Mes chers collègues, si nous parlons souvent, avec raison, de la problématique énergétique, nous l’abordons rarement sous le seul aspect de la production énergétique en France. Nous débattons plutôt des questions relatives à l’énergie soit sous l’angle des conséquences écologiques de nos choix, soit sous celui de la sécurité des approvisionnements, soit encore sous celui des économies d’énergie. Ainsi, trop souvent, nous nous perdons dans un dédale de sophistications, ignorant par là même qu’il n’existe qu’une seule solution alternative : limiter notre consommation en énergies fossiles.
En effet, c’est seulement en limitant notre consommation en énergies fossiles que nous réduirons notre dépendance énergétique, rétablirons notre balance commerciale et contribuerons à diminuer les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Ne souhaitant pas anticiper outre mesure sur la proposition de résolution relative à la transition énergétique que le groupe UMP présentera le 26 février prochain, je dirai simplement que le basculement de notre consommation en énergies fossiles vers la consommation électrique doit être le fil rouge de toutes les politiques publiques de l’énergie que nous élaborerons dans l'avenir.
En ce qui concerne la stricte question de la production énergétique en France, nous devons tenter de répondre à la question : quel mix énergétique voulons-nous pour notre pays ? Une heure et demie, on en conviendra, c'est bien peu pour y répondre…
J’évoquerai d’abord les nouvelles filières de l’énergie, que l’on catalogue hâtivement comme « énergies renouvelables », alors qu’elles n’en relèvent pas nécessairement. Ces énergies sont en effet très différentes les unes des autres : certaines sont renouvelables, d’autres non ; certaines sont neutres en dioxyde de carbone, d’autres non ; certaines sont chères, d’autres non. Il s’agit donc de savoir jusqu’où on peut développer ces filières énergétiques.
Commençons par l'hydroélectrique, grand ou petit. Ce mode de production n’est pas nouveau ; il constitue même l'un des socles de notre production. C'est une énergie propre ; son coût est faible et l'énergie est disponible en quelques heures.
Le seul problème tient à ce que son potentiel de croissance est très limité. Une étude menée en 2011 par l’Union française de l’électricité a dressé un inventaire précis des sites de production encore inexploités. Elle révèle l’existence d’un potentiel représentant environ 10, 6 térawattheures, ce qui correspond à une augmentation potentielle de 16 % de la production hydroélectrique annuelle française.
Cela signifie qu’il faudra compter sur les centrales thermiques à combustible renouvelable, utilisant donc ce qu’on appelle la biomasse, c'est-à-dire le biogaz produit à partir des déchets organiques ou ménagers, le bois énergie et les biocarburants. Ce type de production électrique n’est pas« renouvelable » au sens strict du terme, dans la mesure où le combustible n’est pas illimité, à l'exception peut-être des déchets de l’activité humaine. En tout état de cause, le potentiel de cette production est largement sous-exploité, sa faisabilité technique est avérée, le combustible est peu cher et quasiment illimité.
Cette technologie présente cependant deux inconvénients.
D’une part, il ne faut pas que cette filière nuise au développement des biocarburants, qui utilisent eux aussi des matières organiques issues du secteur agricole.
D'autre part et surtout, comme le montrent très bien les études de l’ADEME, l’utilisation du biogaz donne lieu à l’émission de nombreux polluants tels que l'oxyde d’azote, le monoxyde de carbone, des composés organiques volatils, des hydrocarbures imbrûlés, des particules diverses et des hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Pour mémoire, la biomasse représente environ 1 % de notre électricité, à raison d'une quantité de 6 térawattheures.
Je souhaite dire un mot sur la géothermie, qui est, pour l’instant, très sous-exploitée. Nous savons qu’il existe des sites dans notre pays, comme l’Alsace ou la région parisienne, où cette technologie peut se développer.
Nous faisons aujourd’hui encore des progrès significatifs pour conserver la chaleur issue du sol qui est ensuite transformée en électricité.
Cependant, cette technologie connaît encore à court terme des limites. En effet, soit les forages sont peu profonds et, dans ce cas, l’énergie se fait rare. Soit les forages sont profonds et sont alors plus efficaces, mais aussi plus coûteux, d’autant qu’il existe un risque sismique.
Je ne fais que mentionner l’énergie marémotrice parmi les sources de production électrique d’importance marginale.
J’en viens aux énergies éolienne et solaire. Celles-ci sont sans conséquence sur l’environnement, en dehors de leur impact esthétique. Elles sont renouvelables. Le seul problème de ces deux énergies réside dans leur coût. Nous sommes quelques-uns à avoir travaillé récemment au sein d'une commission d'enquête sur ces questions, et nous en savons quelque chose !
Avec l’éolien, la somme des coûts de production et d’exploitation varie entre 0, 06 et 0, 125 euro le kilowattheure. Pour le photovoltaïque, ce coût se situe entre 0, 12 et 0, 25 euro. Je ne parle pas ici du prix de vente, dont on sait qu’il est artificiellement gonflé. Malgré ces coûts, ces deux types d’énergie ont un avenir certain. En outre, ces coûts diminuent : le prix du watt a diminué de 43 % ou de 45 % entre janvier 2011 et janvier 2012 selon que l'on utilise des modules monocristallins ou polycristallins.
Pour l’éolien, l'équation peut être posée de manière simple : en moyenne, une éolienne française produit actuellement 1, 5 mégawattheure ; or les éoliennes produisent un mégawatt supplémentaire tous les cinq à six ans ; il existe donc un énorme potentiel d’accroissement. Mais l'équation comporte aussi d’autres paramètres.
La production éolienne représente un peu moins de 3 % de notre production électrique, avec environ 4 000 éoliennes. Pour atteindre 15 % de production issue de l’éolien, c’est 20 000 éoliennes qu’il faudrait installer sur le territoire national, ce qui représente environ 1 000 éoliennes par région… Je ne suis pas sûr que les Français soient prêts à l'accepter, même s'ils tolèrent un peu mieux l'éolien offshore.
Reste le nucléaire, qui est incontournable. C'est une énergie peu chère, qui ne rejette pas de gaz à effet de serre. Elle pose deux difficultés : le stockage des déchets et son caractère non renouvelable.
J’entends ceux qui nous disent qu’il ne faudrait pas être aveuglé par le poids économique du nucléaire en France, par les emplois qu’il maintient sur le territoire, par son effet sur la balance commerciale, par la vitrine technologique que cette filière incarne pour la France… Ils se trompent : tout cela est bon et même très bon pour la France !
À court terme, mes chers collègues, nous n’avons que le nucléaire et les combustibles fossiles. À moyen terme, et seulement à ce moment-là, le nombre de réacteurs pourra baisser.
Malheureusement, puisqu’il fallait au Président de la République faire la preuve de son « écolo-compatibilité », celui-ci a annoncé la fermeture de la centrale de Fessenheim pour 2016. Il devait faire une annonce, prendre une vielle centrale comme bouc émissaire, et peut-être aussi faire plaisir à un voisin.
Mais aucun élément, ni dans les travaux de l’Autorité de sûreté nucléaire, ni dans ceux de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, ne donne raison au Président et à son Premier ministre.