Commission des affaires sociales

Réunion du 21 janvier 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

L'enquête réalisée par la Cour des comptes sur l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) résulte d'une saisine conjointe de la commission des affaires sociales et de la commission des finances. L'enquête a été confiée à la 5e chambre de la Cour des comptes et va nous être présentée par sa présidente, Mme Anne Froment-Meurice, qui est accompagnée par MM. Pascal Duchadeuil, Michel Davy de Virville et Mme Sylvie Esparre, conseillers-maîtres à la Cour des comptes. Sont également présents M. Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa et M. Christophe Strassel, chef du service du financement et de la modernisation de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.

Il y a un peu plus d'un an et demi, l'annonce de graves difficultés financières et la démission du président de l'Afpa ont révélé une situation préoccupante - que nous dénoncions depuis plusieurs années. Le 10 octobre 2012, le nouveau président de l'Afpa, Yves Barou, avait présenté à notre commission un premier diagnostic et esquissé les axes d'un plan de refondation destiné, avec le soutien de l'Etat, à replacer l'association sur une trajectoire viable et à préserver ses compétences et son savoir-faire en matière de formation professionnelle.

Nous avons souhaité que la Cour des comptes nous éclaire sur les raisons qui ont conduit à cette situation. L'Afpa a pu être déstabilisée par la réforme qui lui a été imposée en 2009 et dans laquelle elle s'est engagée sans y être préparée. A cela, s'ajoutent des mesures de gestion peu opportunes.

Cette enquête vient à point nommé, alors que commence prochainement l'examen du projet de loi sur la formation professionnelle, qui devrait comporter une disposition relative aux emprises immobilières utilisées par l'Afpa.

Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes. - Cette enquête a été menée au premier semestre 2013, à la demande conjointe des présidents de la commission des Affaires sociales et de la commission des Finances. Elle est intervenue dans une période de grands bouleversements pour l'association : la détérioration de sa situation financière a entraîné la démission de son président et de son directeur général. Leurs successeurs ont été nommés en juin 2012 et en janvier 2013. Les équipes ont été profondément renouvelées aux niveaux régional et national. Le président a proposé un plan de refondation à mener entre 2013 et 2017, pour transformer le modèle pédagogique de l'association, développer l'offre et redresser la situation financière.

Le champ d'investigation de la Cour a été défini en concertation avec les deux commissions du Sénat. Il couvre quatre axes d'analyse : l'organisation et la gouvernance de l'association, la formation des demandeurs d'emploi - l'enquête se concentrant alors sur les régions Champagne-Ardennes, Provence, Alpes, Côtes-d'Azur et Rhône-Alpes - la gestion et la situation financières et, enfin, l'immobilier.

Depuis 2009, l'association a perdu son statut d'opérateur de l'Etat, pour se positionner parmi d'autres intervenants sur le marché de la formation professionnelle, dont elle représente 5 % du chiffre d'affaires total. En dépit de ces évolutions, les statuts et la gouvernance de l'association restent marqués par une présence forte de l'Etat. Il est temps que celui-ci clarifie sa stratégie vis-à-vis de l'Afpa. Désormais soumise au droit de la concurrence, l'association doit adapter son offre de formation à ses nouveaux clients et aux exigences des conseils régionaux. Or, cette adaptation tarde à se réaliser. Le plan d'entreprise 2004-2009, dans un climat social difficile, n'a pas atteint ses objectifs de réduction des effectifs. Le plan stratégique pour la période 2010-2014 reposait sur des choix de gestion et d'organisation inadaptés et il a dû être interrompu en 2012. L'Afpa a tardé à intégrer le rôle de la région dans la formation professionnelle et son organisation territoriale n'a pas évolué. Entre 2007 et 2012, l'Afpa a perdu 24 % de ses stagiaires et plus du tiers de ses stagiaires demandeurs d'emploi, qui constituaient son public prioritaire. Le plan de refondation de 2012 est une dernière chance donnée à l'Afpa. Il renforce l'ingénierie aux niveaux national et régional, il abandonne les structures interrégionales et les campus pour revenir à une organisation régionale renforcée afin de mieux répondre à la demande des collectivités et de Pôle Emploi.

