Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, avant d’en venir à l’article 1er de cette proposition de loi, évoquer certains événements qui se sont déroulés le weekend dernier.
Comme beaucoup de parlementaires et, j’ai envie de dire, comme bon nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes, j’ai été particulièrement choquée par la manifestation organisée dimanche dernier par des militants des mouvements pro-vie, c’est-à-dire, très concrètement, des femmes et des hommes qui veulent refuser aux femmes le droit fondamental de pouvoir décider d’être enceintes ou non, en d’autres termes, le droit de disposer de leur corps, ni plus ni moins !
Cette manifestation fait naturellement écho au débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, mais aussi à ce qui se passe aujourd’hui en Espagne.
En effet, le gouvernement espagnol entend limiter la faculté de recourir aux interruptions volontaires de grossesse aux seuls cas où la femme enceinte fait la démonstration que la grossesse peut mettre en danger sa santé ou sa vie. La loi prévoit également que les jeunes filles mineures ne pourront avorter qu’avec le consentement de leurs parents.
Ces deux mesures, symboliques tout autant que scandaleuses, attestent la conception rétrograde que certains ont des femmes et de leur corps.
En privant les femmes du droit de décider en conscience et en faisant dépendre l’interruption volontaire de grossesse des mineurs du choix de leurs parents, le gouvernement espagnol retire aux femmes la capacité à décider, comme si, après tout, elles n’étaient plus maîtres de leur corps.
Si, en France, nous en sommes loin, les manifestations publiques récentes et les actions « coup de poing », scandaleuses et illégales, menées par des collectifs fanatisés nous rappellent combien il faut être vigilant. Vous avez raison, madame la ministre, de rappeler que la France doit défendre « haut et fort, le droit des femmes à décider ».
Au-delà des déclarations, c’est par les actes que cela doit passer, et il y a urgence à développer les mesures concrètes nécessaires pour rendre effectif le droit des femmes, de toutes les femmes, à accéder à l’IVG. Incontestablement, la mesure adoptée à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 est positive, bien qu’elle ne règle pas toutes les difficultés. En effet, des goulets d’étranglement persistent dans certaines zones de fortes demandes à certaines périodes de l’année, notamment lors des congés, qui rendent plus difficile et parfois même impossible l’accès des femmes aux IVG.
Avec mes collègues Laurence Cohen et Brigitte Gonthier-Maurin, j’y vois plusieurs explications.
Tout d’abord, l’acte médical d’interruption volontaire de grossesse reste peu gratifiant pour les équipes médicales. C’est également un acte peu rémunérateur puisque, en dépit de plusieurs revalorisations successives, la tarification de l’IVG instrumentale ne prend en charge qu’une partie du coût réel des interruptions volontaires de grossesse, ce qui décourage, nous le savons, les établissements.
Cela est d’autant plus vrai que, malheureusement, de nombreux centres IVG ont fermé. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a remis, en novembre 2013, un rapport dans lequel il relève que « l’accès à une IVG est parfois problématique ». Est en cause notamment la diminution de l’offre, avec la fermeture, sur les dix dernières années, de plus de 130 établissements de santé pratiquant l’avortement, ainsi que le manque de moyens et de personnels. Le Haut Conseil note aussi l’existence « d’importantes disparités d’accès entre les territoires ».
De fait, pour l’accès à l’IVG, dans notre pays, le désert médical s’étend !
Ce rapport, madame la ministre, contient des pistes intéressantes et souligne l’impérieuse nécessité de « développer une offre de soins permettant aux femmes un accès égal, rapide et de proximité à l’IVG », ce qui, vous en conviendrez, n’est pas tout à fait étranger au contenu de cette proposition de loi. Car seul le service public peut être garant de l’accès de toutes à l’IVG, sans distinction quant au lieu d’habitation ou au statut social.
C’est pourquoi, au nom du droit des femmes à pouvoir conserver la faculté de bénéficier, sur tout le territoire national, d’un droit effectif à l’avortement, je voterai, avec l’ensemble de mes collègues, cet article 1er.