Pour notre part, nous voterons résolument contre ce texte, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, comment pouvez-vous agir comme si certaines dispositions de notre Constitution n’existaient pas ?
Ainsi, l’article 1er de la Constitution dispose que la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux. Or, avec la création de cet hybride que sera le conseiller territorial, vous cassez cette parité, notamment dans les assemblées régionales.
Autre exemple : ce même article 1er de la Constitution dispose que la France est une république décentralisée. Or votre projet remet en question cette décentralisation. Il masque en réalité un véritable mouvement de recentralisation qui va casser la dynamique territoriale.
Autre exemple encore : l’article 72 de la Constitution précise que les collectivités territoriales s’administrent librement. Or vous prévoyez de supprimer en 2015 la clause de compétence générale. Quel sera l’avenir de nos communes, notamment des plus petites d’entre elles si, en cassant ces partenariats avec les départements et les régions, vous anéantissez la solidarité territoriale, c’est-à-dire la solidarité financière entre les territoires ? En effet, les communes, notamment les plus petites ou celles qui sont en difficulté, ne peuvent financer sur leurs fonds propres les équipements indispensables.
Comment osez-vous bafouer ces dispositions de la Constitution ? Comment pouvez-vous laisser contourner l’article 39 de cette même Constitution et le rôle du Sénat ?
En fait, ce sont ces principes de libre administration, d’autonomie financière et de péréquation, inscrits dans la Constitution, que vous ne cessez de remettre en cause.
De surcroît, comment osez-vous claironner sur tous les toits que votre objectif était d’apporter simplification et clarification, alors que votre projet complexifie encore le millefeuille en lui adjoignant de nouvelles strates ?
Comment osez-vous clamer aux quatre vents que ce texte doit renforcer la démocratie locale, alors qu’il marque une véritable régression démocratique, notamment avec le seuil de 12, 5 %, qui pénalise les formations minoritaires ?
Le problème, avec vous, c’est qu’il y a, d’un côté, les discours et, de l’autre, les actes, et que les actes ne sont pas toujours en phase avec les discours. La morale en politique consiste à ne jamais faire de promesses inconsidérées. §Et l’honneur en politique consiste à toujours mettre en accord les actes avec les discours. Je vous invite à méditer cela, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité.
D’ailleurs, qui a dit que ce texte contenait tout et n’importe quoi ? Un membre éminent de cette majorité !
Qui a dit que, au-delà des belles paroles, cette réforme visait en fait à permettre à l’UMP de reprendre pied dans les territoires où le suffrage universel l’avait évincée ? Un membre de cette même majorité ! Il se reconnaîtra…
La vérité, c’est que, avec la création de ce nouveau mandat de conseiller territorial, vous voulez prendre votre revanche, en tentant de reconquérir la majorité dans les régions et les départements, quitte à institutionnaliser le cumul des mandats et la confusion des genres.
La vérité, c’est que, en dénonçant le trop grand nombre d’élus et les doublons entre collectivités, vous tentez de masquer les graves manquements de l’État, à commencer par les nombreuses compétences transférées par ce dernier aux collectivités, qui se traduisent par des transferts de lourdes charges, mais ne s’accompagnent pas des transferts de moyens financiers correspondants – je suis sûr que mon collègue Marcel Rainaud ne me démentira pas sur ce point !
Comme avec le texte sur les retraites, avec ce projet de loi, nous sommes loin du consensus indispensable à de telles réformes. Il m’étonnerait fort que, prochainement, les élus ne vous le fassent pas comprendre d’une manière ou d’une autre.
Oui, cette réforme est un contresens historique pour un pays marqué par les lois de décentralisation de François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Deferre !
Mais, comme pour les retraites, c’est encore un texte conforme à la pensée présidentielle, qui va jusqu’à ignorer les propositions du Sénat, pourtant représentant des collectivités territoriales.
Pour nous, la vraie réforme de l’État passe par l’accentuation de la décentralisation, en raccourcissant les circuits de décision, en supprimant les doublons, en agissant dans la proximité, en rétablissant l’autonomie fiscale et en instituant une péréquation solide, sans oublier la clarification des compétences et la refonte de la fiscalité locale.
Une République moderne, mes chers collègues, passe par une organisation décentralisée des pouvoirs publics, car c’est en s’appuyant sur des collectivités renforcées que la France sera plus forte et que l’État sera plus efficace.
À l’inverse, lorsque les collectivités sont malmenées, asphyxiées, garrotées, on peut dire que la République est attaquée.
À chacun maintenant de se prononcer, en son âme et conscience !