Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après une latence de quelques années, la loi du 30 octobre 2007 a marqué la naissance, qui était fortement attendue, d’une nouvelle autorité administrative indépendante, chargée spécifiquement du contrôle des lieux de privation de liberté.
En effet, un consensus sur la création d’un mode de contrôle indépendant des prisons existait depuis la parution, au début des années 2000, du rapport Canivet. Sept années se sont écoulées avant que ce contrôle indépendant, dont les membres de mon groupe appelaient depuis longtemps de leurs vœux l’instauration, ne voie enfin le jour.
Permettez-moi de retracer très brièvement le cheminement de cette idée. Elle a réellement émergé en 2000, à un moment où la question pénitentiaire était sur le devant de la scène et où plusieurs rapports importants avaient paru, mettant en évidence à la fois les conditions indignes de détention dans notre pays et la nécessité d’améliorer le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Je pense ici, en particulier, au rapport Canivet, ainsi qu’aux rapports des commissions d’enquête parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale sur les prisons.
Sur le principe, nous étions bien évidemment favorables à l’instauration d’un contrôleur général de tous les lieux de privation de liberté, conformément à l’engagement pris par notre pays auprès des Nations unies, le 16 septembre 2005, de créer un mécanisme national de prévention des traitements inhumains et dégradants.
Concernant les modalités de sa mise en œuvre, nous avions néanmoins formulé certaines critiques sur le dispositif tel qu’instauré par le gouvernement de l’époque, jugeant que l’on nous proposait un texte a minima.
Les amendements émanant de l’ensemble des travées de gauche tendaient à faire de cette structure de contrôle une autorité incontestable, impartiale et indépendante, tant sur le plan politique que sur le plan financier.
Déjà, à l’époque, nous gagions que la première personnalité qui serait nommée, dès l’entrée en vigueur de la loi, pour exercer les fonctions de Contrôleur général saurait donner le ton quant au rôle et à la place de cette instance de prévention des traitements inhumains, en termes d’utilité, de crédibilité, d’efficacité et, bien sûr, d’indépendance.
Depuis, les différents rapports de M. Jean-Marie Delarue ont effectivement mis en exergue les points forts de cette institution, mais également ses quelques faiblesses. Leur présentation a été l’occasion de préconiser des mesures nécessaires pour conforter la place et le rôle du Contrôleur général, que personne ne songe aujourd’hui à remettre en cause.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit, comme l’a rappelé Catherine Tasca, de reprendre un certain nombre de ces recommandations, afin précisément de renforcer le cadre légal de l’action du Contrôleur général, de pallier les difficultés rencontrées par ce dernier dans l’exercice de ses missions, d’aligner un certain nombre de ses prérogatives sur celles qui ont été attribuées, postérieurement à sa création, à certaines autorités indépendantes, en particulier au Défenseur des droits, et de consacrer dans la loi un certain nombre de bonnes pratiques mises en place par M. Delarue depuis sa prise de fonctions, afin de les pérenniser.
Nous saluons l’ensemble de ces avancées, ainsi que le travail fourni par Mme la rapporteur.
La proposition de loi comporte une disposition visant à protéger les interlocuteurs du Contrôleur général, une autre destinée à lui donner accès à davantage d’informations, une autre encore consacrant sa compétence en matière d’exécution des mesures d’éloignement forcé d’étrangers en situation irrégulière.
Nous approuvons l’ensemble de ces dispositions, qui, j’en suis sûre, permettront au Contrôleur général d’exercer encore plus efficacement ses fonctions. Comme le souligne le rapport de notre collègue Catherine Tasca, aujourd’hui, au terme de cinq ans et demi d’activité, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut se prévaloir d’un bilan remarquable : plus de 800 établissements accueillant des personnes privées de liberté ont été visités et son action a largement contribué, très certainement grâce à la personnalité du titulaire de la fonction et à la qualité de ses collaborateurs, à faire progresser la situation des personnes privées de liberté dans notre pays.
Cependant, il ne faut pas oublier que, malheureusement, le contexte dans lequel cette institution a vu le jour demeure. En effet, la situation des prisons françaises, qui a motivé la mise en place de cette nouvelle autorité en 2007, a peu évolué. Malgré l’adoption de la loi pénitentiaire de 2009, les constats demeurent les mêmes : surpopulation carcérale, allongement progressif de la durée des peines, sans parler de la situation dans le secteur psychiatrique, dans les centres de rétention ou dans les zones d’attente.
Pour parfaire le travail du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il reste donc au législateur à agir pour que la loi pénitentiaire soit appliquée réellement dans son intégralité.
Je souhaite aussi que des dispositifs suffisants soient inscrits au cœur de la réforme pénale que vous annoncez, madame la ministre, afin que l’action du futur Contrôleur général des lieux de privation de liberté soit à la hauteur des exigences de notre démocratie.