Séance en hémicycle du 9 novembre 2010 à 14h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • messieurs les ministres

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures cinquante.

Photo de Gérard Larcher

La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Suppression de la taxe professionnelle, gel des dotations, démembrement des collectivités territoriales : c’est la tragédie en trois actes écrite par le Gouvernement pour sonner le glas des territoires.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Un sénateur de l’UMP. Ce doit être une tragédie qui donne le bourdon !

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Le premier acte, la suppression de la taxe professionnelle annoncée au débotté par le Président de la République en 2008, a pour conséquences un coût énorme pour le budget de l’État – près de 10 milliards –, des coupes dans les budgets des départements et, surtout, une rupture du lien entre les collectivités territoriales et le développement économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ce sera la fin de ce lien historique !

Enfin, l’absence de dynamique des recettes des collectivités territoriales entraînera désormais une véritable dérive dans les budgets de ces dernières.

Le deuxième acte est le gel des dotations, qui conduit à l’étranglement financier des collectivités territoriales. Le fameux effet de ciseaux – augmentation des dépenses et diminution des recettes – se mue en un véritable effet de garrot, un garrot qui étrangle les collectivités locales, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

... les empêchant de boucler leur budget et tout simplement de jouer la solidarité territoriale. Cela traduit la volonté du Gouvernement d’assécher les moyens des collectivités territoriales, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

... qui n’en peuvent déjà plus !

Le troisième acte est le démembrement, le démantèlement des collectivités territoriales, qui signe la fin de la décentralisation. Certes, notre pays est composé de villes, de métropoles, mais il est aussi composé de territoires ruraux, de communes, de cantons, de zones rurales, d’arrière-pays, qui ne sont pas un boulet pour notre pays, bien au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ce ne sont pas des réserves d’Indiens. Ce sont des territoires qui innovent, qui créent de la recherche, qui se placent dans l’économie du savoir et de la connaissance, et c’est à partir des territoires ruraux, de leurs petites entreprises que, grâce aux nouvelles technologies de l’information, au haut débit, l’innovation pourra se diffuser sur l’ensemble de notre territoire.

Alors, non, ce ne sont pas ces territoires et ces collectivités territoriales qui ont un train de retard ; c’est votre texte, messieurs les ministres ! Alors que, dans cette Haute Assemblée, nous devrions parler de la France dans vingt ou trente ans, nous jouons un mauvais plagiat de Retour vers le futur.

Oui, c’est bien la fin de la décentralisation.

La voix des sénateurs n’a pas été entendue lors des lectures précédentes. Le Sénat a été totalement piétiné...

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

... et, contrairement à ce que nous avons entendu ce matin, le texte de la commission mixte paritaire est celui de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Le Sénat a donc été piétiné et bafoué !

Alors que le Sénat est le représentant des collectivités territoriales, son vote n’a pas été respecté. Pourtant, c’est ici que bat le cœur de nos collectivités puisque nous sommes en lien direct avec les élus locaux.

Messieurs les ministres, vous avez une curieuse conception de la manière de légiférer ! Vous faites voter des lois, mais vous les estimez imparfaites et vous expliquez qu’elles s’appliqueront… plus tard, toujours plus tard ! Après 2013 pour les retraites ; en 2014, puis en 2015 pour cette réforme des collectivités territoriales. Pourquoi ces lois ne s’appliquent-elles pas d’emblée ? Tout simplement parce que non seulement le peuple, mais aussi les élus de tous bords n’en veulent pas !

Le conseiller territorial, c’est la fin de la ruralité. Cet élu hybride sera la plupart du temps de sexe masculin, il ne pourra pas représenter les territoires, il devra siéger au conseil régional et au conseil général, sans parler de sa présence dans toute une série de conseils d’administration !

En matière de compétences, où donc était le problème ? Il n’y a pas de problèmes liés aux cofinancements ! Et vous voulez interdire entre les départements et les régions des cofinancements que vous imposez maintenant entre les collectivités territoriales et l’État. Il faudra payer les lignes TGV, l’université... Non, décidément, cela ne tient pas debout !

Enfin, avec l’abandon de la clause de compétence générale, c’est la fin de la libre administration des collectivités territoriales et c’est la fin de l’innovation.

Mais, comme vous le faites désormais dans chaque loi, vous prévoyez une clause de revoyure, d’autant que rien n’est réglé dans le projet de budget. Votre façon de gérer est vraiment très bizarre !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Vous bridez les collectivités territoriales, mais, ce faisant, vous bridez aussi les principaux moteurs de la croissance et du développement puisqu’elles représentent, dans notre pays, 77 % de l’investissement public.

Mes chers collègues, le moment de vérité est arrivé ! Être libre, c’est être capable de dire non. Le groupe socialiste dira non au projet qui nous est proposé parce que nous resterons des défenseurs inlassables de la décentralisation et des territoires !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par une observation relative à la parité.

Pour les conseillers territoriaux, le scrutin uninominal à deux tours entraînera, c’est certain, une importante régression de la parité. Les résultats des élections issues de ce mode de scrutin suffisent à le prouver : seulement 12, 3 % de femmes siègent dans les conseils généraux.

Certes, des pénalités financières sont théoriquement prévues pour favoriser la parité. Toutefois, quand on lit l’article y afférent, on constate que le libellé est quasiment incompréhensible. Ce n’est pas innocent ; c’est même délibéré ! Il s’agit de cacher le fait que le montant des pénalités est dérisoire et qu’elles n’auront donc aucune efficacité dissuasive !

À ce sujet, je ferai trois remarques.

Premièrement, la première fraction de l’aide aux partis politiques devient une véritable usine à gaz, qui repose sur un charabia technocratique inextricable. Ainsi, l’assiette de la parité est décrite de la sorte : « la première part de la deuxième partie de la première fraction qui correspond à la part assise sur les suffrages obtenus aux élections territoriales ». Je crains que, même pour quelqu’un ayant fait de longues études, ce ne soit très difficile à comprendre !

Deuxièmement, les pénalités sur la parité ne porteront en fait que sur une enveloppe totale de 6, 6 millions d’euros. Or, actuellement, les 40 millions d’euros concernant les pénalités liées aux élections législatives ont les résultats insuffisants que l’on sait. Malgré cela, on voudrait nous faire croire que cette enveloppe de 6, 6 millions d’euros permettra des sanctions significatives et incitatives pour les élections territoriales. C’est ridicule !

Troisièmement, cette réforme aura pour effet de réduire mécaniquement les retenues garantissant la parité à l’Assemblée nationale, puisque l’enveloppe initiale sera diminuée d’un tiers.

Par ailleurs, ce projet de loi me donne l’occasion de dire, pour rebondir sur des propos qui ont récemment été tenus et ont suscité beaucoup d’échos, que je partage tout à fait le point de vue exprimé par l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin sur le Président de la République et son entourage.

Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Peyronnet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je considère que ce projet de loi est la parfaite illustration d’une idée initialement excellente que l’on est parvenu à pourrir complètement par des arrière-pensées et des magouilles politiciennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

On a vécu, avec le découpage – un véritable charcutage ! – des circonscriptions législatives, des opérations honteuses et scandaleuses. Aujourd’hui, on recommence, en nous préparant un seuil de 12, 5 % pour rester candidat au deuxième tour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Excellent ! Méfiez-vous de ceux qui parlent vrai, messieurs les ministres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Prenons donc tous notre carte de l’UMP, cela réglera tous les problèmes !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

J’ajoute que nous assisterons, avec les conseillers territoriaux, à une répétition de ce qui s’est passé avec le redécoupage des circonscriptions législatives. On nous assure que le redécoupage des territoires fera l’objet d’une concertation. Mais faut-il rappeler que, après avoir engagé une concertation similaire pour fixer la nouvelle carte des circonscriptions législatives, le Gouvernement s’est assis sur les avis qui avaient été formulés ?

Dans le cas du département de la Moselle, le Conseil d’État avait rendu un avis négatif sur le projet du Gouvernement, lequel avait été ensuite désavoué par la commission des lois de l’Assemblée nationale et par celle du Sénat. Pour autant, cela ne l’a pas empêché, pour faire adopter son projet, de recourir au vote bloqué ! Le Conseil constitutionnel, quant à lui, a pointé de très graves anomalies dans la nouvelle carte électorale de la Moselle, ainsi d’ailleurs que dans celle d’un autre département.

Les mêmes magouilleurs qui, en Moselle, avaient œuvré pour les circonscriptions des députés commencent à aiguiser les couteaux pour charcuter les territoires !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Très bien ! C’est la même situation dans le Rhône !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Messieurs les ministres, ce qui s’est passé avec les circonscriptions législatives est honteux ; le présent texte est encore plus honteux et il n’est pas question que je le vote !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de la présentation, en mars 2009, du rapport de la commission pour la réforme des collectivités locales, Édouard Balladur parlait de ses propositions comme d’un « big-bang territorial ». À la lecture du texte qu’il nous est proposé d’adopter aujourd’hui, je dirai que, loin du « big-bang » annoncé, on prépare un chaos territorial !

Les collectivités territoriales sont devenues un enjeu pour des luttes de pouvoir, un objet de clivage, alors qu’elles sont, au contraire, le bien de tous nos concitoyens, le lieu où s’exprime la démocratie de proximité, cette démocratie en acte que font vivre au quotidien des milliers d’élus locaux bénévoles.

Le chaos qu’engendrera ce projet de loi, s’il est adopté – car le suspense demeure –, c’est d’abord celui du conseiller territorial, cet élu schizophrène hors-sol, censé mettre un terme à la gabegie des élus locaux.

Vous avez voulu lui faire conjuguer la proximité du département et la vision stratégique de la région ; à l’arrivée, vous n’aurez ni l’une ni l’autre et vous renforcerez l’effet « cumul de mandats », quand c’est tout le contraire qu’il faut désormais enclencher.

Messieurs les ministres, nous n’avons cessé de vous rappeler tout au long des débats que ce nouvel élu, dont nul n’avait sollicité la création, n’était qu’un prétexte pour formaliser la recentralisation à laquelle procède ce texte, au mépris de toutes les grandes réformes engagées depuis 1982. Le conseiller territorial ne suscitera que confusion et illisibilité.

S’agissant de son mode d’élection, le relèvement de 10 % à 12, 5 % du seuil des inscrits pour se maintenir au second tour va, à l’évidence, à l’encontre de toutes les traditions républicaines en matière d’élections locales. C’est donc un vrai recul du pluralisme des opinions démocratiques, une atteinte aux minorités et à la diversité politiques, cette diversité que nous incarnons tous au sein du RDSE. Le choix est ainsi fait, et assumé, d’accentuer la bipolarisation politique et son caractère artificiel.

L’autre régression majeure de ce texte est la disparition annoncée pour 2015 de la clause générale de compétence des départements et des régions. La confusion entourant cette suppression démontre que, contrairement à ce qui a été affirmé, bien peu d’élus sont prêts à entériner ce recul de la démocratie locale. Pourquoi tant de méfiance à l’égard des élus locaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Mes chers collègues, les premières victimes de ce projet de loi seront les communes les plus fragiles, et plus particulièrement les petites communes situées en zone rurale. Depuis plusieurs années, elles ne sont pas épargnées, qu’il s’agisse des transferts de compétences financièrement non compensés, de la désastreuse suppression de la taxe professionnelle, du recul général de l’autonomie financière et, aujourd’hui, de la suppression de possibilités de cofinancement.

La disparition progressive des services publics de proximité et le désengagement de l’État sur tout le territoire marquent la désagrégation du lien social pour lequel se battent pourtant, avec cœur, courage et conviction, des milliers d’élus locaux.

En limitant encore davantage les possibilités de cofinancement, c’est l’investissement de ces petites communes et des petites intercommunalités qui est mis à mal. La disparition de ces investissements signifie qu’elles n’auront plus les moyens d’offrir à leur population les services de proximité dont ces dernières ont besoin. En d’autres termes, c’est bien la disparition de ces communes qui s’organise.

Je ne peux m’y résoudre. La diversité de nos territoires et le dynamisme qui s’y déploie participent de la richesse de notre pays : ce sont des causes qui valent d’être défendues.

Certes, il est incontestable que l’organisation territoriale et administrative de notre pays a besoin d’être réformée. Loin de moi l’idée de faire l’apologie du conservatisme et du statu quo : à l’évidence, la réforme des collectivités s’impose. L’empilement des niveaux de décision a sans doute conduit à créer un véritable millefeuille.

À cet égard, ce texte est un rendez-vous manqué. Le Sénat, plutôt que d’avoir apporté toute son expertise en la matière, se retrouve affaibli, pour ne pas dire humilié, puisque le texte soumis à notre vote ne tient au final que très peu compte des travaux de l’assemblée chargée par la Constitution de représenter les collectivités territoriales. C’est un comble, c’est un paradoxe, c’est même une faute !

Pourtant, les choses avaient plutôt bien commencé. En même temps que le chef de l’État confiait à Édouard Balladur le soin de présider une commission de réflexion, le Sénat décidait d’étudier la question en y associant l’ensemble des groupes politiques représentés en son sein. Le rapport rendu en juin 2009 avait alors formulé d’excellentes propositions, qui s’illustraient par leur caractère équilibré. Son titre était d’ailleurs éloquent : « Faire confiance à l’intelligence territoriale ».

Le Gouvernement prit néanmoins le soin d’aller à l’exact opposé des préconisations du Sénat.

Car, mes chers collègues, de mon point de vue, le plus regrettable dans tout cela, c’est que la discussion de ce texte a été marquée par de graves atteintes aux prérogatives de la Haute Assemblée. Des quatre projets de loi initialement annoncés, nous sommes passés à un seul. L’introduction de pans complètement nouveaux de cette réforme en première lecture à l’Assemblée nationale a modifié substantiellement la nature même du projet de la loi, comme l’avait démontré mon collègue Jacques Mézard en défendant notre motion d’irrecevabilité en deuxième lecture. Il ne s’agit de rien de moins que d’un détournement de procédure qui n’avait d’autre objectif que de contourner l’obligation de discuter de ces dispositions en premier lieu devant notre assemblée !

Cette violation de l’esprit même de la Constitution est pour nous inacceptable ; elle traduit malheureusement l’empressement à faire passer une réforme coûte que coûte, en dépit des pouvoirs du Parlement.

Je ne m’attarderai pas sur le report incompréhensible et inexpliqué de la première réunion de la commission mixte paritaire, non plus que sur les conditions ubuesques dans lesquelles celle-ci s’est finalement déroulée.

C’est pour qu’une telle situation ne puisse se reproduire – c'est-à-dire pour que l’on ne puisse plus exercer de pressions sur le Sénat en le menaçant de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale – que, avec l’ensemble de mes collègues du RDSE, j’ai déposé une proposition de loi constitutionnelle qui a pour finalité de soustraire les textes ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales à la procédure permettant à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sans l’accord du Sénat.

Mes chers collègues, à quoi sert-il au Sénat d’avoir le premier mot, comme en dispose l’article 39 de la Constitution depuis la révision défendue par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, si, au final, l’Assemblée nationale, peut avoir « le dernier mot » ?

Aussi, mes chers collègues, en attendant que vous ne vous prononciez sur cette proposition de loi constitutionnelle du RDSE, le 8 décembre prochain, je vous invite, comme la très grande majorité des membres de mon groupe, à repousser le texte proposé aujourd’hui à notre assemblée. Je vous y invite pour des raisons de fond – le contenu de cette réforme –, mais aussi pour restaurer l’honneur du Sénat.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au terme de ce qui s’annonçait comme un marathon législatif, mais que vous avez conduit comme une course d’obstacles, les écarts entre les textes adoptés par les deux assemblées auraient dû vous conduire à demander une troisième lecture.

Nous regrettons que vous n’ayez pas fait ce choix. Ce sera donc le Conseil constitutionnel qui y procédera et nul ne sait quelle sera sa lecture de ce texte tant celui-ci remet en cause la structure administrative, politique et démocratique de notre République et les missions qui en découlent.

Aujourd'hui, une chose est claire : si ce texte s’applique en l’état, il va bouleverser l’organisation même de notre nation et remettre en cause le mouvement de décentralisation entamé voilà trente ans.

En déstructurant l’ensemble de l’organisation territoriale de notre pays, vous vous attaquez à ce qui fait la richesse de notre vie démocratique, d’une gestion des affaires publiques au plus près de nos concitoyens.

Je ne reviendrai pas sur notre argumentaire tendant à dénoncer le contenu et les motivations de ce projet de loi. Cependant, au nom de notre groupe, je souhaite tout particulièrement lancer une nouvelle fois l’alerte sur la mort non annoncée de nos communes, n’en déplaise à M. Gérard Longuet. Car, bien entendu, vous ne voulez pas affronter les élus de nos communes sur ce sujet !

Or, malgré toutes vos dénégations, c’est bien aux communes que ce projet de loi s’attaque en premier lieu. Après un vaste mouvement de mise en partage volontaire au sein d’intercommunalités et de syndicats librement constitués, vous allez contraindre toutes les communes de France à de nouveaux regroupements administratifs. Ces regroupements autoritaires n’auront plus pour objectif la mise en œuvre de projets communs pour leurs territoires. Votre ambition est de réduire le nombre des structures intercommunales et d’augmenter les prérogatives de celles-ci, au détriment des communes et de leur libre administration.

Ce changement touchera, je le répète, toutes les communes de France, mais ce mouvement d’intégration forcée sera encore plus fort au sein des nouveaux pôles métropolitains et des métropoles.

Ce faisant, plus rien ne pourra se décider localement. Certes, formellement, les communes continueront d’exister, sauf quand elles auront été fusionnées, comme le prévoit ce texte. Comme l’envisageait le rapport Balladur, elles vont s’évaporer, disparaître peu à peu sans que le législateur ni le peuple aient à en décider.

Au final, dans quelques années, si rien n’est fait pour enrayer ce mouvement, elles se seront totalement vidées de toute substance : elles seront devenues des coquilles vides !

Ainsi, ces 36 000 foyers du débat démocratique local et national, ces lieux de construction du lien social vont s’évanouir progressivement. Nous ne saurions nous y résoudre.

Comment notre assemblée, représentante des collectivités locales, des communes en particulier, pourrait-elle prendre une telle décision ?

J’en appelle solennellement à chacun d’entre vous, mes chers collègues, pour que vous rejetiez ce projet de loi dangereux pour la vie de nos communes et de leurs habitants. Comme pour la réforme des retraites, ce n’est pas parce qu’une loi est votée qu’elle est bonne, efficace, juste et nécessaire. Ce que fait une loi, une autre peut le défaire, mais le rythme des déstructurations institutionnelles contenues dans ce projet de loi est tel que le mal sera fait avant qu’un autre texte ne puisse s’y substituer.

En effet, voici venu l’ère des préfets, des proconsuls, pourrions-nous dire, que vous allez inviter à découper nos territoires, regroupant là des communes qui n’ont jamais travaillé ensemble et qui n’ont aucun projet commun, faisant éclater ailleurs des intercommunalités qui fonctionnent bien.

Ils pourront le faire sans consulter et même sans respecter les préconisations des commissions départementales. Pour être certains qu’ils n’auront pas la mauvaise idée de négocier, vous leur donnez dix-huit mois pour agir. C’est dire votre fébrilité. De plus, les préfets disposeront de ces mêmes pouvoirs un an avant chaque élection municipale.

Quelle sera la capacité d’action des élus de nos communes s’ils sont ainsi sous la menace d’une réorganisation permanente des territoires ? Quelle possibilité de choix pour les citoyens ? Leurs besoins quotidiens ne seront plus pris en compte ou, plus exactement, ils seront noyés dans de grosses machines administratives sur lesquelles ils n’auront plus prise.

Ainsi, après avoir organisé l’étranglement financier des communes, vous allez leur faire passer une étape nouvelle, celle de leur intégration forcée au sein d’entités créées de toutes pièces et dont les contours et les compétences sont entre vos mains.

La cohérence de cette réforme avec celle de leur financement va même vous permettre de présenter le texte de cette réforme des collectivités comme la seule solution à l’étranglement des communes que vous avez organisé. En une loi, vous réduisez à néant deux siècles d’histoire qui ont fondé notre République.

Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Mme Marie-France Beaufils. Soyez assurés que, si cette réforme est adoptée, nous ferons tout pour que les élus locaux et les citoyens de nos communes se mobilisent pour défendre nos libertés démocratiques chèrement acquises et pour faire échec à l’application de cette loi scélérate.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Exclamations exprimant ironiquement la curiosité sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis, comme tous les membres de cette assemblée, conscient du caractère insatisfaisant, voire frustrant du débat qui nous réunit aujourd’hui puisque nous allons devoir nous prononcer par oui ou par non sur un texte pourtant long et complexe.

Ce texte n’est certes pas parfait. Mais comment aurait-il pu en être autrement quand ses deux lectures par chaque assemblée ont montré sans aucune ambiguïté que les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat étaient durablement différentes ? Dès lors, fallait-il laisser le dernier mot à l’Assemblée sur un texte relatif aux collectivités territoriales...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

... ou bien rechercher un compromis ?

Pour ma part, en tant qu’élu local et sénateur, je n’ai aucun doute sur la réponse à apporter à cette question. Certes, le texte issu de la CMP du 3 novembre est un texte de compromis…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

… et, comme tel, il est forcément imparfait. Cependant, a-t-on jamais vu un texte issu d’une CMP être autre chose qu’un texte de compromis ? Évidemment, non !

Certes, on peut toujours être jusqu’au-boutiste et considérer que, dès lors que le texte issu de la CMP ne répond pas à tous les souhaits du Sénat, il doit être rejeté ! Mais alors, il faut aller au bout d’une telle logique et laisser à l’Assemblée nationale le soin de décider de la réforme des collectivités territoriales !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne. Pour ma part, je m’y refuse et je préfère le compromis à un jusqu’au-boutisme stérile.

Mêmes mouvements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Certes, il n’y a aucune trace de proportionnelle dans l’élection des conseillers territoriaux. Mais combien de voix l’amendement proposant l’introduction en deuxième lecture d’une dose de proportionnelle a-t-il recueillies dans notre assemblée ? Seulement vingt-neuf !

Certes, les dispositions relatives aux compétences ne sont pas supprimées, mais leur mise en œuvre est reportée au 1er janvier 2015, ce qui, me semble-t-il et si je compte bien, laisse largement autant de temps pour améliorer la répartition des compétences que le délai d’un an initialement prévu pour adopter une loi fixant cette répartition.

Sans entrer dans le détail des évolutions retenues par la CMP, est-il négligeable d’avoir obtenu que le seuil d’autofinancement pour le maître d’ouvrage soit maintenu à 20 %, au lieu des 30 % prévus par l’Assemblée nationale pour certaines collectivités ? Ou que l’interdiction des financements croisés ne s’applique désormais qu’après 2015, et seulement à défaut d’accord entre le département et la région ? Au demeurant, sachant que les mêmes élus siégeront à la fois dans les assemblées départementales et à l’assemblée régionale, peut-on vraiment penser qu’il sera impossible d’obtenir un tel accord ?

Je ne suis ni fier ni honteux du texte issu de la CMP. Je pense simplement qu’il résulte d’un compromis et que la plupart de ses dispositions porteront finalement moins à conséquence pour les collectivités que la réforme financière votée l’an dernier ou que la généralisation de l’intercommunalité, qui a pourtant fait l’objet d’un quasi-consensus dans cette assemblée.

Je voterai donc sans états d’âme les conclusions de la CMP.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les élus de notre pays attendaient un approfondissement de la décentralisation, une réforme de la fiscalité locale, une compensation des dépenses sociales à l’euro près et une clarification des compétences.

Au lieu de prendre en compte les préconisations du rapport Belot, qui allaient en ce sens, le Gouvernement a privilégié la vision d’experts n’ayant jamais géré une collectivité.

Nous avons récemment réformé la Constitution pour, paraît-il, redonner du pouvoir au Parlement. Avec ce texte, nous constatons, encore une fois, le contraire.

En matière de clarification de compétences, messieurs les ministres, l’État nous donne le plus mauvais exemple. Il vient solliciter les conseils généraux, les agglomérations et les conseils régionaux pour financer les rares routes nationales qui demeurent ! Idem pour les lignes ferroviaires à grande vitesse ou encore les gendarmeries : il s’agit là de dépenses que l’État doit prendre en charge, mais il n’empêche que, si les collectivités veulent ces équipements, elles doivent elles-mêmes les financer.