Traditionnellement, l'Afpa est l'opérateur de référence pour la formation des demandeurs d'emploi : plus de la moitié d'entre eux sont à nouveau dans l'emploi six mois après l'obtention d'un titre professionnel. Cependant, sa place sur le marché de la formation des demandeurs d'emploi n'est pas à la hauteur de ses possibilités, puisqu'elle n'obtient que 22 % des financements consacrés à la formation professionnelle. C'est la conséquence d'une adaptation tardive à la commande régionale et d'une absence systématique d'analyse du marché. Le déroulement de la formation fait également l'objet de critiques des usagers, qui dénoncent des matériels pédagogiques non disponibles, une absence fréquente des formateurs - le principe « une formation, un formateur » fragilise l'organisation.

La situation financière de l'Afpa résulte d'une conjugaison de difficultés d'adaptation et d'erreurs stratégiques. L'association a enregistré une perte de 92 millions d'euros en 2012, soit 10 % de son chiffre d'affaires. Une aide de l'Etat lui a été versée sous forme d'obligations associatives d'un montant de 110 millions d'euros, en juin 2013. Aujourd'hui, la situation économique et financière de l'association reste fragile. Le plan de refondation repose sur des hypothèses très ambitieuses. Les prévisions de résultats établies le 30 octobre 2013 montraient que les objectifs fixés pour 2013 ne seraient probablement pas atteints : une perte de 38 millions d'euros est à envisager. La Cour envisage des voies d'amélioration interne et juge que des progrès demeurent possibles en complément du soutien des pouvoirs publics et des banques, en poursuivant les efforts entrepris : réduction des effectifs du siège, révision des rémunérations et des avantages attribués, renforcement de la mobilité, en particulier des formateurs qui représentent moins de la moitié des effectifs, progrès dans la facturation et la gestion des stocks.

Les implantations immobilières de l'Afpa relèvent du patrimoine de l'Etat, mis à disposition de très longue date, dans le cadre de baux avantageux qui n'ont pas été révisés, et ce parc n'est ni suffisamment entretenu ni même convenablement répertorié. Le transfert de ces biens immobiliers à l'association, décidé par la loi d'août 2009, s'est heurté à la censure du Conseil constitutionnel, qui a considéré qu'il s'agissait de biens publics protégés, même si l'intégralité de ce patrimoine est constatée à l'actif du bilan de l'association. Les avis convergent sur la solution des baux emphytéotiques administratifs, mais leurs modalités de mise en oeuvre restent floues et font encore l'objet de désaccords entre l'Afpa et France Domaine. Ces incertitudes ont des conséquences défavorables sur la gestion, car les baux sont prévus comme garantie bancaire dans le plan de refondation et dans le partenariat avec Adoma. La rationalisation reste inachevée concernant le maillage sur les territoires mais aussi les centres de formation d'Ile-de-France et le siège.

La Cour formule douze recommandations. Elle appelle l'Etat à clarifier sa stratégie vis-à-vis de l'Afpa, en mettant fin à une situation ambiguë, l'Etat intervenant dans la gestion d'une association devenue un organisme de formation banalisé, soumis aux règles de la concurrence. Elle recommande à l'Afpa d'adapter son organisation de stages aujourd'hui fragilisée, et de systématiser ses analyses des marchés national et régional. Enfin, elle insiste sur la poursuite du processus de négociation sur le maillage territorial, sans que la contrainte d'aménagement du territoire prévale sur la rationalisation indispensable du patrimoine immobilier de l'Afpa.

