposition spécifique relative au Sénat et d’en faire une copie, un ersatz soumis, ce qui est d’ailleurs revendiqué publiquement par nombre de députés relayant un discours partisan bien connu.
Je souligne aussi que l’article 25 de la Constitution n’impose nullement un régime d’incompatibilités identique pour l’Assemblée nationale et le Sénat.
Notre excellent collègue Philippe Bas l’a justement rappelé, le projet de loi organique dont nous débattons modifie les règles relatives aux sénateurs par application d’une disposition organique relative au Sénat – l’article L.O. 297 du code électoral – et, pour modifier la partie de cette disposition organique relative au Sénat, il devrait être adopté en termes identiques par les deux assemblées.
Bien sûr, le moment où la nature de la loi organique relative au Sénat de certaines dispositions d’un projet de loi organique se décide, c’est lorsque la commission mixte paritaire est passée.
Ces derniers mois, nombre de constitutionnalistes, se rendant compte du danger que représente ce projet de loi pour l’équilibre de nos institutions – Pierre Avril, Olivier Beaud, Laurent Bouvet, Patrick Weil, Jean-Philippe Derosier et d’autres –, ont lancé des avertissements ; certains ont même écrit au Président de la République.
Mes chers collègues, le courage, c’est de ne pas transiger sur ses convictions : le texte du Gouvernement est contraire aux nôtres sur les institutions de la République, sur le bicamérisme, menaçant quant à l’existence de notre sensibilité politique profondément ancrée depuis l’origine dans le Sénat de la République, au sein duquel elle a mené tous les combats de la République, avec vous et, aujourd’hui, contre vous.
Monsieur le ministre, Gaston Monnerville répondant au Président de Gaulle en 1962, ici même, lui lançait : « Non, monsieur le Président de la République, vous n’avez pas le droit, vous le prenez ! »
Monsieur le ministre, nous ne sommes, vous et moi, ni l’un ni l’autre, encore que, pour vous, l’ambition respectable est présente et je vous souhaite de tout cœur de réussir. Mais la même phrase peut vous être adressée. Méditez-la !
C’est au nom de tout cela que, pour le Sénat et la République, mes chers collègues, je vous demande de tenir bon !
Applaudissements prolongés sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chères et chers collègues, l’adoption de ce projet de loi me paraît essentielle pour l’amélioration de la confiance des citoyens dans leurs représentants.
Or, lors de la première lecture de ce texte, les groupes du RDSE, de l’UMP et de l’Union centriste ont fait adopter des amendements laissant aux sénatrices et aux sénateurs la possibilité de conserver une fonction exécutive locale : maire, adjoint, président ou vice-président de conseil général ou de conseil régional.
J’ai donc voté contre ces amendements, qui dénaturent le texte présenté par le Gouvernement, en traitant les sénateurs différemment des députés, ce qui me paraît injustifiable juridiquement et inopportun politiquement.
Pour les mêmes raisons, j’ai voté contre le projet de loi ainsi amendé.
En deuxième lecture, la commission des lois du Sénat s’est à nouveau prononcée dans le même sens, à la majorité, un certain nombre de ses membres estimant que l’interdiction d’exercer concomitamment un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale romprait le lien de proximité entre les élus nationaux et leurs électeurs. Ils évoquent la spécificité du mandat sénatorial et demandent sa reconnaissance en s’appuyant sur l’article 24 de la Constitution, qui dispose que « le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République », ce qui justifierait, selon eux, la possibilité de cumuler une fonction exécutive locale et un mandat de sénateur.
Que faut-il en penser ?
Il paraît d’abord difficile d’invoquer la spécificité du mandat sénatorial alors que le régime des incompatibilités des sénateurs est aligné sur celui des députés
M. Jean-Jacques Hyest proteste.
Ensuite, selon l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Cela veut dire que tous les représentants agissent en fonction des prérogatives que leur confère la Constitution, au nom du peuple français. J’en tire la conclusion que tous les représentants, députés et sénateurs, jouissent de la même légitimité.
En outre, le texte soumis à notre examen autorise le cumul d’un mandat parlementaire national – ou européen, pour le second texte – avec un mandat local, départemental ou régional non exécutif. Il permet donc de maintenir le lien de proximité entre les élus nationaux et le territoire. Il en irait différemment si ce texte visait à instaurer le mandat unique. Or tel n’est pas le cas.
Enfin, il est très peu probable que le Conseil constitutionnel donne de l’article 24 de la Constitution une interprétation reconnaissant un traitement différencié pour les sénateurs. Quand bien même le ferait-il, en revenant sur sa jurisprudence constante, ce qui serait surprenant, ne serait-ce pas la voie ouverte à une restriction des compétences du Sénat, à une sorte de « relégation », le cantonnant dans l’examen des seuls textes relatifs aux collectivités locales ?
En réalité, la reconnaissance d’un traitement différencié pour les sénateurs pourrait bien se traduire, à terme, par un affaiblissement du Sénat et par l’instauration d’un bicamérisme très déséquilibré.
Eh bien, si, contrairement aux députés, les sénatrices et sénateurs ne devaient pas être concernés par les dispositions du présent texte, il est à craindre que le Sénat n’échappe pas à une très forte détérioration de son image, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir quant à son existence.
Un autre argument est parfois avancé par un certain nombre de collègues qui oublient un peu vite que la proportion d’élus en situation de cumul est plus importante à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Cet argument est celui d’une perte de poids politique du Sénat face à l’Assemblée nationale, si la Chambre haute perdait ses « grands élus ».
Mais au fait, qu’est-ce qu’un « grand élu » ? Cette notion ne dissimulerait-elle pas une logique de discrimination ?
N’est-ce pas une manière de suggérer qu’il y aurait donc aussi des « moyens » et des « petits » élus, …
… ou que les femmes et les hommes à la tête de « grands » exécutifs locaux seraient juridiquement plus importants que leurs collègues ? J’avais pourtant cru comprendre que tous les élus nationaux étaient égaux en matière de représentation de la Nation.
À mon sens, un grand élu n’est pas celui qui cumule les plus importants mandats locaux, départementaux, régionaux et nationaux ; c’est un élu pleinement investi dans le mandat ou la fonction qui lui ont été confiés par le peuple, et qui a passé, par l’élection, un « contrat moral » avec ses électeurs, garantissant son implication.
À ce stade de mon propos, qu’il me soit permis de faire remarquer que le non-cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur devrait avoir pour avantage de rendre plus lisibles pour nos concitoyens les rôles respectifs de chaque échelon territorial, en évitant les confusions habituelles sur les activités et les responsabilités des élus.
Après les lois du 30 décembre 1985 et du 5 avril 2000, qui ont permis de limiter le cumul de certaines fonctions, l’exigence démocratique nous impose aujourd’hui – j’en suis en tout cas intimement convaincu – d’interdire le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.
Cette évolution poussera sans doute, à l’avenir, à limiter le cumul des mandats et des fonctions dans le temps, …
… aspect qui figurait en bonne place dans la proposition de loi que j’avais déposée en 2006, et qui n’a, vous vous en doutez, jamais été examinée. Mais chaque chose en son temps !
Alors, mes chers collègues, face à la crise de confiance de nos concitoyens dans la représentation nationale – phénomène dont, je l’espère, vous êtes conscients –, il s’agit avant tout de préserver le pacte républicain. Voter le texte du Gouvernement, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, devrait très utilement y contribuer !
Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, passer de la limitation à une interdiction totale du cumul des mandats constitue une véritable révolution. Il faut le reconnaître, ceux qui sont très hostiles au cumul sont souvent des repentis…
… qui avaient construit toute leur carrière en cumulant justement des mandats – un président de conseil général devenant sénateur et poussant son successeur à cette fonction locale à devenir lui-même sénateur. Je pourrais vous donner de nombreux exemples !
Certains cas sont même extraordinaires : je pense à un repenti ayant exercé toutes les fonctions en même temps – Premier ministre, maire et président de communauté urbaine – et qui était contre le cumul des mandats…
Comme Philippe Bas et Jacques Mézard, j’estime qu’il ne faut pas oublier que les modifications du régime des incompatibilités ont été, à chaque fois qu’elles concernaient les sénateurs, votées par le Sénat, et jamais par l’Assemblée nationale contre le Sénat.
S’agissant des lois de 1985 et 2000, le Gouvernement a trouvé un compromis entre les points de vue différents de l’Assemblée nationale et du Sénat parce qu’il existait un risque constitutionnel.
On me rétorquera que la jurisprudence du Conseil constitutionnel a évolué. Nous verrons bien ! Un certain nombre d’arguments évoqués par Philippe Bas, notamment sur le remplacement des sénateurs, me paraissent imparables. Je ne vois pas comment on pourrait laisser les députés voter des dispositions relatives au Sénat sans son accord.