Le présent projet de loi rendra de grandes régions complètement ingérables : si cette réforme va à son terme, 265 conseillers territoriaux devraient être élus pour la seule région Midi-Pyrénées. Il va donc falloir construire à grands frais un nouvel hémicycle, le conseil régional ne comptant actuellement que 90 membres !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

C’est sans doute pour faire des économies…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Alors, chers collègues de la majorité, vous porterez une grande responsabilité historique. Avec cette loi, vous mettez un terme à un quart de siècle de décentralisation. C’est la première fois que, sur un texte qui touche directement les collectivités locales, le travail du Sénat est balayé par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

M. Gérard Miquel. Je ne doute pas qu’élus locaux et grands électeurs apprécieront la méthode et vous le feront savoir aux prochaines échéances.

Mme Dominique Voynet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Pour les départements, vous avez été tentés de suivre les préconisations de Jacques Attali, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

... relayées par de nombreux hauts responsables de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Mais, au bout du compte, à la mort subite des collectivités locales vous avez préféré leur mort lente, programmée, dans la souffrance d’une asphyxie financière qui aboutira aux mêmes résultats, souhaités par certains.

À terme rapproché, vous aurez supprimé les collectivités de proximité, qui mettent pourtant en œuvre des politiques de solidarité et de redistribution dont notre pays a plus que jamais besoin.

C’est la recentralisation et la métropolisation qui sont en marche, avec l’abandon programmé des zones rurales.

Mes chers collègues, nos électeurs nous observent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Soyons donc conscients de l’enjeu !

Le conseiller territorial est une aberration qui engendrera, contrairement à ce qui est annoncé, des dépenses supplémentaires, une grande confusion ainsi qu’une « technocratisation » de nos collectivités.

Tout cela est contraire à l’esprit de la décentralisation. En rejetant ce texte, nous grandirons l’image du Sénat et nous le conforterons dans son rôle de défenseur des collectivités.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette réforme est extravagante, invertébrée. Le Sénat est humilié et le rapport Belot, foulé aux pieds, alors même qu’il avait fait l’objet d’un certain consensus eu égard à sa grande qualité.

La réforme qui nous est proposée est confuse et peu lisible, alors qu’on pouvait s’appuyer sur des bases solides : les lois de 1871 sur les départements et de 1884 sur les communes, les lois de décentralisation de 1982. Toutes ces lois ont apporté la démonstration que la démocratie locale était consubstantielle à la République.

Or, messieurs les ministres, vous avez fait un choix purement politique, en décidant de faire des collectivités territoriales le bouc émissaire de l’incurie budgétaire de l’État.

Autre défaut de votre projet de loi : il contribuera à la création d’assemblées pléthoriques, comptant par exemple 265 membres en Midi-Pyrénées, 298 en Rhône-Alpes et 308 en Île-de-France !

De plus, quelle légitimité auront des conseils régionaux qui ne pourront plus lever l’impôt ? Quelle pourra être l’efficacité du travail d’un président du conseil régional de Midi-Pyrénées, qui qu’il soit, lorsqu’il devra faire face au président de la métropole toulousaine ainsi qu’aux huit présidents des conseils généraux, secondés par leurs troupes ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Et la création des métropoles est encore une autre source de difficultés. C’est une aubaine pour les grandes villes, mais elle conduira à l’affaiblissement des communes qu’elles intègrent et à l’agonie des départements concernés.

En outre, incohérence suprême, les remplaçants des conseillers territoriaux titulaires pourront, dans un certain nombre de cas, siéger à leur place sans pour autant jouir des mêmes pouvoirs. Dès lors, ils seront en définitive des sortes d’observateurs au sein de divers conseils d’administration, où leur rôle se bornera à prendre des notes.

Il est un point qui touche à l’essence même de la démocratie : en démissionnant, le titulaire pourra en quelque sorte choisir son successeur. La démocratie est là bafouée, car la porte est ouverte à toutes les dérives. En tout cas, ce n’est pas notre conception de la démocratie !

Enfin, comment expliquera-t-on à nos concitoyens qu’une mesure votée en novembre 2010 n’entrera en application qu’en 2015 ? Comprenne qui pourra !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Les conséquences de cette réforme vont consister, en définitive, à faire grossir les métropoles riches et maigrir les collectivités pauvres, jusqu’à ce qu’on fasse périr celle-ci par asphyxie.

Avec ce texte, le Gouvernement ne réussira qu’une chose : la décentralisation des déficits.

Mais, dans ce texte, il y a aussi une grande absente. Dans une telle loi, il eût été normal qu’on mette en avant la solidarité territoriale, laquelle impose la péréquation. Or personne n’a évoqué cette notion au cours de nos longs débats !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

La péréquation aurait pourtant dû être la pierre angulaire de cette loi.

Tout se passe comme si l’État était, en définitive, jaloux de la réussite des collectivités territoriales. C’est pourquoi la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera contre cette loi, et il le fera, lui, monsieur Détraigne, avec une certaine fierté.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Ce matin, j’ai pu donner quelques explications sur les raisons de mon vote. Mais, naturellement, compte tenu du temps de parole modique dont je bénéficie, celles-ci ont été assez brèves ! Depuis, on m’a expliqué que mon propos était hors sujet… J’ai évoqué les questions financières, c’est vrai, mais c’est tout simplement parce que la question des collectivités territoriales doit être considérée dans son ensemble : il y a un volet « fiscalité et finance », comme il y a un volet « représentation et scrutin » et un volet « compétences ». Compartimenter toutes les dimensions de ce texte ne peut que nuire à sa compréhension.

Pourquoi a-t-on parlé de perte d’autonomie fiscale et de coups portés à la décentralisation ? Tout simplement parce que, à partir du moment où les collectivités locales n’ont plus d’autonomie fiscale, mais dépendent des dotations et se voient imposer des normes et des dépenses, elles ne peuvent que devenir de simples exécutantes de la politique nationale, et chacun doit en prendre conscience.

S’agissant de la réforme du système électoral, j’avais prévu d’évoquer ce matin un lapsus commis par M. le ministre chargé de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Mes chers collègues, vous n’étiez peut-être pas tous en séance le 28 octobre dernier quand Michel Mercier a dit qu’un conseiller territorial ne pourrait évidemment pas exercer par ailleurs un mandat parlementaire. Pour ma part, j’ai relevé la chose et le compte rendu intégral en a également fait état.

Bien entendu, Michel Mercier a par la suite affirmé que ce n’était pas exactement ce qu’il avait voulu dire. Il n’empêche : il l’a dit ! J’attire donc votre attention sur ce point, chers collègues de la majorité. Si, demain, plus aucun président de région et plus aucun président de conseil général ne peut exercer de mandat parlementaire, je ne suis pas sûr que ce soit un progrès pour la démocratie !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Cette réforme n’entraînera aucune simplification. Je ne vois pas qu’on ait diminué l’épaisseur du millefeuille : avec la création des métropoles et le maintien des pays, on l’a plutôt accrue !

Je ne pense pas non plus que l’on en retirera des économies ; l’explosion du nombre de conseillers régionaux ne va sûrement pas dans ce sens, et la confusion dans les cofinancements sera telle que nous dépendrons du bon vouloir de quelques administrations, qui détermineront les projets que les collectivités pourront ou non cofinancer, selon que cela plaira ou non. Surtout, les cofinancements seront acceptés quand l’État ne voudra pas assumer seul telle dépense qui devrait lui incomber.

Nous ne vous demandons pas de vous renier, chers collègues. Nous vous suggérons simplement de prendre le temps nécessaire pour bâtir convenablement cette réforme extrêmement importante. En l’état, elle est un mauvais coup porté à la démocratie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rétablissement, en CMP, sur l’initiative des rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, de l’article 1er A relatif au mode d’élection des conseillers territoriaux, qui avait été unanimement supprimé, dès l’examen en commission, lors de la seconde lecture du texte par le Sénat, traduit de la part du Gouvernement et de l’UMP un indéniable mépris pour notre assemblée.

Faut-il aujourd’hui rappeler les propos que tenait M. Hyest, le 16 juin dernier, devant la commission qu’il préside ? Il déclarait alors : « Le mode d’élection avait été renvoyé au deuxième texte déposé devant le Sénat et qui prévoyait un scrutin à un tour avec proportionnelle. On revient à cette situation. La majorité de la commission ne souhaite pas que le mode de scrutin figure dans ce texte, mais dans celui qui a été déposé devant le Sénat. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le président Hyest, non seulement l’Assemblée nationale vous impose sa loi, mais, de surcroît, c’est le rapporteur du Sénat qui suscite ce retour en arrière. Ce type de manœuvre, qui ne nous semble pas acceptable sur le plan intellectuel, introduit surtout une grande confusion dans le débat.

Rien ne permet de comprendre une telle soumission de la majorité sénatoriale lors de la CMP du 3 novembre, hormis le diktat de l’Élysée !

M. Jean Desessard applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Beaucoup a été dit sur le mode de scrutin proposé par l'Assemblée nationale, mais il faut rappeler le caractère profondément antidémocratique de cette démarche et, surtout, son caractère régressif.

D’une part, le recours au mode de scrutin majoritaire uninominal, allié à la fixation d’un seuil de 12, 5 % pour le maintien au second tour, favorise le bipartisme en remettant en cause le pluralisme. Aujourd'hui, les conseillers régionaux sont élus à la proportionnelle : cela pose-t-il un problème de gestion des régions ? Non ! La diversité des sensibilités présentes dans les assemblées régionales est-elle un atout ? De toute évidence, oui !

Alors que nombreux sont ceux qui notent une sclérose de notre système politique et une aspiration citoyenne au débat – le mouvement contre l’abandon de la retraite à 60 ans le montre bien –, on propose de maintenir et même de généraliser un mode de scrutin qui favorise la « notabilisation » et fait obstacle à la régénération de ce système.

D’autre part, ce mode de scrutin tue la parité, et ce ne sont pas les mesurettes figurant par ailleurs dans le texte qui infirmeront ce propos.

Vous la savez tous, la proportionnelle, c’est la garantie d’une juste représentation des femmes : il suffit de comparer la composition des conseils régionaux et celle des conseils généraux pour s’en convaincre.

L’instauration d’un conseiller territorial, couplée à ce mode de scrutin majoritaire, marque un vrai recul démocratique.

Messieurs les ministres, avec votre projet, et particulièrement avec cet article 1er A, vous claquez la porte des futures assemblées régionales et départementales au nez des femmes !

Notre opposition à ce mode de scrutin renforce notre opposition à ce futur conseiller territorial, lequel sera un véritable professionnel de la politique, coupé du terrain, tant il devra s’investir dans la gestion de la région et du département, courant d’une assemblée à l’autre.

Nous espérons que le Sénat saura faire respecter son point de vue en refusant de voter les conclusions de la CMP, qui, sur des points fondamentaux, n’a tenu aucun compte du débat et du vote en seconde lecture au Palais du Luxembourg.

Pour notre part, nous défendrons l’honneur de la Haute Assemblée en votant contre ce projet, qui porte une grave atteinte à la démocratie locale de notre pays. §

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement n’ayant pas saisi la main que j’ai encore tendue ce matin, je ne pourrai malheureusement pas voter ce texte.

Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J’espérais en effet pouvoir voter la grande réforme des collectivités locales que nous avait annoncée le Président de la République.

Si je ressens aujourd’hui une certaine tristesse, c’est parce que j’ai voté cette réforme en première lecture, puis en deuxième lecture, c’est parce que j’ai été l’un des rares parlementaires de mon département à aller rencontrer les associations cantonales de maires pour leur expliquer le bien-fondé de cette réforme, et c’est aussi parce qu’il n’est jamais facile, quand on est dans la majorité, de ne pas voter une réforme proposée par le Gouvernement – c’est la première fois que cela m’arrive dans ma courte carrière de parlementaire.

En prenant cette décision, j’ai néanmoins la profonde conviction de faire mon devoir parce que ce texte ne répond en rien aux promesses qui avaient été faites en matière de clarification des compétences et des financements, de réduction du millefeuille territorial et d’amélioration de la lisibilité des politiques publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je ne le voterai pas parce que, nous le savons pertinemment, les assemblées régionales auront de grandes difficultés à fonctionner dans le cadre du schéma arrêté par ce texte.

Je ne le voterai pas parce que nous n’avons obtenu aucune amélioration, contrairement à ce qui avait été adopté en deuxième lecture, sur la question du cumul des mandats. En effet, on ne peut pas tout à la fois vouloir renforcer les intercommunalités et refuser de prendre en compte dans le cumul des mandats les fonctions de président de ces dernières, tout comme il est inconcevable de parler de modernisation de la vie politique sans se soucier de la question du cumul des mandats.

Voilà, mes chers collègues, pourquoi je ne pourrai pas voter ce texte aujourd’hui !

Je ne voterai pas non plus contre. §Je m’abstiendrai, et cela essentiellement pour deux raisons.

Je souhaite tout d’abord faire preuve de loyauté à l’égard de la majorité à laquelle j’appartiens, ce qui, au demeurant, n’implique pas l’inconditionnalité, comme le rappelle fréquemment et fort justement le président du Sénat.

Ensuite, je ne vois rien dans ce texte qui remette en cause les intérêts des communes. Je suis sur ce point en profond désaccord avec mes collègues de l’opposition, qui veulent faire peur à ces dernières en leur expliquant qu’elles seront obligées de se regrouper, qu’elles vont disparaître et qu’elles n’auront plus de financements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je refuse d’entrer dans ce jeu. C’est pourquoi je m’abstiens. Mais, encore une fois, je le fais avec tristesse et détermination.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Vous êtes surtout déterminé à laisser passer le texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Pour notre part, nous voterons résolument contre ce texte, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, comment pouvez-vous agir comme si certaines dispositions de notre Constitution n’existaient pas ?

Ainsi, l’article 1er de la Constitution dispose que la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux. Or, avec la création de cet hybride que sera le conseiller territorial, vous cassez cette parité, notamment dans les assemblées régionales.

Autre exemple : ce même article 1er de la Constitution dispose que la France est une république décentralisée. Or votre projet remet en question cette décentralisation. Il masque en réalité un véritable mouvement de recentralisation qui va casser la dynamique territoriale.

Autre exemple encore : l’article 72 de la Constitution précise que les collectivités territoriales s’administrent librement. Or vous prévoyez de supprimer en 2015 la clause de compétence générale. Quel sera l’avenir de nos communes, notamment des plus petites d’entre elles si, en cassant ces partenariats avec les départements et les régions, vous anéantissez la solidarité territoriale, c’est-à-dire la solidarité financière entre les territoires ? En effet, les communes, notamment les plus petites ou celles qui sont en difficulté, ne peuvent financer sur leurs fonds propres les équipements indispensables.

Comment osez-vous bafouer ces dispositions de la Constitution ? Comment pouvez-vous laisser contourner l’article 39 de cette même Constitution et le rôle du Sénat ?

En fait, ce sont ces principes de libre administration, d’autonomie financière et de péréquation, inscrits dans la Constitution, que vous ne cessez de remettre en cause.

De surcroît, comment osez-vous claironner sur tous les toits que votre objectif était d’apporter simplification et clarification, alors que votre projet complexifie encore le millefeuille en lui adjoignant de nouvelles strates ?

Comment osez-vous clamer aux quatre vents que ce texte doit renforcer la démocratie locale, alors qu’il marque une véritable régression démocratique, notamment avec le seuil de 12, 5 %, qui pénalise les formations minoritaires ?

Le problème, avec vous, c’est qu’il y a, d’un côté, les discours et, de l’autre, les actes, et que les actes ne sont pas toujours en phase avec les discours. La morale en politique consiste à ne jamais faire de promesses inconsidérées. §Et l’honneur en politique consiste à toujours mettre en accord les actes avec les discours. Je vous invite à méditer cela, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité.

D’ailleurs, qui a dit que ce texte contenait tout et n’importe quoi ? Un membre éminent de cette majorité !

Qui a dit que, au-delà des belles paroles, cette réforme visait en fait à permettre à l’UMP de reprendre pied dans les territoires où le suffrage universel l’avait évincée ? Un membre de cette même majorité ! Il se reconnaîtra…

La vérité, c’est que, avec la création de ce nouveau mandat de conseiller territorial, vous voulez prendre votre revanche, en tentant de reconquérir la majorité dans les régions et les départements, quitte à institutionnaliser le cumul des mandats et la confusion des genres.

La vérité, c’est que, en dénonçant le trop grand nombre d’élus et les doublons entre collectivités, vous tentez de masquer les graves manquements de l’État, à commencer par les nombreuses compétences transférées par ce dernier aux collectivités, qui se traduisent par des transferts de lourdes charges, mais ne s’accompagnent pas des transferts de moyens financiers correspondants – je suis sûr que mon collègue Marcel Rainaud ne me démentira pas sur ce point !

Comme avec le texte sur les retraites, avec ce projet de loi, nous sommes loin du consensus indispensable à de telles réformes. Il m’étonnerait fort que, prochainement, les élus ne vous le fassent pas comprendre d’une manière ou d’une autre.

Oui, cette réforme est un contresens historique pour un pays marqué par les lois de décentralisation de François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Deferre !

Mais, comme pour les retraites, c’est encore un texte conforme à la pensée présidentielle, qui va jusqu’à ignorer les propositions du Sénat, pourtant représentant des collectivités territoriales.

Pour nous, la vraie réforme de l’État passe par l’accentuation de la décentralisation, en raccourcissant les circuits de décision, en supprimant les doublons, en agissant dans la proximité, en rétablissant l’autonomie fiscale et en instituant une péréquation solide, sans oublier la clarification des compétences et la refonte de la fiscalité locale.

Une République moderne, mes chers collègues, passe par une organisation décentralisée des pouvoirs publics, car c’est en s’appuyant sur des collectivités renforcées que la France sera plus forte et que l’État sera plus efficace.

À l’inverse, lorsque les collectivités sont malmenées, asphyxiées, garrotées, on peut dire que la République est attaquée.

À chacun maintenant de se prononcer, en son âme et conscience !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de mon explication de vote, je souhaite revenir sur la question des métropoles. Vous connaissez notre désaccord sur leur création. Ces mastodontes administratifs, très éloignés des citoyens, vont absorber l’ensemble des compétences qui étaient auparavant dévolues aux communes et les conseils municipaux ne seront plus que des conseils d’arrondissement aux pouvoirs non encore réellement définis.

Notre assemblée avait au moins sauvegardé une partie des apparences en prévoyant que, conformément à l’article L. 123-18 du code de l’urbanisme, le projet de plan local d’urbanisme, ou PLU, métropolitain serait soumis pour avis aux conseils municipaux concernés. Selon notre sage Haute Assemblée, le conseil municipal restait le seul compétent pour décider et voter sur les dispositions du PLU concernant spécifiquement la commune dont il est le représentant légal.

Mais une telle audace, qui ne faisait pourtant que réaffirmer un principe essentiel de notre droit, était finalement trop grande… L’Assemblée nationale en a décidé autrement, et la CMP a fait de même.

Ainsi, le texte mis au vote aujourd’hui retire tout pouvoir aux communes sur l’avenir urbain de la cité.

Après avoir ôté leurs compétences en matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel, en matière d’aménagement de l’espace urbain, de politique locale de l’habitat, de politique de la ville, de gestion des services d’intérêt collectif et de protection de l’environnement, le texte nous propose de retirer aux communes membres d’une métropole toute vision prospective et toute action réglementaire sur l’organisation spatiale de leur territoire. C’est bien la démonstration qu’elles deviendront des structures sans objet.

En privant les communes membres d’une métropole de la maîtrise de l’espace urbain, on leur retire tout moyen d’intervention réelle. En effet, comment prévoir en zone urbaine dense les espaces nécessaires à la réalisation d’écoles, de stades, de gymnases, de crèches, de maisons de retraite, de logements sociaux, bref, les espaces nécessaires aux équipements publics si les élus municipaux ne peuvent plus, par exemple, prétendre à la mise en place de réserves foncières et lancer des procédures de zone d’aménagement concerté ?

Ainsi, les enjeux démocratiques ne se situeront plus au niveau de la commune.

Il est alors à craindre que, dans les communes métropolitaines concernées, les élections municipales ne soient vidées de toute substance, de tout enjeu, puisque les décisions se prendront ailleurs.

À ce propos, rappelons que si le nombre des métropoles est très faible pour le moment, ces territoires regroupent tout de même un nombre très important de nos villes de 10 000 à 50 000 habitants. Or celles-ci ne sont pas si nombreuses que cela en France !

Avec les métropoles et avec la disparition programmée des communes qui les composeront, les intérêts métropolitains se mesureront non plus à l’aune des besoins des populations qui y vivent, mais à celle de la superstructure bureaucratique, dans le concert de la mise en concurrence des territoires. Les populations n’y trouveront pas leur compte. En éloignant les lieux de décisions des citoyens, vous vous donnez les moyens de vous éloigner de leur pression ; vous réduisez ainsi le pouvoir d’intervention des citoyens ! En les éloignant, il vous sera plus facile de vous dispenser de répondre à leurs besoins. En allant au bout de vos excès, de vos fantasmes antidémocratiques, vous découragez les élus qui s’étaient rangés à la nécessité d’une intercommunalité intelligente, pratiquée à la bonne échelle.

Philippe Séguin n’avait pas tort lorsqu’il déclarait que la proximité coûte cher. Car un élu proche des citoyens, y compris d’un point de vue géographique, c’est un élu avant tout désireux de répondre aux besoins qu’il peut lui-même mesurer dans sa vie quotidienne !

Une telle métropolisation de nos grands territoires urbains apparaît bien comme un outil de votre politique de réduction de la dépense publique et de restrictions des services publics de proximité. Mais n’est-ce pas là, finalement, un des objectifs centraux de cette réforme ?

Pour toutes ces raisons, bien entendu, nous ne voterons évidemment pas le texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voterai bien évidemment ce texte, à la fois en tant que parlementaire et en tant que président de conseil général, reflétant ainsi l’opinion de très nombreux chefs d’exécutif départemental, en particulier de ceux qui siègent au sein du groupe DCI – droite, centre et indépendants – de l’ADF, l’Assemblée des départements de France.

Il faut savoir que départements et régions ne se parlent plus depuis dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Les conférences régionales des exécutifs, qui devraient normalement réunir les exécutifs départementaux et régionaux, ne se réunissent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

C’est la situation que nous vivons, par exemple, dans la région Centre. En dix ans, le président du conseil régional n’a pas réuni plus de deux fois la conférence régionale des exécutifs ! La région et les départements ne suivent pas la même politique, ne se coordonnent pas sur les grandes questions d’infrastructures ou sur les problèmes de santé, qui sont importants dans notre région.

Dès lors, je suis parvenu à la conviction que le meilleur moyen d’avoir des politiques convergentes, d’avoir des réponses efficaces en termes d’infrastructures ou sur l’ensemble des grands sujets qui nous intéressent, …

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… c’est d’avoir des élus siégeant à la fois à la région et au département.

Dans ces conditions, le conseiller territorial constitue, me semble-t-il, la réponse aux difficultés actuelles de coordination des politiques régionales et départementales.

Par conséquent, suivant la position des présidents de conseil général membres du groupe DCI de l’ADF, je voterai les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après une commission mixte paritaire qui n’aura pas permis de retrouver le bon sens pour nos collectivités territoriales et qui aura constitué un nouveau camouflet pour notre assemblée, nous répétons une nouvelle fois que cette réforme va dans la mauvaise direction, à contresens de notre histoire contemporaine, inscrite depuis trente ans dans une perspective de décentralisation.

Cette loi va « recentraliser », en donnant aux préfets beaucoup plus de pouvoirs. Elle transformera nos régions en simples syndicats de cantons. Elle créera un élu hybride, ce qui rendra départements et régions ingérables. Elle supprimera les possibilités d’action générale des collectivités territoriales.

Cette suppression signifie que nombre de petites et moyennes communes n’auront plus la possibilité de financer la plupart de leurs politiques au service de nos concitoyens, notamment des personnes les plus concernées par la précarité, car nos collectivités sont les premières à participer à la création du lien social.

Elle entraînera aussi des difficultés pour le tissu associatif, qui perdra un soutien important, et c’est le vivre-ensemble qui sera sérieusement entamé.

Elle va à l’encontre du développement économique puisque les collectivités territoriales sont les premiers investisseurs publics et mènent des actions importantes pour l’emploi, pour les entreprises, pour l’écologie et pour le développement des territoires.

Rappelons aussi que, contrairement à ce qui avait été annoncé, cette loi complexifiera l’organisation territoriale.

Cette réforme, c’est également la mort programmée de la parité, pour laquelle la gauche s’était battue ! Le scrutin de liste actuel assurait une quasi-parité des exécutifs régionaux, grâce aux combats de tous ceux et de toutes celles qui ont permis aux femmes d’accéder à la pleine citoyenneté !

Le président François Mitterrand déclarait souvent que l’égalité est « toujours un combat. » Je constate avec tristesse que c’est toujours vrai pour les femmes.

