Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après une commission mixte paritaire qui n’aura pas permis de retrouver le bon sens pour nos collectivités territoriales et qui aura constitué un nouveau camouflet pour notre assemblée, nous répétons une nouvelle fois que cette réforme va dans la mauvaise direction, à contresens de notre histoire contemporaine, inscrite depuis trente ans dans une perspective de décentralisation.
Cette loi va « recentraliser », en donnant aux préfets beaucoup plus de pouvoirs. Elle transformera nos régions en simples syndicats de cantons. Elle créera un élu hybride, ce qui rendra départements et régions ingérables. Elle supprimera les possibilités d’action générale des collectivités territoriales.
Cette suppression signifie que nombre de petites et moyennes communes n’auront plus la possibilité de financer la plupart de leurs politiques au service de nos concitoyens, notamment des personnes les plus concernées par la précarité, car nos collectivités sont les premières à participer à la création du lien social.
Elle entraînera aussi des difficultés pour le tissu associatif, qui perdra un soutien important, et c’est le vivre-ensemble qui sera sérieusement entamé.
Elle va à l’encontre du développement économique puisque les collectivités territoriales sont les premiers investisseurs publics et mènent des actions importantes pour l’emploi, pour les entreprises, pour l’écologie et pour le développement des territoires.
Rappelons aussi que, contrairement à ce qui avait été annoncé, cette loi complexifiera l’organisation territoriale.
Cette réforme, c’est également la mort programmée de la parité, pour laquelle la gauche s’était battue ! Le scrutin de liste actuel assurait une quasi-parité des exécutifs régionaux, grâce aux combats de tous ceux et de toutes celles qui ont permis aux femmes d’accéder à la pleine citoyenneté !
Le président François Mitterrand déclarait souvent que l’égalité est « toujours un combat. » Je constate avec tristesse que c’est toujours vrai pour les femmes.
Comme Michèle André l’a expliqué en détail, la proportion de femmes dans les conseils régionaux devrait passer mécaniquement de 48 % à 12 %. Et ce n’est pas le renforcement des sanctions financières qui permettra de revenir sur les conséquences du nouveau mode de scrutin !
Paradoxalement, alors que nous donnons des leçons au monde entier, plus particulièrement à des pays en voie de développement, en expliquant qu’on juge une démocratie au sort fait aux femmes, le sort fait aux femmes de France par la présente réforme est tout simplement une honte !
Rappelons que le mode de scrutin amènera également un recul du pluralisme et de la diversité politiques, qui faisaient toute la richesse d’une démocratie apaisée.
Toutes ces atteintes à la démocratie sont particulièrement inquiétantes.
Nous ne nous lasserons pas de le répéter, cette réforme est vraiment une erreur, un retour en arrière inutile et aberrant. Et pourquoi faites-vous tout cela ? En vue d’une manipulation électoraliste principalement destinée à changer les règles du jeu électoral à l’approche d’échéances que vous abordez avec beaucoup de crainte !
Mais cette réforme fait d’autres victimes. Je pense au Sénat et aux élus locaux. Le Sénat n’a pas été écouté. Le déroulement de la commission mixte paritaire l’a montré de manière flagrante, les représentants de la majorité votant contre ou s’abstenant, compte tenu de la plupart des choix qui avaient été retenus par le Sénat.
Or ne pas écouter le Sénat sur les collectivités territoriales, c’est une erreur ! Pis, c’est une faute !
Car, et j’en viens à une autre victime, cette réforme est conçue contre les élus locaux, tout comme d’ailleurs le texte sur le Grand Paris. Dès le début, on a expliqué aux Français que les élus étaient trop nombreux, mauvais gestionnaires, et j’en passe… Maintenant, alors qu’il est clair que cette réforme se fait sans eux et contre eux, vous persistez dans le passage en force !
Pardon de vous le dire, mais ce que vous n’obtenez pas dans les urnes, vous voulez le récupérer de manière autoritaire, « sur le tapis vert ». Les Français ne seront pas dupes !
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire, refusant cette réforme à contresens, inutile et punitive ! Et nous appelons tous nos collègues à s’y opposer, pour le respect de notre Haute Assemblée et, surtout, pour la dignité de ceux qui y siègent !