Debut de section - Permalien
Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa

A ce stade, nous n'avons pas de réserves à formuler car nous avons été entendus par la Cour et avons pu lui communiquer nos observations. J'ai été nommé directeur général il y a un an. Nos priorités à court terme ont été de garantir le financement du plan de refondation, assuré en grande partie par l'Etat depuis janvier, mais aussi par des banques privées. Il s'agissait aussi d'apaiser un climat social délabré, en renouant le dialogue et en remobilisant l'entreprise. Il fallait également rénover l'offre pédagogique de l'association, datée, calée sur un répertoire des métiers obsolète, et manquant de souplesse. Enfin, il convenait de réorganiser l'Afpa en entreprise, car ayant toujours vécu sous subventions, l'association débutait dans des pratiques telles que la facturation, le recouvrement de créances, les techniques du marketing, etc.

Pour 2013, le budget prévisionnel s'établissait à 784 millions d'euros. Nous ne devrions réaliser que 755 millions environ. Cependant, ce manque à gagner de 30 millions d'euros tient à des retards dans les appels d'offre et à l'arrêt de certains projets. Nous n'avons paradoxalement pas besoin de financements complémentaires, car le plan de refondation prévoyait un volume d'investissements important, que nous avons réduit. La trésorerie est donc restée excédentaire pendant toute l'année grâce aux dotations et à une gestion prudente.

L'année écoulée a été celle d'une restructuration très forte qui a conduit à réduire les effectifs en supprimant 360 équivalents temps plein. Cette réduction s'est faite avec un haut niveau de dialogue social. En témoignent les élections syndicales de décembre, où le taux de participation a été de 85 % : les deux syndicats qui avaient signé le plan de refondation sont sortis renforcés de cette consultation.

Le budget 2014 a été élaboré alors que nous n'avions pas de certitudes quant au plan « formations prioritaires pour l'emploi », qui est finalement un « plan 100 000 ». Notre budget a été audité par le cabinet Mazard, qui a validé l'ensemble des hypothèses. Le budget prévoit le retour à un excédent brut d'exploitation (légèrement) positif, alors qu'il est négatif de 35 millions d'euros en 2013. Mazard a noté une inflexion au mois de juillet. C'est que nous sommes à présent en ordre de bataille ! Après une année de restructuration, 2014 devrait marquer un progressif retour aux fondamentaux et à l'équilibre financier. Nous allons déployer une nouvelle offre pédagogique, plus modulaire. En découpant les formations, en raisonnant sur les champs de métiers, nous pourrons dégager des formations communes à plusieurs métiers. Ainsi, les effectifs seront mieux gérés et on gagnera en souplesse. Cette nouvelle offre sera présentée le 18 mars 2014.

Il serait utile de développer une formation à rayonnement national. En effet, certaines formations demandent un lourd investissement : je songe aux domaines des énergies renouvelables ou de la fibre optique. Tel gros centre de formation aux métiers du BTP, dans la région Limousin, a un rayonnement qui excède les limites régionales. Or, ces formations souffrent d'une insuffisance des commandes régionales. Il faudrait sensibiliser le législateur pour que ces offres soient identifiées et mieux financées au niveau national, sans pour autant mettre en cause la régionalisation. Une combinaison vertueuse est possible entre ces deux niveaux. J'ai ainsi inauguré tout récemment à Cherbourg notre premier centre national spécialisé dans les métiers du secteur des énergies marines renouvelables.

La situation concurrentielle de l'Afpa n'est pas favorable. Sur le marché des demandeurs d'emploi demeure un seul acheteur, les régions, qui partagent leurs commandes entre 58 000 organismes de formation. Nous le reconnaissons, dans la course aux formations low cost, l'Afpa ne peut que perdre. Pour convaincre, il nous faut par conséquent segmenter le marché en distinguant ce qui relève de la simple formation et ce qui est un processus de retour à l'emploi, où entrent en ligne de compte la qualification, l'accompagnement, l'hébergement des stagiaires. Les stagiaires de l'Afpa demandeurs d'emploi ont 68 % de chances de trouver un emploi, contre 54 % dans les autres organismes. Le prix cassé n'a pas lieu d'être dans le monde de la formation. L'Afpa est dans une démarche qualitative, même si certains conseils régionaux refusent de payer ce qui est autour de la formation, la restauration ou l'hébergement. C'est un défi pour l'Afpa.