Comme Michèle André l’a expliqué en détail, la proportion de femmes dans les conseils régionaux devrait passer mécaniquement de 48 % à 12 %. Et ce n’est pas le renforcement des sanctions financières qui permettra de revenir sur les conséquences du nouveau mode de scrutin !

Paradoxalement, alors que nous donnons des leçons au monde entier, plus particulièrement à des pays en voie de développement, en expliquant qu’on juge une démocratie au sort fait aux femmes, le sort fait aux femmes de France par la présente réforme est tout simplement une honte !

Rappelons que le mode de scrutin amènera également un recul du pluralisme et de la diversité politiques, qui faisaient toute la richesse d’une démocratie apaisée.

Toutes ces atteintes à la démocratie sont particulièrement inquiétantes.

Nous ne nous lasserons pas de le répéter, cette réforme est vraiment une erreur, un retour en arrière inutile et aberrant. Et pourquoi faites-vous tout cela ? En vue d’une manipulation électoraliste principalement destinée à changer les règles du jeu électoral à l’approche d’échéances que vous abordez avec beaucoup de crainte !

Mais cette réforme fait d’autres victimes. Je pense au Sénat et aux élus locaux. Le Sénat n’a pas été écouté. Le déroulement de la commission mixte paritaire l’a montré de manière flagrante, les représentants de la majorité votant contre ou s’abstenant, compte tenu de la plupart des choix qui avaient été retenus par le Sénat.

Or ne pas écouter le Sénat sur les collectivités territoriales, c’est une erreur ! Pis, c’est une faute !

Car, et j’en viens à une autre victime, cette réforme est conçue contre les élus locaux, tout comme d’ailleurs le texte sur le Grand Paris. Dès le début, on a expliqué aux Français que les élus étaient trop nombreux, mauvais gestionnaires, et j’en passe… Maintenant, alors qu’il est clair que cette réforme se fait sans eux et contre eux, vous persistez dans le passage en force !

Pardon de vous le dire, mais ce que vous n’obtenez pas dans les urnes, vous voulez le récupérer de manière autoritaire, « sur le tapis vert ». Les Français ne seront pas dupes !

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire, refusant cette réforme à contresens, inutile et punitive ! Et nous appelons tous nos collègues à s’y opposer, pour le respect de notre Haute Assemblée et, surtout, pour la dignité de ceux qui y siègent !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’occasion de cette explication de vote, je souhaite revenir sur l’article 8, qui concerne les fusions de communes et dont il a été beaucoup question.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire revient à la fois sur la version adoptée à l’Assemblée nationale en première lecture et sur celle que nous avions adoptée au Sénat. En effet, le nouvel article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, créé par le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, réintroduit la procédure de fusion de communes à partir de la demande de seulement deux tiers des conseils municipaux des communes membres d’un EPCI. Pourtant, les deux assemblées s’étaient mises d'accord en première lecture. Cela fait partie de nos interrogations : comment la commission mixte paritaire peut-elle revenir sur une mesure adoptée par nos deux assemblées au cours de la navette ?

Par ailleurs, le Sénat avait également introduit en deuxième lecture, et à notre demande, la consultation obligatoire des citoyens sur tout projet de fusion et de création de communes nouvelles.

Dans sa sagesse, notre Haute Assemblée avait ainsi réaffirmé le principe constitutionnel de souveraineté populaire. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui supprime également l’obligation de consultation des citoyens : ceux-ci ne pourront plus donner leur avis sur la disparition de leur commune

M. le président de la commission des lois fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président Hyest, l’article 8 prévoit que les citoyens ne seront consultés que si les délibérations ne sont pas « concordantes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les citoyens ne pourront être consultés que si les délibérations ne sont pas concordantes. Donc, ils ne le seront pas si les délibérations sont concordantes !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Au demeurant, la nouvelle rédaction de l’article 8 ne fait pas que nier la souveraineté populaire : elle prévoit également de l’encadrer quand il est fait appel à elle.

En effet, comme je viens de vous l’indiquer, monsieur le président de la commission des lois, une consultation populaire doit être organisée lorsque la demande de fusion « ne fait pas l’objet de délibérations concordantes des conseils municipaux de toutes les communes concernées ». C’est tout de même, me semble-t-il, la moindre des choses !

À cet égard, je ne rejoins pas notre collègue Hervé Maurey, même si j’ai bien noté sa tristesse, laquelle le conduit malheureusement non pas à voter contre la réforme, mais seulement à s’abstenir. Mon cher collègue, à mon sens, nous avons tout à fait raison de nous inquiéter pour l’avenir de nos communes. Car l’accord de la totalité des communes ne sera requis que si celles-ci n’appartiennent pas à un même EPCI. En revanche, il suffira de l’accord des deux tiers des communes membres d’un EPCI pour procéder à la fusion. Il n’y aura donc pas obligatoirement de majorité au sein d’un même EPCI.

M. le ministre de l’intérieur a évoqué tout à l’heure le principe de majorité. Or il ne s’agira pas de la majorité dans tous les cas. Si la fusion est demandée par le représentant de l’État dans le département, il suffira qu’il y ait des délibérations concordantes ; c’est seulement à défaut de concordance des délibérations que les populations seront consultées.

Monsieur le ministre, vous avez parlé de la possibilité offerte aux communes en matière de fusion, mais vous n’avez pas détaillé l’ensemble des dispositions de l’article. Or le 2° du texte prévu pour l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que la fusion peut s’effectuer « à la demande des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » ; d’où notre inquiétude quant à la disparition de nos communes.

Il y a donc des modifications substantielles par rapport au texte que le Sénat avait adopté.

En définitive, les nouvelles règles nous semblent tout à fait antidémocratiques. Pour notre part, nous les dénonçons et nous espérons que vous vous en souviendrez au moment de voter sur la réforme, mes chers collègues.

En effet, de possible et consensuelle, venant au terme d’une démarche démocratique, la fusion de communes devient imposée.

Déjà, nous étions fortement opposés au fait que l’initiative puisse venir du représentant de l’État ou que la fusion émane d’une décision prise à la majorité simple d’un organe délibérant d’un EPCI, mais le garde-fou du scrutin populaire était là pour éviter les dérives par trop autoritaires. Aujourd'hui, ces garde-fous sautent : tout devient possible. Un préfet pourra décréter la disparition-fusion-absorption de telle ou telle commune sans avoir recueilli l’accord unanime des communes appelées à disparaître.

Mes chers collègues, je ne partage donc pas votre optimisme quant à l’avenir de nos communes !

C’est une des raisons essentielles pour lesquelles nous voterons contre les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est peu de dire que ce texte comporte du bon et du moins bon !

Le bon, d’abord, c’est tout ce qui concerne la réaffirmation de la primauté du bloc communal, avec le renforcement du rôle des communes et la confirmation du rôle irremplaçable des communes dans notre organisation territoriale. Toutes les dispositions visant à encourager l’intercommunalité, la mutualisation et les conventions entre les collectivités sont une bonne chose.

Passons maintenant au moins bon.

À cet égard, je mentionnerai, en premier lieu, le conseiller territorial. La réflexion en la matière est passablement inachevée, ce qui a conduit, selon moi, à l’élaboration d’un dispositif inacceptable.

Comment allons-nous expliquer à nos concitoyens que, avec des hémicycles régionaux comptant parfois plus de 300 élus, le système fonctionnera au mieux et sera source d’économies ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

En second lieu, le tableau annexé qui figure à la fin du texte adopté par la CMP crée une iniquité dans la représentation territoriale, une iniquité que j’illustrerai en ne prenant qu’un seul exemple.

Le département de la Mayenne sera, avec le département de l’Ardèche, le plus mal représenté de France au regard du nombre d’habitants. Ainsi, sur un total de 175 conseillers territoriaux pour la région des Pays de la Loire, le département de la Mayenne en aura 19.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Il y en a 15 pour les Alpes-de-Haute-Provence et 15 aussi pour les Hautes-Alpes !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Mais le département situé juste à côté, qui compte pourtant moins d’habitants, en aura, lui, 29, soit 50 % de plus !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Pour ma part, je ne suis pas capable d’expliquer ce type...

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

… d’injustices !

Les questions relatives aux compétences et aux financements croisés me troublent également. Nous sommes dans une confusion qui suscite beaucoup d’inquiétudes.

Enfin, je dirai quelques mots de la méthode. Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, nous ne pouvons passer sous silence le fait que quelques heures de discussion à l'Assemblée nationale aient quasiment réduit à néant les travaux du Sénat en deuxième lecture, ce qui est très dommageable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

En définitive, le Gouvernement se prive d’une réforme ambitieuse et nécessaire, en refusant de poursuivre la discussion, d’une part, sur le conseiller territorial – nous sommes prêts à la reprendre ! – et, d’autre part, sur la question des compétences.

Dans ces conditions, je m’abstiendrai.

MM. Hervé Maurey et Jean-Pierre Michel applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quand on nous a présenté ce projet de loi, on nous a dit que l’essentiel était de renforcer l’action et les compétences de nos collectivités locales, en nous indiquant plusieurs pistes : il fallait simplifier, clarifier, économiser et aussi développer la démocratie locale.

Permettez-moi de reprendre ces quatre objectifs pour vous démontrer qu’ils ne sont malheureusement pas du tout susceptibles d’être atteints.

Tout d’abord, on nous a dit qu’il fallait simplifier le millefeuille des collectivités territoriales. Or on y a ajouté trois niveaux : les métropoles, les pôles métropolitains et les communes nouvelles, sans en supprimer aucun autre, pas même celui des pays, comme cela avait un moment été envisagé ! La simplification n’est pas au rendez-vous.

Pour ce qui est de la clarification des compétences, il y a certes des niveaux où il faut encore agir, même si les différentes lois de décentralisation ont beaucoup fait en vingt-cinq ans dans ce domaine.

Personnellement, j’estime que nous n’avons pas suffisamment intégré la notion de chef de file, qui avait pourtant été avancée il y a une dizaine d’années, aussi bien sur la droite que sur la gauche de cet hémicycle. On le sait bien, l’exclusivité de certaines compétences n’est pas facile à mettre en place sur le terrain. Hélas, cette notion de chef de file, nous ne l’avons pas renforcée ! La clarification n’est donc pas non plus au rendez-vous.

Les économies, je n’en dirai qu’un mot. On sait bien que l’objectif était de supprimer un certain nombre d’élus. En termes de nombre, l’objectif est atteint, mais, en termes de coût, on est bien loin du compte, eu égard notamment à la reconfiguration physique de tous les hémicycles des conseils régionaux et aux frais qui en découlent. J’en veux pour preuve, comme l’a rappelé Gérard Collomb ce matin, l’interruption des travaux de l’hémicycle du conseil régional de la région Rhône-Alpes, dont le nombre de membres passera de 157 à 298, pour prévoir dès à présent son agrandissement. Tout cela aura un coût non négligeable, et l’on est très loin des économies prévues.

Développer la démocratie locale : permettez-moi, là encore, de citer quelques exemples qui prouvent que les mesures prévues ne vont pas du tout dans ce sens.

Je n’ai rien à ajouter à ce qu’a excellemment dit François Zocchetto à propos des conseillers territoriaux. Nous aurions pu mieux faire, n’était la volonté du chef de l’État de modifier l’existant.

Concernant le fléchage, on nous a dit qu’il constituait une avancée de la démocratie locale. Mais, mes chers collègues, le fléchage ne sera pas le fait du citoyen électeur, c’est l’équipe qui fléchera elle-même ses candidats ; l’électeur n’aura pas le droit de changer quoi que ce soit : sinon son bulletin sera nul. Il ne s’agit donc en rien d’une avancée de la démocratie locale.

Quant à la parité, elle est même en recul, ainsi que l’a fort bien expliqué notre collègue Michèle André.

Enfin, la question du seuil de 500 habitants dépasse, je le sais, les clivages politiques. Je suis de ceux qui pensent qu’il ne sera pas facile d’organiser des élections municipales démocratiques dans les communes comptabilisant un peu plus de 500 habitants, mais là n’est pas le sujet. Il faut dire que nous en avons tellement parlé durant l’examen de ce texte que nous ne savons plus où nous en sommes ! Cette question fera l’objet d’un autre texte.

Telles sont les remarques de fond que je tenais à formuler.

J’ajoute que, comme l’a souligné tout à l'heure notre collègue Didier Guillaume, les territoires ruraux couvrent une partie importante de notre pays et qu’ils représentent 20 % à 25 % de la population. Il ne faut pas penser qu’aux zones urbaines !

Pour finir, je parlerai de la méthode. Certains trouveront peut-être la formule un peu osée, mais le Sénat a été piétiné, il a été méprisé, il a été humilié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

Et j’espère bien qu’il va se révolter ! Oui, mes chers collègues, je vous invite à vous révolter, de manière pacifique, sans doute, mais ferme. Du reste, un certain nombre de maires et de conseillers municipaux vous incitent aussi à vous révolter : nous en avons tous rencontré dans nos départements, et ce quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Telles sont les raisons pour lesquelles, avec l’ensemble du groupe socialiste, je ne voterai pas les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire. Je souhaite que les démocrates qui siègent sur d’autres travées nous rejoignent. §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite revenir sur l’un des points clés de ce projet de loi, celui de la répartition des compétences entre les futures entités locales, que traite notamment l’article 35 du projet de loi.

Cet article, comme d’autres, a connu un parcours chaotique. Rappelons-nous le vote intervenu au Sénat : par 335 voix contre 5, c'est-à-dire à la quasi-unanimité, phénomène plutôt rare, notre assemblée avait décidé, sur proposition de MM. About et Maurey, du groupe de l’Union centriste, de renvoyer à une future loi la définition de la future répartition.

Il faut également rappeler que, dès le début de la deuxième lecture, le Sénat avait décidé de réaffirmer, sur proposition de notre groupe, le principe de la clause de compétence générale. Cet amendement fut rejeté en seconde délibération, un large accord étant intervenu pour repousser à plus tard la mise en place d’une nouvelle répartition des compétences.

Encore une fois, à l’occasion de cette CMP du 3 novembre, qui fera date tant la violence faite au Sénat est grande, le texte de l’Assemblée nationale a prévalu et la position quasi unanime du Sénat a été bafouée.

Plutôt que de faire le choix d’engager une réflexion, un débat, le Gouvernement et l’UMP ont opté pour la précipitation et le passage en force.

Souvenez-vous : M. Longuet lui-même avait pris la parole pour appeler à soutenir l’amendement de MM. About et Maurey. Il n’est pas acceptable qu’une CMP réunissant sept sénateurs et sept députés tranche contre l’avis presque unanime, je le répète, d’une assemblée qui est, de surcroît, censée représenter les collectivités locales, sur une question aussi lourde et importante que celle de la répartition des compétences.

Ce simple sujet nécessite, à nos yeux, un réexamen du projet de loi en troisième lecture par le Sénat et l’Assemblée nationale. Il s’agit non pas d’une question technique ou administrative, mais d’une question démocratique fondamentale : une collectivité locale pourra-t-elle répondre aux besoins de la population ? Un maire, un président de conseil général ou régional pourra-t-il exécuter son programme, respecter ses engagements ?

La mise en cause de la clause de compétence générale, pourtant reconnue comme principe constitutionnel, porte un coup d’arrêt à la décentralisation, à une décentralisation s’appuyant, au bénéfice des citoyens, sur les services publics et la solidarité.

L’apparent recul consenti par les deux rapporteurs avec le report de l’application de la nouvelle répartition à 2015 plutôt que 2012 est un leurre. Le véritable objectif est de museler le Sénat, d’imposer le principe de la fin de la clause de compétence générale sans qu’il y ait de véritable débat sur ce point.

La méthode utilisée par le Gouvernement lors de l’examen de ce texte par le Parlement est détestable : sur le projet de loi originel sont venues se greffer, au fur et à mesure de la navette, des dispositions devant faire l’objet de projets de loi séparés, comme le mode de scrutin pour le futur conseiller territorial ou la répartition des compétences. Cette précipitation précédait le passage en force auquel nous assistons, et que nous pressentions.

Nous proposons donc au Sénat de s’opposer à une telle méthode de discussion peu conforme aux principes d’un débat parlementaire démocratique, en refusant de voter les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cet instant, une formule me vient à l’esprit : tout ça pour ça !

Un an après l’examen du premier texte qui devait nous conduire au big-bang, à l’âge d’or des collectivités territoriales, nous nous retrouvons aujourd'hui, presque en catastrophe, au milieu de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour examiner les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire, celle-là même qui devait trouver ce fameux compromis entre nos deux assemblées !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce compromis est assez relatif. Le Gouvernement n’a trouvé un soutien que de justesse : sept voix, dont sept voix UMP ! Un grand nombre des votes ont été acquis à une majorité de sept voix contre six et une abstention ! C’est dire le faible assentiment, le peu d’enthousiasme et d’adhésion que suscite ce texte pour lequel vous avez fait le choix de vous appuyer, messieurs les ministres, sur l'Assemblée nationale, au détriment du Sénat. Vous avez fait le choix du passage en force, du passage aux forceps.

Les associations d’élus ont donc réagi, contrairement à ce qui a été affirmé ce matin. Beaucoup d’entre elles ont témoigné de leur déception et de leur mécontentement, qu’il s’agisse des représentants des petites villes de France, de l’ARF, l’Association des régions de France, ou de l’ADF !

De plus, les conclusions du rapport retiennent très largement la rédaction de l'Assemblée nationale : à près de 90 %. C’est à croire, mes chers collègues, que les heures passées ici à siéger ont été vaines et que la chambre représentant les collectivités est priée de se faire moins bruyante, moins pertinente, moins inventive !

On a parlé du bilan ; il appelle des commentaires.

Concrètement, qu’elle ait lieu en 2012 ou 2015, la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions et, par prolongement, l’encadrement des financements croisés suscitent et susciteront toujours les mêmes nombreuses inquiétudes, en particulier dans les secteurs ruraux.

Si l’on met en parallèle les difficultés financières des collectivités, avec la suppression de la taxe professionnelle, les compensations incomplètes des compétences sociales transférées et le gel des dotations d’État durant les trois prochaines années, bref un désengagement quasiment général de l’État, ce faux consensus ne saurait évidemment nous satisfaire.

Je l’ai souvent dit, cette réforme affaiblira la proximité, réduira les partenariats entre les niveaux de collectivités, détruira les réseaux, diminuera mécaniquement les capacités d’initiative, fera régresser la démocratie territoriale et la solidarité.

Sur la question des compétences, la commission mixte paritaire a adopté une clause de rendez-vous avant la fin de la deuxième année qui suivra l’entrée en vigueur de l’article 35, soit d’ici à la fin de l’année 2017. Un comité aura donc la charge de remettre un rapport ; dont acte ! Mais pouvons-nous espérer que cette clause de rendez-vous ne connaîtra pas le même sort que la clause de revoyure relative à la réforme de la taxe professionnelle ?

Pour ce qui concerne les communes nouvelles, cela a déjà été dit, toutes les ambiguïtés demeurent. L’article 8 a-t-il une utilité ? Ne constitue-t-il pas un doublon ? N’est-il même pas en opposition avec la philosophie de l’intercommunalité qui préside à l’ensemble de ce texte ?

J’en viens enfin au cœur de la réforme, à savoir le conseiller territorial, cet « ovni » de la démocratie, une démocratie revue par Nicolas Sarkozy. Cela n’aura échappé à personne, l’unique motivation du texte est bien là, quel que soit le prix à payer en termes de démocratie et de lien social. Ce conseiller territorial n’est en rien un élément de modernité : il n’engendre que confusion et incertitude.

Mes chers collègues, le constat est lourd. Oubliés, les objectifs initiaux de simplification de l’organisation territoriale, d’une plus grande lisibilité pour le citoyen et d’une meilleure gestion de l’argent public. En revanche, bien sont réelles les victimes à venir. Victime, la démocratie de proximité ; victime, l’échelon départemental, dont l’assouplissement et l’extinction sont inscrits dans l’avenir ; victime, l’action publique, réduite, abandonnée ou livrée au privé ; victimes, surtout, les territoires ruraux, où le dynamisme économique n’est pas spontané et où les conseils généraux jouent donc un rôle de ciment, d’initiative et de soutien.

Dans ce projet, c’est bien une révolution masquée qui s’avance, avec l’affaiblissement généralisé de l’État, l’effacement programmé des collectivités territoriales et la destruction de l’action publique. La notion de service disparaît au profit de celle de performance. Il faudra un jour reconstruire l’État sur un autre modèle, plus démocratique, plus fluide, plus efficace et plus solidaire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Monsieur le président, messieurs les ministres, l’un de nos collègues a affirmé tout à l’heure que l’organisation des collectivités locales nécessitait une grande réforme. Bien sûr, mais celle-ci aurait dû être menée après consultation, sans brutalité ni confusion, et d’une manière totalement lisible.

Or la confusion règne partout : entre le Sénat et l’Assemblée nationale, au sein même du Sénat, y compris parmi ceux qui n’osent pas s’élever contre ce texte.

On retient que cette modification de l’organisation territoriale n’apporte rien de très bon puisque nous ne pouvons nous féliciter d’aucune mesure en particulier.

Dès lors, pourquoi avoir voulu une telle réforme ? En vérité, il s’agit tout simplement d’une loi de recentralisation. En effet, le pouvoir local, que vous n’avez pas réussi à accaparer par les urnes – les élections régionales en sont la preuve –, constitue un contrepoids au pouvoir national. Vous avez donc décidé de garrotter les communes, les départements et les régions en leur faisant perdre leur autonomie fiscale. L’étranglement financier que vous mettez en place permettra de réduire considérablement le pouvoir local.

Vous commencez par diminuer le nombre des élus, conformément au principe napoléonien selon lequel il convient de diviser l’ennemi ou l’adversaire.

Vous limitez également les compétences générales, isolant ainsi communes, départements et régions, qui n’auront bientôt plus rien en commun, ce qui vous permettra de les contraindre plus facilement.

Les collectivités locales perdent leur autonomie fiscale : non seulement les aides de l’État seront réduites, mais les recettes des départements et des communes seront déterminées par l’État. Le département deviendra un simple guichet : selon vous, on peut très bien se passer du conseil général, un fonctionnaire pouvant tout aussi bien faire l’affaire. Par ailleurs, les communes devront se regrouper en vertu du pouvoir coercitif du préfet, et c’est un signe évident de recentralisation.

Les communes, c’est l’authenticité et la spécificité de la France ! Vous le savez, mes chers collègues : vous avez tous lu ou vu Regain. D’ailleurs, quand le Premier ministre Maurice Couve de Murville avait voulu supprimer les communes où il n’y avait plus d’habitants, il avait échoué parce que les conseils municipaux de ces communes – car eux n’avaient pas cessé d’exister – s’y étaient opposés.

Les Français tiennent à leurs communes : c’est ainsi !

Leur disparition conduira à une désertification accélérée du territoire. Vous le savez bien, monsieur le maire de Massiac

L’orateur s’adresse à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Sur le conseiller territorial, j’ai peu de choses à ajouter à ce qui a été dit précédemment. Mon ami François Patriat, président de ma région, l’a très bien expliqué : on ne peut pas être élu local et élu régional ! L’élu régional, qui sera élu sur un canton, celui-ci fût-il plus vaste, aura les yeux fixés sur ce canton et non pas sur la politique régionale. Une telle disposition va donc à contresens de l’effet recherché.

Je ne m’attarde pas non plus sur le manque de péréquation, qui a été souligné.

Pour terminer, je rappelle que, si les dettes des collectivités locales représentent 14 milliards d’euros, elles assurent plus de 75 % de l’investissement public, alors que la dette de l’État s’élève à 140 milliards d’euros et que sa part dans l’investissement public est évidemment bien moindre.

Prenons donc en compte cette réalité et conservons aux collectivités locales un peu de respect !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Monsieur le président, messieurs les ministres, cela ne vous étonnera pas, je voterai contre ce prétendu texte de compromis.

Un vrai texte de compromis est un texte où l’on retrouve, dans des proportions équitables, les positions des différents acteurs. Selon le point de vue adopté, le verre est considéré comme à moitié vide ou à moitié plein. Or, dans ce pseudo-compromis entre le Sénat et l’Assemblée nationale, seule la vision de l’Assemblée nationale, et surtout du Gouvernement, a été retenue, alors même que le Sénat représente les collectivités territoriales !

Mes chers collègues, aujourd’hui est un grand jour : nous commémorons le quarantième anniversaire de la mort du général de Gaulle. Son enseignement, auquel je suis particulièrement attaché, c’est le courage, la détermination, du refus du renoncement et le sens de l’intérêt général.

En ce 9 novembre 2010, la majorité et les centristes salissent la mémoire du général. Je rappellerai brièvement les événements.

