Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a donné gain de cause au Gouvernement sur ce qui était pour lui l’essentiel : la création du conseiller territorial, acquise dans des conditions très particulières, et son élection au scrutin majoritaire à deux tours, avec un seuil de passage au second tour de 12, 5 % au moins des électeurs inscrits.
Cette disposition a été maintenue à la faveur d’un subterfuge justement stigmatisé par M. Jean-Pierre Sueur. Seuil exorbitant, contraire à l’expression de la diversité des opinions ! Foncièrement anti-démocratique ! Que deviennent les petites formations politiques qui, sans toujours être le sel de la terre, peuvent apporter leur grain de sel, et relever le goût du débat et le débat lui-même peut-être !
La commission mixte paritaire a également repris le texte de l’Assemblée nationale imposant la création des métropoles, décapitant ainsi les régions et les départements concernés, réduisant à peu de chose les compétences des communes absorbées et épaississant d’une nouvelle strate le millefeuille territorial.
Que deviendra le président de région, monsieur le ministre, en face du président de métropole et des puissants présidents de conseils généraux avec leurs conseillers territoriaux ? M. Balladur souhaitait l’évaporation des départements dans les régions mais, je vous l’ai déjà dit, vous allez réaliser la condensation des régions dans les départements. C’est cela le résultat le plus sûr de votre réforme !
Le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale n’ont fait, en échange, que de très minimes concessions. S’agissant des communes nouvelles, l’initiative de leur création peut appartenir au préfet, à une majorité qualifiée des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, ou à la majorité du conseil délibérant.
Pour éviter que les communes puissent disparaître sans le consentement de leurs habitants, vous avez accepté le texte du Sénat, à savoir que la consultation serait appréciée non pas dans le ressort du périmètre concerné, mais commune par commune.
C’est une très modeste concession qui veut dire que, en fait, on peut absorber une commune contre l’avis du conseil municipal, mais pas, je le reconnais, contre l’a majorité des habitants.
Le texte retenu, même s’il met un coup d’arrêt à la volonté gouvernementale de fusionner les communes, traduit cependant une méfiance certaine à l’égard des élus. Prenons un exemple. Si, au sein d’un EPCI de quinze communes, deux d’entre elles refusent la fusion, que se passe-t-il ? On peut être sûr que, par une interprétation abusive de la loi, vous allez pouvoir fusionner les treize communes volontaires et que resteront, pendant un temps, deux villages gaulois qui finiront par être absorbés.
Voilà, l’esprit demeure ; c’est celui de la loi Marcellin. Vous dévoyez ainsi l’esprit de l’intercommunalité, qui rendait inutile ce dispositif « commune nouvelle » en mettant en commun les compétences stratégiques des communes et qui permettait de sauvegarder la démocratie de proximité ainsi que le rôle essentiel des maires et de leurs adjoints à l’intérieur de chaque commune.
Cette méfiance se retrouve dans votre texte sur l’intercommunalité. Je rappelle que la loi de 1999 a été votée sous un gouvernement de gauche, après, il est vrai, une concertation approfondie au sein de chaque assemblée. Je rends hommage à un rapporteur de l’époque, M. Mercier, pour le travail qu’il a accompli ici même, aux côtés de M. Hoeffel.
Mais, avaient alors été employées des méthodes totalement différentes, qui n’ont rien à voir avec ce qui a prévalu pour le présent projet de loi.
Je ne conteste pas la nécessité d’achever la carte de l’intercommunalité, mais pourquoi imposer à la commission départementale de coopération intercommunale une majorité des deux tiers pour pouvoir réformer la carte ?
Au lieu d’inciter les préfets à chercher le consensus, on leur donne quasiment les pleins pouvoirs pour rattacher d’office une commune, ou même pour fusionner deux EPCI. Il suffit qu’une majorité simple des communes rassemblant la moitié de la population ne s’y oppose pas.
Dès lors, j’espère que la pratique de l’intercommunalité ne sera pas faussée par les nouvelles règles que vous avez introduites. J’ai l’impression que, pour aller au bout de cette réforme, le Gouvernement utilise un marteau-pilon pour écraser une mouche. Dans une démocratie apaisée, les préfets devraient inciter à rechercher par un dialogue approfondi les solutions de bon sens, que les élus, d’ailleurs, sont capables de trouver d’eux-mêmes.
Mes collègues du groupe RDSE et moi-même étions tellement favorables à l’intercommunalité que nous avons proposé d’en faire la brique de base de la constitution des territoires. Vous avez rejeté cette possibilité en refusant d’avancer au 1er mars 2013 la date d’achèvement de la carte, comme vous le proposait le Sénat, et en reportant celle-ci au 30 juin 2013. Là encore, l’Assemblée nationale a imposé son texte.
En scrutant attentivement le texte issu de la commission mixte paritaire, j’aperçois, non sans peine, une très modeste concession faite au Sénat par le report de 2012 à 2015 de l’interdiction des financements croisés. Mais le principe de l’exclusivité des compétences entre régions et départements demeure. Le texte issu de la commission mixte paritaire ne fait aucune concession au Sénat, représentant légitime des collectivités locales.
La Haute Assemblée, y compris M. Longuet, avait voté à 335 voix de majorité le maintien de la clause de compétence générale. Ce souhait a été piétiné. Monsieur Longuet, vous-même, avez été piétiné, même si vous manifestez une certaine résilience, si on entend par là la capacité à reprendre forme après avoir reçu un choc. §
Vous avez tous été piétinés. Il n’y a pas de cadeaux dans le monde impitoyable de l’UMP.