Les baux emphytéotiques administratifs (BEA) ont deux finalités. Ils servent de garanties pour mobiliser du crédit à moyen terme. Ils assurent aussi une autonomie de gestion, qui ouvre la voie à de possibles partenariats, donc une meilleure mutualisation des moyens, ainsi que des économies sur l'argent public et la possibilité pour l'Afpa de rénover ses 134 sites d'hébergement. Cependant, la problématique des BEA reste complexe. A ce jour, nous en avons signé deux. Nous ne sommes pas capables de financer seuls des travaux coûteux, par exemple pour aménager des accès handicapés. Aujourd'hui, un BEA est réellement en place, sur l'autre, le directeur départemental demande des modifications. La Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) devrait nous aider à trouver des processus plus simples. La solution pourrait être dans le déclassement des biens dans le domaine privé, qui serait plus efficient pour prévoir les investissements.

Debut de section - Permalien
Christophe Strassel, chef du service du financement et de la modernisation, Délégation générale à l'emploi et la formation professionnelle (DGEFP)

La procédure contradictoire a été riche et ouverte. La DGEFP est en accord avec la Cour des comptes pour ce qui est du diagnostic, des pistes et des orientations de son rapport.

L'Afpa a été pendant longtemps un opérateur historique de l'Etat, depuis sa création en 1949. La position de l'Etat a varié. Quoi qu'il en soit, il a déstabilisé cette institution et doit aujourd'hui préciser ce qu'il attend d'elle dans le cadre de sa politique de l'emploi. La régionalisation de la formation professionnelle a mis en difficulté l'Afpa, contrainte de se tourner vers de nouveaux commanditaires. Les subventions d'Etat ont laissé place aux marchés publics, impliquant la transformation des procédures et des offres. Le mouvement est en cours. C'est une évolution positive.

L'Afpa a perdu certaines compétences : son action en matière d'orientation des demandeurs d'emploi s'est trouvée limitée par le rattachement de ses psychologues à Pôle Emploi. L'Afpa a également subi la diminution des commandes pour la formation des travailleurs handicapés. Enfin, il a fallu s'habituer à une nouvelle logique, celle du marché public, qui repose non sur une stratégie unique dans l'ensemble du territoire, mais sur des modalités propres à chaque région.

L'Afpa possède une compétence en matière de titres professionnels, 3,5 millions de salariés en 2011 sont passés par l'Afpa, mais également une expertise reconnue en matière de formation individuelle, un savoir-faire dans la formation des populations les plus éloignées de l'emploi, et un maillage territorial dense et diversifié : les demandeurs d'emploi accèdent ainsi sans difficulté à la formation. La politique du titre justifie les subventions que l'Etat verse à l'Afpa en tant que composante du service public de l'emploi. L'Afpa enregistre 80 % de réussite sur l'ensemble de ses stagiaires. La formation des demandeurs d'emploi est un autre atout de l'Afpa. L'association bénéficiera de 20 % environ, sans doute, de l'opération menée pour la formation prioritaire de 100 000 demandeurs d'emploi. L'Afpa reste un acteur essentiel, sur lequel l'Etat peut compter.