Au Sénat, les centristes ont longuement ferraillé contre l’élection du conseiller territorial au mode de scrutin uninominal majoritaire. À l’issue de la commission mixte paritaire, c’est pourtant par leur faute qu’on retrouve cette disposition dans ce texte.

Sur le seuil de 12, 5 % des inscrits pour accéder au second tour de l’élection, nous avons également assisté à une trahison.

Autre reniement de taille, l’article 35 du projet de loi, qui vise à supprimer la clause générale de compétence des départements et des régions, a été adopté.

Avec ce texte, le Sénat, du fait de la lâcheté de certains, est une nouvelle fois bafoué par le Gouvernement. Mais derrière la Haute Assemblée, c’est l’ensemble des élus du pays qui sont méprisés.

Mes chers collègues, en renonçant à vos idées à la suite des pressions politiques exercées par le Gouvernement, vous ne faites pas honneur à votre statut d’élu de la République !

Depuis trente ans, la décentralisation a été menée par les socialistes. De Gaulle déjà l’appelait de ses vœux, lors du référendum de 1969.

Ce projet de loi, véritable contre-réforme territoriale, constitue un retour en arrière, car il tourne le dos à trente ans de décentralisation et à la modernité européenne.

Mes chers collègues, par ce vote, vous avez encore la possibilité de vous grandir, en vous opposant, plus que jamais, au projet de Nicolas Sarkozy.

À cet égard, permettez-moi de vous citer un passage du discours du général de Gaulle sur la réforme régionale, prononcé à Lyon le 24 mars 1968.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Eh oui, les écrits restent, et ils dérangent parfois !

« L’évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L’effort multiséculaire de centralisation, qui lui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais. »

Le général de Gaulle, partisan de la décentralisation et du respect du peuple, n’aurait jamais accepté vos réformes, et notamment votre conseiller territorial, élu hybride aux responsabilités illisibles pour l’électeur. Il n’aurait jamais admis que les pouvoirs des préfets s’accroissent encore et qu’apparaissent, avec les métropoles et les pôles métropolitains, de nouvelles formes bien moins démocratiques de collectivités.

Comme tous les républicains sincères, je suis bien sûr favorable à une clarification des compétences. Je demeure toutefois hostile à ce texte, qui bride et freine les collectivités dans leur capacité à agir.

Mes chers collègues, il est encore temps de dire non à Nicolas Sarkozy – car là est la vraie question –, dont la pensée et les projets constituent une véritable anomalie dans l’histoire de la droite française. S’opposer à ce projet, c’est défendre une certaine idée de la France !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, « la décentralisation et la déconcentration, en donnant aux régions la possibilité d’être elles-mêmes, d’être fidèles à leurs traditions, à leurs langues, à leur culture, et en créant un équilibre harmonieux entre le pouvoir central et les collectivités locales, feront disparaître les causes de conflit. Loin d’affaiblir l’unité nationale, elles la renforceront. »

Comment, en cet instant, ne pas entendre les paroles prononcées par Gaston Defferre en 1981, ou celles de Pierre Mauroy, ici même, voilà quelques semaines ?

Au moment de dresser le bilan de ces dix mois de discussion, il convient de nous poser les bonnes questions, de faire disparaître les causes de conflit et de renforcer l’unité nationale.

Le Sénat assure, en vertu de l’article 24 de la Constitution, la représentation des collectivités territoriales, ce qui lui a valu le privilège d’examiner cette réforme avant l’Assemblée nationale – nous ne nous lasserons pas de le répéter, puisqu’il reste si peu de son travail dans le texte final.

Dix mois se sont donc écoulés depuis le début de l’examen de ce texte. Ils ont été riches en rebondissements : on nous a maintes fois promis que le temps viendrait d’un débat approfondi sur les compétences respectives des collectivités et sur les modes de scrutin préservant la parité, la proportionnelle et l’identité des territoires et des collectivités qui les représentent.

Simplifier le millefeuille institutionnel français, clarifier les compétences des uns et des autres en conjuguant efficacité et transparence, réformer la fiscalité locale dans un souci de justice et de solidarité : il ne reste rien de ces nobles ambitions. À vrai dire, personne n’y retrouve ses petits ! Il suffit, pour s’en convaincre, de demander à tour de rôle aux défenseurs des départements, puis des régions ce qu’ils pensent de l’équilibre général du texte et de ses conséquences pour ces collectivités.

Il est amusant de voir à quel point les champions des départements craignent que ce texte n’affaiblisse le poids des départements au profit des régions. Il est non moins amusant de constater que, de façon parfaitement symétrique, les défenseurs des régions considèrent que ce sont les départements qui ont gagné… Tous, en revanche, ont bien compris que les communes, aux premières lignes de la réforme, paieront les conséquences de l’affaiblissement et de ceux-ci et de celles-là.

Pourtant, personne n’a l’air de s’en soucier. Il faut dire que tout le monde sait que ce projet de loi, comme celui portant réforme des retraites, plus encore que le texte qui a créé la Société du Grand Paris, risque de ne pas être appliqué, tout simplement parce qu’il est inapplicable.

Au fond, chacun dans cette enceinte espère que la gauche aura la sagesse de revenir sur ce galimatias indigeste en 2012. Pour s’en convaincre, il suffit de circuler dans les couloirs du Sénat ou de voir ce qui se passe dans les commissions, par exemple au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, où ce ne sont que haussements d’épaules, bons mots et soupirs entendus.

Parmi toutes les familles composant la droite, on doute de l’intérêt du présent texte. Reste que tout se passe comme si le contenu de ce dernier importait peu. C’est parce que tout autre chose est en jeu : c’est une histoire de pouvoir et de rapport de force, sans que l’on sache bien d’ailleurs si l’on se trouve chez Shakespeare ou chez Nanni Moretti.

M. Jean-Louis Carrère applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

C’est un pouvoir qui est inquiet de ne pas être assez absolu et de devoir se remettre en cause. C’est un pouvoir qui est incapable de balayer devant sa porte et de reconnaître que les collectivités territoriales pourraient inspirer l’État de par leurs efforts de conduite des projets ou leurs capacités d’innovation. C’est un pouvoir qui impose non pas son point de vue consolidé par la discussion et affiné par la réflexion, mais un point de vue jeté dans le débat de façon irresponsable, irréfléchie, et qui devient la vérité révélée de la droite.

La réalité complexe des territoires n’est pas prise en compte ? Qu’importe ! La façon dont les dizaines de milliers d’élus locaux exercent ou assument leurs responsabilités dans des situations extrêmement diverses ne « colle » pas à ce qui nous est proposé ? Qu’importe ! Ce qui compte, c’est de mettre la majorité au pas, de gagner le bras de fer engagé avec les centristes, de réduire toute voix divergente au silence, de montrer qui est le patron. On imagine les pressions, les menaces, feutrées ou pas, qu’il a été nécessaire de déployer pour faire rendre gorge aux irréductibles, pour humilier les dissidents, pour punir les rebelles.

Pas à pas, c’est à une dénaturation en profondeur des équilibres institutionnels que nous assistons. Il n’est pas un démocrate qui puisse s’en accommoder. C’est aussi pour cette raison que, au-delà du contenu même du texte, les Verts voteront avec l’ensemble du groupe socialiste contre ce projet de loi, sur lequel il faudra revenir le plus rapidement possible.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Madrelle

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les membres de mon groupe ont toujours affirmé qu’il fallait clarifier les compétences et remettre de l’ordre dans les financements. Or c’est une réforme politique camouflée que nous présente le président Sarkozy. Au lieu d’apporter de la simplification, elle crée de la confusion. Je mets d’ailleurs quiconque au défi de l’expliquer clairement à nos concitoyens.

Ainsi, cette réforme de la décentralisation crée de nouvelles strates, à savoir la métropole et la commune nouvelle, sans en supprimer.

De plus, elle ne clarifie pas les compétences, mais elle permet simplement à l’État de se servir sur les budgets des collectivités locales : autrement dit, celui-ci fait les poches des conseils généraux et régionaux.

Elle officialise également le cumul des mandats, puisque le conseiller territorial siégera dans deux assemblées, celle du département et celle de la région.

Par ailleurs, elle transfère l’impôt payé par les entreprises sur les ménages à travers la réforme de la taxe professionnelle. Les maires en subiront donc l’impact politique. Ils seront en effet pris dans la nasse en raison, d’une part, de la limitation de la compétence générale des conseils généraux et régionaux et, d’autre part, de l’obligation pour les communes les plus pauvres de financer davantage leurs équipements, ce qui deviendra pour eux la quadrature du cercle.

Enfin, cette réforme territoriale exige le transfert de la taxe d’habitation au bloc communal, ce qui, on le sait, obligera les maires à augmenter les impôts pesant sur les ménages.

Si je devais la résumer, je dirai qu’elle constitue un moyen pour le Gouvernement d’obliger les maires à augmenter les impôts des ménages au profit des entreprises, quelle que soit la taille de ces dernières.

Pour ce qui est du département, lequel, je le rappelle, a été créé par la Constituante pour unifier la République, sa disparition programmée – elle est d’ailleurs déjà matérialisée par la mention en petits chiffres du numéro du département choisi sur les plaques minéralogiques – porte en germe un risque d’éclatement de la République et la résurgence des vieilles provinces.

Voilà pourquoi les élus républicains que nous sommes se battront jusqu’au bout pour éviter le risque de « détricotage » de l’unité nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la décentralisation instaurée par les grandes lois de 1982 a non seulement amélioré considérablement les services rendus aux citoyens, mais aussi stimulé l’investissement public, réalisé aujourd’hui à hauteur de 73 % par les collectivités territoriales.

Il était cependant nécessaire de franchir une nouvelle étape pour réduire les inégalités territoriales, améliorer l’efficacité des politiques publiques et renforcer de nouveau la démocratie. Au lieu de cela, la réforme sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer, accroissant le pouvoir des préfets et réduisant l’autonomie non seulement politique, mais également financière des collectivités territoriales, se traduira par une recentralisation.

Après deux lectures et à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, le présent projet de loi se caractérise par trois orientations principales : un affaiblissement des départements et des régions, une recentralisation marquée et une clarification des compétences inaboutie.

Engagé dès la réforme des finances locales dans le projet de loi de finances initial pour 2010, l’affaiblissement des départements et des régions est accentué par deux dispositions, qui sont d’ailleurs les principales innovations du texte, à savoir la création du conseiller territorial et celle des métropoles.

Je vais dire quelques mots du conseiller territorial.

Lors de l’examen, en première lecture, de l’article 1er visant à créer le conseiller territorial, j’avais souligné que faire siéger un même élu au sein de deux collectivités distinctes pouvait soulever un problème de constitutionnalité.

En outre, cette création touche à mon sens à un principe reconnu par la Constitution, à savoir l’interdiction de l’exercice de la tutelle d’une collectivité sur une autre. En effet, la mission des conseillers territoriaux pourrait leur permettre d’orienter la prise de décisions régionales en fonction d’intérêts départementaux – hypothèse possible, voire probable – ou la prise de décisions départementales dans un sens favorable à la région.

Ainsi la tutelle me paraît inhérente au dispositif qui découlera de cette réforme institutionnelle, si par malheur celle-ci était adoptée.

Avec la création du conseiller territorial et le mode de scrutin retenu, c’est également tout le patient travail législatif en faveur de la parité qui serait réduit à néant.

Pour ce qui concerne le nombre de conseillers territoriaux par département, l’injustice est flagrante. Je prendrai l’exemple du département que je représente au Sénat, l’Ardèche, qui compte largement plus de 300 000 habitants. Celui-ci ne disposera que de dix-neuf conseillers territoriaux, alors que des départements de 230 000 à 260 000 habitants seront représentés par vingt et un à vingt-sept élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Effectivement !

J’en viens maintenant à la deuxième grande caractéristique de la présente réforme, qui met en place une recentralisation marquée.

Si le texte que nous examinons a pour prétention d’approfondir l’intercommunalité, cet approfondissement s’accompagne d’un renforcement du rôle du préfet au détriment des collectivités territoriales.

Pour reprendre la formule employée par Jean-Pierre Sueur, le préfet devient le grand ordonnateur de l’intercommunalité et dispose, notamment, – article 18 du projet de loi – du pouvoir d’imposer, après consultation de la commission départementale de la coopération intercommunale, le rattachement d’une commune isolée à un établissement public de coopération intercommunale existant. Il détient également d’importants pouvoirs en matière de création de communes nouvelles.

Enfin, le texte susvisé ne clarifie en rien les compétences, alors qu’il aurait pourtant fallu commencer par là. En effet, comment envisager une réforme efficace des collectivités territoriales sans apporter de réponses à des questions aussi élémentaires que « qui fait quoi », « avec qui » et « avec quels moyens » ?

En conclusion, cette réforme est loin d’aider les collectivités territoriales à mieux exercer leurs compétences. Elle constitue, en réalité, un véritable retour en arrière au regard du processus de décentralisation institué en 1982. J’appelle donc le Sénat à se prononcer contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je ne voterai pas non plus ce projet de loi, car je ne me résous pas à voir le Sénat, représentant des collectivités territoriales, adopter un texte qu’une large majorité d’élus locaux, y compris en son sein, considèrent comme calamiteux.

Contrairement à ce qu’a dit M. le rapporteur, les associations d’élus sont clairement contre cette réforme. La seule qui se contente de tousser – discrètement – ne peut se flatter que d’avoir réparé quelques dégâts mineurs.

Je ne me résous pas à voir jeter au panier les travaux de la mission Belot, auxquels j’ai eu la faiblesse de croire.

Je ne me résous pas à voir les communes dépossédées de leur droit essentiel à s’associer librement, dans le respect de l’intérêt général.

Je ne me résous pas à voir cette liberté soumise à la bonne volonté du représentant du Gouvernement dans le département avec la bénédiction de 35 % seulement des membres de la CDCI.

Je ne me résous pas à voir marginaliser les petites communes au sein des intercommunalités réalisées autour de grandes communes urbaines.

Je ne me résous pas à voir les citoyens privés de pouvoir décider, dans tous les cas, la disparition de leur commune.

Je ne me résous pas à voir les régions réduites à l’impuissance par des assemblées pléthoriques, fractionnées en sous-majorités départementales qui viendront y faire leur marché.

Je ne me résous pas à voir les régions privées d’un mode de scrutin qui leur garantissait une majorité. Certaines d’entre elles risquent même d’être à la merci de l’extrême droite. Je sais de quoi je parle !

Je ne me résous pas à voir les départements vampirisés par les métropoles ni les départements ruraux perdre près de la moitié de leurs élus de proximité.

Je ne me résous pas, n’en déplaise à M. Longuet, à voir les élus ruraux perdre le peu d’influence qui leur reste pour défendre des territoires où s’enracine notre identité.

Je ne me résous pas à voir le millefeuille territorial remplacé par un pudding incertain qui organise la confusion.

Je ne me résous pas à votre « réforme régressive ».

Toute votre rhétorique n’y changera rien. Grâce à vous, la réforme est désormais synonyme de régression et non plus de progrès.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les arguments qui ont été développés, bien que multiples et divers, conduisent tous à refuser le texte qui nous est soumis.

Pour ma part, je retiendrai ce qui me paraît être l’inspiration idéologique de ce projet de loi, à savoir la recentralisation du pouvoir. À cet égard, ce texte ne peut être appréhendé indépendamment d’un certain nombre d’autres dispositifs.

Ainsi, je pense à la réforme de la fiscalité, qui prive progressivement les collectivités territoriales de leurs moyens et de leur autonomie fiscale et financière.

Je pense également au gel des dotations budgétaires, qui privera mécaniquement les collectivités territoriales de capacités d’intervention.

Je tiens en outre à évoquer un point qui passe parfois inaperçu : le Gouvernement instaure progressivement des schémas dans tous les domaines, y compris sur le plan régional, et ce sans les assortir des moyens financiers nécessaires.

Une conclusion toute simple s’impose donc : on assiste à une recentralisation du pouvoir.

Et demain, le débat démocratique n’aura plus lieu qu’entre des pouvoirs recentralisés, parce que l’on aura éliminé les communes et les élus intermédiaires, qui gênent parce qu’ils ne comprendraient pas la modernité et l’évolution nécessaire de la société.

Pourtant, ces élus sont au cœur même de la démocratie. Ils sont en contact direct avec les fondements de la République française. Chaque jour, ils sont présents et « mouillent leur chemise » au service de nos concitoyens, consentant d’innombrables d’efforts pour apporter le plus de réponses possible aux préoccupations des Français dans leur vie courante, pour gérer le quotidien et pour organiser l’avenir.

Tel est le rôle de toutes les collectivités territoriales, dont on mesure l’affaiblissement qu’elles subiront avec ce texte, qu’il s’agisse des communes, des départements ou même des régions, touchées elles aussi par l’émiettement induit par l’invention du conseiller territorial. Celui-ci, comme le soulignait Gérard Longuet ce matin, représentera des kilomètres carrés, mais n’incarnera probablement pas l’essence de la fonction publique démocratique.

Ce sont tout autant des raisons financières qui nous conduisent à refuser ce texte. En effet, à l’arrière-plan de ce projet de loi, on trouve les accusations portées aujourd'hui, de façon inadmissible, contre les collectivités territoriales, qui dépenseraient à tort et à travers.

Or, messieurs les membres du Gouvernement, c’est vous qui avez placé notre pays en faillite !

Exclamations au banc du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

Et aujourd'hui, vous voulez mettre cette dernière sur le dos des collectivités territoriales, …

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

… ce qui est inadmissible.

Tous ces éléments, qui ont été évoqués par les uns et par les autres, me conduisent à considérer que le présent projet de loi est un mauvais coup porté à l’organisation de la République française. Ce texte va à l’encontre de la structure territoriale dont notre pays a besoin au XXIe siècle. Les gagnants d’aujourd'hui sont celles et ceux qui, enfin, ont « eu la peau » des élus des territoires intermédiaires.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, vous serez les responsables de l’affaiblissement des territoires et des communes, ainsi que de l’effacement des zones rurales. Tel est l’enjeu de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de considérer cette réforme du point de vue des atouts et des difficultés des territoires ruraux.

Le texte relatif à la réforme des collectivités locales sur lequel nous allons voter est bien autre chose que le fruit du travail, censément laborieux, de la commission mixte paritaire et l’aboutissement d’un intense débat parlementaire.

Pour moi, il est le résultat bancal du choix de deux philosophies qui sont imperméables, voire hermétiques l’une à l’autre : d'une part, celle de la défiance envers la démocratie locale, celle qui considère les élus, dont je rappelle que le plus grand nombre sont bénévoles, comme une charge, voire comme un obstacle au développement, celle aussi qui passe par pertes et profits la parité ; et, d'autre part, celle qui constate l’utilité quotidienne des élus de terrain, car ceux-ci apportent des solutions sur mesure aussi bien à nos concitoyens les plus en difficulté qu’à celles et ceux qui ont la volonté et les talents de développer au plus près des réalités les atouts économiques des territoires, qu’il s’agisse des bassins de vie et des pays ou des ressources agricoles, artisanales, énergétiques, écologiques ou culturelles.

Or au Sénat, comme nous l’avons constaté lors de l’examen de ce texte en deuxième lecture, notamment lors du débat sur la clause de compétence générale, nous sommes bien une majorité à penser que c’est précisément cette philosophie de l’action de proximité, du lien social, de la solidarité et de la cohésion territoriale qu’il faut mettre en avant.

En ce qui concerne cette question de la clause de compétence générale, la commission mixte paritaire est parvenue à un compromis qui ne saurait me satisfaire.

En effet, le projet de loi pose un principe avec lequel je ne suis pas d’accord : la fin des financements croisés par les régions et les départements avec ceux des communes. Certes – et la gauche a travaillé sur ce sujet – le texte prévoit des dérogations, notamment dans des domaines où ces financements sont indispensables, comme la culture, le sport et le tourisme.

Ainsi, en considérant les mécanismes qui existent comme des exceptions, on ferme des portes et on confirme pour l’avenir un principe général très restrictif.

Une autre dérogation, de nature temporelle, est également apportée : l’essentiel de la réforme ne s’appliquera qu’à partir de 2015. Or, on le sait, il peut se passer bien des choses d’ici à cette date !

J’imagine bien les arguments développés par certains en 2012 : ils auront beau jeu de dire que, au moment où ils parlent, on ne peut leur imputer une politique de régression de la vie publique locale qui ne produira pas encore ses effets les plus contraignants. Toutefois, je prends le pari que les mêmes reprocheront à ceux qui voudraient revenir sur cette réforme de vouloir augmenter les charges pesant sur les contribuables, alors même que celles-ci n’auront pas été allégées et qu’il ne serait pas question pour les adversaires de ce projet de loi de les augmenter.

La manœuvre – la ficelle, pourrait-on dire –, est un peu grosse. N’en doutez pas, chers collègues de la majorité : les élus territoriaux n’en seront pas dupes.

L’impression finale est que la majorité a fait machine arrière, sans vouloir le reconnaître, et qu’elle s’est trouvé une porte de sortie, alors que les principales menaces demeurent. Ses motivations, nous les avons appréciées tout au long de nos travaux et depuis l’annonce du projet : il s’agit de réduire les niveaux de démocratie, d’expression et de discussion, notamment là où les débats sont de plus en plus vifs, c’est-à-dire là où les services publics reculent, en particulier dans les territoires ruraux. Ceux-ci sont essentiellement structurés par les départements. Or ces derniers sont les premiers visés par cette réforme et ils en seront les premières victimes, sans attendre vos éternelles clauses de revoyure, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État.

Les territoires ruraux représentent l’avenir, bien au-delà de ce qu’ils sont pour eux-mêmes. Ils sont notamment le futur de nombre d’urbains et de périurbains victimes des grandes concentrations – un rôle que la ville a pu autrefois jouer pour les ruraux. Certes, ils sont touchés par les évolutions économiques induites par le libéralisme, mais ce n’est pas une raison pour les soumettre à une véritable régression institutionnelle. Bien au contraire ! Et parce que vous faites le choix de sacrifier leur avenir, je voterai, comme les autres membres du groupe socialiste, contre cette réforme.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il n’y a pas grand-chose à ajouter…

Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… tant mes collègues opposés à cette réforme se sont exprimés de façon excellente.

Je souhaite, néanmoins, revenir sur le mode de scrutin. Et à qui vais-je ici m’adresser ? Aux centristes !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Parlez plutôt à vos collègues de l’opposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Premièrement, ce sont eux qui font la décision aujourd’hui, et, deuxièmement, ils sont favorables à un scrutin proportionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Vous n’avez pas voté pour ce mode de scrutin, donc vous n’avez pas de leçon à nous donner !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. About a tout oublié ! Il ne voit plus que le remaniement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En tout cas, je me souviens que, lors de l’examen du présent texte en première lecture, vous hésitiez à voter pour la création du conseiller territorial. Néanmoins, vous avez dit au ministre : « Je vous fais confiance et on verra par la suite. J’espère que vous tiendrez compte de notre point de vue lors du choix du mode de scrutin ».

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

J’ai fait voter le Sénat sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Et vous m’avez répondu : « Je leur fais confiance ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Aujourd’hui, monsieur About, lorsque vous êtes intervenu à la tribune – je vous ai bien écouté –, vous avez affirmé que vous aviez été trompé et que vous le regrettiez.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cela m’a fait penser au pistolet avec des flèches en plastique de mon enfance, qui faisait : « pan » et c’est tout ! §Si vous croyez qu’un tel jouet va impressionner Sarkozy et les membres de l’UMP, qui sont si brutaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je voulais donc intervenir pour souligner les différents reculs des centristes. Certes, ces derniers sont un peu ridicules, à s’agiter de façon frénétique comme des poissons que l’on tient hors de l’eau, ou à avaler tant de boas. Ils sont coincés et ne savent pas quoi faire, car leur groupe est divisé ! Néanmoins, malgré le ridicule de leur position actuelle, je compatis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En effet, il nous arrive à nous aussi de nous trouver dans la même situation. Comme la vie politique de notre pays est régie par le bipartisme, nous sommes obligés de composer et de nouer des alliances avec d’autres formations. Et quand notre principal allié se fait pressant, nous sommes parfois contraints de lui dire : « Bon, d'accord, de toute façon nous n’avons pas le choix, mais faites attention la prochaine fois ! » Je compatis donc à vos difficultés actuelles, chers collègues.

