Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 22 janvier 2014 à 14h30
Moratoire sur les fermetures de service et d'établissements de santé — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, les membres du groupe CRC proposent de décréter un moratoire sur les fermetures d’établissements de santé, le temps de repenser notre modèle hospitalier.

On serait tenté de leur donner raison. Refonder l’hôpital est en effet une nécessité ; encore faut-il poser les bonnes questions et apporter les bonnes réponses !

Or cette proposition de loi évoque, pêle-mêle, l’impact négatif des restructurations sur l’accès aux soins, le sous-financement chronique des hôpitaux, la pression intenable de la T2A, l’arbitraire de la convergence tarifaire, le renoncement au service public et, bien sûr, mère de tous les maux, la loi HPST et sa logique libérale…

Vous vous doutez que je ne partage pas une telle vision, pour le moins idéologique, pas plus que la réponse qui est proposée, à mon sens un peu caricaturale.

D’ailleurs, madame la rapporteur, j’ai une autre lecture du rapport de l’IGAS sur les restructurations hospitalières, que vous avez cité. Certes, il pointe les limites de la trop grande taille de l’hôpital, tout en reconnaissant que l’effet positif d’une augmentation de la taille est particulièrement établi en matière de qualité des soins et d’économies d’échelle pour les plus petits établissements.

Il ne vous aura sans doute pas échappé non plus que, loin de préconiser l’arrêt des fermetures de services, ce même rapport propose de relancer la politique des seuils en chirurgie et en obstétrique, laquelle « à côté des enjeux de qualité, doit aussi mettre en exergue les enjeux d’optimisation des coûts ». Vous l’avez dit, on ne peut guère soupçonner l’IGAS d’extrémisme.

Je reconnais que la politique de restructuration, telle qu’elle a été conduite ces deux dernières décennies, ne s’est pas toujours faite dans la concertation et a manqué de lisibilité pour les usagers. Les élus ont d’ailleurs une part de responsabilité dans ce manque de lisibilité, en confondant enjeux de territoire et d’emploi et enjeux de santé.

Il n’est évidemment pas question de restructurer dans le but unique de fermer des lits à tout prix, mais il importe de prendre en compte l’évolution considérable de la manière de soigner depuis trente ans : la progression des techniques, la réduction des durées de séjour, les modalités de prise en charge, l’hospitalisation à domicile. Vous ne pouvez pas ignorer toute cette révolution bénéfique, avant tout, au patient.

Peut-on aussi vouloir, d’un côté, des équipements de pointe et des équipes médicales entraînées et, de l’autre, un maillage fin d’établissements sur le territoire, quitte à maintenir artificiellement des services ou hôpitaux de petite taille ayant une très faible activité, évoquée par les orateurs précédents ? Il faut sortir de cette contradiction ! Autant la proximité est un impératif s’agissant de l’accès à un médecin traitant et à une réponse sanitaire de première intention, y compris médico-sociale et quelquefois sociale, autant, pour l’accès à un plateau technique, la seule exigence qui vaille est celle de la qualité et de la sécurité.

Soyons pragmatiques, sortir du territoire de proximité pour une hospitalisation spécialisée ne menace en rien l’accès aux soins ! D’ailleurs, en dépit du coût, nos concitoyens – comment les en blâmer ? – souhaitent avant tout pouvoir bénéficier des soins des meilleurs spécialistes de leur pathologie et n’hésitent pas à parcourir des kilomètres pour se faire soigner dans les meilleures conditions.

Peut-on enfin ignorer l’évolution de l’exercice médical, davantage spécialisé, et les graves difficultés de recrutement que rencontrent les structures hospitalières de petite taille ? Aujourd’hui, les jeunes professionnels privilégient dans leur choix la possibilité d’exercer en équipes pluridisciplinaires au sein d’un même établissement.

La loi HPST avait bien des défauts, mais elle a facilité les coopérations intéressantes entre établissements, en rénovant les GCS, les groupements de coopération sanitaire, et en créant les communautés hospitalières de territoire. Ces CHT permettent à des établissements publics, principalement de taille moyenne, de développer une stratégie territoriale commune, largement évoquée précédemment, sur la base d’un projet médical partagé avec d’autres établissements, tout en conservant leur indépendance fonctionnelle. Ces communautés fonctionnent et ont parfois permis de maintenir de hautes compétences sur certains territoires.

En réalité, vous l’avez dit, madame la ministre, la véritable question qui nous est posée aujourd’hui est celle de la place et du rôle de l’hôpital dans notre système de soins. À l’image du monde dans lequel il évolue, l’hôpital public, souvent présenté comme le miroir d’une société, se trouve aujourd’hui écartelé entre des exigences contradictoires. D’un côté, les urgences hospitalières accueillent de plus en plus de personnes âgées ou démunies, nécessitant une prise en charge globale qui dépasse les soins purement médicaux. De l’autre, la médecine hospitalière, pour les soins dits programmés, devient de plus en plus technique, spécialisée et coûteuse.

Alors que faire ? Décréter un moratoire, comme vous le proposez, et réfléchir ? Je crois, mes chers collègues, que nous avons déjà suffisamment réfléchi. Le diagnostic a été posé par de trop nombreux rapports et les pistes ne manquent pas. Il faut maintenant agir !

Vous avez présenté, madame la ministre, la stratégie nationale de santé, par laquelle vous entendez réaffirmer la place du service public hospitalier et inscrire celui-ci dans le parcours de soins. Les lignes sont encore assez floues, et nous attendons avec impatience leur traduction concrète dans cette grande loi de santé publique que vous nous aviez promise pour l’an dernier.

J’aimerais rappeler que l’hôpital n’a pas vocation à être le lieu où convergeraient, par défaut, tous les problèmes qui ne peuvent trouver de réponse organisée en amont ou en aval. L’hôpital est là pour fournir, au bon moment, un apport puissant de compétences cliniques et techniques.

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