Intervention de Michèle André

Réunion du 9 novembre 2010 à 10h00
Réforme des collectivités territoriales — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte adopté par la commission mixte paritaire sur le projet de réforme des collectivités territoriales vient malheureusement confirmer les craintes que j’avais exprimées, au nom de notre délégation aux droits des femmes, lors des précédentes étapes de la discussion de ce texte.

Je crains que cette réforme ne se traduise par un recul historique de la parité, car le scrutin uninominal majoritaire à deux tours finalement retenu pour l’élection des futurs conseillers territoriaux est, par nature, un mode de scrutin qui ne favorise pas l’accès des femmes aux mandats électoraux et aux responsabilités électives.

Face à ce risque dénoncé très tôt, conjointement avec les délégations aux droits des femmes de l’Assemblée nationale et du Conseil économique, social et environnemental, nous avons approfondi notre réflexion pour tenter de proposer des solutions. Nous avons auditionné constitutionnalistes et responsables des grandes associations d’élus. Puisque l’article 4 de la Constitution reconnaît aux partis politiques un rôle dans la mise en œuvre du principe d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, nous avons également auditionné les responsables des partis politiques représentés au Parlement.

Un constat s’impose. Les mécanismes mis en place par la loi du 6 janvier 2000 ont permis à la parité de devenir une réalité effective dans certaines assemblées élues. En effet, la parité a fortement progressé dans toutes les élections qui se déroulent au scrutin de liste, grâce à la règle qui prévoit que toute liste doit être alternativement composée d’un candidat de chaque sexe.

C’est ainsi que nos conseils régionaux sont aujourd’hui devenus les symboles d’une parité effective. Non seulement ils sont constitués de 48 % de femmes, mais, grâce à la loi du 31 janvier 2007 qui étend les contraintes paritaires â la composition de leurs exécutifs, ils comptent 45 % de femmes parmi leurs vice-présidents depuis mars 2010, faisant émerger, nous le voyons tous, des talents et des personnalités nouvelles.

En revanche, les résultats sont régulièrement décevants dans les élections qui se déroulent au scrutin majoritaire à deux tours. Les conseils généraux, avec 12, 3 % de femmes seulement, restent les assemblées les plus masculinisées de France, et l’obligation de se présenter accompagné d’un remplaçant de l’autre sexe, ou plutôt d’une remplaçante dans la grande majorité des cas, n’a pas changé grand-chose.

Notre délégation s’est demandée dans quelle mesure un mode de scrutin qui ferait reculer la parité pourrait se concilier avec l’objectif constitutionnel inscrit à l’article 1er de notre loi fondamentale, suivant lequel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ».

Notre délégation a considéré qu’il ne convenait pas de remettre en question la liberté reconnue au Parlement par l’article 34 de la Constitution dans la fixation du régime électoral des assemblées. Mais cette liberté ne doit pas le dispenser de chercher à atteindre l’objectif constitutionnel d’égal accès.

Dans ces conditions, elle a jugé que l’adoption d’un mode de scrutin particulièrement défavorable à la parité, comme le scrutin majoritaire à deux tours, ne pouvait devenir acceptable que si celle-ci s’accompagnait de mécanismes susceptibles d’en neutraliser les effets négatifs.

Nous n’avons pas privilégié la voie des pénalités financières imposées aux partis pour non-respect de la parité, car celles-ci ne produisent pas les effets escomptés. L’Assemblée nationale ne compte en effet que 18, 5 % de femmes ! Cela fait en effet sérieusement douter de l’efficacité des sanctions financières. Et pourtant, ces pénalités représentent pour les partis un manque à gagner important, de plus de 5 millions d’euros par an, dont 4 millions d’euros pour le parti majoritaire, sur un financement public global de 80 millions d’euros.

Nous avons donc recommandé une autre voie, novatrice, non encore éprouvée, mais qui ne bouscule pas les grands principes de notre droit électoral. C’était la recommandation n° 8, qui préconisait l’étude d’un scrutin binominal. Autrement dit, l’élection porterait, dans chaque territoire, non sur un candidat unique, doublé d’un remplaçant, mais sur un « binôme paritaire » constitué de deux candidats de sexe différent, flanqué d’un binôme de remplaçants également mixte, désigné dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.

Telle n’est pas la voie retenue par le texte adopté en commission mixte paritaire, qui transpose à l’élection des conseillers territoriaux le mode de scrutin des actuels conseillers généraux. Nous ne croyons pas, messieurs les ministres, à l’efficacité des sanctions financières que vous voulez fixer, vu leur inapplicabilité actuelle !

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