Pour soutenir le plan de refondation l'Etat accordera une participation en fonds propres de 200 millions d'euros de 2013 à 2015 ; 120 millions d'euros ont déjà été versés. Un suivi particulier est assuré par les différentes administrations de l'Etat, la DGEFP, le Comité interministériel de restructuration industrielle, la direction du budget. L'Etat s'implique également dans le volet immobilier, en soutenant la démarche des BEA : douze doivent être signés cette année, la Délégation à l'emploi se faisant intermédiaire entre France Domaine et l'Afpa.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vais tout d'abord donner la parole à Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales sur le budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, puis à François Patriat, rapporteur spécial de la commission des finances sur cette même mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Le plan de refondation de l'Afpa a été rendu nécessaire par une perte financière de 90 millions d'euros, soit 10 % du chiffre d'affaires. Pour l'heure, il manque 30 millions d'euros au chiffre d'affaires attendu en 2013. Une perspective rassurante s'ouvre, celle d'un excédent d'exploitation de 1 à 2 millions d'euros en 2014. Comment parviendra-t-on à cet objectif ? Comment faire pour atteindre le chiffre d'affaires envisagé ? Le déficit des 30 millions d'euros s'explique-t-il par des difficultés dans le recrutement des stagiaires ou parce que l'Afpa n'a pas obtenu les commandes attendues ?

L'exemple de la région Limousin est éloquent. Certes, il est souhaitable de développer des formations à caractère national, mais comment faire quand les acheteurs sont les régions ? La région Bourgogne achètera-t-elle une formation BTP en Limousin ? La formation est d'intérêt national, mais comment lui donner concrètement cette dimension ?

La question du patrimoine est d'actualité puisqu'un projet de loi sera présenté demain au Conseil des ministres rendant possible le transfert aux régions du patrimoine immobilier de l'Etat mis à disposition de l'Afpa. Comment concilier cette démarche avec celles visant à conclure des BEA ? Ne risque-t-on pas de créer une Afpa à deux vitesses ou même de démanteler l'association ? Son patrimoine fait son unité.

Enfin, qu'entendez-vous par « composante du service public de l'emploi », alors que la présidente de la 5e chambre a parlé d'un organisme de formation banalisé ? Certes, il existe une politique du titre. Est-ce suffisant pour parler d'une « composante du service public de l'emploi » ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je suis surpris qu'on soit surpris. Le constat d'aujourd'hui n'a rien d'étonnant. L'Afpa n'est pas un organisme de formation ordinaire : considérez ses implantations, son patrimoine, mais aussi la qualité de ses formations... L'Etat fait preuve d'un certain cynisme, il a laissé l'Afpa se débrouiller seule, mais aujourd'hui il reconnaît ses qualités. Elle s'est remise en question, a recentré ses sites, elle a fait de gros efforts et nous sommes prêts à l'aider. La qualité a un prix, les régions le savent et reconnaissent l'offre de l'Afpa comme la mieux-disante quant à la qualité des prestations.

Comme président de région, j'estime que l'Afpa a raison de se remettre en cause et je suis prêt à l'aider, mais je ne puis accepter le transfert des charges, notamment du patrimoine, d'autant que l'Etat nous demande de faire des économies de fonctionnement, ce qui inclut les travaux sur les lycées ou les centres de formation. Les baux emphytéotiques administratifs pourraient être une solution.

L'Afpa doit se concentrer sur ses missions d'intérêt national, et les régions, tenir compte de la qualité des formations dispensées. Pour ma part, je n'accepterai pas la disparition de l'Afpa, outil excellent dont nous avons besoin. Pouvez-vous nous dire quel est le niveau de dialogue que l'Afpa entretient avec les régions ?

Debut de section - Permalien
Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa

Les 30 millions d'euros de déficit sont dus pour un tiers aux retards dans les appels d'offre : 10 millions d'euros financés par l'Etat, via les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), pour financer des missions de mutation économique. La subvention de 2012 a été supprimée et l'on est passé en 2013 aux appels d'offre. Ces appels n'ont pas été faits immédiatement, certains l'ont été en novembre seulement. Nous avons eu un taux de réussite important mais toute la production a été faite sur deux mois, il y a eu un « trou de système ».

