Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de l’indiquer Mme la rapporteur, nous examinons cet après-midi un texte d’une extrême importance, qui a bénéficié de l’expérience très riche et d’une grande qualité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La réflexion et le recul sur cette expérience ont permis d’élaborer une proposition de loi très bien structurée, dont les huit articles permettent de couvrir l’essentiel des conclusions tirées par le Contrôleur général de l’action qu’il a conduite, mais surtout des difficultés qu’il a rencontrées dans les diverses situations auxquelles il a été confronté.
Je tiens à vous remercier, madame la rapporteur, du travail que vous avez effectué. Lorsque j’ai reçu pour la première fois à la Chancellerie le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en juin 2012, il m’a fait part d’un certain nombre d’améliorations qu’il estimait souhaitable d’apporter à la loi du 30 octobre 2007, en vue de consolider l’exercice de la haute mission qui lui avait été confiée, cela dans un esprit de désintéressement, dans la mesure où son mandat n’est pas renouvelable.
Je vous ai donc fait connaître très rapidement, madame la rapporteur, l’a priori positif de la Chancellerie à l’égard de cette proposition de loi et j’ai mis à votre disposition toutes les informations susceptibles de vous être utiles, afin que la loi du 30 octobre 2007 puisse être améliorée au mieux.
Le texte que vous nous présentez s’inscrit dans un long processus d’élaboration de la condition juridique du détenu.
Ce processus a connu une inflexion assez forte dans les années quatre-vingt, grâce aux initiatives prises par le garde des sceaux d’alors, Robert Badinter. Je pense notamment à la généralisation des parloirs sans dispositif de séparation, ainsi qu’à des mesures relatives à la protection sociale et au régime disciplinaire : il s’agissait de garantir le respect effectif des droits fondamentaux dont continuent à bénéficier les personnes détenues, bien qu’elles soient privées de leur liberté en exécution d’une décision de justice.
Ces évolutions ont été favorisées par un contexte général ayant donné lieu à plusieurs initiatives, prises notamment par le pouvoir exécutif, mais pas seulement. Le contrôle extérieur s’est développé : celui des juges, qui peuvent désormais se présenter dans les établissements pénitentiaires à tout moment, mais aussi celui d’autres autorités, telles que le préfet, la CNIL, la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, et l’inspection du travail.
Un processus de contrôle s’est donc mis en place. La loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a reconnu aux personnes détenues le droit à l’accès aux soins. Quant à la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, présentée par Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux, elle a permis aux parlementaires de visiter librement les établissements pénitentiaires. Enfin, le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, dont la discussion a malheureusement été différée, contient une disposition autorisant les journalistes à accompagner les parlementaires lors de ces visites inopinées.
En 1995, déjà, l’autorité administrative elle-même avait considéré qu’elle pouvait étendre son champ de contrôle aux mesures d’ordre intérieur. Elle a ainsi prononcé des jugements portant, par exemple, sur des décisions de changement d’affectation, des sanctions disciplinaires et même les conditions d’inscription au registre des détenus particulièrement surveillés.
Ce processus a donc permis de construire une condition juridique du détenu, qui devait trouver sa concrétisation dans un texte de loi.
Le contexte que j’évoquais à l’instant a également été marqué par un certain nombre de rapports remarquables et d’initiatives ayant contribué à informer et à sensibiliser l’opinion publique. Je citerai notamment le rapport rédigé en 1999 par Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation, celui de la commission des lois de l’Assemblée nationale et celui de la commission des lois du Sénat, cosigné par MM. Hyest et Cabanel.