Bien sûr, le Gouvernement se réjouit du fait que plusieurs dispositions soient intégrées dans le texte de loi. S’il était possible qu’un seul texte de loi contienne toutes les dispositions que nous souhaitons faire adopter, ce serait évidemment l’idéal !
La plupart des mesures du présent texte concernent la justice : règles d’administration légale, procédures d’exécution civile ou même – je pense à la communication électronique – procédures pénales. D’autres portent sur l’administration territoriale, c’est-à-dire les relations avec les services déconcentrés de l’État et les collectivités. Il y a également une mesure qui concerne le ministère de la culture, afin de corriger une omission : on avait en effet oublié que le conservateur des registres du cinéma et de l’audiovisuel avait le même statut que les conservateurs des hypothèques.
J’en reviens aux dispositions concernant les règles d’administration légale.
En l’état actuel du droit, lorsqu’un décès survient et que le veuf ou la veuve est chargé de la gestion du patrimoine familial dans l’intérêt des enfants mineurs, l’intervention du juge est systématique. Cette procédure lourde, jugée nécessaire en 1964, c’est-à-dire il y a cinquante ans, ne se justifie plus aujourd’hui. Certes, dans le cas où le patrimoine est important, il convient que le juge puisse vérifier la légalité des actes qui sont accomplis par le conjoint survivant, mais cette situation n’est malheureusement pas celle de la majorité des Français. Pour autant, je suis évidemment très soucieuse qu’il n’y ait pas de différence dans l’attention que la puissance publique porte aux petits patrimoines. La surveillance ne doit pas être moins rigoureuse que celle qui s’exerce sur les gros patrimoines, car il n’y a pas de raison de léser les familles les plus modestes.
Il nous avait donc paru souhaitable que soient définis les actes pour lesquels l’intervention du juge serait obligatoire. Votre commission des lois a préféré ne pas retenir ce dispositif ; je souhaite néanmoins qu’une réflexion ait lieu, car, je le répète, le caractère systématique de cette intervention ne se justifie plus aujourd’hui.
Nous vous proposons également une modification d’un texte beaucoup plus récent : la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, adoptée le 5 mars 2007, sinon à l’unanimité, du moins à une très large majorité. Ce texte de grande qualité, largement salué par les acteurs de la protection juridique des majeurs, fixe l’obligation de révision des mesures de protection au bout de cinq ans.
Nous avons proposé que le juge puisse décider que la première révision n’aurait pas lieu au bout de cinq ans, mais entre cinq et dix ans. Nous estimons que pour des pathologies peu évolutives, parce que lourdes, il n’y a pas lieu de contraindre automatiquement les familles à être soumises à un tel délai. Reste que nous limitons bien entendu la prorogation à dix ans.
En l’état actuel du texte, toutes les révisions sont imposées au bout de cinq ans, mais à partir de la deuxième révision il n’y a pas de limite de durée. Nous pensons que la protection serait meilleure si le juge était en mesure de dire que la première révision peut avoir lieu au plus tard dans un délai de dix ans, plutôt que d’imposer toutes les révisions au bout de cinq ans, puis de ne pas imposer de terme pour la deuxième révision.
Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en mai 2012, j’ai été assez rapidement sensibilisée, dès mes premiers déplacements dans les juridictions, à la question de la révision des mesures de tutelle. Il m’a été unanimement demandé de reporter le délai qui avait été fixé par la loi du 5 mars 2007 au 31 décembre 2013. J’ai très rapidement donné un accord de principe, mais dès que nous avons commencé à travailler à la Chancellerie sur le sujet, nous nous sommes rendu compte que ce n’était pas une bonne solution, dans la mesure où le stock de l’année suivante allait venir se superposer au stock de l’année précédente. Par conséquent, si nous ne résorbions pas le premier stock, les tribunaux continueraient à être engorgés.
J’ai donc décidé de renforcer les moyens des tribunaux d’instance non seulement en fonctionnaires – magistrats, greffiers –, mais aussi en vacataires, sans pénaliser les autres contentieux. Il fallait en effet parvenir à résorber le stock, tout en évitant ce risque. N’oublions pas que les tribunaux d’instance traitent les contentieux de proximité, ceux qui concernent les petits problèmes des Français au quotidien.
Le retard pris a pu être comblé. Reste qu’il n’y a pas lieu de reproduire la difficulté. C’est la raison pour laquelle nous introduisons dans le projet de loi, ou plutôt nous avions introduit – puisque vous l’avez refusé –, la possibilité pour le juge de prononcer dès la mesure initiale une révision qui pourrait être de cinq à dix ans. Je le dis très clairement, nous ne pourrons pas indéfiniment renforcer les juridictions pour résorber les stocks dans les derniers mois. Sachez que, lorsque l’échéance arrive, les personnels font des efforts considérables pour tenir les délais.
Évitons de mettre en péril les majeurs protégés. Nous avons tous le souci de nous assurer que ces majeurs sont placés sous tutelle à bon escient. C’est en ce sens que la loi de 2007 est une loi protectrice. Cependant, rien ne nous empêche d’avoir du discernement en rendant efficace la révision de ces mesures.
Nous avons également introduit dans le texte de loi une disposition, que la commission des lois a maintenue, qui permet aux personnes sourdes ou muettes de faire établir leur testament par acte authentique. Actuellement – il y a des anomalies dans notre droit qui nous échappent si l’on ne tombe pas dessus –, les personnes sourdes ou muettes sont soumises à l’obligation de dicter leur volonté testamentaire, ce qui est une aberration ! Vous avez d’ailleurs souhaité qu’il y ait deux interprètes, l’un pour le testateur et l’autre pour le notaire. Pour ne pas compliquer une mesure de simplification, nous vous proposons de ne retenir qu’un seul interprète choisi sur une liste d’interprètes agréés.
Par ailleurs, nous avons introduit une disposition concernant les héritages modestes. Je rappelle que les héritages d’un montant inférieur à 5 300 euros représentent 30 % des successions.
En l’état actuel du droit, c’est le maire qui doit délivrer le certificat de qualité d’héritier. Or les maires craignant que leur responsabilité ne soit engagée répugnent à délivrer ce certificat et, dans 60 % des cas, ils ne le font pas. Les personnes peuvent alors s’adresser au notaire, qui délivrera un acte qui peut coûter 200 euros. Dans ces circonstances, beaucoup d’héritiers renoncent à l’héritage. Entre 2004 et 2012, le renoncement à ces petits héritages a augmenté de 25 %. Or le renoncement n’est pas seulement pécuniaire, il concerne également les objets personnels, les souvenirs, qui ont une valeur sentimentale considérable.
Vous n’avez pas souhaité retenir le dispositif simplifié, mais j’espère que nous pourrons encore travailler sur le sujet. Certes, il y a des précautions à prendre, mais nous souhaitons éviter qu’un ou plusieurs héritiers ne soient oubliés par mégarde ou délibérément. Voilà pourquoi le maire est chargé de fournir ce certificat. En tenant les registres d’état civil, qui sont la source des livrets de famille, c’est lui qui détient l’information. C’est donc une bonne solution, même si nous sommes obligés de constater qu’il y a une pénalisation objective qui concerne les héritiers de sommes modestes.
J’en viens à un sujet un peu difficile : votre commission des lois a souhaité supprimer l’article 3 du projet de loi d’habilitation.