Intervention de Annie David

Commission des affaires sociales — Réunion du 21 janvier 2014 : 1ère réunion
Association nationale pour la formation professionnelle des adultes afpa — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Photo de Annie DavidAnnie David, présidente :

L'enquête réalisée par la Cour des comptes sur l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) résulte d'une saisine conjointe de la commission des affaires sociales et de la commission des finances. L'enquête a été confiée à la 5e chambre de la Cour des comptes et va nous être présentée par sa présidente, Mme Anne Froment-Meurice, qui est accompagnée par MM. Pascal Duchadeuil, Michel Davy de Virville et Mme Sylvie Esparre, conseillers-maîtres à la Cour des comptes. Sont également présents M. Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa et M. Christophe Strassel, chef du service du financement et de la modernisation de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.

Il y a un peu plus d'un an et demi, l'annonce de graves difficultés financières et la démission du président de l'Afpa ont révélé une situation préoccupante - que nous dénoncions depuis plusieurs années. Le 10 octobre 2012, le nouveau président de l'Afpa, Yves Barou, avait présenté à notre commission un premier diagnostic et esquissé les axes d'un plan de refondation destiné, avec le soutien de l'Etat, à replacer l'association sur une trajectoire viable et à préserver ses compétences et son savoir-faire en matière de formation professionnelle.

Nous avons souhaité que la Cour des comptes nous éclaire sur les raisons qui ont conduit à cette situation. L'Afpa a pu être déstabilisée par la réforme qui lui a été imposée en 2009 et dans laquelle elle s'est engagée sans y être préparée. A cela, s'ajoutent des mesures de gestion peu opportunes.

Cette enquête vient à point nommé, alors que commence prochainement l'examen du projet de loi sur la formation professionnelle, qui devrait comporter une disposition relative aux emprises immobilières utilisées par l'Afpa.

Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes. - Cette enquête a été menée au premier semestre 2013, à la demande conjointe des présidents de la commission des Affaires sociales et de la commission des Finances. Elle est intervenue dans une période de grands bouleversements pour l'association : la détérioration de sa situation financière a entraîné la démission de son président et de son directeur général. Leurs successeurs ont été nommés en juin 2012 et en janvier 2013. Les équipes ont été profondément renouvelées aux niveaux régional et national. Le président a proposé un plan de refondation à mener entre 2013 et 2017, pour transformer le modèle pédagogique de l'association, développer l'offre et redresser la situation financière.

Le champ d'investigation de la Cour a été défini en concertation avec les deux commissions du Sénat. Il couvre quatre axes d'analyse : l'organisation et la gouvernance de l'association, la formation des demandeurs d'emploi - l'enquête se concentrant alors sur les régions Champagne-Ardennes, Provence, Alpes, Côtes-d'Azur et Rhône-Alpes - la gestion et la situation financières et, enfin, l'immobilier.

Depuis 2009, l'association a perdu son statut d'opérateur de l'Etat, pour se positionner parmi d'autres intervenants sur le marché de la formation professionnelle, dont elle représente 5 % du chiffre d'affaires total. En dépit de ces évolutions, les statuts et la gouvernance de l'association restent marqués par une présence forte de l'Etat. Il est temps que celui-ci clarifie sa stratégie vis-à-vis de l'Afpa. Désormais soumise au droit de la concurrence, l'association doit adapter son offre de formation à ses nouveaux clients et aux exigences des conseils régionaux. Or, cette adaptation tarde à se réaliser. Le plan d'entreprise 2004-2009, dans un climat social difficile, n'a pas atteint ses objectifs de réduction des effectifs. Le plan stratégique pour la période 2010-2014 reposait sur des choix de gestion et d'organisation inadaptés et il a dû être interrompu en 2012. L'Afpa a tardé à intégrer le rôle de la région dans la formation professionnelle et son organisation territoriale n'a pas évolué. Entre 2007 et 2012, l'Afpa a perdu 24 % de ses stagiaires et plus du tiers de ses stagiaires demandeurs d'emploi, qui constituaient son public prioritaire. Le plan de refondation de 2012 est une dernière chance donnée à l'Afpa. Il renforce l'ingénierie aux niveaux national et régional, il abandonne les structures interrégionales et les campus pour revenir à une organisation régionale renforcée afin de mieux répondre à la demande des collectivités et de Pôle Emploi.