Par ailleurs, je vous ai écouté monsieur Maurey. Après avoir pesé le pour et le contre, vous avez décidé de vous abstenir. Mais non ! Il s’agit non pas de faire des comparaisons, mais de savoir quelles sont vos valeurs fondamentales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La valeur fondamentale que vous, les centristes, vous défendez, c’est l’indépendance, et celle-ci est permise par le mode de scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Or le mode de scrutin que vous vous apprêtez à voter aujourd'hui, chers collègues, conduira à la mise à mort des centristes et de la diversité politique dans les territoires. Toutes les difficultés que vous éprouvez aujourd’hui à justifier au Sénat une réponse positive, tous ces boas que vous êtes contraints à avaler, vous les connaîtrez, demain, dans les vingt-deux régions.

Dans ces vingt-deux régions, il y aura des assemblées territoriales dans lesquelles les centristes n’auront pas la parole et ne seront pas indépendants !

Monsieur Maurey, il ne s’agit pas simplement de vous abstenir. Si vous croyez vraiment au centrisme, si vous voulez que ce courant d’idées, qui est important, ait son indépendance politique, donnez-lui les moyens d’exister dans les départements. Il en va de même d'ailleurs pour les écologistes.

Exclamations sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mais oui ! Toutefois, aujourd’hui, c’est vous qui avez le pouvoir.

Évidemment, monsieur About, vous vous justifiez en affirmant que l’Assemblée nationale a décidé pour vous. Celle-ci vous a donné une grande claque. Et vous, vous dites : « Elle ne nous en donnera pas une seconde ! » Au lieu de défendre la diversité politique et une tendance politique qui doit exister, de même que le courant écologiste d'ailleurs, vous considérez que le Sénat doit garder le dernier mot et vous agissez comme l’Assemblée nationale vous a demandé de le faire.

M. Nicolas About proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous, les écologistes, nous sommes également condamnés par ce mode de scrutin, mais nous ne mettrons pas de nous-mêmes la tête sur le billot. Pour cette raison, nous refusons ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, par-delà nos sensibilités politiques respectives, nous avons en commun, dans cette enceinte, de représenter nos territoires dans leur diversité.

Pour cette raison, nous étions tous prêts à accompagner toute initiative de réforme des collectivités territoriales. Ainsi, nous nous étions engagés sans réserve au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par Claude Belot, et nous avions abouti à un texte consensuel intitulé Faire confiance à l’intelligence territoriale.

C'est pourquoi aussi nous étions prêts à faire nôtres les mots clefs utilisés par le Président de la République dans ses divers discours – rappelez-vous, mes chers collègues – destinés à justifier cette réforme : clarification, simplification, lisibilité, efficacité et optimisation.

Toutefois, et c’est bien le problème, ces mots clefs ne connaissent aucune traduction dans les choix proposés. Entre les intentions exprimées et le présent projet de loi, la dichotomie et la contradiction sont flagrantes. Non seulement le texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, ne sert pas les objectifs visés, mais il aggrave encore les incertitudes dans lesquelles vous plongez les collectivités territoriales.

C’est d'ailleurs pour cette raison que la commission mixte paritaire, adoptant votre réforme, a frôlé l’échec. Vous le savez bien, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État : non seulement ce texte ne clarifie et n’optimise rien, mais il crée davantage de complexité et d’opacité, sans que jamais cela se traduise par des économies sur le plan financier. Au contraire, la réforme coûtera très cher, nous l’avons démontré dans cette enceinte à maintes reprises.

Au-delà de ces divers arguments, deux raisons majeures me paraissent devoir être retenues pour rejeter votre réforme, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État.

La première a trait au choix du postulat qui est au cœur de votre texte, à savoir la confusion entre la région et le département qui culmine avec la création du conseiller territorial.

Ce faisant, et cela a été répété à de nombreuses reprises, vous dénaturez ces deux collectivités, vous niez la réalité du fonctionnement de nos territoires.

Vous le savez bien, l’organisation territoriale de notre pays s’articule autour de deux grands types d’acteurs. D’une part, la région est l’échelon de mise en œuvre des politiques stratégiques, des grands équipements, souvent engagés en partenariat avec l’État et l’Europe. D’autre part, se trouvent les acteurs de la proximité, issus du département, de la commune et de la communauté de communes. Le département est l’échelon des solidarités sociales et des solidarités territoriales, ces deux dernières étant indissociables.

En faisant le choix du conseiller territorial, vous allez « rétrécir » les régions et vous allez faire perdre aux départements leur caractère de proximité.

Le présent texte – faut-il le rappeler ? – sera adopté, le cas échéant, contre l’avis de l’Association des régions de France, l’ARF et de l’Assemblée des départements de France, l’ADF.

La seconde raison qui justifie le rejet de la réforme qui nous est soumise tient à la construction et à l’architecture mêmes du projet de loi.

La remise en ordre définitive des compétences est renvoyée au 1er janvier 2015. Néanmoins, dans l’immédiat, le Gouvernement supprime la clause générale de compétence. Comment comprendre et suivre une telle logique ? Soit le texte qui nous est présenté est bon et il est alors inutile de prévoir d’ores et déjà d’y revenir, soit il n’est pas approprié – nous le savons par avance –, et il n’y a alors aucune raison de l’adopter. Cette curiosité me paraît en outre jeter le discrédit sur le travail législatif.

Vous pouvez d’ores et déjà constater le trouble d’une grande part des élus locaux. À la disparition des leviers fiscaux, vous vous apprêtez aujourd’hui, pour le département et la région, à ajouter la perte des leviers d’action en supprimant la clause générale de compétence.

Dans le département que je représente, tous les élus territoriaux, quelle que soit leur sensibilité politique, ont aujourd’hui les yeux tournés vers le Sénat. Si la Haute Assemblée rejette ce texte, alors non seulement elle aura justifié sa raison d’être, ce qui n’est pas secondaire, mais surtout elle aura montré sa capacité à défendre nos concitoyens ancrés dans leur territoire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Monsieur le ministre, quelle était votre ambition annoncée dès les premiers mots du discours que vous avez prononcé au début de notre débat ? C’était, d’une part, simplifier, et, d’autre part, réaliser des économies. Avouez que, malheureusement, le projet de loi est un ratage complet. Tout est devenu encore plus confus.

Je citerai quelques exemples.

Sur le plan fiscal, les collectivités territoriales subissent une perte d’autonomie et des incertitudes pèsent sur les ressources, en particulier pour les années futures.

Sur le plan des compétences, où en sommes-nous ? Qui fait quoi ? Comment s’y retrouver ? On supprime la clause générale de compétence, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

... mais on la conserve pour le sport, la culture, le tourisme...

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

On la rétablit aussi en cas d’accord intervenu autour d’un projet d’intérêt général.

En fait, où est la clarté ? C’est la confusion générale ! D’ailleurs, nombre de maires nous demandent ce que cela signifie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Cela signifie qu’il faut voter socialiste et communiste aux prochaines élections !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Que pourrons-nous véritablement faire dans les années qui viennent ?

Sur le plan institutionnel, je ne viserai que le nombre des conseillers territoriaux. La région d’Île-de-France en comptera 308 – soit trois fois plus que le nombre d’élus au Sénat américain –, au lieu de 209 conseillers régionaux aujourd’hui. Monsieur le président, pourriez-vous lui prêter l’hémicycle du Sénat pour permettre à ses futurs conseillers territoriaux de se réunir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Vous aviez dénoncé le fameux millefeuille, mais que nous donnez-vous à la place de celui-ci ? Le pudding !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

On n’avait pas encore entendu cette remarque ! C’est la première fois !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Et, malheureusement, le pudding est reconnu comme étant assez indigeste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Vous le savez d’autant plus que vous nous proposez de le déguster par morceaux : on en mangera une part successivement en 2011, en 2012, en 2013, en 2014 et en 2015. Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, ce ne sera pas plus digeste pour autant ! D’ici à 2015, le pudding aura un peu séché et il sera tombé en miettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Mes chers collègues, mes amis de gauche, nous devrons remettre de l’ordre dans tout cela, et le plus tôt sera le mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

En attendant, avec détermination, nous voterons contre le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe UMP, la deuxième, du groupe socialiste et, la troisième, du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici le résultat du scrutin n° 97 :

Nombre de votants339Nombre de suffrages exprimés330Majorité absolue des suffrages exprimés166Pour l’adoption167Contre 163Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur quelques travées de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je tiens en cet instant à remercier la commission des lois, son rapporteur et son président, ainsi que l’ensemble des collègues qui ont participé à ces longs débats passionnés et passionnants, et, enfin, le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avions décidé de consacrer notre prochaine séance de questions cribles thématiques à l’outre-mer et l’Union européenne.

À la demande du groupe socialiste et du groupe UMP, je vous propose de reporter le thème que nous avions choisi.

C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité engager une nouvelle concertation avec l’ensemble des groupes politiques. Il ressort de cette concertation un nouveau thème qui pourrait être l’avenir de la filière photovoltaïque.

Je remercie le Gouvernement qui vient de me faire savoir que M. Jean-Louis Borloo pourrait répondre à nos questions. Je tiens donc à l’en remercier, ainsi que M. Henri de Raincourt, qui a bien voulu faciliter ce changement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 9 novembre 2010, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire et de la loi portant réforme des retraites.

Acte est donné de ces communications.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, je rappelle à nos collègues membres de la commission des lois que celle-ci va maintenant procéder à l’audition de MM. Brice Hortefeux et Alain Marleix au sujet du projet de loi de finances pour 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (projet n° 84, rapports n° 88 et 90).

Mes chers collègues, je vous rappelle que, hier, la discussion générale a été close et que le Sénat a repoussé la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi, par Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Le Menn, Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (84, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

« Pourquoi ferais-je quelque chose pour les générations futures alors qu’elles n’ont rien fait pour moi ? ». Avec cet aphorisme, Groucho Marx avait fait un bon mot. Nicolas Sarkozy en a fait une politique et ce gouvernement y puise sa méthode : mesures à courte vue, accumulation de dettes et report de leur financement sur les jeunes générations.

L’article emblématique du présent projet de loi organise, selon les propres termes de M. le rapporteur, « la plus importante reprise de dette sociale jamais effectuée ». Ainsi, 130 milliards d’euros seront transférés à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, laquelle verra sa durée de vie augmenter de quatre ans. Ce sont par conséquent les actifs de 2025 qui paieront les dépenses de 2010.

Le Fonds de réserve pour les retraites, qui aurait dû être augmenté jusqu’en 2020, subira un prélèvement, au rythme de 2 milliards d’euros par an, jusqu’en 2018. La réserve financière que le gouvernement socialiste avait constituée pour permettre l’équité entre les générations a été détournée de sa fonction. Les actifs de demain ne devront plus compter que sur eux-mêmes.

C’est cette crainte qu’exprimaient ces jours derniers les jeunes manifestants que le Gouvernement a dédaignés. Quand nos enfants voient à quel point il leur est difficile d’entrer sur le marché du travail, quand ils constatent que leurs parents sont chassés de l’emploi bien avant 60 ans, quand ils remarquent que les parcours professionnels sont de plus en plus précaires et discontinus, ils comprennent très bien sur quoi repose le plan de financement du gouvernemental : un pari sur leur précarité présente et future.

M. le rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, Dominique Leclerc, analyse de la façon suivante les effets des mesures d’âge adoptées : deux tiers de réductions des dépenses, un tiers de rentrées liées à l’augmentation des cotisations.

Pour ce qui concerne les réductions des dépenses, c’est assez simple : le versement beaucoup plus tardif de pensions inférieures en raison de carrières incomplètes et de conditions de plus en plus exigeantes pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein permet de réaliser des économies. Mais à quel prix ?

Quant aux rentrées financières liées à la croissance des cotisations sociales et au maintien des salariés en activité au-delà des seuils de 60 et 65 ans, on peut s’étonner. En effet, tous les pays qui ont changé la donne en matière d’emploi des seniors ont mis en place des politiques ambitieuses pour modifier à la fois les mentalités et l’organisation du travail. Ce gouvernement pense, lui, que, en fragilisant les personnes et en agitant le spectre de la misère, la situation évoluera d’elle-même. En clair, il s’en « lave les mains ».

De projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – en projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement n’a cessé de se tromper, mais surtout de nous tromper. De prévisions irréalistes en déficits surdimensionnés, nous avons pu constater que la crédibilité des hypothèses économiques était le cadet de ses soucis.

Monsieur le ministre, cette année, vous nous présentez un PLFSS prenant en considération une hypothèse de déficit tendanciel de 32, 5 milliards d’euros et un objectif de déficit ramené à 25, 5 milliards d’euros une fois les mesures de recettes et d’économie mises en œuvre. Il est basé sur une évolution de la masse salariale de 2, 9 %, une croissance du PIB de 2 % en volume. Certes, tous les économistes tablent sur une croissance de 1, 5 %, mais il serait dommage de s’appuyer sur le travail des experts quand l’approximation sert mieux vos intérêts…

En revanche, on ne peut s’empêcher de saluer vos talents d’artiste : en effet, pour faire « passer » un déficit énorme, il suffit d’en annoncer un pire encore et de faire croire que la différence constitue un gain substantiel devant être mis au crédit du Gouvernement. Je connais des dames qui depuis des années développent la même théorie auprès de leur conjoint en période de soldes…

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

Venez à Troyes, c’est 40 % moins cher !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Pourquoi pas ? Mais les personnes en question savent bien que cette attitude correspond seulement à de la mauvaise foi. C’est du boniment.

Une autre grande idée développée par le Gouvernement en matière d’innovation gestionnaire nous a beaucoup intéressés : c’est la technique du tonneau des danaïdes appliquée aux relations entre branches. C’est ainsi que l’on organise le transfert des ressources pérennes de la branche famille au remboursement de la dette sociale. D’excédentaire, puis de conjoncturellement déficitaire, celle-ci finira par se trouver structurellement déficitaire. Creuser des trous pour en boucher d’autres est non pas une technique de gestion, mais un processus de délitement, que ce dernier soit organisé par incompétence ou obtenu par calcul.

Une autre technique de gestion intéressante consiste à élaborer des indicateurs et à les doter d’objectifs sans lien avec la réalité et sans visée en termes de santé publique. Les objectifs nationaux de dépenses d’assurance maladie – ONDAM – en sont l’exemple le plus frappant. La progression de celui qui est affecté aux dépenses médico-sociales a été arbitrairement fixée à 3, 8 %. Or, jusqu’à présent, sa hausse n’a jamais été inférieure à 6 %. Le vieillissement de la population, les retards structurels dans la prise en charge du handicap expliquent cet état de fait. Mais alors que l’ONDAM est en nette régression, le Gouvernement affiche sa volonté de créer de plus en plus de places d’accueil, que ce soit à travers le plan Solidarité- Grand Âge ou lors de la conférence nationale du handicap, ce qui n’est pas compatible.

Si la question des ressources est déterminante pour l’avenir de notre régime, c’est parce que la protection sociale est également déterminante pour l’avenir de notre société. Pourtant, face à la dérive de nos comptes sociaux, vous ne proposez, comme chaque année, monsieur le ministre, qu’une série de « mesurettes » qui ont pour seul effet de diminuer les prestations en augmentant le reste à charge. Pendant ce temps, c’est en centaine de milliards d’euros que se chiffre le déficit et en dizaine de milliards d’euros qu’il s’enracine.

Face à une telle situation, la question de l’élaboration d’une réforme fiscale basée sur la justice sociale se pose. Mais comment pourriez-vous y parvenir ? Vous traînez le bouclier fiscal comme un boulet et, alors que vous « grattez » jusqu’à trois mois d’aide personnalisée au logement, ou APL, en supprimant la rétroactivité de cette prestation aux étudiants, notamment, vous faites des chèques de 30 millions d’euros à la plus grande fortune de France !

Alors que vous ne cessez de brandir la menace de la fin de l’État providence, vous n’engagez aucun chantier d’importance. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale se caractérise par l’absence totale de réflexion sur le quotidien de nos territoires confrontés aux déserts médicaux, aux hôpitaux en souffrance, aux dépassements d’honoraires, à l’absence de politique de santé publique, aux difficultés d’accès aux soins.

En revanche, comme d’habitude, cette année a connu son lot de déremboursements et autres franchises. À tel point que si l’assurance maladie couvre encore bien le gros risque, la médecine de première ligne n’est plus prise en charge qu’aux alentours de 55 %.

Cette stratégie donne déjà des résultats : plusieurs enquêtes ont montré récemment une augmentation sensible du renoncement aux soins pour raisons financières. Pis, l’érosion du remboursement des soins affecte la légitimité du système ; les actifs cotisent aujourd’hui pour une protection sociale dont ils verront diminuer la couverture dans l’avenir. Jusqu’à quand la solidarité intergénérationnelle y survivra-t-elle ?

Bref, même en ignorant les besoins existants, vous n’arrivez plus à régler les affaires courantes.

Pendant que filent les déficits, les niches fiscales, au sens large, excèdent 200 milliards d’euros. Elles ont un coût budgétaire faramineux, alors que nul n’évalue leur efficacité et que leurs effets pervers dépassent parfois leurs bienfaits supposés. Certaines sont même détournées et servent aux contribuables les plus fortunés à réaliser une optimisation à grande échelle. Pourtant, l’augmentation de leur nombre s’est accélérée. Depuis 2002, on en comptabilise deux cents supplémentaires.

Pour ce qui concerne la branche famille, le même diagnostic peut être posé. Élus locaux, nous savons à quel point la demande de structures de garde pour la petite enfance est forte et à quel point l’offre collective n’est pas à la hauteur des besoins constatés. Pourtant, dans la plupart des familles, le travail des femmes est devenu une nécessité absolue. L’accès à un service de la petite enfance devrait être un droit.

Mais, en l’occurrence, il n’est question que de « siphonner » les recettes de la branche famille pour couvrir la prolongation de la dette sociale, et de « mégoter » trois mois d’APL.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est l’une des mesures les plus scandaleuses !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

De telles mesquineries rapportent très peu à la collectivité, coûtent très cher aux personnes concernées et sapent la crédibilité de l’action de l’État.

Enfin, en prélevant des ressources destinées à préparer l’avenir pour tenter de réguler des dettes constituées ou en cours de constitution, on alourdit encore un transfert de charges et de responsabilités sur les jeunes générations.

Les économies de bouts de chandelles annoncées PLFSS après PLFSS et présentées comme étant des mesures incontournables sont en train de redéfinir la carte de la misère et des inégalités, mais ne préparent aucun lendemain.

Alors que vous taxez les malades, repoussez les plus fragiles à la lisière des soins et rognez toutes les prestations, vous faites dans le même temps des cadeaux fiscaux aux plus riches. Vous mettez en péril l’équilibre de notre contrat social pour alimenter la caisse des privilèges.

Depuis 2002, les baisses d’impôts consenties par la majorité ont fait perdre à la collectivité nationale 70 milliards d’euros.

La seule suppression des réductions d’impôts accordées aux 5 % des ménages les plus aisés rapporterait tout de suite 20 milliards d’euros. La justice sociale pourrait y gagner ce que l’oligarchie y perdrait.

Il serait également temps, au lieu de discuter autant des moyens, de se pencher sur les valeurs que nous voulons développer et sur les objectifs que nous souhaitons atteindre. Mais ces sujets de fond ne sont pas examinés au Parlement.

Étant donné l’ampleur des déficits de l’assurance maladie, par exemple, nous devrions parler de maisons médicales pluridisciplinaires, d’accès au soin, d’encadrement de la liberté d’installation des médecins, de rémunération au forfait, d’investissement dans l’hôpital public...

Dans une économie de la santé aussi socialisée, peut-être est-il temps de remettre en cause un mode d’organisation fondé quasi exclusivement sur la médecine libérale rémunérée à l’acte. Au moins devrions-nous nous poser la question !

En fait, PLFSS après PLFSS, nous alignons les constats de déficits abyssaux et les réponses comptables dérisoires.

Quand nous vous proposons de discuter de la stratégie de redressement de notre système, vous nous présentez, monsieur le ministre, des mesures techniques et de court terme. Même le rapporteur de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Yves Bur, que nul ne saurait soupçonner de gauchisme, le reconnaît : l’« approche par la maîtrise des dépenses […] ne semble plus à la hauteur des enjeux. » Malheureusement, c’est visiblement la seule que vous connaissiez.

Nos aînés ont forgé pour nous un filet de sécurité face aux aléas de la vie ; ils l’ont fait reposer sur la solidarité et le lien intergénérationnel, valeurs qui fondent aujourd’hui notre société. Il existe au cœur même de la construction de la sécurité sociale l’idée d’égalité et de fraternité. Mais si celle-ci est autant la cible des thuriféraires de la libéralisation des services, c’est parce que là où nous voyons un modèle social, le Gouvernement, lui, ne parle que de coût, tandis que d’autres ont compris qu’il pouvait y avoir là un marché juteux. Alors que vous diminuez les prestations, la réponse privée s’organise.

Le Gouvernement précise très clairement sur le site vie-publique.fr, à la page consacrée à l’État-providence : « La solidarité nationale fondée sur un système de protection collective semble se heurter à une montée des valeurs individualistes. En effet, les mécanismes impersonnels de prélèvements et de prestations sociales, caractéristiques de l’État-providence, ne satisfont plus des citoyens à la recherche de relations moins anonymes et d’une solidarité davantage fondée sur des relations interindividuelles. »

Il a été beaucoup reproché aux socialistes de regarder l’avenir avec les lunettes du passé, mais il n’est pas si loin le temps d’avant l’État-providence, celui où l’on ne vivait pas vieux, où les femmes mouraient en accouchant, où la mortalité infantile était élevée, où le chômage vous plongeait immédiatement dans la misère, où vieillesse rimait avec pauvreté.

Je préfère, à tout prendre, les caractéristiques de l’État-providence que vous dénoncez.

La social-démocratie a permis de lier progrès économiques et progrès social, création de richesse et répartition, éducation et emploi. Aujourd’hui, plus que jamais, il est nécessaire que le capital public soit notre patrimoine commun. Les pays qui oublient de lier développement économique et bien-être social construisent leur existence sur l’exploitation de leur population et conjuguent absence de liberté politique, inégalités sociales, instabilité institutionnelle et violence.

Parce que notre protection sociale est un modèle de civilisation et que, aujourd’hui, sa pérennité est en cause, il est plus que temps d’en terminer avec l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale indigne des circonstances, pour travailler à un ressourcement de notre pacte social à la hauteur des enjeux de l’avenir, des besoins du présent et des leçons du passé.

En votant la motion tendant à opposer la question préalable présentée par les membres du groupe socialiste, c’est ce que vous vous engagerez à faire, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Dans votre argumentation, madame Le Texier, vous venez d’encourager le Sénat à voter la motion tendant à opposer la question préalable, au double motif suivant : le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne réglerait pas la situation présente et ne préparerait pas l’avenir.

Cela ne surprendra personne, nous n’avons pas la même vision de l’avenir que celle que vous avez exposée devant nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

On ne peut pas dire que le Gouvernement ne s’intéresse pas à la situation actuelle et n’ait pas pris les mesures qui permettraient d’y porter remède.

Pour résoudre le problème de la dette, il a adopté des mesures courageuses et difficiles. Lorsqu’il s’attaque aux niches sociales, ce que vous avez demandé à cor et à cri depuis des semaines, notamment lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, mes chers collègues de l’opposition, le Gouvernement répond à l’une de vos attentes, même s’il ne va pas aussi loin que vous pourriez le souhaiter. Lorsqu’il développe une série d’actions visant à maîtriser les dépenses, là encore, il répond à la situation délicate que connaît notre système de sécurité sociale, mais il prépare aussi l’avenir.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales ne peut pas vous suivre, madame Le Texier, et préconise le rejet de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

Même avis, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable que nos collègues du groupe socialiste ont déposée et qui vient d’être défendue par Mme Le Texier.

Cela a été souligné, nous considérons que les mesures de financement, qui reposent essentiellement sur des économies à la charge des assurés, telles que proposées par le Gouvernement, ne sont pas de nature à garantir un haut niveau de protection sociale auquel nos concitoyens sont attachés, et présentent même, à long terme, un risque quant à la viabilité de notre système.

La branche famille, qui n’avait pas connu de déficits depuis plusieurs années, est, pour la seconde année consécutive, déficitaire, à hauteur, tout de même, de 3 milliards d’euros.

Pour justifier le déficit de la branche maladie, la majorité n’a de cesse de renvoyer la faute vers nos concitoyens, qui seraient responsables d’une surconsommation en matière de soins et de médicaments. Cette imputation permet d’ailleurs au Gouvernement de justifier toutes les mesures de réduction des droits, de déremboursement ou de création de contribution.

La même accusation ne peut naturellement pas être portée vis-à-vis de la branche famille en raison de la structure particulière de cette dernière et des missions qui sont les siennes. À cet égard, son déficit est la preuve du sous-financement que nous ne cessons de dénoncer.

