Et je vous en félicite, madame la garde des sceaux !
Cela étant, je reprendrai, si vous le permettez, vos différents arguments.
Tout d’abord, vous invoquez l’histoire, notamment le contexte dans lequel Portalis a rédigé le code civil. Nous n’ignorons rien de ces circonstances. Néanmoins, dans sa grande humilité, Portalis lui-même a apporté cette précision devant l’assemblée de l’époque, qui n’émanait nullement du suffrage universel – il a fallu quelque temps pour que la France adopte ce mode de désignation : à ses yeux, son œuvre restait imparfaite, et l’assemblée devant laquelle il s’exprimait devait l’examiner de près. Ce faisant, il a témoigné sa confiance en ce travail de délibération collective que nous perpétuons aujourd’hui dans cet hémicycle !
Ensuite, vous indiquez que les ordonnances sont prévues par la Constitution. Nul ne peut nier l’article 38 de cette dernière ! Toutefois, ce n’est pas parce qu’il est possible de recourir aux ordonnances que celles-ci sont nécessaires en toutes circonstances.
Par ailleurs, vous soulignez que le droit des contrats concerne chaque Français constamment, dans sa vie quotidienne, qu’il s’agisse des citoyens, des entreprises ou des institutions. Notre collègue Philippe Kaltenbach a relevé, pour sa part, que les mesures visées représentaient un cinquième du code civil. Modifier des dispositions d’une telle ampleur sans le concours du Parlement – par ses travaux en commission et en séance publique – serait véritablement une première.
Vous avez mentionné deux précédents, le droit des sûretés et celui de la filiation. Toutefois, je rappelle que nous nous sommes alors opposés aux ordonnances. Je peux vous fournir toutes les références nécessaires ! Nos administrateurs, et je les en remercie, ont retrouvé les propos que j’ai alors tenus, ainsi que les discours de collègues beaucoup plus éminents que moi. Je songe en particulier à Robert Badinter, au côté duquel j’ai mené ce combat, et qui a fait montre, en la matière, d’une constante fermeté. Quant à M. Jean-Jacques Hyest, il a conduit l’opposition au sein de notre commission, qu’il présidait alors, et ce sur ces deux sujets.