… une politique de démantèlement qui remettait en cause la place et le rôle du service public hospitalier, il était absolument nécessaire – c’était une urgence ! – de limiter les dégâts, si vous me permettez l’expression, en coupant le fil des réorganisations enclenchées, d’autant que celles-ci avaient pour unique objet de créer des économies.
Contrairement à ce que vous laissez entendre – vous prenez d’ailleurs soin de rappeler très régulièrement dans vos propos les actions mises en place en faveur de l’hôpital public –, la politique hospitalière a changé depuis mai 2012 : des mesures ont été prises et des orientations nouvelles ont été marquées. C’est précisément parce que le cadre d’ensemble de notre politique est différent qu’un moratoire ne se justifie plus.
Nous ne conduisons pas, comme nos prédécesseurs, une politique de fermeture des hôpitaux. J’ai moi-même souligné l’intérêt que je porte au rapport de l’IGAS que vous avez, tous les deux, évoqué, madame, monsieur les sénateurs, et que j’ai approuvé.
Des restructurations ou des réorganisations qui n’ont d’autre objet que de faire des économies ne répondent pas aux critères d’exigence qui peuvent être les nôtres. Il ne s’agit pas de mener une politique de restructuration systématique, comme si la restructuration en elle-même était porteuse d’éléments bénéfiques. Il ne s’agit pas de fixer, dans notre pays, au travers d’un objectif quantitatif, un nombre de services hospitaliers et d’établissements de santé à ne pas dépasser.
L’objectif du Gouvernement est clairement affirmé : l’offre de santé doit correspondre aux besoins de la population en termes de santé. C’est au regard de cette exigence que nous avons engagé certaines réorientations.
À cet égard, certains exemples témoignent de la rupture avec la politique précédemment suivie.
Tout d’abord, je vous appelle, madame, monsieur les sénateurs, à regarder ce que font nos voisins européens. Les comparaisons internationales mettent toutes en évidence l’importance de l’équipement hospitalier français et des moyens qui lui sont alloués.
Ensuite, les projets de réorganisation engagés ne sont pas téléguidés de manière abstraite au niveau national, sans lien avec les acteurs de terrain. En amont, les instances des établissements publics de santé sont chaque fois consultées. Tous les choix sont définis en fonction d’une évaluation des besoins de santé, qui est notamment conduite par les agences régionales de santé.
En outre, la recomposition de l’offre hospitalière prend aujourd'hui, pour l’essentiel, la forme de coopérations nouvelles entre les établissements. Il s’agit non pas de mettre en avant des fermetures en série de services, ce qui semblait ressortir de vos deux interventions, mais bel et bien de permettre la coopération entre des services, avec précisément pour objet le maintien de la présence d’un service public hospitalier dans des territoires dans lesquels sans une telle coopération cette présence se trouverait menacée.
Madame la sénatrice, il ne suffit pas d’invoquer la sécurité ou l’organisation. Il faut également invoquer la capacité de certains territoires à attirer des professionnels.
Ainsi, un chirurgien ne se demande pas s’il a envie de travailler à la campagne ou en ville ; il a besoin de réaliser annuellement un certain nombre d’actes pour maintenir et garantir sa maîtrise professionnelle.
Quelle réponse peut-on apporter à ces professionnels ? Nous proposons, comme nous l’avons déjà fait dans un certain nombre de territoires depuis un certain temps, de mettre en place des coopérations entre des établissements de référence et des structures de proximité, ce qui permet d’assurer un partage. Ainsi, les professionnels de santé peuvent à la fois réaliser le nombre d’actes nécessaires au maintien de leur qualification et servir y compris des publics éloignés des villes-centres. Ces coopérations ont un objectif qualitatif et de présence dans les territoires.
À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques chiffres.
Certains pourraient imaginer que le service hospitalier est aujourd'hui réduit aux acquêts, voire abandonné, ne disposant d’aucun moyen pour fonctionner.
En 2013, nous avons attribué 1, 6 milliard d’euros de plus aux hôpitaux publics. Même si cela s’est fait dans le cadre de la politique de maîtrise des dépenses, il s’agit très concrètement d’une augmentation des ressources des services publics hospitaliers.
Vous avez dit, madame la sénatrice, que vous attendiez toujours la réinscription de la notion de service public hospitalier dans la loi, tout en expliquant d’ailleurs, quelques instants plus tard, qu’il ne suffit pas d’une loi pour changer les choses. Prenons acte du fait qu’il ne suffit pas d’une loi pour changer les choses. Mais je vous indique qu’une loi a d’ores et déjà réinscrit cette notion : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 permet notamment de sanctuariser les ressources affectées aux missions d’intérêt général, ce qui n’était pas possible sans reconnaissance du service public hospitalier.
La suppression de la convergence tarifaire a bel et bien eu lieu, et nous avons la volonté de poursuivre le travail en ce sens, en reconnaissant le service public hospitalier au niveau territorial. Vous le savez, une mission a été confiée à Bernadette Devictor pour préciser les contours de ce que pourrait être ce service public territorial en matière hospitalière.
