Mon cher collègue, il y a tout de même un échange de points de vue. Permettez que j’utilise les six minutes qui me sont accordées pour présenter le nôtre.
Comme M. Poniatowski l’a souligné, des objectifs ont été fixés par le Président de la République qui font l’objet d’un contrat conclu avec la Nation. Ces objectifs, qui dessinent le cadre dans lequel nous nous situons, sont les suivants : division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990 ; réduction de la part du nucléaire dans le mixélectrique, appelée à passer de 75 % à 50 % d’ici à 2025 ; réduction de 50 % de la consommation finale d’énergie d’ici à 2050 et de 30 % de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030.
Le Président de la République, lors de la conférence environnementale, a clairement réaffirmé ce troisième objectif, qui est tout aussi important que les deux premiers. J’insiste : il s’agit bien de réduire la consommation d’énergie dans notre pays.
Les écologistes soutiennent sans réserve ces objectifs, constamment rappelés par le Président de la République. Ceux-ci visent à sortir la France de l’impasse du tout-nucléaire, absurdité économique et environnementale manifeste. Ils doivent aussi nous permettre de réduire notre empreinte carbone et d’élaborer enfin une politique industrielle et de l’emploi qui soit innovante sur le plan énergétique. Atteindre ces objectifs exige cohérence et réalisme.
Notre débat de ce matin porte notamment sur l’avenir de la filière nucléaire. Notre parc actuel de centrales est vieillissant et – fait assez rarement signalé – les travaux nécessaires à sa prolongation et à sa mise en conformité avec les normes de sécurité post-Fukushima vont coûter extrêmement cher : entre 55 et 80 millions d’euros, selon les estimations actuelles, pour le parc existant.
Surtout, nous savons avec une certitude un peu plus forte qu’en 2012, lorsque la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité afin d’en déterminer l’imputation aux différents agents économiques a mené ses travaux sous la présidence de M. Poniatowski, que le prix du mégawattheure produit par un EPR ne sera jamais compétitif – je dis bien jamais !
J’en veux pour preuve les plans financiers de la centrale d’Hinkley Point, en Grande-Bretagne : le prix du mégawattheure, garanti pour plus de quarante ans, est supérieur à 100 euros, alors que – mes chiffres, en l’occurrence, ne concordent pas nécessairement avec ceux de M. Poniatowski – le mégawattheure issu de l’éolien terrestre coûte 80 euros et celui issu du photovoltaïque, 90 euros, aux termes des dernières propositions.
Je le répète, même parvenu à maturité, ce qui devrait se produire en Angleterre, l’EPR coûte trop cher ! Quant au mégawattheure produit par la centrale de Flamanville, il doit être le plus cher de l’histoire ; le chantier a vu son coût passer de 3 milliards à 8, 5 milliards d’euros, alors même qu’il n’est pas achevé. J’ajoute que, en Finlande, la dérive des coûts est à peu près identique.
Le nucléaire a concentré et concentre encore une écrasante majorité du budget de la recherche française. Cette situation nous a fait perdre beaucoup de temps : de fait, nous avons pris un retard économique considérable dans le développement des filières renouvelables, ce qui a des conséquences négatives sur l’emploi.
C’est sur un discours faux que s’est construit le leurre d’une électricité bon marché, puisque le mégawattheure est vendu à un prix inférieur à son coût réel, comme l’a montré notre commission d’enquête de 2012.
Aussi est-il temps de tourner la page de ce choix énergétique qui affaiblit économiquement la France et de réfléchir collectivement à une sortie du nucléaire en bon ordre, en réorientant massivement les investissements sur les filières renouvelables.
Le rapport de la commission d’enquête faisait état de chiffres de la Fédération européenne des producteurs d’électricité – ce ne sont donc pas des chiffres « écolos » – dont il résulte que le nucléaire se marginalise en Europe, bien au-delà de l’Allemagne. De fait, dans les dix prochaines années, 250 milliards d’euros d’investissements sont prévus dans les filières renouvelables, contre seulement 16 milliards, soit quinze fois moins, pour le nucléaire.
Mes chers collègues, il est temps que la France soit économiquement présente sur les marchés des filières renouvelables !
En ce qui concerne les gaz de schiste, je rappellerai seulement la phrase prononcée en juin 2012 par le président-directeur général d’ExxonMobil à propos des perspectives d’exploitation de ces hydrocarbures dans le monde : « Nous sommes en train d’y laisser notre chemise ! » Je crois que c’est une bonne manière de conclure le débat. Les Polonais, notamment, commencent à déchanter.
Plus que jamais, les écologistes appellent à définir une politique forte et cohérente pour le développement des filières renouvelables. Le potentiel industriel et de création d’emplois est considérable, comme les précédents orateurs l’ont déjà fait observer.
Monsieur le ministre, nous attendons avec une grande impatience des précisions supplémentaires au sujet du « géant franco-allemand de la transition énergétique » dont le Président de la République a annoncé la création sur le modèle d’EADS. Les activités de ce groupe concerneront-elles principalement le photovoltaïque, ou bien seront-elles plus larges ? Il manque encore une partie de la réponse.
Dans ce débat, les désaccords entre les uns et les autres sont connus. Je voudrais dire quelques mots de la « filière hydrogène », au sujet de laquelle certaines convergences peuvent se faire jour entre nous ; elles sont rares, donc précieuses !
Un rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, intitulé « L’hydrogène : vecteur de la transition énergétique ? », a été remis à Arnaud Montebourg cette semaine. Nous pouvons tous convenir, je pense, que l’application power-to-gas représente un potentiel immense. Cette technologie consiste à transformer l’électricité en hydrogène avant de la réinjecter dans le réseau – le taux d’injection d’hydrogène dans le réseau est compris entre 5 % et 20 %. Quoi qu'il en soit, il faut développer cette technique et, dans cette perspective, il est temps de lancer des expérimentations grandeur nature.
C’est d’autant plus vrai que cette application est aussi un facteur de stabilisation du prix. En effet, on ne dit pas suffisamment que les variations considérables du prix de l’électricité, avec des prix souvent négatifs qui fragilisent l’ensemble des filières, sont l’une des grandes difficultés actuelles.
De même que nous connaissons tous la nécessité d’encourager massivement le développement des énergies renouvelables, de même nous savons que les économies d’énergie joueront un rôle central dans la réussite de la transition énergétique. Celle-ci passe par des avancées telles que l’effacement, l’intelligence des réseaux, le mécanisme de capacité à l’échelle européenne. Du reste, il est clair que ceux qui ne veulent pas de la transition énergétique s’attaquent précisément, aujourd'hui, à ces différents instruments en essayant de les rendre aussi peu performants que possible.
Le projet de paquet énergie-climat pour 2030, présenté hier par la Commission européenne, est décevant. La France accueillera, en 2015, la conférence Climat, qui doit nous permettre de parvenir, enfin, sur les questions climatiques, à un accord qui soit à la hauteur des enjeux. Dans cette perspective, elle doit se mobiliser, et cette mobilisation doit prendre corps dès les prochaines semaines, pour relever le niveau d’ambition des décisions qui seront prises au Conseil européen de mars prochain.
C’est pourquoi notre pays doit se montrer tout à fait exemplaire dans le respect de ses propres engagements en matière de transition énergétique !