Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 21 janvier 2014 à 9h30
Questions orales — Pour une amélioration de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le ministre, il aura fallu plus de huit ans de combat des associations – l’association des vétérans des essais nucléaires et Mururoa e Tatou, en particulier – ainsi que, depuis 2003, de nombreuses propositions de loi pour que, enfin, une loi reconnaisse les conséquences des essais nucléaires, mais malheureusement sans indemniser à la hauteur des préjudices subis tous ceux qui ont réellement souffert de ces tragiques expérimentations.

Il aura fallu plus de quatre ans depuis le vote de cette loi pour que quelques avancées soient enfin actées, récemment. Le temps passe et les victimes des essais nucléaires disparaissent. Dans mon département, les deux présidents successifs de l'AVEN, André Mézières et Michel Giboureau, ardents défenseurs d’une loi de reconnaissance et d’indemnisation, nous ont quittés. C’est leur combat qui a permis ces avancées.

Telle est la raison de ma question, monsieur le ministre : 13 indemnisations accordées pour 880 dossiers traités, cela représente un véritable fiasco pour la loi !

Ce sont non seulement les associations qui vous ont signalé que cette loi ne fonctionnait pas, mais aussi différents rapports, celui du contrôle général des armées et de l’Inspection générale des affaires sociales, fait à la demande de M. le ministre de la défense, qui analyse les procédures et les modalités d’application du dispositif, et ceux du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Certaines préconisations ont été retenues, comme la transformation du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, en autorité administrative indépendante, l’extension du périmètre géographique du dispositif d’indemnisation pour la Polynésie française, ou la déclassification de documents militaires liés aux essais nucléaires, ce dont nous nous félicitons.

Tout cela nous semble aller dans le bon sens pour que les victimes des essais nucléaires puissent enfin être indemnisées. Mais cela sera-t-il suffisant ? Nous en doutons fortement.

D’autres améliorations pourraient être apportées dans le cadre de la commission consultative de suivi, qui doit se réunir chaque année. Nous attendons également la possibilité d’associer des médecins reconnus par les associations aux travaux du CIVEN, comme vous-même l’avez annoncé ici. Ce serait un pas important pour la défense des dossiers des demandeurs.

Mais refuser de reconnaître la stricte prise en compte de la présomption de causalité entraînera les mêmes difficultés. Faire sauter ce verrou serait la seule façon de redonner aux victimes des essais nucléaires l’espoir de voir leurs dossiers enfin reconnus. La dosimétrie ne peut être l’élément déterminant pour l’ouverture de ces droits.

La notion de « risque négligeable » calculée par un logiciel qui n’était pas destiné à l’origine à cette fin est la source de nombreux contentieux – les tribunaux administratifs le rappellent régulièrement. Je voudrais être certaine que ce logiciel ne sera plus l’élément déterminant dans la décision et, comme vous l’avez rappelé, qu’il n’empêche en rien l’examen individuel des dossiers. C’est bien l’approche humaine qui est à privilégier.

La présomption stricte et l’indemnisation de tous les demandeurs qui remplissent les conditions de lieu, de date et de maladie prévues par la loi ne seraient que justice ! Combien de temps faudra-t-il encore attendre ? Vous connaissez comme moi la santé fragile de nombreux vétérans ! Sur les 10 millions d'euros budgétés, seuls 266 284 euros ont été consommés en 2012…

Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment vous comptez lever les obstacles afin que les victimes des essais nucléaires puissent enfin reprendre espoir. Il y va, me semble-t-il, à la fois de la crédibilité des parlementaires qui ont approuvé le texte de loi actuellement en vigueur et de celle du Gouvernement, singulièrement du ministère.

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