Monsieur le ministre, cela ne vous empêche toutefois pas d’appliquer les mêmes solutions que pour les branches maladie ou vieillesse : la paralysie des prestations.

Vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu à l’Assemblée nationale en précisant que vous aviez fait le choix d’appliquer les mécanismes normaux d’augmentation de toutes les allocations familiales. Autrement dit, les familles les plus modestes, celles qui souffrent le plus de la crise, n’auront pas droit à un « petit coup de pouce ». Nous avions déjà fait ce constat l’année dernière, en observant que vous aviez pris la décision de geler la base mensuelle de calcul des allocations familiales.

Le traitement réservé à la branche famille, qui est traditionnellement le parent pauvre des plans de financement de la sécurité sociale, traduit dans les faits depuis deux ans votre politique de rigueur. Preuve en est, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comportait initialement que deux mesures concernant cette branche, et, qui plus est, d’économie !

Si nous nous réjouissons de l’adoption, par des députés issus de tous les groupes, d’un amendement tendant à supprimer l’article 55 qui concernait les modalités d’attribution de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, nous ne pouvons que regretter le maintien de l’article 54, dont nous proposerons la suppression.

Celui-ci prévoit de mettre fin à la rétroactivité de trois mois précédant la demande d’une aide au logement, qu’il s’agisse de l’APL, de l’ALS, l’allocation de logement sociale, ou de l’ALF, l’allocation de logement à caractère familial : cela permettra à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, d’économiser 240 millions d’euros, qui manqueront aux familles qui en bénéficiaient, et ce d’autant plus que vous allez également supprimer, grâce à votre majorité, l’avantage fiscal accordé aux couples nouvellement mariés. Voilà deux dispositions dont les jeunes couples se seraient bien passés.

Nous savons pourtant tous que l’accès au logement conditionne la réalisation de projets familiaux ainsi que le maintien dans l’emploi. Cette décision, ajoutée aux orientations défavorables de la politique du logement – en l’espèce, les villes riches ne respectent toujours pas les obligations prévues dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », en matière de construction de logements sociaux –, fait, selon l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, « craindre des situations très tendues pour les familles les plus modestes ». Nous partageons ce constat.

Monsieur le ministre, l’ensemble des associations représentant les familles, ainsi que la CNAF, ont rejeté le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous leur avez présenté. Toutes considèrent que les familles, déjà durement touchées financièrement par l’ensemble des mesures contenues dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale – déremboursements, augmentation du ticket modérateur pour certains dispositifs médicaux, relèvement du seuil de 91 à 120 euros sur lequel est calculée la franchise de 18 euros applicable à l’hôpital, mesures entraînant la hausse des cotisations mutualistes –, n’ont pas à subir la politique de rigueur que vous vouliez leur imposer.

Les membres du groupe CRC-SPG partagent cette analyse et estiment qu’il est urgent d’agir, non sur les dépenses – puisqu’elles pèsent sur nos concitoyens –, mais sur les recettes, ne serait-ce que pour répondre aux difficultés conjoncturelles. Vous vous y êtes refusé. C’est la raison pour laquelle nous considérons que vous devez revoir votre projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est un constat que nous faisons tous sur quelque travée que nous siégions dans cette assemblée : un nombre de plus en plus élevé de nos concitoyens, en particulier de jeunes – la moitié des Français âgés de vingt-cinq à trente-quatre ans – renoncent à se faire soigner.

Ils abandonnent les soins évidemment pour des raisons financières, liées au coût des traitements. PLFSS après PLFSS, non seulement l’universalité de notre système de soins est remise en cause, mais d’année en année, ce dernier exclut de son accès de plus en plus de nos concitoyens.

Les classes moyennes et les jeunes, je le disais, sont les premières victimes des mesures gouvernementales, de la volonté inexorable de détruire notre système de soins.

Avec ce PLFSS pour 2011, vous aggravez de nouveau la situation, monsieur le ministre, et Raymonde Le Texier l’a indiqué tout à l’heure. C’est ainsi que vous étendez la liste déjà longue des médicaments et des soins déremboursés. À cela viennent s’ajouter des mesures d’économie fixées par voie réglementaire : diminution du niveau de prise en charge des médicaments qui passera de 35 % à 30 %, suppression pour certains patients de la possibilité d’être reconnus souffrant d’une affection de longue durée, ou ALD.

Par ailleurs, la taxation des assurances et des mutuelles complémentaires du régime obligatoire va encore accentuer et allonger la longue liste des exclus de la médecine. Vous créez de plus en plus une médecine à deux vitesses, car, selon les informations que nous ont fournies toutes les mutuelles, on peut craindre une hausse de cotisation de 3 % à 8 %.

Monsieur le ministre, vous allez aggraver le renoncement aux soins de populations en situation de précarité sanitaire et sociale.

Au final, après la casse de nos services publics, le dévoiement de la décentralisation auquel nous avons assisté tout à l’heure, le tour de passe-passe opéré dans le domaine des retraites, vous vous attelez maintenant au démantèlement de notre protection sociale. Chaque fois, les victimes sont les mêmes : les Français les plus fragiles, les plus faibles, les plus démunis, que vous frappez au portefeuille et que vous pénalisez en matière de soins.

Décidément, depuis quelques années, nous assistons à toute une série de braquages auxquels nous voulons mettre un terme : aussi nous voterons la présente motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 98 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi, par M. Daudigny, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Le Menn, Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (84, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, sommes-nous réellement en sortie de crise et, si tel est le cas, pour combien de temps ?

J’ai écouté avec attention les membres du Gouvernement qui se sont exprimés hier, mais je n’ai pas trouvé les réponses structurelles attendues dans leurs interventions. En revanche, j’y ai trouvé la confirmation que la méthode Coué, brillamment évoquée par Bernard Cazeau, a encore de nombreux adeptes dans ce gouvernement.

Permettez-moi, pour ma part, de m’en tenir aux faits.

Vous conviendrez avec moi que les conditions d’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale sont, à tous points de vue, les moins favorables que l’on ait connues, que ce soit en termes de calendrier d’abord, de méthode ensuite et de fond enfin.

Que le Gouvernement dépose son projet de loi de plus en plus tard sur le bureau de l’Assemblée nationale participe évidemment au rythme invraisemblable qu’il nous impose. Jusqu’en 2005, le PLFSS était déposé au cours de la première semaine d’octobre. Puis il l’a été le 12 octobre, le 13 octobre, le 14 octobre, la date limite étant, je le rappelle, le 15 octobre !

Jusqu’en 2005 également, le Sénat se réservait une semaine de travail entre la date de transmission du texte adopté par l’Assemblée nationale et celle de présentation des rapports. Depuis, transmission et rapports sont concomitants.

Mais c’est moins cette contraction du temps que le contexte frénétique dans lequel elle s’inscrit qui pose problème. La session unique n’a jamais aussi bien porté son nom. Le Parlement siège dorénavant « non stop » du mois de septembre au mois de juillet ; son ordre du jour est encore surchargé, malgré deux sessions extraordinaires chaque année. Les lundis et les vendredis sont devenus des jours de séance habituels. À croire que moins le Gouvernement crée de financements, plus il fabrique de textes !

Reste que cette frénésie législative marque singulièrement cette session d’automne, particulièrement en matière sociale avec le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale et le projet de loi portant réforme des retraites – tous deux inscrits à l’ordre du jour de la session extraordinaire –, le PLFSS et l’annonce initiale d’un projet de réforme de la prise en charge de la dépendance avant la fin de l’année. Il est vrai que pour ce dernier, le calendrier est modifié ! Personne n’y a vraiment cru.

À peine achevé aux forceps le marathon de l’examen des projets relatifs à la dette sociale et aux retraites, nous avons « enquillé », dirais-je familièrement, mercredi 3 novembre en commission sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, adopté la veille seulement par l’Assemblée nationale, alors qu’un débat commun, non moins important, sur le projet de loi de programmation des finances publiques et sur les prélèvements obligatoires et l’endettement nous occupait aussi le même jour en séance publique !

À cette stratégie de surcharge systématique de l’ordre du jour parlementaire s’en ajoute une seconde, non moins déplorable : celle de la réforme « en kit », ou du « saucissonnage », qui consiste à éparpiller les mesures d’un même projet dans plusieurs textes.

Le Gouvernement a appliqué cette méthode à la réforme territoriale. Il a fait de même à l’égard de la réforme des retraites en dissociant les mesures d’âge – un projet de loi –, des mesures de fiscalité budgétaire – un autre projet de loi – et des mesures de fiscalité sociale – encore un autre projet de loi. Et il s’est ainsi cru autorisé, à cette occasion, à refuser dans cette enceinte toute discussion sur le volet financier en expliquant que l’on en parlerait plus tard. Mais lorsque nos collègues députés ont évoqué la dette sociale et les retraites au cours de l’examen du PLFSS, « hors sujet » avez-vous alors répondu, monsieur le ministre, en expliquant, cette fois, que l’on ne parlait plus des textes passés !

Le Gouvernement prive ainsi la représentation nationale de visibilité, compte tenu, notamment, de la dispersion des chiffrages, alors que ces différents projets de loi posent une même question à laquelle personne ne répond : celle du financement de la sécurité sociale.

Les mesures qui nous sont proposées en l’occurrence se limitent, pour l’essentiel, à gérer la pénurie, une pénurie organisée. Il n’y a donc aucune urgence à décider de ne pas financer la protection sociale !

Dans la continuité de la fuite en avant sur la dette sociale, le « court termisme » sur les retraites, le présent projet de loi poursuit obstinément une politique de maîtrise des dépenses homéopathique au regard du déficit historique de nos comptes sociaux, malgré, surtout, un déficit structurel sur lequel le Gouvernement se refuse cette année encore à agir.

Reports de dette, déqualification de niches, tuyautages et transferts intraçables... l’insincérité des comptes et des hypothèses qui les fondent ne suffisent pas à dissimuler l’inaction et contribuent encore à fausser le débat parlementaire.

Cette inaction a évidemment un coût. La dégradation du régime se poursuit : 23, 1 milliards d’euros de déficit cette année et seulement – hésite-t-on à dire – 21 milliards d’euros prévus en 2011. Les déficits cumulés sur la période 2011-2014 s’élèveraient à près de 80 milliards d’euros, dont 45 % pour la branche maladie et 46 % pour la branche vieillesse.

Le Gouvernement se félicite que l’ONDAM soit tenu, au prix d’un nouveau « débasage » au détriment de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA – je reviendrai sur ce point – et prévoit de réduire sa progression à 2, 9 %.

Insincérité encore lorsque le ministre du budget affirme que ce taux représente presque le double de l’augmentation du coût de la vie prévu pour 2011. Cela a été démontré sur la base des hypothèses du Gouvernement lui-même inscrites à l’annexe B : une hausse de 2 % du PIB en volume et une hausse de 1, 5 % de l’inflation représentent une augmentation de 3, 5 % de PIB en valeur ; l’ONDAM est donc en réalité inférieur !

Irréalisme encore que cette ligne bleue de l’ONDAM qui focalise tous les choix, en prétendant ignorer la réalité de l’évolution spontanée des dépenses de santé de près de 4 %, en raison de l’accroissement de la demande et du renchérissement du coût des techniques médicales.

Cette gestion en devient caricaturale et atteint un sommet d’absurdité avec le dernier épisode du refinancement des 130 milliards d’euros de dette transmis à la CADES. Face à la résistance imprévue des députés, qui ont estimé le panier initialement constitué vraiment « trop percé », vous décidez d’y substituer 0, 28 point de CSG auparavant dévolus à la Caisse nationale d’allocations familiales et de lui « refiler » ce panier en contrepartie. Vous infligez donc délibérément, et en toute connaissance de cause, un déficit aggravé à la branche famille, déjà en situation inquiétante, puisque les taxes prévues sur les assurances ne sont ni pérennes ni dynamiques. C’est un choix digne de Gribouille !

Pour refinancer la dette, une autre solution juste, efficace, pérenne existe – cela a été dit mille fois – : la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS. Vous n’en voulez pas. Vous préférez « couler » la branche famille et compromettre ainsi les comptes de la sécurité sociale. Qui peut encore vous croire lorsque vous prétendez vouloir sauver notre système de protection sociale alors que vous êtes pris sur le fait, en train de l’asphyxier ?

Irréalisme des hypothèses, ai-je dit, qui faussent le débat parlementaire et qui hypothèquent fortement la sincérité des comptes présentés. Les projections pluriannuelles d’emploi retiennent une croissance de la masse salariale de 2;9 % pour 2011 et de 4, 5 % pour 2012. Elles sont improbables, et vous avez bien voulu me le confirmer en commission, monsieur le rapporteur général. Elles le sont tellement que le rapporteur général de la commission des finances suggère de réintégrer 17, 7 milliards d’euros au sein du déficit cumulé prévisionnel pour la période 2012-2014 sur la base plus vraisemblable d’une croissance de la masse salariale de 3, 5 % en 2012.

Insincérité et débat parlementaire faussé encore au regard de montages kafkaïens constitués de recettes au rendement inconnu et qui nous laissent dans l’incapacité d’en apprécier l’équilibre. Le fléchage des recettes fiscales nouvelles, de l’augmentation des prélèvements sociaux et des redéploiements des économies résultant des allégements généraux est particulièrement complexe.

À cet égard, je suis toutefois heureux de constater que le ministre du budget a la capacité de changer radicalement d’avis d’une année sur l’autre.

L’année dernière, le détenteur de ce portefeuille s’opposait fermement à l’annualisation du calcul du coût de ces allégements en expliquant qu’ils « coûteraient » 80 000 emplois. Cette année, monsieur le ministre, vous défendez la mesure. Conviction ou position de circonstance ? Conviction de circonstance ? C’est, en tous les cas, un premier pas. Mais il est loin de suffire ! Ainsi, mes chers collègues, je vous renvoie à l’analyse avertie, lucide et sans appel de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances selon lequel « la maîtrise des dépenses est un levier dont la portée se réduit au fil des ans ».

Faute de recettes nouvelles et pérennes, le niveau de protection sociale devra être revu à la baisse, le reste à charge augmenté et la mise sous condition de ressources des prestations envisagée alors, ajoute-t-il, que « nous avons conscience que ces réflexions “creusent la tombe” du système créé en 1945 ».

Prétendre ne pas vouloir augmenter les recettes et, en même temps, sauvegarder le système par répartition – nous parlions alors des retraites – reviendrait à « mentir sur l’un des deux volets de la proposition ».

Enfin, toujours selon M. le rapporteur pour avis, « cette position de principe » – en d’autres termes, mes chers collègues, économiquement et socialement infondée – « conduit à aggraver les déséquilibres financiers ».

Constatons-nous autre chose aujourd’hui que la poursuite de l’aggravation des déséquilibres des comptes, la poursuite d’une politique de maîtrise des dépenses inopérante, la poursuite de l’augmentation du montant du reste à charge, dans lequel il faut bien sûr inclure le montant des cotisations aux couvertures complémentaires qui continuent d’absorber les transferts et en reporteront le coût, si ce n’est déjà fait, sur les primes – prétendre le contraire serait également mentir –, la poursuite, enfin, du sous-financement des hôpitaux publics ?

Selon l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, la couverture de base a baissé puisqu’elle est passée de 78, 2 % à 76, 8 % entre 2000 et 2009, mais elle se réduit en réalité à 50 %, toutes cotisations comprises. Parallèlement, de nouveaux déremboursements de médicaments et de dispositifs médicaux sont encore prévus.

Monsieur le ministre, l’augmentation du nombre de personnes renonçant à des soins ou les retardant devrait vous inquiéter et vous faire réagir. Pourtant, vous faites parfois la moue devant certaines études…

Celle que le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, a publiée au mois de juillet 2010 indique que la proportion de Français déclarant devoir s’imposer des restrictions budgétaires dans le domaine des soins médicaux est passée de 3 % en 1980 à 13 % aujourd’hui et a connu une forte dégradation depuis 2005.

Le baromètre Cercle santé-Europ assistance estime que ce taux a encore augmenté de 12 % entre 2009 et 2010, la plus forte hausse en Europe.

Selon un sondage réalisé pour le Collectif inter-associatif sur la santé, 26 % des personnes interrogées, parmi lesquelles les jeunes âgés de vingt-cinq à trente-quatre ans et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle sont surreprésentés, déclarent avoir renoncé à des soins.

Une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé – l’IRDES – montre que, parmi les « renonçants » aux soins, 21 % disposent de la couverture maladie universelle complémentaire et 30, 4 % n’ont pas de couverture complémentaire.

L’association Médecins du monde alerte sur l’augmentation du nombre de consultations réalisées dans ses centres d’accueil et, ce matin même, le rapport du Secours catholique relève que l’augmentation constatée, depuis deux ans, des situations de pauvreté se poursuit.

Mais, de nouveau, monsieur le ministre, cela ne semble pas vous inquiéter, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

… ce peut-être d’autant moins que vous avez renoncé – cela a déjà été dit – à contenir les dépassements d’honoraires, qui prennent des proportions parfois invraisemblables. Vous avez aussi refusé de légaliser le testing, qui a pourtant fait ses preuves. Vous avez même fait machine arrière en renonçant, au mépris du texte adopté par le Parlement, soit dit en passant, aux deux seules mesures phares de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », destinées à réduire ou prévenir les déserts médicaux.

L’accès aux soins hospitaliers publics reste gravement mis en danger. Nombre de services, en sous-effectif, sont au bord de l’implosion, et la situation de celui des urgences de l’hôpital Tenon, qui a dû être momentanément fermé faute de personnel, a déjà été évoquée. Selon l’analyse de la Cour des comptes, l’ONDAM hospitalier, qui, notamment, ne retrace pas les compensations opérées entre dotations affectées au financement des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation – les MIGAC – et tarifs, ne permet pas de mesurer la réalité des déficits et reste plus proche du mirage que de la réalité. Il n’est pas un quotidien régional qui n’évoque de fermeture de services !

La branche famille, outre la ponction inacceptable de recettes déjà évoquée, est traitée à la même enseigne que tous les services publics de ce pays, et dispose d’une sous-dotation financière et humaine. Résultat : les caisses sont aussi au bord de l’implosion et certaines ont même dû fermer guichet pour rattraper les retards.

Le secteur médico-social subit, quant à lui, la même politique récessive de désinvestissement et d’attente : attente d’une modification des financements de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, attente du décret de tarification, attente concernant la prise en charge de la dépendance, toujours annoncée et non encore engagée.

Il est pourtant urgent d’agir, tous les présidents de conseils généraux le disent.

À cet égard, il serait de bonne politique de réaffecter les 100 millions d’euros excédentaires de l’ONDAM médico-social au financement de l’APA et de la PCH, plutôt que de les restituer à l’assurance maladie.

Vous m’avez indiqué en commission, monsieur le ministre, que, pour cet excédent, aucun autre choix n’était possible, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, étant financée de façon étanche par l’assurance maladie. Il serait donc logique que les crédits qui ne sont pas dépensés reviennent à cette dernière. Vous avez tenu le même raisonnement à l’Assemblée nationale.

Le problème est que ce raisonnement est parfaitement faux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je le répète pour que les choses soient claires : l’objectif global des dépenses médico-sociales est constitué à hauteur de 1, 3 milliard d’euros de recettes propres. Il suffirait de fixer cette somme à 1, 2 milliard d’euros pour retrouver les 100 millions d’euros susvisés. Il n’y a pas d’étanchéité totale entre les deux types de ressources !

Last but not least, je rappelle, comme l’a fait à juste titre notre collègue rapporteur Sylvie Desmarescaux, que l’article L. 14-10-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit expressément que les crédits non consommés à la clôture de l’exercice donnent lieu à report automatique sur les exercices suivants.

Mes chers collègues, il n’est ni normal ni acceptable que la représentation nationale soit contrainte de travailler et de délibérer dans de telles conditions, qu’il s’agisse du calendrier et, parfois, de l’opacité.

Rarement, malheureusement, demande de renvoi en commission n’a été aussi justifiée.

Nombreux, je le sais, sont mes collègues partageant les constats que je viens d’exposer. Nous sommes également nombreux, j’en suis convaincu, à partager une haute conception du rôle du Parlement, de son travail et du respect qui lui est dû. Il est peut-être temps de réhabiliter ouvertement ces principes !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je ne vais pas surprendre M. Daudigny en lui faisant remarquer que les groupes de l’opposition n’hésitent pas à user de tous les artifices de procédure pour pouvoir s’exprimer contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce faisant, ils introduisent dans leur argumentation des éléments qui ne plaident aucunement en faveur de leur demande, en l’espèce en faveur d’un renvoi du texte à la commission des affaires sociales.

Vous le savez pertinemment, mes chers collègues de l’opposition, ce renvoi ne ferait pas progresser d’un iota le contenu du projet de loi. Nous avons travaillé celui-ci avec les différents rapporteurs et d’une manière approfondie, nous avons procédé à de très nombreuses auditions et nous considérons que le texte, tel qu’il a été construit par le Gouvernement, répond aux attentes du pays et permet de consolider l’avenir de notre système de sécurité sociale.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales vous demande, mes chers collègues, de ne pas voter la motion que vient de nous présenter notre collègue Yves Daudigny.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Même avis, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 9, de l’article 9, des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 9, de l’article 12 bis et, par cohérence, de l’article 14 jusqu’à la séance de mercredi après-midi.

Par ailleurs, après le vote de la troisième partie, le Gouvernement demande que soient appelés en priorité les articles 59 à 71.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement, je suis donc saisi, par le Gouvernement, d’une demande de réserve des articles et amendements que M. le ministre vient de citer jusqu’à mercredi après-midi et d’une demande d’appel en priorité, après le vote de la troisième partie, des articles 59 à 71.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je consulte le Sénat sur les demandes de réserve et de priorité présentées par le Gouvernement.

La réserve et la priorité sont ordonnées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

PREMIÈRE PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2009

Au titre de l’exercice 2009, sont approuvés :

1° Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

En milliards d’euros

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

Vieillesse

Famille

Accidents du travail et maladies professionnelles

Toutes branches (hors transferts entre branches)

2° Le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :

En milliards d’euros

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

Vieillesse

Famille

Accidents du travail et maladies professionnelles

Toutes branches (hors transferts entre branches)

3° Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

En milliards d’euros

Recettes

Dépenses

Solde

Fonds de solidarité vieillesse

4° Les dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, s’élevant à 158, 1 milliards d’euros ;

5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, s’élevant à 1, 5 milliard d’euros ;

6° Le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, s’élevant à 5, 3 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Monsieur le ministre, le déficit que vous nous présentez pour 2009, à savoir 20, 3 milliards d’euros, est le plus élevé de l’histoire de la protection sociale depuis son instauration à la Libération. Vous vous félicitez, par ailleurs, de n’avoir pas atteint la prévision de 23, 4 milliards d’euros établie au mois de novembre 2008.

En réalité, il faudrait ajouter dans la balance des comptes sociaux plus de 1, 4 milliard d’euros de dette pour les autres régimes, notamment le régime social des indépendants dont bénéficient les commerçants et les artisans, et 3, 2 milliards d’euros du Fonds de solidarité vieillesse, ce qui ferait un total d’environ 25 milliards d’euros de déficit accumulé en 2009. Pis, pour cet exercice, toutes les branches du régime général ont été déficitaires, y compris les branches famille et accidents du travail, qui étaient encore excédentaires ou à l’équilibre en 2008.

Certes, vous nous rappelez à tout moment – vous l’avez encore fait hier soir – que la crise, engendrant du chômage, a conduit à une diminution importante des recettes liées à la masse salariale. Oui, c’est vrai, je vous rassure, nous l’avons nous aussi vu passer, cette crise !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

C’est beaucoup mieux qu’hier !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Mais quand nous vous disons que ce n’est pas la seule raison, vous avez l’impression que nous nions l’évidence.

Or si nous reprenons les évolutions des comptes de la sécurité sociale depuis 2002, nous voyons une succession de déficits, avec une pointe en 2004, année où l’on comptait déjà 13, 2 milliards d’euros de déficit. Nous avons ainsi enregistré 68, 3 milliards d’euros de déficit cumulé entre 2002 et 2008 et il n’était pas encore question de crise. À l’inverse de l’Allemagne, dont vous citez abondamment les chiffres, la France est donc partie avec un très important handicap pour affronter cette fameuse crise !

Pourquoi une telle situation ? Parce que depuis plusieurs années, le Gouvernement essaie de trouver la solution à ce problème à travers des économies de bouts de chandelles, qui prennent la forme de la maîtrise médicalisée. Rendez-vous compte, mes chers collègues : Mme la ministre de la santé a parlé, hier soir, de quelques centaines de millions d’euros, alors qu’il nous faudrait trouver 21 milliards d’euros. D’ailleurs, cette maîtrise se fait souvent au détriment de nos concitoyens. Ces économies sont autant d’échecs, car, comme vous le savez, monsieur le ministre, ce n’est pas la solution principale.