Comme je m’y étais engagée lors de la discussion parlementaire, des crédits supplémentaires ont été dégelés à la fin de l’année dernière : 90 millions d’euros ont été affectés à l’hôpital public, et ce sans compter les efforts spécifiques, à hauteur de 377 millions d’euros, engagés tout au long de l’année 2013 en faveur de la cinquantaine d’établissements qui avaient des besoins financiers particuliers. Eu égard aux efforts réalisés – ils s’inscrivaient dans une trajectoire de retour à l’équilibre –, il était nécessaire de les soutenir.
Qui plus est, la sécurisation des investissements a été mise en œuvre au travers de la signature – c’est la première fois dans notre histoire ! – d’une convention avec la Banque européenne d’investissement, qui s’engage à financer des établissements publics hospitaliers ou à participer à leur financement. C’est là un point extrêmement positif.
Dans le cadre de la procédure de soutien à l’investissement, quinze établissements ont d’ores et déjà fait l’objet d’une décision favorable à leur projet de réorganisation ou de reconstruction, pour des sommes qui engagent l’État à hauteur de 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas négligeable.
C’est la raison pour laquelle on ne peut pas dire, madame la rapporteur, que l’on assiste à la multiplication des cas de fermeture d’hôpitaux, de services hospitaliers ou de maternités de proximité, qui s’apparenterait, pour reprendre vos propres termes, à un véritable plan social. Au contraire, nous menons une politique de maillage du territoire, d’investissements financiers dans les services de proximité, afin de permettre à notre service public hospitalier de s’adapter.
Un moratoire aurait pour effet de contredire la nécessité de l’adaptation de notre service public hospitalier, à la mise en place de parcours coordonnés, adaptés, qui permettent un retour rapide au domicile. À cet égard, on ne peut souhaiter que le retour à domicile soit rapide et considérer dans le même temps que l’ensemble des réponses doivent être trouvées au sein de l’hôpital. Notre service public hospitalier doit également s’adapter aux attentes ou évolutions des besoins des professionnels de santé eux-mêmes, qui ne veulent plus travailler comme avant. À ce sujet, je prendrai pour seul exemple les sages-femmes, qui font l’actualité.
Pour toutes ces raisons, l’offre hospitalière ne peut rester figée : elle doit s’adapter en permanence.
Nous n’avons rien à craindre de cette exigence d’évolution, d’adaptation. La responsabilité politique est d’accompagner ces évolutions, voire de les anticiper, pour améliorer encore et toujours la qualité des soins.
Nous devons donc déterminer nos politiques en fonction des objectifs que nous voulons atteindre, et non par rapport au nombre d’établissements.
La qualité et la sécurité des soins, l’égalité entre les patients, entre les territoires, la réduction de la durée des séjours, le développement de la prise en charge à domicile, telles sont les priorités que j’ai fixées dans le cadre de la stratégie nationale de santé, et c’est en fonction de ces objectifs que doit se déterminer l’organisation hospitalière.
Cette stratégie porte une vision globale de long terme à l’échelle des territoires, et c’est en ce sens que nous allons poursuivre notre action.
Depuis plus de dix-huit mois, la priorité qui est la mienne est précisément de permettre à chaque Français d’avoir accès à des soins de proximité.
À cet égard, j’ai d’abord renforcé l’organisation territoriale de la prise en charge des urgences. L’engagement présidentiel a commencé d’être mis en place : 100 % de nos concitoyens devront avoir accès avant 2017 à des soins urgents en moins d’une demi-heure. Depuis un an, les résultats sont là : nous avons d’ores et déjà permis à 1 million de personnes supplémentaires d’accéder aux soins urgents en moins de trente minutes.
Ensuite, j’ai mis en place une politique en faveur des services hospitaliers d’urgence, en assurant le financement des besoins des services en tension et en mettant en place une réorganisation au travers d’un programme dit « gestion de lits d’aval », qui doit permettre une meilleure structuration des services d’urgence. Même si les transformations ne peuvent se faire en quelques semaines, ni même en quelques mois, des progrès ont d’ores et déjà été enregistrés.
Par ailleurs, pour garantir l’accès de tous nos concitoyens à nos hôpitaux, j’ai apporté mon soutien à de nombreux établissements isolés, dont la présence est essentielle pour maintenir une offre de proximité. J’ai déjà évoqué cette question à plusieurs reprises. Pour ne citer qu’une seule région – les citer toutes serait long et quelque peu fastidieux ! –, la région Aquitaine, je suis intervenue pour soutenir le centre hospitalier d’Orthez, la clinique mutualiste du Médoc, ainsi que le centre hospitalier Saint-Nicolas de Blaye, qui auraient progressivement disparu de l’offre de proximité.
En parallèle, je veux vous rappeler que, si vous aviez accepté de débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014