Traditionnellement, l'Afpa est l'opérateur de référence pour la formation des demandeurs d'emploi : plus de la moitié d'entre eux sont à nouveau dans l'emploi six mois après l'obtention d'un titre professionnel. Cependant, sa place sur le marché de la formation des demandeurs d'emploi n'est pas à la hauteur de ses possibilités, puisqu'elle n'obtient que 22 % des financements consacrés à la formation professionnelle. C'est la conséquence d'une adaptation tardive à la commande régionale et d'une absence systématique d'analyse du marché. Le déroulement de la formation fait également l'objet de critiques des usagers, qui dénoncent des matériels pédagogiques non disponibles, une absence fréquente des formateurs - le principe « une formation, un formateur » fragilise l'organisation.

La situation financière de l'Afpa résulte d'une conjugaison de difficultés d'adaptation et d'erreurs stratégiques. L'association a enregistré une perte de 92 millions d'euros en 2012, soit 10 % de son chiffre d'affaires. Une aide de l'Etat lui a été versée sous forme d'obligations associatives d'un montant de 110 millions d'euros, en juin 2013. Aujourd'hui, la situation économique et financière de l'association reste fragile. Le plan de refondation repose sur des hypothèses très ambitieuses. Les prévisions de résultats établies le 30 octobre 2013 montraient que les objectifs fixés pour 2013 ne seraient probablement pas atteints : une perte de 38 millions d'euros est à envisager. La Cour envisage des voies d'amélioration interne et juge que des progrès demeurent possibles en complément du soutien des pouvoirs publics et des banques, en poursuivant les efforts entrepris : réduction des effectifs du siège, révision des rémunérations et des avantages attribués, renforcement de la mobilité, en particulier des formateurs qui représentent moins de la moitié des effectifs, progrès dans la facturation et la gestion des stocks.

Les implantations immobilières de l'Afpa relèvent du patrimoine de l'Etat, mis à disposition de très longue date, dans le cadre de baux avantageux qui n'ont pas été révisés, et ce parc n'est ni suffisamment entretenu ni même convenablement répertorié. Le transfert de ces biens immobiliers à l'association, décidé par la loi d'août 2009, s'est heurté à la censure du Conseil constitutionnel, qui a considéré qu'il s'agissait de biens publics protégés, même si l'intégralité de ce patrimoine est constatée à l'actif du bilan de l'association. Les avis convergent sur la solution des baux emphytéotiques administratifs, mais leurs modalités de mise en oeuvre restent floues et font encore l'objet de désaccords entre l'Afpa et France Domaine. Ces incertitudes ont des conséquences défavorables sur la gestion, car les baux sont prévus comme garantie bancaire dans le plan de refondation et dans le partenariat avec Adoma. La rationalisation reste inachevée concernant le maillage sur les territoires mais aussi les centres de formation d'Ile-de-France et le siège.

La Cour formule douze recommandations. Elle appelle l'Etat à clarifier sa stratégie vis-à-vis de l'Afpa, en mettant fin à une situation ambiguë, l'Etat intervenant dans la gestion d'une association devenue un organisme de formation banalisé, soumis aux règles de la concurrence. Elle recommande à l'Afpa d'adapter son organisation de stages aujourd'hui fragilisée, et de systématiser ses analyses des marchés national et régional. Enfin, elle insiste sur la poursuite du processus de négociation sur le maillage territorial, sans que la contrainte d'aménagement du territoire prévale sur la rationalisation indispensable du patrimoine immobilier de l'Afpa.

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