Il faut aujourd’hui – je serai encore plus tenté de le dire à votre collègue Roselyne Bachelot-Narquin – mener à bien des réformes structurelles.

Il en est une que j’évoque souvent : la nécessité de trouver d’autres éventualités que le paiement à l’acte. Mais, pour cela, il faut une véritable volonté politique, ainsi qu’un grand débat avec les professions de santé et les représentants syndicaux, à la manière des pays du Nord de l’Europe, comme cela a eu lieu en Suède, au Danemark et même en Allemagne. Nous ne devons pas nous contenter de quelques semaines de discussion, comme pour les retraites.

Aujourd'hui, la crise a bon dos : elle vous permet de vous voiler la face et d’espérer des jours meilleurs. Mais si vous en restez aux méthodes actuelles, vous ne ferez qu’accumuler les déficits et vous serez à la merci des variations de la croissance et donc de l’emploi.

Au bout du compte, ce sont les Français qui en pâtiront. Ainsi, sur quatre ans, entre 2005 et 2009, le taux de prise en charge des dépenses de santé par l’assurance maladie a diminué de 1, 5 point, passant de 77 % à 75, 5 %. C’est ce qui explique que, l’année dernière, plus de 14 % des assurés sociaux ont renoncé aux soins. Voilà la réalité, monsieur le ministre !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Avec l’article 1er, vous nous proposez d’approuver les tableaux d’équilibre par branche et les dépenses constatées lors du dernier exercice clos, celui de 2009.

Pour nous, c’est une nouvelle fois l’occasion – croyez bien que nous le regrettons – de constater l’inefficacité et, surtout, l’injustice de votre politique sociale. Année après année, nous n’avons de cesse de vous exhorter à prendre les mesures de financement qui s’imposent pour permettre, enfin, à notre protection sociale de recouvrer l’équilibre.

Vous repoussez toujours ces mesures au motif que Nicolas Sarkozy aurait pris l’engagement devant ses électeurs de n’accroître ni les prélèvements ni les impôts. Nous l’avons vu, cela est faux, puisque, en réalité, les impôts augmenteront de plus de 100 milliards d’euros. Je devrais plutôt dire que le Président de la République s’est engagé à ne pas augmenter les prélèvements et les impôts qui sont perceptibles et qui intéressent directement ses électeurs, c'est-à-dire les riches.

On sait, en effet, depuis votre récent passage à Bruxelles, que vous prévoyez en toute discrétion d’augmenter de 1 % supplémentaire la part de richesse nationale qui sera prélevée en 2011 par rapport à 2010. Cela devrait permettre de dégager 20 milliards d’euros.

Une telle mesure ne nous satisfait absolument pas dans la mesure où les efforts sont inégalement répartis. J’en veux pour preuve la réforme des retraites : les dispositions prises à l’encontre des fonctionnaires – augmentation inégalée du niveau de cotisations, durcissement des conditions d’accès au minimum garanti et fermeture du dispositif de cessation d’activité pour les parents disposant de 15 ans de carrière dans la fonction publique – vous permettent déjà de récupérer 10 milliards d’euros.

Vous refusant à prendre les mesures qui s’imposent, vous vous contentez d’utiliser les droits des assurés sociaux comme de véritables variables d’ajustement. Ce sont les assurés sociaux qui vont payer, c'est-à-dire le plus grand nombre, les personnes modestes, les salariés, les travailleurs. Vous avez, à ce titre, multiplié les mesures de déremboursements et instauré les franchises médicales, le forfait de 2 euros sur les transferts sanitaires, l’augmentation de 10 % à 40 % de la pénalisation pour non-respect du parcours de soins, le forfait de 18 euros sur les actes hospitaliers lourds. Bref, des mesures qui rétrécissent le champ d’intervention de la sécurité sociale et ont pour conséquence de rendre de plus en plus nécessaire l’acquisition d’une mutuelle complémentaire.

Et pourtant, malgré cela, les comptes sociaux ne cessent de se détériorer. Comment pourrait-il en aller autrement ? C’est bien la preuve qu’il faut rechercher des solutions ailleurs que dans la maîtrise des dépenses, laquelle ne suffit pas à résoudre durablement les difficultés que rencontre la sécurité sociale.

D’ailleurs, le tableau d’équilibre 2009 de l’ensemble des régimes obligatoires de base présenté dans le rapport du député Yves Bur en est la parfaite démonstration. Les prévisions de dépenses effectuées en 2009 comparées à celles qui seront effectivement réalisées en 2011 n’ont que peu évolué. En effet, si les dépenses constatées ont en effet légèrement augmenté pour la branche maladie, elles sont, pour toutes les autres branches, inférieures aux prévisions de 2009. À l’inverse, les recettes réellement perçues en 2011 au titre de l’année 2009 sont toutes inférieures, pour ne pas dire très inférieures, aux prévisions.

C’est la démonstration que la priorité de votre Gouvernement devrait être, si vous aviez à cœur d’assurer la sauvegarde de la sécurité sociale, d’en assurer un financement pérenne et durable reposant d’abord et avant tout sur des emplois de qualité. Or, force est de constater, en regardant l’exercice 2009, que ce n’est pas le cas.

Accepter ces tableaux d’équilibre reviendrait, pour nous, à considérer que vous-même, monsieur le ministre, et vos collègues n’êtes pas responsables de la dégradation des comptes sociaux.

Telle n’est pas notre conviction, puisque nous considérons, au contraire, que ce sont vos politiques d’exonérations sociales et fiscales qui conduisent aux situations que nous connaissons actuellement.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 1er, symbole de votre refus d’agir, si ce n’est toujours pour les mêmes, le patronat et les plus riches.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je vais mettre aux voix l’article 1er.

La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Cela vient d’être dit et démontré, le budget de la sécurité sociale est loin d’atteindre l’équilibre. Il faudra bien, un jour, en trouver la cause, si l’on a le courage de la chercher et de la traiter.

Nous n’avons jamais réfléchi à une véritable politique à long terme de l’offre médicale en France. Faute d’avoir organisé le parcours des malades à partir d’un accès primaire au médecin généraliste, qui aurait dû recevoir une formation adaptée dans ce sens, nous accroissons mécaniquement la demande au spécialiste, dont ce n’est pas le travail, son rôle devant rester celui de consultant.

À ce jeu absurde, tout le monde perd : les malades allant d’un praticien à un autre généraliste ou spécialiste, les spécialistes se cantonnant dans des tâches subalternes, et les financeurs, qui payent souvent ainsi des prestations de médiocre qualité.

Notre système de santé prend l’eau et, comme mon ami Bernard Cazeau l’a dit, ce n’est pas seulement à cause de la crise. Il est, à bien des égards, archaïque ; la médecine à deux vitesses est parmi nous.

Il faut que cesse le temps des réformes inutiles, car insuffisantes, et pesant toujours sur les malades : déremboursement des médicaments ou des frais de transport, augmentation du forfait hospitalier ou des cotisations sociales, prix à payer sur les ordonnances. Il faut aller au cœur même du problème, chercher la cause et la traiter, je l’ai dit voilà un instant. La cause tient dans les abus d’actes inutiles englobés dans un activisme nuisible, l’abus d’examens aussi onéreux qu’inutiles, imagerie, endoscopies, analyses superfétatoires dont on regarde à peine le résultat.

Quand se décidera-t-on à imposer une répartition équitable des médecins sur le territoire national afin d’éviter la surconsommation d’actes inutiles en ville et le désert médical des campagnes ?

Quand se décidera-t-on – Bernard Cazeau a évoqué ce point – à supprimer le paiement à l’acte, déjà abandonné dans les autres pays européens, qui engendre une multiplication nuisible et inévitable des abus et ne permet pas de rémunérer les médecins à leur juste niveau ? La timide limitation du coût de ces actes, car, heureusement, les médecins ne sont plus dans une pratique libre d’honoraires – 99, 7 % d’entre eux sont payés par les assurances sociales –, a entraîné, en retour, leur multiplication, avec les prescriptions discutables qui en résultent.

Quand se décidera-t-on à évaluer l’utilité de certaines pratiques médicales et chirurgicales ? Les endoscopies digestives qui consomment près de 30 % des actes d’anesthésie sont-elles toutes indispensables en termes de santé publique ? Et je passe sur les scanners au premier vertige ou les IRM pour une banale sciatique !

De nombreuses évaluations objectives de notre système de soins sont occultées pour éviter les sujets qui fâchent. Abandonnés à leur sort peu enviable, ou bien les malades n’auront plus accès aux soins, pour ceux qui ne pourront plus payer leur mutuelle, ou bien, à l’opposé, pour les plus nantis, ils n’auront plus la possibilité de consulter le médecin de leur choix à l’hôpital ou en secteur privé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

L'article 1 er est adopté.

Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation, à l’article 1er, des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2009.

ANNEXE A

Rapport décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés sur l’exercice 2009

I. – S’agissant du régime général :

Les comptes du régime général ont été déficitaires de 20, 3 milliards d’euros en 2009. La branche Maladie a ainsi enregistré un déficit de 10, 6 milliards d’euros, la branche Accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) un déficit de 0, 7 milliard d’euros, la branche Vieillesse un déficit de 7, 2 milliards d’euros et la branche Famille un déficit de 1, 8 milliard d’euros.

Pour faciliter le retour de la croissance, qui constituait un objectif prioritaire, il a été décidé dans le cadre exceptionnel de l’année 2010 de ne pas procéder sur cette année à des reprises de dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. En effet, en vertu des dispositions organiques, un transfert de dette aurait nécessité une hausse de prélèvements obligatoires qui aurait pesé sur le pouvoir d’achat au moment où l’économie traversait une de ses crises les plus graves.

Aussi, le Gouvernement a pris les engagements nécessaires afin que les besoins de trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) consécutifs au déficit global du régime général puissent être financés au moyen de ressources non permanentes, dans la limite des plafonds fixés par les lois de financement de la sécurité sociale. En 2009, ce financement a reposé sur les emprunts de trésorerie auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que sur des émissions de billets de trésorerie sur les marchés financiers. En 2010, l’ACOSS a en outre eu recours à des prêts d’un an de la part de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu’à des émissions d’euro commercial papers effectuées en partenariat avec l’agence France Trésor.

II. – S’agissant des organismes concourant au financement des régimes :

Couverture du déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Le FSV a enregistré en 2009 un déficit de 3, 2 milliards d’euros. Le FSV ne disposant pas de réserves, ce déficit, qui correspond également à son déficit cumulé en raison de la reprise de dette intervenue en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, est inscrit au bilan en fonds de roulement négatif.

Le fonds n’ayant pas le droit d’emprunter, ce déficit a entraîné une dette vis-à-vis de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) au titre de la prise en charge des cotisations de chômage. Cette dette a été financée in fine par les emprunts de trésorerie de l’ACOSS, dans les mêmes conditions que les déficits propres de la CNAV.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Nous ne pouvons entériner un rapport qui consolide les comptes de 2009 en actant notamment un déficit de 25 milliards d’euros et qui décrit les mesures prises en 2010 pour combler les déficits.

Dans ce rapport, vous prenez acte de votre non-recours à la CADES pour éponger le déficit de 2009 et du report du besoin de trésorerie sur l’ACOSS, dans la limite d’un plafond autorisé. Vous décidez, ou plus exactement vous vous vantez, de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires afin de ne pas pénaliser la croissance.

Les critères européens vous obligent à ne pas les augmenter, mais que faites-vous en prolongeant la durée de la CRDS ? L’année passée, pour pallier vos débordements, et comme l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ne pouvait plus faire face à ses engagements, vous avez organisé un tour de passe-passe en autorisant l’ACOSS à emprunter plus que le plafond de ressources vous l’autorisait.

L’emprunt a été réalisé pour partie auprès de la Caisse des dépôts et consignations, mais également sur les marchés financiers, via l’émission de billets de trésorerie. Cela n’a pas réglé le problème.

Vous recommencez en 2010 et, au lieu de prendre des mesures structurelles pour stopper l’accroissement de la dette, vous faites le choix d’une autorisation de découvert auprès de l’ACOSS et d’un programme d’émission de billets de trésorerie par la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 61, 6 milliards d’euros, alors qu’il y a peu de temps on était à 15 milliards d’euros.

Vous reculez le paiement de la dette et la charge de son financement est sans cesse reportée sur les générations futures, ce qui nous semble indécent. C’est cette même irresponsabilité que nous avons dénoncée, dans cet hémicycle, voilà quelques semaines lorsque nous avons parlé de la CADES.

Vous avez imposé, malgré les protestations vigoureuses de votre majorité, une modification de la loi organique qui rallongera la durée de vie de la CADES. Et vous proposez une usine à gaz absolument invraisemblable, puisque vous procédez à un véritable « rapt » des ressources de la sécurité sociale d’aujourd’hui pour garantir la dette sociale demain, comme si la sécurité sociale était dans une forme si spectaculaire qu’elle puisse se passer de près de 4 milliards d’euros de CSG, comme si cela avait un sens de fragiliser notre politique familiale.

Ne nous demandez pas aujourd’hui d’approuver un texte qui est le reflet de l’échec des politiques successives menées par les gouvernements de droite depuis 2002. En effet, en huit ans, le déficit du régime général s’est creusé de plus de 15 milliards d’euros, alors qu’il était à l’équilibre, ou presque, lorsque vous êtes arrivés au pouvoir !

Rappelons qu’avant 2002 les comptes sociaux avaient connu plusieurs années de soldes positifs. Ce sont donc bien des gouvernements soutenus par l’actuelle majorité qui ont appauvri notre système de protection sociale, financièrement et qualitativement pour les assurés.

C’est pourquoi nous n’approuverons pas votre rapport.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à travers l’adoption de cet article 2, vous nous demandez d’approuver le rapport situé en annexe A, lequel décrit les mesures prises en 2010 par le Gouvernement pour combler les déficits de 2009 des quatre branches du régime général et des organismes concourant au financement des régimes.

Or, pour financer ces déficits, en lieu et place de ressources pérennes et stables, vous proposez de recourir à l’emprunt. Cette solution, déjà proposée l’an dernier, avait d’ailleurs été critiquée par notre commission. Je regrette que nous n’ayons pas été, cette année, un peu plus critiques sur le fait de repousser sur les générations futures le remboursement de notre dette.

Vous comptez faire un emprunt, réalisé pour partie auprès de la Caisse des dépôts et consignations, et, plus grave encore, par l’émission de billets de trésorerie sur les marchés financiers, à quoi il convient d’ajouter l’émission par l’ACOSS d’« Euro commercial papers » effectuée en partenariat avec l’agence France Trésor.

J’y vois là un double paradoxe. D’abord, parce que vous faites le choix de placer l’avenir de la sécurité sociale dans les mains de celles et ceux qui sont précisément responsables de la financiarisation à outrance de notre économie…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… et ont précipité la France et le monde entier dans une période d’instabilité économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est scandaleux ! On va gaver les marchés financiers comme des oies !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C’est à ceux-là que vous allez faire confiance pour remonter notre système de protection sociale. Pourtant, toutes les surenchères médiatiques avaient été faites pour dénoncer ce système fou de spéculation déconnecté de la réalité, y compris de la part du Gouvernement et du Président de la République lui-même, qui avait pour ambition, rappelez-vous, de « moraliser le capitalisme » !

Mais à l’heure des mesures nécessaires, vous reculez et préférez soumettre la dette sociale aux aléas des marchés financiers. Un tel mécanisme relève plus du pari que du financement pérenne, ce que nous ne pouvons accepter. En effet, vous pariez sur l’avenir de notre système de protection sociale, après avoir parié sur l’avenir de nos retraites.

Ensuite, en optant pour un financement par l’emprunt, vous aggravez le déficit en raison du paiement d’un taux d’intérêt, qui, selon vous, est au plus bas, mais qui, à nos yeux, demeure trop important. Surtout, vous faites peser la dette sociale sur les générations futures.

Or, lors des débats sur les retraites, alors que nous réclamions une suspension des débats au Sénat pour permettre la reprise de négociations avec les partenaires sociaux et pour faire le choix d’un autre financement de votre réforme, le ministre Éric Woerth nous martelait, tout comme vous hier, qu’il prenait ses responsabilités et nous demandait de ne pas entrer dans cette fuite en avant à l’égard des générations futures. C’est pourtant ce que vous allez faire par cet article ! Ce qui était vrai voilà à peine quelques jours ne semble plus l’être aujourd’hui !

Monsieur le ministre, les déficits de la sécurité sociale n’ont pas attendu 2009. Ils ne cessent de croître depuis huit ans, c’est-à-dire depuis que votre majorité a la responsabilité de conduire la politique de la nation. Vous aviez alors tout le temps de définir une autre fiscalité, une autre répartition des richesses, permettant un financement pérenne, juste et solidaire de la sécurité sociale. Vous vous y êtes toujours refusé !

C’était là tout le sens des amendements que nous vous avons proposés lors du débat sur les retraites. Ce sera également l’objet d’amendements que nous vous présenterons au cours de cette discussion. Mais cet article 2 ne nous laisse pas la possibilité de débattre dès à présent d’un financement alternatif, puisqu’il s’agit de voter une annexe, ni de supprimer l’annexe en question.

Il nous permet en revanche de constater tous ensemble aujourd’hui que votre politique pèse sur l’avenir des générations futures, malgré les propos que vous teniez hier à la tribune. En conséquence, nous ne voterons pas cet article 2.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 3, présenté par MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Le Menn, Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4 de l'annexe A

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le Gouvernement au lieu de prendre des mesures structurelles pour stopper l'accroissement de la dette, a fait le choix d'une autorisation de découvert auprès de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et d'un programme d'émission de billets de trésorerie par la caisse des dépôts à hauteur de 61, 6 milliards d'euros pour 2010.

La parole est à M. Ronan Kerdraon.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Il s’agit du premier amendement d’une longue série.

Nous proposons de rédiger ainsi l’alinéa 4 de l’annexe A : « Le Gouvernement au lieu de prendre des mesures structurelles pour stopper l’accroissement de la dette a fait le choix d’une autorisation de découvert auprès de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale et d’un programme d’émission de billets de trésorerie par la Caisse des dépôts à hauteur de 61, 6 milliards d’euros pour 2010. »

Cet amendement…

M. le ministre s’entretient avec l’un de ses collaborateurs.

M. le ministre continue de s’entretenir avec l’un de ses collaborateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Merci ! Cet amendement vise à préciser le choix, fait par ce gouvernement, de laisser filer la dette sociale, et à dénoncer le risque d’une situation de cessation de paiement qu’il fait courir au système de protection sociale des Français. Je comprends que votre oreille ait été distraite !

En effet, si le rapport constituant l’annexe A décrit les mesures prévues pour l’affectation des excédents et la couverture des déficits constatés sur l’exercice 2009, il évoque également l’opération du Gouvernement pour 2010, qui a consisté à autoriser un découvert important auprès de l’ACOSS et à effectuer un programme d’émission de billets de trésorerie par la Caisse des dépôts à hauteur de 61, 6 milliards d’euros pour 2010, comme notre collègue Bernard Cazeau l’a dénoncé tout à l’heure.

La charge du financement de la dette sociale est sans cesse reportée sur les générations futures, ce qui nous semble indécent. L’an dernier, l’ACOSS ne pouvant plus faire face à ses engagements, le Gouvernement l’a financée par des billets de trésorerie, en imaginant toutes sortes d’avances. Et l’imagination était au pouvoir ! Ne pas s’employer à résorber cette dette dans les meilleurs délais, c’est faire preuve d’un manque évident de courage. Aussi, au travers de cet amendement, nous entendons dénoncer, une fois de plus, votre fuite en avant et votre laisser-aller.

La dette de la sécurité sociale, ici considérée à travers l’ACOSS, est insupportable. Vous avez autorisé des découverts allant jusqu’à 61, 6 milliards. Ces chiffres ne sont pas acceptables. Cela est dû au fait que vous refusez définitivement, volontairement sans doute, de régler le problème au fond.

Vous avez une chance dans votre malheur, ou plutôt dans notre malheur collectif : aujourd’hui, emprunter sur les marchés n’est pas trop cher. Mais imaginons que les taux d’intérêt remontent ! Ce serait la pire des situations dans laquelle vous pourriez vous trouver et dans laquelle vous nous mettriez. Nous voulons donc dénoncer la situation de l’ACOSS, qui s’ajoute à la dette que vous transférez à la CADES. Tout cela n’est ni raisonnable, ni supportable, ni responsable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. François Autain applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

J’ai bien écouté M. Cazeau et la conclusion de son intervention, ainsi que M. Kerdraon. En entendant ce dernier, je pensais que si cet amendement était adopté, lui-même et ses collègues voteraient le rapport. Or M. Cazeau nous a annoncé que les membres de son groupe politique et lui-même voteraient contre le rapport, quoi qu’il arrive. Je me demande bien pourquoi ils ont déposé cet amendement, puisqu’ils avaient déjà dans l’idée de s’opposer à la présentation de ce rapport…

Ce rapport est la fidèle reproduction des mesures prises par le Gouvernement pour préparer l’avenir dans une conjoncture qui était extrêmement délicate et difficile, liée à la crise. Nous avions critiqué la solution retenue, non pas du fait de son contenu, qui permettait d’atténuer le poids des frais financiers résultant de la dette, mais parce que le Gouvernement n’avait pas accepté de transférer dès l’année dernière une partie de la dette à la CADES. Cela aurait été possible par l’augmentation du produit de la CRDS. Mais le Gouvernement s’y est refusé, arguant de l’impact d’une telle mesure sur le pouvoir d’achat et l’économie.

Nous avons donc attendu une année supplémentaire, si bien que l’effort de cette année sera plus important et comportera toute une série de mesures dont nous aurons l’occasion de débattre dans quelques instants. Nous considérons toutefois que le rapport est la fidèle reproduction de ce qui a été réalisé. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons accéder à la demande du groupe socialiste et de M. Cazeau. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement. Monsieur Kerdraon, si j’ai été distrait, ce n’était pas une mauvaise manière de ma part, mais il me semblait déjà avoir entendu ce disque…

Sourires sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

M. François Baroin, ministre. J’ai pu manquer à cet instant de concentration. Et cela pourrait encore m’arriver au cours de ce débat ! Je n’exclus pas cette hypothèse ! Si tel était le cas, sachez bien que ce ne sera ni par inélégance de ma part ni par désintérêt profond, mais simplement parce qu’il me semblera avoir déjà entendu tout cela.

M. Ronan Kerdraon s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

On avait surtout l’impression que vous vous fichiez de nous !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Vous connaissez parfaitement les raisons qui ont amené le Gouvernement l’an dernier à différer la question du traitement de la dette sociale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mais pas celles qui président au report sur les générations futures !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

… Alain Vasselle les a rappelées. Par un choix responsable, nous avons décidé de ne pas accroître lourdement les prélèvements sur les ménages. Le rapporteur général vient d’évoquer ce point, il n’est pas question pour le Gouvernement d’augmenter les prélèvements obligatoires.

Je tiens à rendre hommage à Alain Vasselle, pour l’expression de ses convictions et l’accompagnement du Gouvernement s’agissant de la dette sociale. En effet, cette position collectivement responsable préserve les conditions de la reprise économique et nous permet de tenir un engagement essentiel, celui de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.

Comme le Gouvernement s’y était engagé, l’ACOSS a été mise en capacité de gérer les besoins de trésorerie, exceptionnels, et que nous allons drastiquement réduire, via ce PLFSS, par la reprise de la dette de la CADES, mais également par des mesures structurelles sur les dépenses et les recettes. Que sont les mesures de contrôle de la progression de l’ONDAM, la réforme des retraites, l’annualisation du calcul des allègements généraux, sinon des mesures structurelles qui permettent, conformément à nos engagements, de réduire l’endettement public ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 et l’annexe A sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur la première partie du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La première partie, en récapitulant les comptes pour 2009, confirme la persistance d’un déficit voulu de la sécurité sociale. Nous disons « voulu », car cette situation est liée non pas à une quelconque fatalité, mais à une cause d’ordre idéologique, le refus des gouvernements successifs de réformer l’assiette des cotisations sociales patronales.

Le Gouvernement s’est contenté, pour tenter de résorber les déficits, de mesures d’économies présentées sous le label déclamatoire de « maîtrise médicalisée ». Même en multipliant les déremboursements, en alourdissant les contraintes pesant sur les professionnels comme sur les assurés, en réduisant sans cesse le périmètre de prise en charge, vous ne parvenez pas à masquer le déficit structurel de la sécurité sociale.