Nous aurions pu faire évoluer la législation, comme en 1985 et en 2000, et c’est d’ailleurs ce que nous proposons. Des évolutions sont en effet envisageables. Certains cumuls sont difficilement acceptables, et il vaut mieux répartir les missions locales et parlementaires. Il est nécessaire que l’on aille plus loin que ce que nous avions adopté en 2000, comme le propose le Sénat. Une telle évolution serait raisonnable. Un seul mandat local, ce n’est pas forcément celui de président de conseil général ! Si l’on est maire d’un village, je ne vois pas en quoi cela nuit à l’exercice d’un mandat parlementaire.
J’ajouterai que nous avions fait d’autres propositions. Pour ma part, j’ai cosigné une proposition de loi visant à rendre incompatibles avec un mandat parlementaire les fonctions exécutives locales au sein d’une très grande collectivité. Cette solution, qui s’inscrivait dans l’esprit de la loi de 2000, était également envisageable. Elle n’a pas été retenue.
On avance que cette interdiction du cumul était une promesse. Certaines promesses ne coûtent pas cher ! C’est le cas de celle-ci, avec laquelle on va pouvoir se payer les parlementaires et développer un peu plus l’antiparlementarisme, dont je remarque qu’il est la plupart du temps le fait des médias nationaux. On ne constate pas un tel antiparlementarisme sur le terrain local.
Il se trouve que nos concitoyens élisent volontiers ceux auxquels ils ont déjà fait confiance sur le plan local. Vous avouerez que c’est un paradoxe, mais c’est ainsi que cela se passe, notamment pour le Sénat. Et l’on voudrait l’interdire ?
Je ne dis pas que tous les élus devraient être également des élus locaux.
Je ne citerai pas de noms, mais nous avons connu, dans cette maison, d’éminents parlementaires qui ont honoré notre institution par leur compétence dans tel ou tel domaine, bien qu’ils n’aient pas été élus locaux et que le sujet des collectivités territoriales ne les ait pas vraiment intéressés.
À l’inverse, d’autres ont une expérience des collectivités locales sans être élus. Ne soyons pas rigides : exercer de véritables responsabilités dans l’administration locale, donc pas uniquement en cabinet, cela revient au même qu’être élu local !
Jacques Mézard l’a dit et d’autres avant lui, l’hostilité de l’opinion a surtout pour fondement l’impression que nous sommes des cumulards d’indemnités. Je rappelle cependant que le total des indemnités pouvant être perçues par les élus parlementaires a déjà été limité à une fois et demie l’indemnité parlementaire. De surcroît, nous avons voté, sur la proposition de Jacques Mézard et de son groupe, la suppression de toute indemnité supplémentaire pour les sénateurs qui voudraient également exercer un mandat local. Certains pratiquent cette règle depuis très longtemps, et ne s’en vexent pas pour autant, conscients qu’ils sont des priorités : l’important, c'est d’exercer un mandat local.
Certains voient aussi dans le cumul des mandats l’une des causes de l’absentéisme parlementaire.
Nous ne vivons pas tous de la même manière, chers collègues. Certains ont besoin de loisirs ; ce n’est pas mon cas ! Chacun s’organise à sa façon. Le plus important, c’est d’exercer son mandat de façon satisfaisante.
Jacques Mézard l’a dit, il a été cumulard. Et alors ? Personne, ni dans sa commune, ni dans son intercommunalité, ni ici, ne lui reproche de ne pas faire le travail. S’il fallait d’ailleurs décerner la palme de l’absentéisme, elle pourrait revenir à certains qui, bien que n’exerçant pas de mandats locaux, ne sont pas très souvent présents !
On nous fait donc un mauvais procès. Si des reproches devaient être faits, ce serait surtout à ceux qui ne sont pas là aujourd’hui, mais évidemment pas aux présents !
Sourires.
Je considère que le rôle du Sénat, qui est de représenter les collectivités territoriales, implique que ses membres puissent exercer un mandat local.
Pour ma part, je suis frappé de constater, lorsque je suis les débats sur des textes concernant les collectivités locales ou d’autres, comme celui de cet après-midi sur la ville, que l’expérience de nos collègues par ailleurs élus locaux est irremplaçable.
L’excellent rapport de Jean-Claude Peyronnet a été cité.
On ne peut pas faire mieux ! Pour avoir été parlementaire dans les deux assemblées, j’y reconnais la patte du Sénat. C’est la richesse de l’expérience des collectivités locales qui permet d’améliorer les dispositifs. Il ne sert à rien de voter des réformes si c'est pour devoir les modifier six mois plus tard !
Monsieur le ministre, votre texte soulève un problème constitutionnel. Que l’Assemblée nationale puisse avoir le dernier mot ici n’est pas du tout conforme aux règles qui ont toujours été suivies. Toutes les réformes précédentes sur les incompatibilités ont été, je le rappelle, votées par le Sénat, parce qu’elles concernaient les sénateurs.
C'est la raison pour laquelle je suivrai la position qu’ont adoptée plusieurs groupes ainsi que la commission des lois.
Au demeurant, ce n’est pas ce qui va se passer dans l’immédiat que je crains le plus : nous avons un peu de temps d’ici à 2017. Mais je ne voudrais pas que, dans quinze ou vingt ans, le Parlement ne soit plus constitué que…
Oui, mes chers collègues, je crains que le Parlement ne soit plus composé à terme que d’élus qui devront leur mandat non pas à l’élection, mais à une désignation. Et avec un peu plus de proportionnelle encore, nous verrons ce que cela donne !
C’est pourquoi je maintiens que, si l’on veut un équilibre de nos institutions, en particulier s’agissant du Parlement, il faut voter le texte proposé par la commission.
Jacques Mézard l’a très bien dit, ce qui mine les institutions de la Ve République, pourtant longtemps équilibrées, ce sont, d’une part, le quinquennat, adopté pour « faire moderne » – dans le même état d’esprit, nous avons réduit notre mandat de neuf à six ans – et, d’autre part, l’inversion du calendrier électoral.
Telle qu’elle est rédigée et appliquée aujourd'hui, notre Constitution ne respecte pas du tout l’esprit des constituants de 1958. Cela nous prépare des années difficiles pour la vie démocratique du pays !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une dépêche de l’AFP d’hier titrait : « Cumul des mandats : combat d’arrière-garde au Sénat ».
Je dois le reconnaître, entre ce qu’on lit sur le Sénat depuis quelques jours et le fait de savoir que la majorité à l’Assemblée nationale réintroduira, quoi qu’il arrive ce soir au Sénat, son propre texte en dernière lecture et refusera de prendre en compte les spécificités sénatoriales, il est difficile d’essayer de vous convaincre, monsieur le ministre, que le Sénat n’est pas et ne doit pas être un clone de l’Assemblée nationale.
Quel Parlement veut-on pour notre pays ? Veut-on un Parlement avec une majorité à la botte du Gouvernement ou un Parlement indépendant de l’exécutif ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit quand on veut interdire à tout parlementaire, y compris dans l’assemblée qui représente constitutionnellement les collectivités territoriales, d’exercer un mandat exécutif local.
Qu’est-ce qui fait la différence entre un député et un sénateur ? Outre le fait que le scrutin n’est pas le même, le sénateur a, souvent et par nature, une légitimité qui lui est propre et qu’il tient de l’exercice de responsabilités locales.
Le priver de cette possibilité d’exercer une responsabilité dans une commune, un département ou une région, c’est en faire un élu qui tiendra d’abord, comme le député, sa légitimité de son appartenance politique et qui ne disposera plus de la liberté d’esprit et de l’autonomie que lui confère son ancrage territorial par rapport aux partis qui délivrent les investitures.
Dans ces conditions, les débats au Sénat ressembleront de plus en plus à ceux de l’Assemblée nationale, opposant camp de la majorité contre camp de l’opposition, et n’apporteront pas la plus-value et l’approche du terrain, d’ailleurs souvent transversale, que beaucoup d’observateurs reconnaissent aujourd’hui comme l’un des apports majeurs du Sénat dans le processus parlementaire.
J’ajoute que, avec un corps électoral restreint par rapport à celui des députés, le sénateur qui aura perdu son ancrage territorial aura alors une légitimité beaucoup plus faible que celle des députés. On ne mettra pas longtemps alors à s’interroger sur l’intérêt de conserver une seconde chambre !
Mais, surtout, je crois que, derrière le projet du Gouvernement, se cache une volonté de réduire le Parlement.
Les exemples ne manquent pas qui montrent que la majorité est, à l’Assemblée nationale, de par le mode d’investiture des candidats aux élections législatives, beaucoup plus attentive aux souhaits du Gouvernement qu’elle ne l’est au Sénat. Il faut reconnaître que, pour un gouvernement, il est quand même bien pratique d’avoir une majorité parlementaire aux ordres !
Derrière ces projets de loi se cache donc bien un changement de régime pour notre pays. D’un régime parlementaire rationalisé, où les deux chambres débattent et émettent des positions parfois divergentes en raison de l’origine et de la légitimité différentes de leurs membres – sans pour autant bloquer la situation, puisque la majorité à l’Assemblée nationale a la possibilité d’imposer in fine ses choix –, nous allons passer à un régime où il y aura toujours deux chambres, mais qui toutes les deux seront composées du même type d’élus, dont la légitimité procédera des mêmes partis politiques et qui tiendront les mêmes discours.