En 2013, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) a changé les règles de cofinancement avec les organismes paritaires collecteurs agréés : du jour au lendemain, ces derniers ont arrêté de financer les préparations opérationnelles à l'emploi (POE). Ces règles de cofinancement ont été rétablies en fin d'année, mais nous avons connu un deuxième « trou de système » de 15 millions d'euros durant huit mois. Enfin, Pôle Emploi a réduit sa demande de formation de 5 millions d'euros. Avec les entreprises, nous avions un objectif ambitieux, mais il manque 10 à 12 millions d'euros. A l'inverse, nous disposons d'un excédent de 15 millions sur un budget global de 400 millions avec les conseils régionaux. Le président Yves Barou et moi-même avons établi un dialogue de qualité avec les régions et celles-ci se félicitent de la nouvelle gouvernance de l'Afpa. En cours d'année, nous avons obtenu des lots complémentaires.

Nos relations avec les régions nous mettent dans une position quelque peu schizophrénique : notre maillage territorial est un atout, tout demandeur d'emploi est à une heure au plus d'un centre de formation et les régions apprécient cette contribution à l'aménagement de leur espace. Le ministère des finances, lui, nous demande de réduire le nombre de nos centres pour réduire les coûts. Et toute fermeture se traduit par une perte de chiffre d'affaires. L'équilibre est difficile à trouver !

Certaines régions veulent un centre de formation national. Elles doivent comprendre que cela entraîne des devoirs. La région Limousin, ainsi, est gros prescripteur pour les stages au centre national d'Egletons. Mais allégeons aussi le fardeau des régions qui subissent de fortes contraintes financières. Le financement de l'offre nationale passe par des cofinancements et le FPSPP doit y prendre part.

L'Afpa ne demande pas que son patrimoine soit transféré aux régions. En outre, il faudra réhabiliter ces bâtiments, pour appliquer les prescriptions du Grenelle de l'environnement. Certaines régions sont intéressées par nos équipements car elles envisagent d'en mutualiser certains ; d'autres, disposant déjà de bâtiments vides, ne tiennent pas à s'en charger.

Nous voulons une Afpa capable de présenter une offre nationale, qui réponde à de véritables besoins, comme c'est le cas avec le programme des 34 filières d'avenir. Ainsi, Cherbourg est ravi que l'Afpa y ait installé son centre national pour les énergies marines renouvelables : la région est prête à investir dans ce domaine, car elle anticipe les retombées ; dans ces conditions, que les bâtiments appartiennent à la ville, à la communauté d'agglomération ou à la région est secondaire. J'ajoute que lorsque nous signons des contrats avec La Poste ou avec Carrefour pour former telle ou telle catégorie de personnel, la formation dispensée est la même dans toutes les régions. C'est un atout considérable.

Debut de section - Permalien
Christophe Strassel, chef du service du financement et de la modernisation, Délégation générale à l'emploi et la formation professionnelle (DGEFP)

L'appartenance de l'Afpa au service public de l'emploi est inscrite à l'article L. 5311-2 du code du travail. Il y a là une réalité juridique, justifiée par les compétences de l'Afpa pour la politique du titre, la certification et l'ingénierie du titre professionnel.

L'Afpa mène des missions d'intérêt national tout en assurant un maillage territorial très fin. Dans l'annexe financière du FPSPP pour 2014, une dizaine de millions est consacrée au financement de formations à caractère national : l'Afpa répondra aux appels d'offre. Enfin, l'association est l'un des rares acteurs à proposer des hébergements. L'Etat n'est pas cynique : il a consenti 200 millions d'investissements sur trois ans, s'engageant aux côtés de l'Afpa, démontrant sa confiance dans la capacité de l'association à mener à bien son plan de refondation.

Enfin, il n'y aura pas de solution unique sur la question immobilière. Dans certains cas, des baux emphytéotiques administratifs seront conclus, dans d'autres, il y aura transfert du patrimoine immobilier vers les régions. Ce processus prendra du temps et se fera en fonction des besoins locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Je remercie Mme la présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes pour ce rapport. Elle rappelle que près d'un millier de psychologues du travail ont été transférés à Pôle Emploi, et estime que cela a pénalisé l'Afpa. Pourquoi ces psychologues n'orientent-ils plus les demandeurs d'emplois vers des stages Afpa ? Quels sont les rapports des centres de formation avec les prescripteurs en contact avec les demandeurs d'emplois ? L'Afpa ne saisit sans doute pas toutes les opportunités en ce domaine.

Ma deuxième question a déjà été abordée par M. Jeannerot : la petite région du Limousin ne peut pas assumer seule le grand centre de formation aux métiers du BTP d'Egletons. Sur les centres de formation à vocation nationale, l'Etat ne pourrait-il reprendre la main ? Les divers organismes forment des demandeurs d'emploi mais aussi des salariés. L'Afpa démarche-t-elle les entreprises et les branches professionnelles ?

J'ai été vice-présidente de la région Rhône-Alpes au moment de la régionalisation de l'Afpa. Comme le dit le rapport de la Cour des comptes, l'Afpa n'a pas négocié au mieux la régionalisation, elle y est entrée à reculons ! L'offre de formation au niveau régional doit s'inscrire dans la complémentarité plutôt que dans la concurrence. L'Afpa n'a pas encore trouvé sa place dans ce positionnement territorial.

Debut de section - Permalien
Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa

Effectivement, l'Afpa a longtemps pensé qu'il pourrait y avoir un retour en arrière et elle n'a pas abordé les problématiques de manière efficace. En Rhône-Alpes, où elle compte 12 centres et 34 implantations, elle a été laminée dans les appels d'offre. Nous serons meilleurs dans l'avenir !

Debut de section - Permalien
Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa

Nous n'avons pas pris en compte les besoins. Nous avons présenté une offre en catalogue alors que les règles du jeu avaient changé. Ce n'est pas la régionalisation qui nous a fait mal, soit dit en passant, mais la mise en concurrence.

La distinction entre demandeurs d'emplois et actifs est artificielle puisque la même personne peut être l'un et l'autre alternativement. L'Afpa réalise un chiffre d'affaires de 180 millions d'euros avec les entreprises, sur un total de 800 millions. Dans le futur, cette part augmentera. Dans l'immédiat après-guerre, l'Afpa travaillait pour les entreprises. Ce n'est qu'au début des années 1980 qu'elle s'est intéressée aux chômeurs.

Le départ des 900 psychologues vers Pôle Emploi a également pénalisé l'Afpa, car auparavant, ils aiguillaient naturellement les gens vers nos stages. Aujourd'hui, les conseillers de Pôle Emploi ne disposent pas de l'intégralité de la programmation des stages de l'Afpa, ni des autres organismes formateurs. L'affectation des stagiaires est donc très complexe. En Rhône-Alpes, la région dispose du « pilotage régional de l'offre de formation et suivi des prescriptions » (Prosper) tandis que Pôle Emploi utilise le logiciel Cerise. Or, comme ces logiciels ne sont pas interconnectés, les prescripteurs ne savent pas que certains stages sont disponibles dans une autre région.

Les formations nationales devront être identifiées et leur nombre limité. Elles pourraient bénéficier des crédits du programme 412 de la loi de finances, qui concerne le programme des investissements d'avenir. Pour 2014, ce fonds est doté de 150 millions d'euros.

Debut de section - Permalien
Christophe Strassel, chef du service du financement et de la modernisation, Délégation générale à l'emploi et la formation professionnelle (DGEFP)

L'Etat doit financer les formations à caractère national, mais son rôle est également d'inciter les différents acteurs à coordonner leurs financements. L'annexe financière du FPSPP prévoit des financements pour les formations à caractère national. En revanche, le plan 100 000 de Pôle Emploi ne repose pas sur des financements directs de l'Etat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Certains au sein de l'Afpa, notamment dans les organisations syndicales, caressent l'idée qu'il serait possible de s'affranchir des règles de la concurrence grâce au fameux service d'intérêt économique général (Sieg). Le projet de loi que nous allons examiner prévoit un Sieg pour les personnes en difficultés particulières d'insertion. Quelle serait la place de l'Afpa ?

Debut de section - Permalien
Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa

Le Sieg fonctionne dans six régions : il fédère des opérateurs autour d'un service public régional. En revanche, ce dispositif est d'une extrême complexité et il est bien difficile de calculer la « juste compensation ». Dans ces six régions, nous avons six procédures différentes : je finis par me demander si cette bonne idée ne va pas être tuée dans l'oeuf. Nous aimerions qu'une méthodologie précise et simple soit établie, pour dire qui fait quoi et à quel niveau.

Quant aux procédures de financement, j'ai découvert que la plus belle chose est de gagner un marché public, la pire, de le perdre, mais ce que nous préférons, c'est travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous avez parlé de « trou de système ». Cela signifie-t-il que vous avez conservé l'ensemble de votre personnel pendant que vous attendiez une commande publique qui ne venait pas ? Qui est responsable des conséquences financières : vous ou celui qui retarde son appel d'offres ?

Debut de section - Permalien
Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa

Les autres organismes de formation professionnelle emploient 10 % de leur personnel en CDI et 90 % en CDD. A l'Afpa, le rapport est inverse. Nous estimons indispensable de disposer de formateurs qualifiés et formés. Lorsque ceux-ci ne sont pas occupés, nous essayons d'atténuer le coût de leur maintien par la mobilité interne. En 2012, on nous a annoncé des appels d'offre, sans cesse imminents, sans cesse repoussés. Difficile de se projeter dans l'avenir dans ces conditions... Nous avons subi la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Votre politique de qualité risque de vous coûter cher. Surtout si un tel « trou de système » se reproduit... Comment éviter ces ornières et comment être compétitif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Comment se fait-il que Pôle Emploi renvoie des jeunes en leur disant qu'aucune formation n'est envisageable, quand les stages de l'Afpa assurent ensuite un emploi à 80 % des stagiaires ?

Debut de section - Permalien
Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa

Nous avons 90 % de réussite aux titres professionnels. Le taux d'emploi durable, surtout, est bien supérieur chez nous à ce qu'il est dans les autres organismes de formation : 68 % contre 54 %, ce sont des chiffres de la Cour des comptes.

Les agents de Pôle Emploi doivent connaître des offres innombrables, c'est un problème. Je me souviens d'un reportage sur France 2 Picardie qui montrait un jeune tout prêt à se former, un conseiller de Pôle Emploi qui ne savait où l'envoyer, et les salles de cours à moitié vides dans le centre de formation Afpa le plus proche.

Il n'y a pas de « trou de système » avec les régions, la mécanique des appels d'offre est bien huilée et il n'y a pas de rupture entre les contrats, qui s'enchaînent. En revanche, il y a eu un « trou de système » avec la Direccte en 2013, du fait du changement de procédure. Désormais, le problème est réglé. Il n'a rien de structurel.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vous remercie pour votre présentation et pour la qualité de vos réponses. Je souhaite longue vie à l'Afpa au sein du service public de l'emploi. L'enquête de la Cour des comptes, assortie de nos débats d'aujourd'hui, sera publiée sous la forme d'un rapport d'information déposé par Claude Jeannerot.

Il en est ainsi décidé.

La commission procède à la désignation de M. Jean Desessard rapporteur sur la proposition de loi n° 182 (2013-2014) relative au choix libre et éclairé d'une assistance médicalisée pour une fin de vie digne.