Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont notre collègue Laurence Cohen est rapporteur permet d’engager un débat – ce qui est déjà très bien – sur l’organisation de notre système de santé en posant le sujet des restructurations hospitalières, avec suppression de lits ou non.
Nous sommes nombreux – nous sommes même unanimes – à reconnaître que ce sujet est urgent, qu’il soulève de vraies questions. Cependant, pour beaucoup d’entre nous, la solution proposée semble inadaptée.
En ce qui me concerne, madame la rapporteur, j’adhère à votre rapport quand vous valorisez l’excellence de l’hôpital public – ce qui a d’ailleurs été souligné également par Mme la ministre –, quand vous demandez que soit approfondie la valeur « service public hospitalier » et que soit revue la gouvernance des hôpitaux, ainsi que la nécessité de redonner de la vitalité à la démocratie sanitaire.
La question des restructurations hospitalières est réelle, mais elle doit être intégrée dans une refondation en profondeur de notre système de santé, lequel doit notamment prendre en compte, de manière obligatoire, l’organisation des soins autour des patients, tout en garantissant l’égalité d’accès.
Le soin de premier recours ne peut être dissocié de ce débat.
Beaucoup d’entre nous se sont largement exprimés sur ce sujet et, madame la ministre, vous avez mis en valeur tout ce qui a déjà été fait dans le cadre de la stratégie de santé.
À l’instar de nombreux élus de nos territoires, Mme la rapporteur évoque la fonction d’aménagement du territoire des hôpitaux ainsi que leur rôle d’employeur. Si c’est une réalité et si le sujet de l’emploi hospitalier, en particulier, doit être au cœur de nos préoccupations, ce constat ne doit pas pour autant être un préalable à notre discussion.
L’exigence qualitative de l’offre de soins a été exprimée avec force par toutes les personnes auditionnées. Le représentant du conseil de l’Ordre, parmi d’autres, nous disait qu’il envoyait ses patients là où lui-même souhaiterait être hospitalisé. Le nouveau directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris – Jacky Le Menn l’a déjà cité –, au regard des progrès médicaux, témoigne que l’inertie joue contre l’hôpital et indique que le système de santé doit rester vivant, en particulier le système hospitalier.
La prise en charge des patients évolue beaucoup au regard des progrès de la médecine. Notre collègue Gérard Roche évoquait le changement de cap concernant la prise en charge de l’infarctus du myocarde. Les techniques chirurgicales, grâce notamment aux progrès de l’imagerie médicale, ont beaucoup évolué et ont permis des temps d’hospitalisation souvent beaucoup plus courts, ce qui entraîne de fait la valorisation de la chirurgie ambulatoire, la réorganisation des lits chirurgicaux et, constatons-le, la réduction de leur nombre.
Pour autant, une courte hospitalisation ne veut pas dire que le patient retrouve son autonomie dès son retour à domicile. Des propositions de suivi, en concertation avec les professionnels de santé de premier recours, peuvent être mises en place par des consultations organisées dans les hôpitaux de proximité par exemple.
Nous devons faire preuve d’imagination, d’une grande vigilance concernant ces hôpitaux de proximité, qui peuvent être des lieux d’accueil, de consultation, en amont ou en aval d’actes plus lourds effectués dans des établissements plus spécialisés.
Mes collègues ont également évoqué tout ce qui peut être pratiqué dans ces hôpitaux de proximité. Leurs équipes soignantes doivent pouvoir travailler en étroite collaboration avec les hôpitaux plus importants afin que les progrès médicaux perdurent et que les pratiques médicales puissent s’améliorer continuellement.
Il s’agit en fait de développer des coopérations intelligentes. Madame la ministre, vous y avez consacré une large part de votre intervention.
Par ailleurs, – et cela n’a pas été évoqué – je voudrais souligner, au sujet de la question de l’éloignement entre le lieu de résidence du patient et l’établissement hospitalier de prise en charge, que nous disposons en France d’une médecine préhospitalière de très grande qualité, qu’il convient de conforter en étroite collaboration avec les sapeurs-pompiers, qui sont souvent à nos côtés dans ces occasions.
Madame la rapporteur, l’article 1er de votre proposition de loi traite de la question des regroupements hospitaliers, les communautés hospitalières de territoire, créées par la loi HPST, mais vous avez peu évoqué ce sujet dans votre rapport.
Les communautés hospitalières de territoire doivent pouvoir offrir, sur leur aire géographique d’implantation, une prise en charge globale des patients, mais aussi permettre d’aborder l’excellence. Cela suppose des négociations très approfondies entre les différents acteurs concernés. Le sujet n’est pas aisé : ainsi, un hôpital peut perdre le leadership sur la prise en charge d’une pathologie, celle-ci étant confiée à un hôpital plus performant.
Ces démarches sont nécessaires, elles sont longues, difficiles, mais urgentes à conduire – pour présider une conférence de territoire, je peux vous dire que le sujet est ardu. Elles doivent être abordées en tant que coopération, avec exigence de formation, de permanence des soins et également de recherche.
Dès lors, le moratoire, tel que vous le proposez, madame la rapporteur, n’est pas adapté. En effet, il est important d’avancer. Pour autant, la démocratie sanitaire doit s’exercer. Si le colloque singulier reste la relation essentielle entre le patient et son médecin, prenons en compte l’évolution de notre système de santé vers une médecine populationnelle avec l’intervention de différents acteurs, ce qui nécessite des regroupements pluriprofessionnels ainsi que la prise en compte des questions sociales.
Notre collègue Jacky Le Menn a indiqué que le groupe socialiste ne votera pas cette proposition de loi compte tenu du caractère inadapté de la solution proposée. Pour autant, je vous remercie, madame la rapporteur, d’avoir permis le débat.