Que restera-t-il alors du Sénat représentant les collectivités territoriales de la République ? Un mode de scrutin spécifique sur la forme, mais rien sur le fond.
Du débat entre le Gouvernement et le Parlement en vue d’adopter la loi, nous passerons à un Parlement d’enregistrement qui, à quelques exceptions près, votera tout ce que lui demandera l’exécutif.
Quand on se souvient des réactions de certains ténors de la majorité actuelle voilà quelques années face à la prééminence de l’exécutif sur le législatif, il y a de quoi s’étonner de cette volte-face et de cette volonté aujourd’hui affichée par les mêmes personnes de retirer aux parlementaires – sous prétexte de leur permettre d’être plus disponibles pour l’exercice de leurs fonctions – cette part de légitimité qu’ils tiennent de leur mandat local pour les rendre plus dociles envers le Gouvernement.
Certes, il est tout à fait nécessaire de mettre de l’ordre dans le cumul de certaines fonctions. Nous en sommes parfaitement conscients, et c’est pourquoi nous proposons qu’un sénateur ne puisse désormais exercer qu’un seul mandat exécutif local et que, en outre, il ne puisse pas ajouter à son indemnité parlementaire une autre indemnité. Mais lui interdire purement et simplement toute fonction exécutive locale, y compris celle de simple adjoint d’une commune de moins de 200 habitants – avouez qu’on frise là le ridicule ! –, c’est lui faire perdre ce qui fait la spécificité du Sénat et justifie le bicamérisme.
Dans ces conditions, vous le comprendrez, parce que nous sommes convaincus de l’intérêt d’avoir un Parlement composé de deux chambres, dont une qui ne soit pas dans la main du Gouvernement et fasse entendre la voix des responsables de terrain, nous ne pourrons pas suivre le Gouvernement. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’observe que ce débat se déroule dans une meilleure ambiance que la fois précédente, puisque personne n’a été l’objet de ces attaques ad hominem qui n’apportent pas grand-chose à nos échanges.
Depuis le premier examen de ce texte, en septembre dernier, l’Assemblée nationale est revenue sur un certain nombre de modifications apportées par la Haute Assemblée. J’en étais, mes chers collègues, satisfait, mais malheureusement, concernant la plus importante de ces modifications, notre commission des lois a repris la rédaction de l’article qui avait été adoptée en première lecture, prévoyant que l’interdiction du cumul des mandats s’applique aux députés, tandis que les sénateurs peuvent continuer à détenir un poste de responsabilité locale.
Je ne vous rappellerai pas l’origine du texte qui nous est présenté aujourd’hui, sauf à souligner, d’une part, qu’il correspond à un engagement pris par le candidat François Hollande lors de l’élection présidentielle, …
… – il est bon de respecter ses engagements –, et, d’autre part, que ceux qui se targuent de le soutenir pourraient éviter de le faire à géométrie variable.
Au-delà, mes chers collègues, nous sommes mis face à nos responsabilités d’élus de la République.
C’est cette responsabilité, j’en ai le sentiment profond, qui a fait défaut à certains d’entre nous, membres du bureau de notre assemblée, voici quelques jours. Ce n’est pas le moment d’évoquer ce vote que je considère comme pathétique pour notre démocratie, mais une nouvelle décision inique du Sénat, aujourd’hui, n’améliorerait ni la crédibilité ni l’image de la Haute Assemblée dans l’opinion publique ; je pense que chacun doit en être conscient.
Concernant le rééquilibrage opéré par l’Assemblée nationale, je considère qu’il est de bon sens et qu’il n’y a aucune justification à faire une différence entre parlementaires, qu’ils soient députés ou sénateurs. Qui pourrait comprendre que nous maintenions ici des exceptions pour nous-mêmes ? Si nous voulons nous engager enfin dans un processus de reconquête de la confiance de l’opinion, nous nous devons d’être exemplaires, au-delà des clivages habituels.
M. le ministre de l’intérieur faisait d’ailleurs état, dans son intervention liminaire, d’un récent sondage du Centre de recherches politiques de Sciences Po, le CEVIPOF, dont les résultats sont cruels pour l’ensemble de la classe politique.
La lutte contre l’indifférence politique et la progression de l’abstention, tout comme la lutte contre la montée des extrêmes, passe par l’exemplarité, vous le savez tous, mes chers collègues.
En conséquence, faisons preuve de volontarisme et de cohérence. Soyons audacieux et clairs dans nos engagements. Du reste, cette nécessité de limiter le cumul des mandats n’est pas nouvelle. Elle a commencé à se manifester en 1985, sous le gouvernement de Laurent Fabius, s’est confirmée quelques années plus tard sous le gouvernement de Lionel Jospin et, faut-il le rappeler, elle n’a jamais été remise en cause depuis, quelle que soit la majorité au pouvoir. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est l’aboutissement de ce long travail, mis en œuvre exclusivement par la gauche.
Par ailleurs, les lois successives de décentralisation ainsi que la multiplication des normes et des textes législatifs ont profondément modifié l’environnement de travail des élus, qu’ils soient locaux ou nationaux. Au-delà de la situation économique et sociale, l’impuissance politique parfois ressentie par nos concitoyens, même si ce sentiment est injuste, tient aussi à la difficulté, pour les élus, d’être réactifs dans ce contexte tout à fait nouveau, compte tenu de l’évolution des normes et des textes législatifs.
La nécessité d’acquérir des connaissances plus variées et plus approfondies fait que, au bout du compte, l’exercice du mandat de maire aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il était il y a trente ans.
L’environnement juridique, administratif, voire technique, demande du temps pour être appréhendé et évolue sans cesse. De ce fait, notre fonctionnement démocratique est confronté à un autre risque : celui de voir les administrations ou technostructures diverses prendre le pas sur les élus du suffrage universel. La technocratie menace en quelque sorte de prendre le pas sur la démocratie. Ce risque est bien réel quand de multiples responsabilités de présidence et de vice-présidence se conjuguent avec une fonction exécutive locale, en plus du travail parlementaire.
Certes, nous avons la chance d’avoir dans notre pays une administration, au niveau de l’État et des collectivités territoriales, particulièrement compétente et de très haut niveau. Mais elle doit rester ce qu’elle est, et c’est déjà beaucoup : un outil d’aide à la décision, rien de moins, mais rien de plus !
Nos responsabilités électives ont donc évolué, c’est incontestable, et la manière de les exercer également. Il est par conséquent logique que notre fonctionnement démocratique s’adapte. C’est le sens de la réforme proposée par le Gouvernement.
Rappelons aussi que le cumul des mandats est une spécificité très hexagonale : il est marginal chez nos voisins européens, comme cela a été rappelé tout à l’heure.
En France, près de 80 % des parlementaires détiennent un mandat local, alors que le cumul ne concerne que 24 % des parlementaires en Allemagne, 20 % en Espagne, 13 % en Italie, 6 % aux Pays-Bas et 3 % au Royaume-Uni.
Cela devrait tout de même nous interpeller ! Je ne suis pas persuadé que cette particularité soit le gage d’une plus grande disponibilité démocratique, non plus que d’une meilleure efficacité législative.
Je tiens d’ailleurs à souligner qu’il n’est pas nécessaire de cumuler pour effectuer un travail parlementaire de qualité. D’éminents sénateurs, reconnus par tous pour ce qu’ils ont pu apporter à notre République, n’ont pas exercé de mandat local significatif, ce qui ne les a pas empêchés d’être d’une particulière efficacité. Je citerai Robert Badinter, et que dire de notre éminent prédécesseur Victor Hugo, …
Sans exercer de responsabilité élective locale lorsqu’il était sénateur, il marqua bien sûr notre histoire, mais aussi l’histoire du Sénat.
J’en suis intimement persuadé, le bicamérisme est absolument indispensable à notre vie démocratique. Mais la défense du bicamérisme n’est pas la défense du conservatisme !
Pour le faire vivre, il nous faut le réformer, il nous faut le moderniser, en modifiant aussi nos méthodes de travail parlementaire, dans un monde qui exige de rapides adaptations.
C’est cette belle ambition qui doit guider nos choix présents et à venir. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter le texte qui nous est présenté aujourd’hui par le Gouvernement, afin de rompre avec une tradition devenue obsolète. Voter ce texte, c’est renforcer le Sénat, et non pas l’affaiblir ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le diagnostic est désormais établi et largement partagé : la période présente est marquée par une profonde crise de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, entre les élus et les citoyens. Cette crise se manifeste sous plusieurs formes : montée de l’abstention aux scrutins, croissance des votes extrêmes, progression d’un sentiment de rejet de la classe politique.
Dans ce contexte, l’interdiction du cumul des fonctions de parlementaire avec un mandat exécutif local est un moyen essentiel de moderniser nos institutions et de revitaliser notre démocratie. Cela a été souligné, le cumul des mandats par les parlementaires est une spécificité française. Notre pays détient même dans ce domaine le record absolu : 74, 4 % des députés français cumulent leur mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, alors qu’ils ne sont que 35 % dans ce cas en Suède, 24 % en Allemagne, 20 % en Espagne et 7 % en Italie.
Les défenseurs du cumul justifient leur position par la nécessité de l’enracinement local et de la connaissance du terrain. Selon eux, le cumul permet d’avoir un bien meilleur point de vue, grâce à la confrontation permanente avec le vécu quotidien des électeurs. Au fond, en France, les parlementaires considèrent que c’est le pouvoir exécutif concentré dans les mains d’un nombre restreint d’élus qui leur confère une légitimité. Cette vision ne correspond pas à l’expérience qui est la mienne quand je me déplace dans mon département. Désormais simple conseiller général, je ne me sens pas du tout exclu de la gouvernance locale depuis que je ne suis plus maire, ni premier vice-président du conseil général.
Du reste, les défenseurs du cumul oublient-ils qu’un parlementaire, qu’il soit député ou sénateur, représente, d’abord et avant tout, la nation une et indivisible ? N’est-il pas choquant qu’un élu, du fait qu’il exerce, en sus de son mandat national, une fonction exécutive locale, ferraille pour son territoire au détriment des autres ? N’est-il pas juge et partie ? Comment par exemple, dans ce contexte, conduire une réforme juste de la fiscalité locale, avec une péréquation plus favorable aux territoires qui ont le plus de besoins : je pense aux territoires ruraux et aux territoires de la politique de la ville ? Il est temps de mettre fin aux baronnies et au caractère oligarchique de notre démocratie !
Il est également facilement vérifiable que le cumul bloque le renouvellement de la vie politique, en concentrant les mandats exécutifs locaux entre les mains de quelques grands élus, ce qui contribue à figer le profil des élites politiques françaises. Le Parlement français est l’un des plus monochromes du monde occidental. Aussi la limitation du cumul est-elle nécessaire pour permettre l’accession aux responsabilités publiques de nouvelles générations et de nouvelles catégories socioprofessionnelles aujourd’hui tenues à l’écart de la sphère politique.
Enfin, le cumul nuit à l’intensité du travail parlementaire, puisque les parlementaires qui dirigent par ailleurs un exécutif local sont moins disponibles pour exercer effectivement et efficacement le mandat qui leur a été confié. Plus inquiétant encore, il nuit au travail local, puisqu’il amène des maires et des présidents de conseil général ou de conseil régional qui sont aussi parlementaires à déléguer au maximum à leur administration et à leur cabinet politique. C’est ainsi que certaines collectivités territoriales sont surtout gérées par des technocrates, qui font le travail de l’élu ! Cette situation n’est pas acceptable : trente ans après les premières lois de décentralisation, le mandat local est aujourd’hui un mandat à part entière, qui nécessite un investissement à temps plein.
Mes chers collègues, le monde a changé. Il est devenu complexe et distendu.
Aussi est-il nécessaire de partager les pouvoirs locaux entre plusieurs têtes, pour mieux répondre aux exigences et aux attentes locales. Au Sénat, notre rôle est de voter les lois et de contrôler l’action gouvernementale.
Pour conclure, je souhaite que ce projet de loi, pour être tout à fait opérant, soit accompagné d’une vraie réforme de notre Parlement et de nos institutions. Renforcer le pouvoir du Parlement, notamment en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques, me semble une nécessité. Notre Parlement pourrait exercer de nouvelles missions d’intérêt général et prendre ainsi toute sa place dans l’équilibre des pouvoirs.
Les défenseurs du cumul usent d’un argument que je ne peux que difficilement contester : il est exact qu’un parlementaire qui cumule plusieurs mandats exécutifs dispose, de fait, de plus de moyens pour étudier une loi ou faire remonter les demandes de son territoire. En effet, un parlementaire sans mandat local ne peut financer que l’emploi de deux assistants à temps plein, …
… du moins s’il entend les rémunérer correctement, alors qu’un sénateur maire d’une grande ville ou président de conseil général ou de conseil régional est à la tête d’effectifs et de ressources techniques pouvant être supérieurs à ceux dont disposent certains ministres. Aussi la question des moyens matériels et humains mis à la disposition des parlementaires pour accomplir leur mandat doit-elle être clairement posée.
Je vous invite, mes chers collègues, à rejeter le texte de la commission ou, tout au moins, à ne pas prendre part au vote ou à vous abstenir.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous soumettre, tout en respectant pleinement les diverses opinions qui se sont exprimées précédemment, une expression distincte et, je pense, assez isolée. En effet, je ne me reconnais ni dans la proposition du Gouvernement ni dans celle de la commission : je m’abstiendrai, parce qu’aucune ne me paraît satisfaisante au regard des enjeux. Je crois aussi que la réflexion sur ces sujets se poursuivra et qu’il n’est pas inutile de prendre date.
Car l’enjeu, c’est le rôle et l’identité du Parlement dans les décennies à venir et c’est la conception du mandat parlementaire pour les prochaines générations. Je parle du Parlement car, pour ma part, je ne suis absolument pas convaincu de la pertinence d’une différenciation entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Dans la conception française, qui est totalement distincte de celle des pays fédéraux, le bicamérisme permet une double représentation du peuple français. Il en est ainsi depuis la naissance du débat sur le bicamérisme, depuis Sieyès et quelques autres, bien avant la Constitution de 1875.
L’Assemblée nationale et le Sénat assurent tous deux la représentation globale du peuple français. Le Sénat se distingue seulement par une modalité d’élection indirecte, qui ne le prive pas de cette fonction. Certes, le Sénat a pour singularité d’assurer la représentation des collectivités territoriales, mais sa mission institutionnelle ne se résume pas à cela.
Voilà quelques décennies que j’observe la vie publique et que j’y participe. Aujourd'hui – ce n’était pas forcément le cas il y a une ou deux générations –, l’association d’une fonction exécutive locale et d’un mandat parlementaire a acquis à mes yeux deux caractères positifs essentiels, qui ne tiennent pas à la vocation particulière du Sénat à légiférer sur les collectivités territoriales.
Le premier avantage que je vois à cette combinaison d’une fonction exécutive locale et d’un mandat parlementaire, c’est l’outil extraordinaire d’information et de formation permanente qu’apporte au parlementaire le mandat local pour l’exercice de sa mission fondamentale, qui est de réfléchir aux conditions d’application de la législation qu’il vote et au fonctionnement des services publics qu’il est amené à apprécier au titre de sa mission de contrôle du Gouvernement.
Nous avons tous en tête de multiples exemples de cet apport de connaissances concrètes dont bénéficient des gens qui n’étaient pas, au départ, des professionnels de la gestion publique ; beaucoup de collègues en ont cité.
Pour ce qui me concerne, les fortunes de la vie ont fait que j’ai pu exercer mon mandat de parlementaire au nom du peuple français, en ayant par ailleurs une expérience directe de la gestion publique. Toutefois, je pense à tous les parlementaires venus d’autres horizons, et qui ont tous, évidemment, le même droit au vote et à la réflexion sur la législation : il faut bien qu’ils acquièrent la compréhension des effets de la législation par un autre biais que celui d’une formation universitaire initiale.
Hélas, cet effet vertueux de l’exercice de responsabilités locales disparaîtra. Le Gouvernement en est conscient, d’autant qu’une proportion substantielle de ses membres ont bénéficié de cette double expérience, pour avoir été, par le passé, à la fois des parlementaires éminents et des gestionnaires de fonctions exécutives locales tout à fait actifs ; le ministre qui représente le Gouvernement aujourd'hui au Sénat illustre bien ce cas. Dès lors, le Gouvernement nous a amenés à un compromis : il est proposé que les parlementaires puissent conserver un mandat non exécutif. Néanmoins, je considère ce compromis insuffisant, car il n’offrira pas les mêmes avantages. Je ne détaille pas ce point, mais je suis convaincu qu’un autre compromis était possible : celui consistant en la limitation du cumul à un unique mandat exécutif, en excluant la présidence des collectivités les plus importantes, et sans cumul d’indemnités.
Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard approuvent.
La détention d’un mandat exécutif local présente un second avantage pour les parlementaires : elle permet de diversifier, d’« aérer » le recrutement social et politique du Parlement.
Car comment se déroule le parcours d’accès à la représentation nationale, qui est le résultat d’une concurrence politique et humaine ?
Notre Parlement est territorialisé depuis l’origine. C’est le fond de notre tradition, à laquelle beaucoup tiennent ici. Les députés sont élus par circonscription et les sénateurs à l’échelon départemental, ce qui permet un rapport de proximité. Ainsi, les parlementaires représentent la souveraineté nationale, l’ensemble du peuple français, tout en étant enracinés dans un territoire.
Dans le même temps, aux termes de la Constitution, le Parlement est élu par le truchement de partis et de groupements politiques.
Mais, instruits par l’expérience, nous savons tous comment s’opère le choix au sein des partis, comment se régule la concurrence entre les ambitions individuelles, entre les prétendants aux mandats électifs à l’intérieur d’une formation ou d’une mouvance politique. Il existe deux moyens de valoriser sa candidature : par la parole et la tactique, ou par l’action et l’expérience.
Si nous rendons, pour l’avenir, incompatibles la détention d’un mandat parlementaire et l’exercice d’une fonction exécutive locale, l’habileté politique ou la parole au sein de l’organisation politique l’emportera massivement, dans la compétition pour l’accès au Parlement, sur l’exercice concret de responsabilités et le service rendu aux citoyens.
Par conséquent, l’équilibre qui a permis au personnel politique de bénéficier d’une forme d’indépendance, d’autonomie et au débat parlementaire d’atteindre sa richesse, sera rompu. Le Parlement sera constitué d’élus de moins en moins en prise avec les réalités sur lesquelles ils vont légiférer…
… et de plus en plus soumis à des situations de surenchère au sein de leur propre organisation politique.
Je veux insister sur l’appauvrissement du travail législatif et du travail de contrôle qui risque fortement d’en résulter, au moment où se développe un réexamen critique de notre législation, à la lumière de l’impératif de simplification et des comparaisons internationales, pour apprécier si notre production normative répond aux exigences de la société française et de son orientation vers l’avenir. Ma conviction est que, en privant le débat parlementaire de l’apport de personnes qui sont devenues des professionnels de la gestion publique au travers de leur expérience de terrain, nous allons accentuer les difficultés.
Pour terminer, je veux répondre à l’argument selon lequel la fin du cumul permettrait de réduire l’absentéisme parlementaire.
Mes chers collègues, nous qui avons tous quelque connaissance de la vie politique, nous savons que c’est une complète illusion ! Puisque notre Parlement restera territorial, les candidats aux mandats parlementaires devront se faire reconnaître localement, être identifiés… L’exigence de la survie politique obligera les députés et les sénateurs non détenteurs de mandats exécutifs locaux à travailler deux fois plus localement pour obtenir la reconnaissance…
… et l’adhésion du public, par l’exercice de la parole et non plus par l’action.
Dès lors, les députés et les sénateurs se rabattront sur une expression politique de plus en plus tribunicienne, de plus en plus tournée vers le verbalisme.
Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.
Peut-être les parlementaires seront-ils un peu plus présents à Paris : chacun s’attachera à développer sa notoriété, pour sortir de l’anonymat parmi les 925 numéros que nous sommes… Dans ces conditions, la multiplication des éclats, pas toujours subtils et uniquement destinés à sortir de l’ombre, deviendra de plus en plus le fond du paysage de la vie politique.
Il n’y aura pas non plus de gain sur l'exercice des mandats locaux : c'est une autre illusion ! Si l’on prend en compte les mairies d'une certaine importance, les vice-présidences et les présidences des conseils généraux et des conseils régionaux, cela représente entre 4 000 et 5 000 fonctions. Or, il ne s'en trouve pas plus de 15 % qui sont exercées par les parlementaires. Ceux qui exercent ces fonctions sans être parlementaires sont-ils plus disponibles, plus présents ? Non, dans la mesure où, nous le savons par expérience, ils mènent de front leur mandat exécutif local et une activité professionnelle. Dès lors, sauf à ce que les mandats exécutifs locaux ne soient détenus que par des rentiers et des retraités, nous retrouverons les mêmes problèmes de disponibilité.
La conception du mandat exécutif local en France est celle d'une fonction à temps partiel. Ce n’est que par exception – les statistiques de l'écrêtement le montrent – que l'on rencontre des élus locaux à temps plein. La grande majorité d'entre eux ont en même temps une activité professionnelle. Il ne faut donc pas se bercer d'illusions en pensant que la fin de la possibilité du cumul avec un mandat parlementaire rendra les élus locaux plus disponibles. Je ne souhaite d’ailleurs pas que l'on bascule vers une professionnalisation totale.
Sur ce dossier, le Président de la République et le Gouvernement ont constaté que la société exerçait une pression, que le slogan faisait recette. Connaissant aussi bien que nous ce qui se cache derrière les slogans – l'antiparlementarisme et le rejet du personnel politique –, ils ont malgré tout choisi de suivre le vent… Étant en profond accord avec ce gouvernement, je le regrette, car je crois que, avec cette réforme, nous poursuivrons l'affaiblissement de notre Parlement, …
… en accentuant ses côtés versatiles et en l’orientant encore plus vers la politique spectacle. Nous verrons, dans quelques années, quel sera le résultat : le discrédit dont souffrent nos assemblées ne refluera pas.
Je préfère m'abstenir devant ce choix non satisfaisant et exprimer l'espoir que nous agirons à l’avenir de façon plus réfléchie et plus constructive pour restaurer l'autorité du Parlement. §
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai jamais manifesté aucun mépris envers le Sénat, contrairement à ce que j'ai pu entendre dire tout à l'heure. C'est un reproche que je n’accepte pas : le temps que j’ai passé ici à travailler avec vous sur des textes tels que les projets de loi relatifs à la lutte contre le terrorisme ou au séjour des étrangers, mon attitude sont la démonstration qu’il est infondé.
Je n’ai jamais non plus cherché à entretenir une confusion entre cumul des mandats et cumul des indemnités. J’en connais le fond démagogique. À cet égard, les propositions qui ont été faites vont dans le bon sens.
Il s’agit en effet de tenir un engagement du Président de la République, pris après un long débat au sein de notre formation politique. Je rappelle d'ailleurs que Nicolas Sarkozy s'était lui-même un temps interrogé sur ce sujet, peut-être par souci de l’opinion.
Je m'étonne des critiques portant sur le rôle des organisations politiques, surtout quand elles émanent de membres de l'un des plus vieux partis de ce pays…
Alain Richard a posé une vraie question : à quoi tient le discrédit actuel de la vie politique ? Les raisons de ce discrédit sont certainement multiples, mais, sur le fond, au-delà du sentiment de l’opinion, la question de l’interdiction du cumul des mandats est posée depuis longtemps, et il fallait y apporter une réponse. Le Parlement en débat depuis maintenant six mois. De ce point de vue, le Sénat, comme l’Assemblée nationale, n’a pas été maltraité.
Les réflexions menées sur le rôle des élus et du Parlement dans un monde qui a beaucoup changé avec la globalisation économique, l’accroissement du rôle de l'Union européenne, la décentralisation, sont passionnantes.
L'on peut être ou non d'accord avec les mesures que nous avons fait voter, mais j’ai la conviction que le changement du mode de scrutin départemental, avec notamment l'obligation de la parité et des modifications importantes en termes d'équilibre démographique dues aux règles fixées par le Conseil constitutionnel, la désignation au suffrage direct des responsables des intercommunalités, le non-cumul des mandats changeront les pratiques en profondeur. À cela s’ajoutent encore les engagements que vient de prendre le Président de la République concernant l'avenir de la décentralisation.
Alain Richard a raison, dresser un bilan s'imposera dans quelques années, mais les parcours politiques, locaux ou nationaux, et donc le rôle des collectivités territoriales et du Parlement, vont évoluer. Ce changement, il ne faut pas en avoir peur. D'autres pays l’avaient entrepris avant nous, et c'est maintenant au tour de nos assemblées : elles seront beaucoup plus paritaires, et il n’y aura plus de cumul.
La démocratie s'en portera-t-elle plus mal ? Je ne le crois pas. Les pays du nord de l'Europe se sont engagés avant nous dans cette voie. Bien sûr, je sais les particularismes de la France, son histoire, ses pratiques politiques, son césarisme, mais ne condamnons pas ce que nous sommes en train de faire avant de l’avoir mis en pratique, même si, encore une fois, le renouvellement de la vie politique et la réponse à la crise de confiance envers la classe politique qu’évoquait à l'instant Yannick Vaugrenard, faisant référence à l’étude du CEVIPOF, ne relèvent pas uniquement de l’interdiction du cumul des mandats.
Ma conviction profonde est que l’on ne reviendra pas sur le choix du non-cumul des mandats. Cela ne signifie pas que des interrogations ne subsistent pas sur le rôle de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur leurs pratiques, sur leur ordre du jour, sur la session unique…
M. Philippe Bas a estimé que l’Assemblée nationale ne peut avoir le dernier mot, car ce texte est relatif au Sénat. C'est un débat que nous avons déjà eu. Le Gouvernement a choisi d'appliquer, dans le respect de la Constitution, un même régime d'incompatibilité aux députés et aux sénateurs. Le Conseil constitutionnel tranchera, car il y aura bien une saisine…
Pour la loi organique, il n’en sera, en effet, même pas besoin : nous sommes d'accord.
Cela étant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant les lois organiques relatives au Sénat conforte notre position. Je vous renvoie notamment à la décision du 12 avril 2011, dont le commentaire énonce qu’une loi relative au Sénat est une loi qui lui est propre. Tel n’est pas le cas d'une loi dont les dispositions concernent de façon identique les deux assemblées.
Sur ce point, nous ne sommes d'accord ni avec M. Mézard, ni avec M. Hyest, ni avec M. Bas. Je regrette de n’avoir pas su les convaincre du bien-fondé de cette réforme indispensable, mais, quoi qu’il en soit, les députés pourront se prononcer définitivement sur ce texte dès la semaine prochaine.
Certes, le Sénat représente les collectivités territoriales, y compris par son mode d'élection. Pour autant, l’article 24 de la Constitution implique non pas que les sénateurs soient des élus locaux, mais qu’ils soient élus par un collège essentiellement – mais non exclusivement – constitué d'élus locaux. Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, près d'un quart d'entre vous ne détiennent pas de mandat local. Ceux-là sont-ils moins sénateurs que les autres ? Non !
De ce point de vue, nous verrons sans doute, dans les années à venir, des maires ou des présidents de conseil général décider, sans avoir été sanctionnés par le suffrage universel, de renoncer à ces fonctions pour faire bénéficier le Parlement de leur expérience à la tête d'une collectivité territoriale.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la conviction à la fois ferme et sereine qui est la mienne. Oui, monsieur Mézard, c'est là une révolution qui nous oppose de manière très républicaine, sans cynisme, sans mépris. Nous sommes en train de changer les pratiques, et c'est l'honneur du Gouvernement, de ceux qui le soutiennent et de ceux qui le combattent de faire avancer chaque jour un peu plus notre démocratie. §
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements ou articles additionnels remettant en cause les articles adoptés conformes ou sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
I. –
Non modifié
« Art. L.O. 141 -1. – Le mandat de député est incompatible avec :
« 1° Les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire ;
« 2° Les fonctions de président et de vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale ;
« 3° Les fonctions de président et de vice-président de conseil départemental ;
« 4° Les fonctions de président et de vice-président de conseil régional ;
« 4° bis Les fonctions de président et de vice-président d’un syndicat mixte ;
« 5° Les fonctions de président, de membre du conseil exécutif de Corse et de président de l’assemblée de Corse ;
« 6° Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique ; de président et de membre du conseil exécutif de Martinique ;
« 7° Les fonctions de président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président d’une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ;
« 8° Les fonctions de président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Polynésie française ; de président et de vice-président de l’assemblée de la Polynésie française ;
« 9° Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;
« 10° Les fonctions de président et de vice-président du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ; de membre du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
« 11° Les fonctions de président et de vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;
« 12°
Supprimé
« 13° Les fonctions de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du Bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.
« Tant qu’il n’est pas mis fin, dans les conditions prévues au II de l’article L.O. 151, à une incompatibilité mentionnée au présent article, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire. »
II. – L’article L.O. 297 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 297. – Sauf exceptions prévues au présent chapitre, les dispositions régissant les incompatibilités des députés sont applicables aux sénateurs.
« Le mandat de sénateur est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats ou fonctions énumérés ci-après :
« 1° Maire, maire d’arrondissement, maire délégué ou adjoint au maire ;
« 2° Président ou vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale ;
« 3° Président ou vice-président de conseil départemental ;
« 4° Président ou vice-président de conseil régional ;
« 5° Président ou vice-président d’un syndicat mixte ;
« 6° Président, membre du conseil exécutif de Corse ou président de l’Assemblée de Corse ;
« 7° Président ou vice-président de l’Assemblée de Guyane ou de l’Assemblée de Martinique ; président ou membre du conseil exécutif de Martinique ;
« 8° Président, vice-président ou membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; président ou vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie ; président ou vice-président d’une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ;
« 9° Président, vice-président ou membre du gouvernement de la Polynésie française ; président ou vice-président de l’assemblée de la Polynésie française ;
« 10° Président ou vice-président de l’Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;
« 11° Président ou vice-président du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ; membre du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
« 12° Président ou vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;
« 13° Président ou vice-président de société d’économie mixte ;
« 14° Président de l’Assemblée des Français de l’étranger, membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger ou vice-président de conseil consulaire. »
Interdire le cumul d’un mandat national avec une fonction exécutive locale, c’est, nous dit-on, aller dans le sens de l’histoire, celui de la démocratie radieuse, par la mobilisation des parlementaires sur leur tâche de législateur. C’est, en un mot, « vivifier la vie politique »… Ça, c’est la version pour enfants !
D’abord, si l’activité réelle des parlementaires était une préoccupation pour le Gouvernement, pourquoi, lors de la discussion de la loi sur la transparence de la vie publique, celui-ci s’est-il opposé à la publication régulière de cette activité par leurs assemblées, alors que la publication du patrimoine des parlementaires a été instaurée ? Ce qu’ils font est-il moins important que ce qu’ils possèdent ?
Ajoutons que ni les études connues ni l’observation ne permettent d’établir une corrélation entre l’activité d’un parlementaire et l’exercice de mandats locaux dès lors que leur nombre est limité.
Après la version pour enfants, voici celle pour adultes, nettement moins édifiante.
Outre une opération de communication laissant croire qu’on lave plus blanc, sans rien laver, ce texte vise d’abord à substituer des « parachutistes » aux « cumulards », en remplaçant des parlementaires élus grâce à leur assise locale personnelle par des parlementaires entièrement dépendants des partis auxquels ils appartiennent, dépendants de « firmes », pour reprendre une expression employée par certains, dont le caractère non démocratique du fonctionnement est un secret de polichinelle. Ne doutons pas que les rejoindront demain les mandataires de l’oligarchie de l’argent et des médias, comme l’Italie de Berlusconi nous en a donné l’avant-goût.
Il y a plus d’un siècle, Robert Michels, dans un texte célèbre, diagnostiquait déjà « la maladie oligarchique des partis démocratiques », avant de succomber lui-même à l’appel du chef. Sous la Ve République finissante, ces partis sont organisés en oligarchies tempérées par la lutte des clans qui les composent. L’élaboration de ce projet de loi est selon moi un épisode de cette lutte des clans pour le pouvoir.
Si l’on voulait vraiment soigner la maladie de langueur dont souffre notre système politique, on s’attacherait à rapprocher les citoyens de ceux qui les représentent plutôt que de les en éloigner. L’exemple des élections européennes, où les cumulards sont nettement moins nombreux parmi les candidats labélisés que les recalés du suffrage universel, est particulièrement édifiant, et nous n’avons encore pas tout vu. Est-ce donc le modèle pour demain ?
Si l’on voulait vraiment soigner la maladie de langueur dont souffre notre démocratie, on s’occuperait plutôt d’établir une véritable séparation des pouvoirs. Plutôt que d’augmenter la dépendance des parlementaires à l’égard de tous autres que leurs électeurs, on s’emploierait à la réduire.
La pratique constante des institutions, l’inversion du calendrier électoral voulue par Jacques Chirac et Lionel Jospin ont progressivement transformé notre « parlementarisme rationalisé » en un régime où Gouvernement et Parlement sont devenus de simples exécutants des volontés de l’Élysée, où se concentre le pouvoir. Dès lors, toute résistance aux vœux de l’exécutif est une atteinte au sens de l’histoire, sens de l’histoire dont le Président de le République désigne désormais la ligne d’horizon.
Les parlementaires consacreront plus de temps à faire la loi, nous dit-on. Mais que signifie aujourd’hui « faire la loi » ? À quelques exceptions près – et c’est précisément ces exceptions que l’on entend faire cesser –, il s’agit, pour la majorité, d’enregistrer, et, pour l’opposition, de faire passer de temps à autre un sous-amendement que le Gouvernement consent à accepter après trois heures de discussion, quand par extraordinaire il n’a pas été déclaré irrecevable !
Et parce que c’est au Sénat que les manifestations d’indépendance sont les plus nombreuses, c’est lui qui pâtira le plus de cette nouvelle « modernisation ».
Il y a bicamérisme parce qu’une des chambres, le Sénat, « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Aux termes du projet de loi, seront exclus du pouvoir de représentation des collectivités celles et ceux qui en connaissent le mieux les problèmes et le fonctionnement ! Toutes les arguties juridiques que l’on voudra avancer ne changeront rien à ce fait.
Le Sénat y perdra une part essentielle de son rôle, que l’on confiera – car le projet n’a été que temporairement abandonné – à un Haut Conseil des territoires consultatif, nettement plus conciliant. Plutôt que d’exécuter proprement le Sénat par voie référendaire, comme ce fut tenté dans le passé, on le videra donc de sa spécificité et de sa substance ; s’agissant des collectivités territoriales en particulier, il sera relégué au rôle de chambre d’enregistrement de décisions prises ailleurs, par un Haut Conseil des territoires disposant d’un pouvoir d’initiative.
À cela, à l’évidence, le prochain article est une réponse. C’est pourquoi nous le voterons !
Applaudissements sur les travées du RDSE.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa et Blandin, MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé et Mme Bouchoux, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
tout autre fonction ou mandat électifs, à l’exception du mandat de conseiller municipal. Il est incompatible avec
II. – Alinéas 5 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Ai-je été désignée par une firme, moi qui sillonne la Seine-et-Marne depuis plus de vingt ans ? Je suis sans doute aussi présente sur le terrain que la majorité d’entre vous et j’ai participé à de nombreuses campagnes électorales. J’ai été désignée par les membres d’un parti qui m’ont fait l’honneur de considérer que j’étais la candidate la plus légitime, compte tenu du travail que j’ai effectué durant plus de vingt ans.
Le présent amendement vise à interdire le cumul du mandat de député ou de sénateur avec celui de conseiller départemental ou de conseiller régional. Lorsque j’étais conseillère régionale, je passais presque autant de temps hors de mon foyer, à parcourir la région, pour siéger au conseil d’administration d’un lycée, à celui d’une base de loisirs, au conseil départemental de l’accès au droit, que depuis que je suis sénatrice… J’ai expérimenté la difficulté de cumuler le mandat de conseillère régionale avec une autre fonction. Il en va de même pour les conseillers départementaux, qui représenteront un vaste territoire.
Nous vous invitons, mes chers collègues, à aller un peu plus loin en matière de non-cumul des mandats.
Cet amendement vise à instaurer une incompatibilité entre le mandat parlementaire et les autres mandats électoraux ou fonctions électives, à l’exclusion du simple mandat de conseiller municipal. Il s’agit en fait de se rapprocher du mandat unique.
Comme vous le savez, madame Lipietz, la commission a émis à une très large majorité un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 9 rectifié est présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 18 à 34
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 2.
Par cet amendement, le Gouvernement souhaite rétablir les mêmes incompatibilités, à savoir l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale, pour les députés et les sénateurs. Vous comprendrez que le Gouvernement défende le cœur même de son texte !
La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
Le cumul des mandats pose non seulement un problème de temps, mais aussi un problème de mélange des genres.
Lorsque l’on exerce des fonctions exécutives locales, on élabore des normes applicables à l’échelle de sa collectivité. Lorsque l’on est parlementaire, on élabore « la » norme. Si l’on cumule un mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale, cela peut mener à une confusion et à des incompréhensions au sein même du Parlement. Ainsi, nous avons examiné récemment le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : qui doit décider du devenir des collectivités territoriales, de leur éventuelle fusion ou transformation en métropole ? Les élus des collectivités concernées, au risque de faire passer l’intérêt local avant l’intérêt général ?
Par ailleurs, les électeurs doivent savoir pour qui ils votent. On nous dit que ce sont les électeurs qui choisissent de voter pour des candidats cumulant les fonctions, mais leur a-t-on réellement donné un choix ? Leur a-t-on donné la possibilité de voter pour un candidat qui ne cumule pas ?
Même avec le scrutin de liste, les grands électeurs ont-ils réellement la possibilité de choisir ?
Pour une fois, je soutiens un amendement de M. le ministre de l’intérieur !
Ces amendements identiques présentés par le Gouvernement et par Mme Lipietz visent à rétablir la rédaction de l’article 1er du projet de loi organique dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Concrètement, ils tendent à supprimer le régime d’incompatibilité propre aux sénateurs, et ainsi à rétablir l’identité des régimes d’incompatibilité entre députés et sénateurs.
Comme vous le savez, à titre personnel, je souscris à la position défendue par les auteurs de ces deux amendements, car il me semble nécessaire de maintenir l’identité du régime instauré en 1958, qui rend compte de la vocation de chacune des chambres à traiter de l’ensemble des questions.
Cependant, ces amendements contredisent la position de la commission des lois en revenant sur la spécificité sénatoriale, qui a été défendue par la majorité de nos collègues. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 2 et 9 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe UMP, l'autre du groupe du RDSE.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 112 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe UMP, l'autre du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
(Non modifié)
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa des articles L.O. 137 et L.O. 137-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il ne perçoit que l’indemnité attachée au dernier mandat acquis. » ;
2° L’article L.O. 141 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tant qu’il n’est pas mis fin, dans les conditions prévues au I de l’article L.O. 151, à l’incompatibilité mentionnée au premier alinéa du présent article, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire et l’indemnité attachée à un autre de ses mandats de son choix. » –
Adopté.
(Non modifié)
Après le 6° de l’article L.O. 146 du même code, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Les sociétés d’économie mixte. » –
Adopté.
(Non modifié)
Après l’article L.O. 147 du même code, il est inséré un article L.O. 147-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 147 -1. – Le mandat de député est incompatible avec les fonctions de président et de vice-président :
« 1° Du conseil d’administration d’un établissement public local ;
« 2° Du conseil d’administration du Centre national de la fonction publique territoriale ou d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale ;
« 3° Du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale ;
« 4° Du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société publique locale ou d’une société publique locale d’aménagement ;
« 5° D’un organisme d’habitations à loyer modéré. »
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L.O. 147-1. – Le mandat de député est incompatible avec les fonctions de président, de vice-président et de membre :
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Cet amendement vise à revenir à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, en réintégrant la qualité de membre du conseil d’administration ou du conseil de surveillance des organismes visés à la liste des incompatibilités mentionnées à l’article L.O. 147-1 nouveau du code électoral.
Notre collègue souhaite revenir sur une modification du dispositif adoptée par l’Assemblée nationale que la commission juge positive.
Les députés, en première lecture, avaient souhaité interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec les fonctions de président, de vice-président ou de membre des organismes dérivés visés.
En deuxième lecture, sur l’initiative de son rapporteur, l’Assemblée nationale n’a plus retenu que l’incompatibilité du cumul du mandat de parlementaire avec les fonctions de président ou de vice-président, les parlementaires pouvant rester membres de ces organismes dérivés.
L’avis de la commission est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1er ter est adopté.
(Non modifié)
I. – L’article L.O. 148 du même code est abrogé.
II. – Au premier alinéa de l’article L.O. 151-1 du même code, la référence : « L.O. 148 » est remplacée par la référence : « L.O. 147-1 ». –
Adopté.
I. – Le premier alinéa de l’article L.O. 176 du code électoral est ainsi rédigé :
« Sous réserve du second alinéa du présent article, les députés dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l’annulation de l’élection, la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136-1, la prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144, la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles L.O. 137, L.O. 137-1, L.O. 141 ou L.O. 141-1 ou la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136 sont remplacés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. »
II. – Le premier alinéa de l’article L.O. 178 du même code est ainsi rédigé :
« En cas d’annulation des opérations électorales, de vacance causée par la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136-1, de prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144, par la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles L.O. 137, L.O. 137-1, L.O. 141 ou L.O. 141-1 ou par la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136, ou lorsque le remplacement prévu à l’article L.O. 176 ne peut plus être effectué, il est procédé à des élections partielles dans un délai de trois mois. »
III. –
Supprimé
IV. –
Non modifié
L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
, la prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144
II. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
, de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144
La parole est à M. le ministre.
Nous avons déjà eu ce débat lors de la précédente lecture.
Cet amendement vise à rétablir les règles de remplacement des parlementaires chargés par le Gouvernement d’une mission temporaire dépassant le délai de six mois prévu par l’article L.O. 144 du code électoral.
Proposer de procéder à une élection partielle au lieu de remplacer le parlementaire concerné par son suppléant, comme le fait la commission des lois du Sénat, repose sur l’idée selon laquelle le Gouvernement provoquerait volontairement le départ d’un parlementaire à l’issue du délai de six mois à seule fin de le faire remplacer par son suppléant. Les missions confiées par le Gouvernement ne seraient donc qu’un prétexte à cette manœuvre. Telle n’est pas la conception du Gouvernement. Ce dispositif répond à de véritables enjeux d’intérêt général et vise à permettre de mener un travail de fond.
Cet amendement vise à rétablir le droit en vigueur, aux termes duquel un député dont la mission temporaire confiée par le Gouvernement est prolongée au-delà de six mois doit être remplacé par son suppléant.
Le Sénat avait souhaité, en première lecture, faire évoluer le droit sur ce point précis et prévu que, dans une telle hypothèse, il serait désormais nécessaire de procéder à une élection partielle.
La commission est défavorable à cet amendement, qui va à l’encontre de sa position unanime.
Notre groupe est à l’origine de cet amendement.
J’entends avec satisfaction M. le ministre nous expliquer que jamais, au grand jamais, aucun gouvernement ne se livrerait à de telles manœuvres…
Je vous remercie de cet aveu, monsieur le ministre ! Transparence et cohérence doivent aller de pair.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 114 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les députées ont le droit de bénéficier d’un congé de maternité défini aux articles L. 1225-17 à L. 1225-23 du code du travail dans des conditions prévues par les règlements des assemblées. Les députées qui bénéficient d’un congé de maternité peuvent être remplacées pendant la durée du congé de maternité par les personnes élues en même temps qu’elles à cet effet. Ces suppléants ne bénéficient d’aucune indemnité. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 8 rectifié.
