Intervention de François Zocchetto

Réunion du 21 janvier 2014 à 14h30
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

En effet, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté présente une réelle spécificité. Il n’est pas saisi par des personnes individuelles. Il visite tous les lieux de privation de liberté, à tout moment, parce que les détenus et les gardiens hésitent souvent à saisir une autorité de la défense de leurs droits, par peur des représailles. Le Contrôleur général prononce des avis et des recommandations, avec l’autorité qu’on lui connaît.

Le garde des sceaux de l’époque, Michel Mercier, avait d’ailleurs reconnu la particularité du Contrôleur général et s’en était remis à la sagesse du Sénat sur le point de savoir s’il devait ou non être rattaché au Défenseur des droits.

L’indépendance du Contrôleur général ne l’empêche pas de travailler de concert avec le Défenseur des droits, comme en témoigne la convention qui a été conclue entre ces deux institutions dès le mois de novembre 2011.

Comme l’ensemble de mes collègues, je tiens ici à saluer la qualité du travail réalisé depuis 2008 par M. Delarue. Son mandat, qui arrive bientôt à échéance, lui aura permis d’effectuer plus de 800 visites de lieux de privation de liberté. Les locaux de garde à vue représentent plus du tiers des visites réalisées, ce qui est, me semble-t-il, une bonne chose. Il ne fait pas de doute que les mentalités et les pratiques ont évolué ces dernières années grâce aux visites et aux observations de M. Delarue.

Je profite de cette occasion pour rappeler, à la suite de Mme la garde des sceaux, que ces changements sont aussi à mettre au crédit de l’administration pénitentiaire, qui a beaucoup évolué ces dernières années, notamment grâce à la formation dispensée par l’École nationale d’administration pénitentiaire. Ses fonctionnaires font évoluer le quotidien des prisons. Je ne méconnais pas les difficultés qui existent encore – notre collègue Nathalie Goulet abordera tout à l’heure le cas de la prison d’Alençon –, mais il faut aussi souligner les progrès accomplis : je me bornerai à citer, à cet égard, le travail important réalisé en matière de prévention des suicides, dont les statistiques récentes montrent qu’il a porté ses fruits.

Après plusieurs années d’exercice de ses missions par le Contrôleur général, l’heure est venue de faire le point sur le rôle de celui-ci et de s’interroger sur les éventuels aménagements à apporter à la loi du 30 octobre 2007.

Plusieurs des aménagements prévus par le texte visent à pérenniser des pratiques mises en place par M. Delarue et à les inscrire dans la loi. À l’heure où le mandat de M. Delarue approche de son terme, cela ne me paraît pas être une précaution inutile : il convient de nous assurer que son successeur continuera dans la même voie.

Ainsi, l’article 4 de la proposition de loi prévoit de rendre systématiquement publics les avis, recommandations ou propositions émis par le Contrôleur général, de même que les observations en réponse des autorités publiques. Aujourd’hui, cette publication constitue une simple faculté ; la rendre systématique représente un progrès pour notre démocratie. Je rappelle qu’il ne s’agit pas des observations formulées à l’issue de chaque visite, qui, elles, n’ont pas vocation à être publiées ; je pense que la Chancellerie partage cet avis.

J’évoquerai brièvement les amendements déposés par nos collègues écologistes et visant à étendre la compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, conformément à une demande exprimée par M. Delarue dans son dernier rapport annuel.

Il semble que ces amendements ne seront pas débattus. En tout état de cause, une telle modification du champ de compétence du Contrôleur général serait à mon sens inopportune ; je crois que cette opinion est partagée par un certain nombre de nos collègues.

En effet, l’extension de la compétence du Contrôleur général à ces établissements se heurterait à plusieurs obstacles sérieux, qui avaient d’ailleurs été exposés par M. Delarue lui-même.

Le premier obstacle tient au fait qu’aucune décision d’une autorité publique n’est à l’origine du placement dans un tel établissement. Ce placement résulte toujours de la demande d’une personne privée ou de ses proches. Il est donc difficile de considérer comme un captif quelqu’un qui a demandé à être admis dans un EHPAD.

Le deuxième obstacle tient à la réalité de la privation de liberté : chacun sait qu’il n’y a pas d’interdiction d’aller et de venir pour les personnes âgées hébergées dans les EHPAD.

Je tiens à remercier une nouvelle fois notre collègue Catherine Tasca pour le dépôt opportun de ce texte législatif et pour la qualité de son travail de rapporteur, qui a fait l’unanimité. Comme elle, nous pensons qu’il est essentiel de continuer à mieux faire connaître les fonctions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en particulier auprès des auxiliaires de justice, notamment les avocats. Ces acteurs pourraient sans doute faire parvenir au Contrôleur général des éléments d’information utiles à l’exercice de sa mission, à condition toutefois d’encadrer l’exercice de cette faculté.

En conclusion, j’espère que la belle unanimité qui s’annonce au Sénat sur cette proposition de loi ne restera pas lettre morte et que nos collègues députés inscriront rapidement ce texte à leur ordre du jour. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour l’inscrire, le cas échéant, à celui qui relève du Gouvernement.

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