Intervention de Odette Herviaux

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 21 janvier 2014 : 1ère réunion
Loi littoral — Examen du rapport d'information

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux, co-rapporteure :

Nous tenons d'abord à vous remercier, Monsieur le président, ainsi que l'ensemble de la commission, de nous avoir confié cette mission. Nul ne l'ignore ici : l'application de la loi Littoral trouve une résonance particulière en Bretagne comme en Normandie, c'est pourquoi Jean Bizet et moi-même étions particulièrement intéressés par cette question. Ce sujet se retrouve également en filigrane de l'actualité, malheureusement, avec les récentes inondations dans le Var et en Bretagne.

Appréhender la loi Littoral n'est pas une chose facile. Nous avons souhaité faire, en quelque sorte, une opération vérité sur cette loi. Comme vous le savez, dès qu'un travail parlementaire sur la loi Littoral est annoncé, on est vite accusé de vouloir faciliter le bétonnage des côtes. Encore récemment, nous n'avons pas manqué à ce présupposé dans une émission de grande écoute. Ce n'est évidemment pas notre but. Nous avons voulu anticiper cette critique en essayant d'apporter sur cette loi un regard qui se veut le plus neutre et le plus objectif possible.

De quoi parle-t-on ? Je vais commencer par un bref cadrage général sur les objectifs, la philosophie et le fonctionnement de la loi Littoral. Celle-ci a été adoptée à l'unanimité le 3 janvier 1986, un an après l'entrée en vigueur de la loi Montagne du 9 janvier 1985 et en pleine vague de décentralisation. Ses quarante-deux articles traitent de nombreux sujets, comme l'urbanisme, la qualité des eaux, la gestion du domaine public maritime et fluvial, la réglementation des plages, le classement des communes touristiques ou encore la répartition des compétences entre l'État et les collectivités. Cette loi clarifie en particulier les procédures de délimitation du rivage de la mer et consacre le principe de l'usage libre et gratuit des plages.

Une précision : avec l'accord de la délégation à l'outre-mer, nous avons volontairement exclu les territoires ultra-marins du périmètre de notre analyse, en raison de leur spécificité qui justifierait un rapport à lui seul.

La loi Littoral n'est pas une loi de protection, mais une loi transversale, d'aménagement et de mise en valeur des activités. Cette dimension a été complètement perdue de vue au cours du temps. Pourtant, le législateur de 1986 l'avait explicitement spécifiée, y compris dans son intitulé : loi relative à « l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ». Elle peut d'ailleurs être considérée à ce titre comme un texte précurseur en matière développement durable.

La loi Littoral est également avant-gardiste, peut-être trop d'ailleurs, sur le plan de la technique juridique. Il s'agit en effet d'une loi interprétative, aux dispositions nécessairement vagues, afin de pouvoir s'adapter à la grande diversité des littoraux. Cette loi a dès le départ prévu sa territorialisation, afin de préciser les principaux concepts à l'échelle locale. En pratique, ce travail n'a jamais été réellement mis en oeuvre, d'où les nombreuses difficultés d'application rencontrées sur le terrain.

Nous sommes aujourd'hui habitués à ce type de loi-cadre d'inspiration anglo-saxonne, fréquent dans le domaine de la protection de l'environnement et du développement durable, en particulier au niveau européen. À l'époque de la loi Littoral, son intégration dans notre système juridique, qui repose sur la définition de règles précises et de périmètres rigides, s'est révélée beaucoup moins évidente.

Quelles sont les difficultés ? Recenser les problèmes posés par la loi Littoral n'est pas le plus difficile à faire, tant les constats sont partagés depuis de nombreuses années, aussi bien par les élus que par les services de l'État. Au cours de la mission, nous avons-nous-mêmes reçu de nombreuses contributions. Des maires, mais aussi quelques particuliers, nous ont fourni une matière première importante, à partir de dossiers très complets sur des permis de construire ou des projets d'aménagement, enlisés dans les méandres des procédures administratives et contentieuses.

On peut néanmoins souligner que la plupart du temps, l'application de la loi Littoral ne pose pas de difficulté majeure. Quelques départements concentrent l'essentiel des problèmes, comme la Manche, le Var, les Côtes d'Armor ou la Charente Maritime. Et les crispations y sont aiguës lorsqu'elles existent.

Il faut également avoir à l'esprit que la loi est souvent stigmatisée alors même qu'elle n'est pas toujours à l'origine des difficultés rencontrées. L'espace juridique du littoral est aujourd'hui saturé par le cumul de normes protectrices de tous ordres - réglementaire, législatif, européen - aux finalités parfois contradictoires. On y trouve par exemple des sites inscrits et classés, des réserves naturelles, des parcs nationaux, des parcs naturels régionaux, des arrêtés préfectoraux de protection de biotope, tout le réseau Natura 2000 - zones de protection spéciale, zones spéciales de conservation et sites d'intérêt communautaire -, des zones humides, des zones de préemption ou encore des inventaires de type ZNIEFF. Ce cumul des protections témoigne de la richesse écologique du littoral, mais alimente et juridictionnalise les conflits, et finit même parfois par créer des difficultés entre les habitants.

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