En réalité, vous n’aviez pas pris la mesure de la gravité de la crise. L’expérience des dix dernières années prouve la duperie du schéma simpliste voulant que vous soyez bon gestionnaire, économe des deniers publics, alors que nous ne saurions que dépenser ; que la droite apporterait automatiquement des baisses d’impôt, là où la gauche serait gourmande d’impôts toujours plus élevés !

Il suffit d’observer l’évolution du déficit des finances sociales. Il a diminué au cours des années Jospin, et augmenté au cours des années Fillon, sous les gouvernements Raffarin et Villepin. Il suffit également de contempler la courbe des prélèvements sociaux pour constater que la part des impôts, taxes et cotisations s’est réduite sous notre gouvernance et a repris sa croissance sous la vôtre.

Pire, vous avez rendu le système totalement illisible. Chacun en a fait l’expérience en consultant le relevé de soins que lui envoie la sécurité sociale. Les critères de remboursement ou de participation des patients n’ont cessé de se multiplier depuis 2007, rendant le système de santé de plus en plus obscur. Au remboursement de base de l’assurance maladie, équivalent à 70 % d’une consultation, il faut, depuis 2009, défalquer le forfait de 1 euro, la franchise médicale de 50 centimes par boîte de médicament, le reste à charge dû si le médecin affiche des dépassements d’honoraires, sans compter le remboursement différencié selon qu’on possède ou non une complémentaire santé.

La plupart des Français ont renoncé à y comprendre quoi que ce soit. Mais ils ont été amenés à constater que le poids du poste « santé » n’a cessé de croître dans leur budget.

C’est notamment le cas pour les retraités, alors que le vieillissement de la population génère une forte croissance des dépenses de santé.

Face à un système devenu inintelligible, le sentiment qui domine est celui d’une solidarité en recul. Les mesures d’économies reposant sur le porte-monnaie des patients – comme l’adoption de la franchise médicale en 2007 ou les hausses successives du forfait hospitalier en 2009 – ont certes été adoptées au nom de la maîtrise des dépenses de santé, dans la perspective d’endiguer le « fameux trou » de la sécurité sociale.

Mais, leur cumul, sans cohérence d’ensemble, constitue autant de coups de canif dans le contrat élaboré à la Libération, en 1945, lors de la création de l’assurance maladie. Avec un déficit de 20, 3 milliards d’euros en 2009, le système de santé a définitivement tourné le dos à l’idéal d’un égal accès de tous à des soins de qualité.

Cette évolution est non pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un choix politique qui ne dit pas son nom. Le Gouvernement se refusant à toute augmentation des cotisations sociales opère progressivement le transfert de la gestion et du remboursement des soins courants vers les mutuelles et les assurances privées. Ainsi recule la solidarité dans notre pays. Nous ne pouvons pas vous suivre sur cette voie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Nous allons examiner la deuxième partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l’année 2010.

DEUXIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ANNÉE 2010

Section 1

Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier de la sécurité sociale

I. – À la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010, le taux : « 0, 77 % » est remplacé par le taux : « 0, 34 % ».

II

« Si la somme des versements effectués à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2011 par un organisme assujetti excède le montant dont il est redevable, le solde lui est reversé avant le 1er avril 2011. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

M. Bernard Cazeau. Vous remarquerez que je n’ai pas parlé de « mauvais élèves », tant il est vrai qu’il arrive même aux bons élèves de persister dans l’erreur.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Mon propos porte sur la vaccination contre la grippe H1N1. Cela nous changera un petit peu, monsieur le ministre. L’an dernier, nous avions indiqué notre scepticisme vis-à-vis de la gestion gouvernementale de la grippe H1N1 et notre réticence à l’idée de faire contribuer les organismes complémentaires au financement d’une campagne globale : dans la mesure où il s’agissait d’un problème de santé publique, il nous semblait logique que cela relève de la seule prérogative de l’État.

L’épidémie étant officiellement terminée en France, il est temps de revenir sur un cas exemplaire de politique publique mêlant à la fois amateurisme et bureaucratisme. Bien que le Gouvernement ait massivement communiqué sur la nécessité de se faire immuniser contre la grippe A, dite H1N1, la France est un des pays au monde où la vaccination volontaire a rencontré le moins de succès, 5 % de la population totale par rapport à l’objectif visé.

Cet échec peut être imputé à diverses causes, la plus importante étant que ce virus, considéré comme potentiellement dangereux lors de son émergence, s’est finalement révélé peu virulent. Les dépenses liées à la campagne de vaccination et supportées par les régimes d’assurance maladie ont finalement été inférieures d’environ 56 % à ce qui avait été anticipé à la fin de l’année dernière.

À cela s’ajoutent au moins deux singularités de la politique gouvernementale choisie.

La première vient de la mise en place d’un plan sanitaire quasi militaire, mettant d’abord à l’écart les médecins généralistes pour ensuite les enrôler de force dans l’affolement. Nous avons tous en mémoire des anecdotes de professionnels de santé menacés de réquisition pour se rendre aux centres de vaccination.

La seconde vient de votre attention aux sirènes alarmistes des laboratoires pharmaceutiques. Ceux-ci ont fait pression en exigeant des commandes fermes, pour que la France fasse partie des pays servis les premiers.

Mais on n’était pas obligé de suivre leurs conseils. Au final, vous avez cru à des experts partiaux, car proches de ces laboratoires. Vous avez acheté 94 millions de doses de vaccins, avant d’en décommander 50 millions. Restent 44 millions de doses, dont seulement 6 ou 7 millions de doses ont été utilisées. Pis, vous avez obligé tous les organismes complémentaires à payer le ticket modérateur pour des dizaines de millions de doses qui ne seront jamais utilisées.

Enfin, vous avez signé des contrats à la hâte sans clause de résiliation, avec à la clé, pour l’exemple, l’indemnisation de 48 millions d’euros du laboratoire Novartis, un an plus tard. Ce dernier est heureusement français, tout n’a donc pas été perdu…

Finalement, Mme Bachelot a déclaré lors d’une émission que cette campagne, dont le coût était initialement estimé à 600 millions d’euros, ne coûterait finalement à l’État que 500 millions d’euros, dont 420 millions d’euros pour le seul ministère de la santé. Tout cela nous était exposé avec, disons-le, peu de précisions. Je me permets donc de poser la question : qu’en est-il exactement ?

Que le Gouvernement ait voulu protéger la population, c’est normal, mais que vous demandiez aujourd’hui aux organismes complémentaires, c’est-à-dire aux assurés sociaux, de continuer à payer les pots cassés, cela ne l’est pas.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

M. François Autain. Monsieur le ministre, je sollicite de nouveau votre attention, en espérant que vous ne connaîtrez pas, cette fois-ci, les manques de concentration que vous déplorez vous-même…

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cet article 3 abaisse le taux de la contribution exceptionnelle supportée par les organismes de complémentaire santé et destinée à prendre en charge une partie du coût d’achat des vaccins contre la grippe A/H1N1. Vous le savez, nous n’avons eu de cesse de contester le bien-fondé de la politique vaccinale du Gouvernement dans ce domaine, et force est de constater que les faits nous ont donné raison.

Sans rouvrir ce débat – qui mériterait sans doute de l’être, mais qui a été provisoirement clos par la publication du rapport de la commission d’enquête du Sénat –, nous considérons que la gestion par le Gouvernement de ce que certains ont voulu nous dépeindre comme une crise sanitaire exceptionnelle, et qui n’était en fait qu’une banale grippe saisonnière, ne doit pas rester sans conséquences, particulièrement en ce qui concerne la publicité des conflits d’intérêts. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir au cours du débat.

Pour notre part, nous avions dès 2010 contesté cette contribution, considérant que si la France était exposée à un risque sanitaire de grande importance, il appartenait à l’État et à lui seul d’assumer les coûts d’une campagne revêtant en fait toutes les apparences d’une campagne de santé publique. La mise à contribution forcée des assurances complémentaires nous conduit donc à nous interroger sur la question fondamentale de savoir qui devra à l’avenir assumer les problèmes de santé publique, lesquels, n’en doutons pas, augmenteront dans le futur, du simple fait de la dégradation écologique.

Cet article 3 constitue un progrès certain puisqu’il entend réduire la contribution des mutuelles en retirant de l’assiette de calcul de cette contribution les doses vaccinales dont l’État a résilié la commande, ainsi que celles que le Gouvernement a choisi de donner à des pays étrangers. Il aurait été en effet anormal que les mutuelles – c’est-à-dire, à travers elles, les cotisations des adhérents – financent la politique de solidarité de la France à l’égard d’autres pays, et ce alors même qu’elles n’y auraient pas consenti au préalable.

Toutefois, nous regrettons que le Gouvernement n’aille pas plus loin, en prenant la seule mesure juste qui s’imposerait, à savoir le remboursement des mutuelles au prorata non du nombre de doses de vaccins commandées et destinées à l’usage national, mais du nombre de doses de vaccins réellement injectées à l’occasion de cette campagne de vaccination.

Appeler les organismes complémentaires à contribuer sur une base de 44 millions de doses, alors que seulement 5, 5 millions d’entre elles ont été réellement administrées, cela revient à les rendre coresponsables d’une mauvaise décision, à laquelle ils n’ont jamais été associés. Cette responsabilité incombe exclusivement au Gouvernement, qui a mené seul, avec l’amateurisme que l’on sait, les négociations préalables à la passation des contrats avec les firmes pharmaceutiques.

Par conséquent, si l’on s’en tenait à la proposition formulée dans cet article 3, nous accepterions collectivement que l’argent des mutualistes, c’est-à-dire de nos concitoyens, soit tranquillement immobilisé dans les locaux de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, ou EPRUS, s’agissant de stocks de vaccins voués à la destruction. Tout le monde sait, en effet, que ces vaccins seront périmés avant une hypothétique utilisation.

Nous sommes donc opposés à cet article 3 dans la mesure où il nous paraît très insuffisant. Toutefois, afin de ne pas prendre le risque que celui-ci ne soit pas adopté et prive les organismes complémentaires d’un retour partiel mais justifié des dépenses qu’ils ont engagées, nous nous abstiendrons.

M. Ronan Kerdraon applaudit.

Au titre de l’année 2010, sont rectifiés, conformément aux tableaux qui suivent :

1° Les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

En milliards d’euros

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

Vieillesse

Famille

Accidents du travail et maladies professionnelles

Toutes branches (hors transferts entre branches)

2° Les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :

En milliards d’euros

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

Vieillesse

Famille

Accidents du travail et maladies professionnelles

Toutes branches (hors transferts entre branches)

3° Les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

En milliards d’euros

Prévisions de recettes

Prévisions de dépenses

Solde

Fonds de solidarité vieillesse

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Monsieur le ministre, nous vous avons entendu tout à l’heure vous féliciter des résultats de l’année 2009. Quels commentaires entendrons-nous bientôt à propos de ceux de l’exercice 2010 ?

Que direz-vous de votre projet de loi de financement de la sécurité sociale qui entendait, l’an dernier, « poursuivre une action de réforme » ? Nous avons encore en mémoire cette déclaration tonitruante prononcée par Éric Woerth, le 10 novembre 2009 au Sénat : « le système de protection sociale ne peut avoir d’avenir que si nous continuons inlassablement à le réformer, à le transformer ».

À présent, je vous demande de répondre à cette question : quelle réforme structurelle avez-vous entreprise l’an dernier ? La fiscalisation des indemnités d’arrêt de travail pour un gain estimé de 150 millions d’euros, est-ce une réforme structurelle ? Il ne me semble pas. Les déremboursements de médicaments à hauteur de 145 millions d’euros constituent-ils une réforme structurelle ? Non plus. Et la régularisation des dépenses de transports sanitaires ? Pas davantage. Et l’obligation pour le patient hospitalier de payer 2 euros de plus à chaque fois qu’il fait l’objet d’un acte dont le coût est égal ou supérieur à 91 euros ? Bien sûr que non. Alors pourquoi voulez-vous nous resservir ces mesures pour l’année 2011, en les aggravant au passage ?

Les optimistes, c’est le cas du Gouvernement, retiendront que le déficit du régime général pour 2010 a finalement été inférieur de 7, 4 milliards d’euros aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale, l’an dernier. Il était prévu à 30, 5 milliards d’euros, et s’élève finalement à 23, 1 milliards d’euros.

L’amélioration des comptes sociaux s’explique aisément par la révision à la hausse de la masse salariale de 2, 7 points – 3 % au lieu de 0, 3 % – qui accroît les produits sur revenus d’activité d’environ 5, 2 milliards d’euros.

Mais les réalistes invétérés que nous sommes objecteront qu’avec 23, 1 milliards d’euros le déficit de 2010 dépasse de 2, 5 milliards d’euros celui de l’année précédente et constitue un record absolu dans l’histoire de la protection sociale, surtout qu’à ce montant il faut ajouter 4, 3 milliards de déficit du Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV.

Qui donc devons-nous croire, lorsque vous entendez nous faire accroire que l’exercice 2011 devrait être une grande cuvée, mettant un terme aux déficits cumulés de plus en plus inquiétants ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

L’article 4 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a pour objet de rectifier les prévisions de recettes ainsi que les tableaux d’équilibre pour 2010. Si, comme chaque année, nous en sommes réduits à cet exercice de rééquilibrage, dont on a vu à l’occasion de l’article 1er qu’il n’était jamais suffisant, c’est parce que vos estimations, singulièrement en matière de recettes, sont toujours déconnectées de la réalité. D’ailleurs, nous aurons l’occasion d’en reparler au cours de nos débats, puisque nous craignons qu’en matière de masse salariale comme de hausse du PIB vos estimations ne soient surestimées, et c’est peu dire !

Mais l’intérêt de cet article 4 ne réside pas seulement dans cette analyse ; il tient aux résultats mêmes du régime général, dont le déficit, estimé à 23, 1 milliards d’euros, est inférieur aux 30, 5 milliards d’euros initialement prévus. L’exposé des motifs de votre projet de loi est, à ce titre, particulièrement intéressant.

Selon vous, ce moindre déficit, qui demeure néanmoins considérable, s’expliquerait non seulement par le respect de l’objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé à 3 %, mais aussi par « le redressement de l’emploi et des salaires observé à la fin 2009 et en 2010, et ayant permis d’endiguer la chute des recettes ». Autrement dit, ce serait la reprise de l’économie qui aurait eu pour conséquence de relancer l’emploi. On sait effectivement que 100 000 emplois créés, ce sont 1, 5 milliard de cotisations en plus pour le financement de la sécurité sociale.

À vous écouter, les principaux effets de la crise seraient derrière nous. Par voie de conséquence, la dette qui persiste serait en réalité moins due à la crise elle-même qu’à des causes structurelles, c’est-à-dire au sous-financement chronique que vous organisez notamment par vos politiques d’exonérations de cotisations sociales, et ce d’autant plus que le déficit résultant de la crise elle-même a été transféré à la CADES, à la suite de l’adoption du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article. Nous considérons qu’il est grand temps que vous preniez les mesures courageuses qui s’imposent à vous afin de préserver l’héritage du Conseil national de la Résistance, auquel nos concitoyens sont très attachés ; ils vous l’ont démontré à l’occasion des nombreuses manifestations contre votre projet de loi portant réforme des retraites.

M. Jacky Le Menn applaudit.

L'article 4 est adopté.

I. – Au titre de l’année 2010, l’objectif d’amortissement rectifié de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale est fixé à 5, 1 milliards d’euros.

II. – Au titre de l’année 2010, les prévisions rectifiées des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites sont fixées à 2, 4 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

L’article 5 revoit à la hausse pour 2010, d’une part, l’objectif d’amortissement de la CADES et, d’autre part, le montant des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites. J’aimerais, sur ce dernier point, faire part de notre désaccord profond sur le sort que vous réservez, à l’avenir, au Fonds de réserve pour les retraites.

Après un gain de 2, 6 % durant les trois premiers mois de l’année, ce fonds a enregistré, au deuxième trimestre, une contre-performance de moins 4, 2 %, une période marquée par un net regain de volatilité sur les marchés.

Au 30 juin, le Fonds de réserve pour les retraites gérait 33, 1 milliards d’euros, répartis à hauteur de 44, 3 % en actions, 4, 7 % sur les matières premières, 3, 6 % pour l’immobilier et 47, 4 % pour les obligations et le monétaire. Lors du deuxième trimestre, la proportion des investissements en actions a diminué, au profit notamment des obligations. Ces résultats, globalement décevants, s’expliquent aisément par la disparition programmée de ce fonds dans le cadre de la nouvelle réforme des retraites. La recette et les avoirs du Fonds de réserve pour les retraites vont être transférés à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui reprendra les 68 milliards d’euros de déficit des retraites prévus d’ici à 2018.

L’équilibre est visé à cet horizon, et les déficits à venir seront financés par le Fonds de réserve pour les retraites. Ainsi, son horizon de placement, auparavant fixé à 2020, va s’en trouver raccourci. Les marchés ont bien compris le nouvel inintérêt de ce fonds.

Concrètement, le Gouvernement prévoit le transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des 34, 5 milliards d’euros d’actifs du Fonds de réserve pour les retraites et de ses ressources récurrentes – une partie du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital, soit 1, 4 milliard d’euros en 2009. La Caisse d’amortissement de la dette sociale reprendra les déficits cumulés du régime général des retraites et les refinancera sur le marché obligataire.

Ces emprunts obligataires seront ensuite remboursés grâce à la ressource pérenne du Fonds de réserve pour les retraites et, surtout, aux cessions d’actifs. Le Fonds de réserve pour les retraites gérera les désinvestissements pour le compte de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

Pour le Gouvernement, cette solution présente deux avantages : elle « allège la contrainte financière du régime général pendant la phase de montée en charge de la réforme » et elle « évite de faire peser sur le Fonds de réserve pour les retraites une obligation de liquidation rapide de ses actifs ». Derrière ces arguments sibyllins, il est à noter que cette réponse présente, en revanche, un inconvénient majeur qui ne semble guère vous émouvoir : celui de saborder la retraite des jeunes générations au-delà de 2020. CQFD !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Avec cet article, il s’agit d’approuver pour 2010, d’une part, la hausse de l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale et, d’autre part, le montant des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites.

Nous ne sommes pas opposés par principe, bien au contraire, au fait que tout soit mis en œuvre pour réduire la dette sociale qu’auront à supporter nos enfants et, de toute évidence, au rythme ou vont les choses, nos petits-enfants ! Mais il nous est impossible d’aborder cette question sans nous interroger collectivement sur les causes qui nous ont conduits à supporter une dette sociale aussi importante.

La réponse, nous la trouvons précisément dans les politiques que vous menez et qui sont marquées par la multiplication des niches sociales et fiscales – il serait d’ailleurs intéressant d’avoir un débat approfondi sur ces différentes niches qui plombent nos finances sociales et qui incitent les employeurs à imposer à leurs salariés des contrats précaires et peu rémunérateurs –, ou encore par la réduction constante de l’assiette de calcul des cotisations sociales, particulièrement en faveur de mécanismes qui viennent concurrencer la protection sociale et visent à substituer la règle du chacun pour soit aux mécanismes solidaires que nous connaissons actuellement. Je pense plus particulièrement aux ruptures conventionnelles qui ont un très grand succès auprès des salariés, notamment pour les envoyer en préretraite, mais cela est déguisé !

Cela fait huit ans que les comptes sociaux se dégradent et, pendant tout ce temps, vous êtes restés inactifs côté recettes, préférant vous limiter à des mesures destinées à réduire les dépenses. Naturellement, le compte n’y est pas, puisque, chacun s’accorde à le dire, ce dont souffre la sécurité sociale – le mal qui l’affecte –, c’est de l’assèchement des ressources que vous organisez.

En fait, la sécurité sociale souffre d’un sous-financement chronique. Cette politique que nous dénonçons a mécaniquement pour effet d’accroître le déficit imputable à la dette structurelle. Et s’il est vrai que la dette dite « de crise » est importante, c’est-à-dire celle qui résulte de l’explosion de marchés financiers, il n’en demeure pas moins qu’elle est égale à la dette cumulée années après années.

Tout cela vous conduit à chercher des mécanismes de dissimulation, en autorisant, comme vous l’avez fait l’année dernière, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale à porter son plafond d’emprunt à des hauteurs jusqu’alors jamais vues : 65 milliards d’euros !

Cette solution, comme le transfert de la dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, est à l’image de votre politique de court terme. Vous faites systématiquement le pari d’attendre des lendemains meilleurs, alors que vous savez pertinemment que cela n’arrivera pas.

Votre inaction entraîne donc un accroissement régulier, mais certain, du montant de la dette sociale, ce qui accroît également les déficits sociaux. Je citerai, pour ne prendre qu’un exemple, les 130 milliards d’euros transférés à la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Ils seront en réalité empruntés par la Caisse et sur une durée plus longue. Ce dispositif coûtera, au final, 50 milliards d’euros, que nos concitoyens devront acquitter et qui iront alimenter la spéculation, celle-là même qui est responsable d’une partie de la dette transférée. Ces 50 milliards d’euros seront naturellement pris sur le fruit du travail des salariés, sous la forme d’une augmentation d’impôts ou d’une réduction des droits, puisque vous refusez toujours de changer votre politique en direction du capital.

Cette année encore, nous formulerons de multiples propositions de financement, y compris celles dont vous n’avez pas voulu débattre à l’occasion de l’examen par notre assemblée du projet de loi portant réforme des retraites, tout en espérant que l’expérience de l’année passée vous conduira à changer enfin de « braquet » pour la mise en œuvre de votre politique. Mais nous ne nous faisons aucune illusion, puisque vous imposiez, voilà peu, une contre-réforme des retraites parmi les plus injustes, au seul motif que vous refusiez de mettre à contribution le capital.

Pour toutes ces raisons nous ne voterons pas cet article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je vais mettre aux voix l’article 5.

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Selon l’article 5, le Fonds de solidarité vieillesse demeurerait déficitaire à horizon 2014. Ce déficit sera repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, cumulé avec celui de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés au titre des exercices 2011 à 2018, grâce aux recettes nouvelles de la Caisse d’amortissement de la dette sociale en provenance du Fonds de réserve pour les retraites.

Après Raymonde Le Texier, je vous renouvelle notre désaccord avec le traitement que vous venez d’infliger au Fonds de réserve pour les retraites. Lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, nous avons parlé de véritable « siphonnage », mais on pourrait même dire qu’il s’agit d’un hold-up ! Depuis 2003, vos prédécesseurs et vous-mêmes avez cessé d’alimenter ce fonds. Vous êtes même allés jusqu’à ponctionner des sommes importantes, afin de les réorienter vers la sécurité sociale !

Aujourd’hui, arrivés au terme de ce processus, vous êtes obligés de faire avec ce que vous avez ! Alors vous utilisez la Caisse d’amortissement de la dette sociale pour reporter le remboursement à 2025 et vous trouvez quelques recettes dans le Fonds de réserve pour les retraites. Pourtant, je vous le rappelle, ce dernier n’est pas fait pour cela ; il a bien été créé pour faire face au futur pic démographique des années 2020.

En effet, au départ, le Fonds de réserve pour les retraites instauré par Lionel Jospin était un instrument structurel de lutte contre les déséquilibres financiers dans la durée. Vous, vous en faites une réserve de liquidités !

C’est un député de votre majorité, M. Denis Jacquat, qui a affirmé : « Nous n’avons plus d’argent sur le compte courant et nous avons de l’argent en épargne. Donc, nous prenons cet argent ! ». Il fallait le faire...

Alors que va-t-il se passer ? Les prochaines générations vont se voir dépouillées d’une garantie de 34 milliards d’euros qui leur était réservée. Double peine : elles auront, en plus, à payer la prolongation de la dette sociale jusqu’en 2025. C’est une gestion irresponsable de la dette sociale !

Quand comprendrez-vous que vous ne pouvez pas vous satisfaire de ces simples ajustements financiers précaires pour tenter de rétablir une situation financière qui doit être considérée dans la durée ?

La réforme des retraites pour laquelle vous avez voté en est le symbole : tout se passe comme si vous tentiez de franchir l’obstacle de 2012 – c’est bien cet obstacle que vous avez en tête –, quelles qu’en soient les conséquences pour les Français et sans réfléchir avec pertinence aux moyens nécessaires pour consolider les comptes sociaux d’ici à 2025.

Après, vous venez nous donner des leçons de solidarité, à savoir qu’il faut prendre aujourd’hui les mesures qui s’imposent pour garantir le futur des générations qui arrivent. C’est un comble ! Voilà la raison pour laquelle nous nous opposons aux dispositions de l’article 5.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.

L'article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je rappelle simplement que la commission des affaires sociales se réunit dès la suspension de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente.