Est-il vraiment raisonnable que, dans notre pays, à chaque alternance, c’est-à-dire tous les cinq ans désormais, la nouvelle majorité change l’ensemble des systèmes électoraux et modifie d’une manière ou d’une autre l’architecture institutionnelle ? Imagine-t-on les démocraties européennes voisines modifier ainsi leurs institutions à chaque changement de majorité ?
Cela démontre la dérive des institutions de la Ve République. Nombre de nos plus éminents universitaires se sont récemment exprimés pour condamner votre projet de loi au nom du respect des institutions, face au déséquilibre de plus en plus évident du pouvoir au profit de l’exécutif présidentiel.
L’hyper-présidence de la République n’est plus le fait d’un homme exceptionnel, elle procède de la nature du régime actuel et oblige tous les cinq ans le futur élu à promettre au-delà du raisonnable...
L’hyper-présidence engendre inéluctablement l’affaiblissement du Parlement et la recherche par l’exécutif de parlementaires soumis au parti dominant du Président de la République.
Cela, le Sénat l’a toujours combattu, quelle que soit la majorité parlementaire, et c’est la raison pour laquelle, régulièrement, le parti dominant, de manière plus ou moins directe, veut le briser.
Plutôt que de viser directement la suppression du Sénat, il est plus facile, plus sournois, aussi, de le vider de sa substance et de le transformer dans un premier temps en copie émasculée de l’Assemblée nationale, avec des sénateurs de fait choisis par les partis dominants et ne représentant plus les territoires. C’est l’un des véritables objectifs de la loi sur le non-cumul des mandats : notre devoir est de le proclamer. À quoi rimerait un Sénat représentant les collectivités, aux termes de la Constitution, sans un seul maire, sans un seul adjoint ou membre d’un exécutif local ?