J’appelle donc en discussion l'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les députés ont le droit de bénéficier d’un congé parental d’éducation défini aux articles L. 1225-47 à L. 1225-53 du code du travail dans des conditions prévues par les règlements des assemblées. Les députés qui bénéficient d’un congé parental d’éducation peuvent être remplacés pendant la durée de ce congé par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. Ces suppléants ne bénéficient d’aucune indemnité. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Ces amendements visent à tirer les conséquences de l’évolution prévisible de la composition de nos assemblées, qui vont nécessairement se féminiser et, sans doute, se rajeunir.
Nous souhaitons donner aux parlementaires « en chemin de famille », comme disent les Poitevins, la possibilité de bénéficier d’un congé de maternité, ainsi que leur ouvrir le droit à un congé parental d’éducation.
Ces dispositions sont un peu éloignées de l’objet de ce projet de loi organique, mais il me semble important d’attirer l’attention du Gouvernement sur un problème qui ne manquera pas de se poser. Cela étant fait, je retire les amendements.
Les amendements n° 7 rectifié et 8 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir ce paragraphe dans la rédaction suivante :
III. - Le premier alinéa de l’article L.O. 319 du même code est ainsi rédigé :
« Sous réserve du second alinéa du présent article, les sénateurs élus au scrutin majoritaire dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l’annulation de l’élection, la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136-1, la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles L.O. 137, L.O. 137-1, L.O. 141 ou L.O. 141-1 ou la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136 sont remplacés par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. »
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement du Gouvernement déposé à l’article 1er, qui tend à rétablir les dispositions relatives au remplacement des sénateurs optant pour leur fonction exécutive locale.
L’amendement n° 14, présenté par M. Sutour, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir ce paragraphe dans la rédaction suivante :
III. – Le premier alinéa de l’article L.O. 319 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le mot : « décès, » est remplacé par les mots : « décès ou » ;
2° Les mots : « ou de prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement » sont supprimés.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 4.
Par cohérence avec les votes intervenus en commission, l’amendement n° 14 tend à procéder à deux modifications.
Premièrement, par coordination avec la modification introduite par la commission s’agissant du remplacement des députés, le I de l’amendement tend à supprimer le recours au suppléant pour le remplacement du sénateur élu au scrutin majoritaire dont le mandat cesserait à la suite de la prolongation au-delà de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement, conformément à l’article L.O. 144 du code électoral.
Deuxièmement, par coordination avec la suppression de la nouvelle rédaction de l’article L.O. 319, le II de l’amendement vise à supprimer la nouvelle rédaction de l’article L.O. 322 introduite par le IV de l’article 3.
Par voie de conséquence, la commission est défavorable à l’amendement n° 4.
De manière tout aussi logique, le Gouvernement est défavorable à cet amendement !
Je mets aux voix l’amendement n° 4.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe UMP, l’autre du groupe du RDSE.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
L’amendement est adopté.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe UMP, l’autre du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Après le mot : « base », la fin du dernier alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement est supprimée. –
Adopté.
L’amendement n° 1, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
ou de sénateur
par les mots :
et limitant à une seule fonction exécutive locale le cumul avec le mandat de sénateur
La parole est à M. Jacques Mézard.
Il s’agit d’un amendement de coordination, qui a déjà été adopté par le Sénat en première lecture.
Cet amendement tire les conséquences du vote intervenu en commission la semaine dernière. La commission y est donc favorable.
L’amendement n’est pas adopté.
Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, dans le texte de la commission, modifié.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements ou articles additionnels remettant en cause les articles adoptés conformes ou sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
(Suppression maintenue)
(Suppression maintenue)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article L. 231 du code électoral est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d'un an » ;
2° Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° Les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d'un établissement public de coopération intercommunale ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de membre du cabinet du président, du président de l'assemblée, du président du conseil exécutif, du maire ou du président d'un établissement public de coopération intercommunale ; ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
Cet amendement vise à rétablir l’article 1er B, qui avait été adopté par le Sénat en première lecture.
Une véritable modernisation de notre démocratie aurait consisté à traiter la question de l’égalité d’accès aux fonctions électives. Pour ce faire, le présent amendement reprend les dispositions adoptées à deux reprises par le Sénat, tendant à étendre aux collaborateurs de cabinet des exécutifs locaux les règles d’inéligibilité aux élections locales dans le ressort où ils travaillent ou ont travaillé. Il y va de l’égalité des candidats devant les électeurs.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 3122-3 est ainsi rédigé :
« Les fonctions de président d’un conseil général et de vice-président d’un conseil général sont incompatibles avec les fonctions suivantes : président d’un conseil régional, vice-président d’un conseil régional, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, président d’un établissement public de coopération intercommunale, vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 4133-3 est ainsi rédigé :
« Les fonctions de président d’un conseil régional ou de vice-président d’un conseil régional sont incompatibles avec les fonctions suivantes : président d’un conseil général, vice-président d’un conseil général, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, président d’un établissement public de coopération intercommunale, vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Il s’agit de rendre impossible le cumul des fonctions exécutives entre plusieurs collectivités territoriales. Je m’en suis déjà expliquée à plusieurs reprises.
La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 1.
L’adoption de l’amendement n° 4 rectifié aurait pour effet, à la fois, de renforcer la limitation du cumul des mandats et de l’alléger en créant un effet de seuil, puisque les communes de moins de 20 000 habitants seraient exclues du dispositif. L’avis de la commission est défavorable.
La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote sur l’amendement n° 1.
Je ne comprends pas le raisonnement ayant conduit les membres du groupe du RDSE à nous resservir ce plat…
Il s’agit d’assurer l’égalité entre les candidats, nous dit-on, en empêchant certains fonctionnaires territoriaux ou collaborateurs de cabinet des exécutifs locaux de solliciter un mandat électif dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leur activité professionnelle. Mais, dans ce cas, quid des maires, des membres d’un exécutif local qui se représentent ? Ils sont encore plus avantagés !
L’amendement de nos collègues ne nous paraît pas du tout pertinent.
Les propos de notre collègue confirment le bien-fondé de notre amendement… C’est une belle illustration du fonctionnement de ce que l’un d’entre nous appelait tout à l’heure une firme !
Cela relève de la constitution d’une véritable caste, à nos yeux totalement contraire à la démocratie représentative ! M. le rapporteur sait à quoi je fais référence…
Il s’agit là d’une dérive démocratique extrêmement dangereuse, consistant en la captation du système électoral et de la représentation par des personnes, sans doute très compétentes, qui deviennent très rapidement des professionnels de la politique.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'article 1er B est rétabli dans cette rédaction et l’amendement n° 4 rectifié n’a plus d’objet.
(Suppression maintenue)
L'amendement n° 3, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article L. 46 du code électoral, il est inséré un article L. 46-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 46-1-1. – Les fonctions de membre d'un cabinet ministériel sont incompatibles avec les fonctions exécutives qui font l'objet des titres III et IV du livre Ier. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
Dans le même esprit que le précédent, cet amendement, adopté en première lecture par le Sénat, tend à interdire à tout membre d’un cabinet ministériel d’exercer un mandat électif local, de quelque nature qu’il soit.
L’exercice d’un mandat issu du suffrage universel ne nous paraît pas compatible avec des fonctions conférant nécessairement à leurs titulaires un avantage, compte tenu de l’importance de leurs responsabilités.
L'amendement est adopté.
(Suppression maintenue)
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Après l'article L. 46 du code électoral, il est inséré un article L. 46-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 46-1-2. - Les fonctions de membre du cabinet du Président de la République sont incompatibles avec les fonctions exécutives qui font l'objet des titres III et IV du livre Ier. »
II. - À l'article L. 342 du même code, la référence : « à l'article L. 46 » est remplacée par les références : « aux articles L. 46 à L. 46-1-2 ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
Le présent amendement, qui s’inscrit dans la même logique que les deux précédents, vise à rétablir l'article 1er D, adopté par le Sénat en première lecture.
Il s’agit d’interdire aux membres du cabinet du Président de la République d'exercer un mandat électif local, de quelque nature qu'il soit.
Je ne voudrais pas que notre démarche soit interprétée comme une attaque ad hominem ! Nous connaissons d’excellents collaborateurs du Président de la République, qui ont de grandes qualités. D’ailleurs, nous allons souvent les voir pour essayer de faire avancer des dossiers locaux. Des journaux soulignent même que leur action peut insuffler un fort dynamisme à certaines communes…
Cela étant, de telles fonctions, qui offrent une capacité certaine d’intervention directe auprès des ministères, ne nous paraissent pas compatibles avec l'exercice d'un mandat issu du suffrage universel.
L'amendement est adopté.
À la première phrase du II de l’article L. 2123-20, du premier alinéa des articles L. 3123-18 et L. 4135-18 et de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales, les mots : « à une fois et demie le » sont remplacés par le mot : « au ». –
Adopté.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen, dans le texte de la commission, modifié.
Le projet de loi est adopté.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 16 janvier 2014 :
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :
Questions cribles thématiques sur le devenir des élections prud’homales.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 16 janvier 2014, à zéro heure trente.