Ces précautions étant prises, on peut dresser une liste des principaux griefs formulés à l'encontre de la loi Littoral.
Les élus se plaignent surtout de l'hétérogénéité d'application de la loi Littoral. Le degré de sévérité de son interprétation, tant par le juge que par les services de l'État, varie à la fois dans l'espace, d'un département à l'autre, et dans le temps, au gré des fluctuations doctrinales.
Ils mettent également en avant l'iniquité structurelle de la loi Littoral, que Jérôme Polverini, maire de Pianottoli-Caldarello que nous avons rencontré, résume ainsi : « les gros grossissent et les maigres maigrissent ». Autrement dit, les communes littorales les plus urbanisées ont beaucoup plus de facilité à se développer que les communes vertueuses qui ont cherché à préserver le patrimoine naturel. L'effet de signal est désastreux. Mon département, la Manche, paie aujourd'hui le fait de ne pas s'être lancé, dès le départ, dans une course à l'urbanisation.
À cela s'ajoute l'incohérence des politiques publiques, par exemple lorsque la loi Littoral empêche la mise aux normes de certaines installations, rendue pourtant obligatoire par d'autres dispositions législatives.
Enfin, l'abondant contentieux relatif à l'application de la loi Littoral est dénoncé, à juste titre, pour les conséquences dramatiques qu'il peut entraîner. Sans même parler du gel des investissements qui freine le développement économique du littoral, nous avons eu connaissance de la situation de particuliers ayant acheté un terrain au prix fort, avant qu'il ne soit déclaré inconstructible. Ces personnes ont parfois contracté un emprunt dont elles doivent continuer à assumer la charge, tout en supportant le coût d'une nouvelle solution d'hébergement et d'éventuels frais de procédure contentieuse. Les répercussions sont parfois dramatiques.
En général, ces personnes n'ont pas d'autre solution que de se retourner contre la collectivité, et on assiste bien à une montée en charge du contentieux indemnitaire, qui entraîne des difficultés financières pour les petites communes littorales. Outre les frais engagés pour leur défense et l'augmentation des primes d'assurance, elles peuvent être condamnées à verser des indemnités aux propriétaires lésés ou à financer l'élaboration d'un nouveau document d'urbanisme, dont il faut souligner la charge élevée pour certains budgets municipaux.
On aboutit même parfois à des situations ubuesques qui pèsent sur la crédibilité des pouvoirs publics. Le maire de Gouville-sur-Mer nous a ainsi confié avoir été condamné à exécuter sa propre décision : après avoir délivré un permis de construire, jugé ensuite illégal puis finalement validé au terme d'une interminable procédure, le juge l'a enjoint de délivrer ce document et l'a condamné à verser une indemnité de mille euros !
Un phénomène de recours abusifs nous a également été signalé à de nombreuses reprises, souvent de la part de quelques associations environnementales isolées et bien identifiées. Il arrive d'ailleurs que l'environnement serve de prétexte à la défense d'intérêts particuliers.